Robert Massard #100

On fête aujourd’hui le centième anniversaire de Robert Massard, né à Pau le 15 août 1925.

Deux souvenirs m’attachent à ce grand monsieur du chant. 

Le premier ce devait être une Tribune des critiques de disques sur France Musique autour de Carmen de Bizet. Le rôle d’Escamillo n’est pas le plus facile à chanter, et beaucoup de ceux qui l’ont enregistré sont à la peine soit à cause de la tessiture – profondeur des basses et éclat dans l’aigu – soit à cause d’une prononciation souvent exotique (les fameuses diphtongues si difficiles de la langue française). Et soudain Robert Massard m’apparut comme un Escamillo idéal dans la célèbre version de Callas (où je découvris par la même occasion la Micaela elle aussi idéale d’Andrea Guiot)

En matière d’exotisme, la version du Faust de Gounod, dirigée par Richard Bonynge, qui aligne Corelli, Ghiaurov, Sutherland (on reste en famille!), sort du lot grâce à Robert Massard, absolument éblouissant dans l’air de Valentin. Il n’est que d’écouter un peu plus loin l’intervention de Nicolai Ghiaurov…

Tout aussi admirable, Robert Massard l’est dans la version de référence de Benvenuto Cellini de Berlioz dirigée en 1972 par Colin Davs

On aura compris qu’il faut rechercher et chérir tout ce que Robert Massard a pu enregistrer notamment dans l’opéra et l’opérette français.

Entretiens 

Dans cet entretien de 2021, Robert Massard évoque ses débuts à Aix et sa relation avec Carlo-Maria Giulini

Version 1.0.0

Mais c’est évidemment à mon cher Benoît Duteurtre qui aurait adoré célébrer ce centenaire, que je pense en évoquant Robert Massard, et aux émissions qu’il a consacrées au grand baryton.

Il faut réécouter ces « grands entretiens » entre Robert Massard et Benoît Duteurtre, réalisés il y a moins de deux ans..: Robert Massard sur France Musique.

Mes humeurs du jour toujours à suivre dans mes brèves de blog

Les raretés de l’été (V) : Béatrice Uria-Monzon et Montpellier

Un triste hasard a voulu qu’on apprenne le décès, à 61 ans, de la cantatrice Béatrice Uria-Monzon le jour de la clôture de la 40e édition du Festival Radio France Occitanie Montpellier. Et que le titre de cette rubrique porte particulièrement bien son nom, puisqu’il rend un double hommage à l’artiste disparue et à un festival qui l’accueillit jadis pour ce qui a longtemps fait son originalité absolue – la recréation d’un opéra oublié.

C’est en effet en 2006 que le Festival, alors animé par son fondateur René Koering (à qui j’eus l’honneur et le bonheur de succéder de 2014 à 2022), recréa, avec une distribution de grand luxe, l’opéra mal-aimé de LaloFiesque – qui fut en effet un fiasco. Béatrice Uria-Monzon y chantait aux côtés de Roberto Alagna.

Ils se retrouveront deux ans plus tard à Orange pour une Carmen restée dans toutes les mémoires, que France 4 rediffuse ce mardi 22 juillet.

Si, heureusement, l’inoubliable Carmen qu’a été Béatrice Uria-Monzon sur toutes les scènes du monde a été largement documentée, on ne peut que regretter la rareté de la présence discographique de la chanteuse. Heureusement que des chefs comme les fidèles Jean-Claude Casadesus et Michel Plasson l’ont invitée pour les raretés que sont les cantates de Berlioz ou Ravel, ou l’oratorio Rédemption de César Franck.

Les plus chanceux peuvent essayer de trouver la seule Carmen au disque de Béatrice Uria Monzon, dirigée par Alain Lombard.

Rendez-vous, en tout cas, ce mardi 22 juillet pour une soirée bienvenue d’hommage à une belle personnalité sur France 4

Montpellier

« Depuis 2023, le Festival de Radio France Occitanie Montpellier présente un visage différent. La programmation demeure de grande qualité, les concerts du soir au Corum en constituent toujours la colonne vertébrale, mais le choix des œuvres paraît moins aventureux. Le souvenir de soirées montpelliéraines durant lesquelles nous découvrîmes de véritables raretés, qui justifiaient le déplacement, même de loin, et contribuaient à sa réputation, reste bien présent, non sans nostalgie » (Sébastien Foucart, ConcertoNet, 17 juillet 2025).

Je ne me livrerai pas – je m’y suis toujours refusé dans toutes les fonctions que j’ai occupées – à des comparaisons oiseuses, à des regrets aigris (« c’était mieux avant »!). Le Festival Radio France n’est plus en 2025 ce qu’il était à sa création en 1985. Il a failli, plus d’une fois, perdre l’un de ses piliers fondateurs, Radio France. Aujourd’hui le service public est plus présent que jamais, avec les moyens dont il dispose et qui sont chaque année plus « contraints » – pour reprendre le terme consacré par l’administration de l’Etat. De cela on doit se réjouir.

Mais pour reprendre la dernière décennie, il est vrai, comme le note Sébastien Foucart, qu’on est venu au festival, parfois de très loin, pour des résurrections d’ouvrages rares (17 opéras de 2015 à 2022) parmi lesquels Fantasio d’Offenbach (2015) avec Marianne Crébassa, Iris de Mascagni (2016) et Siberia de Giordano (2017) avec Sonya Yoncheva, Kassya de Delibes (2018) avec Véronique Gens, l’immense Fervaal de d’Indy (2019) avec Michael Spyres et en 2022 la version originale d’Hamlet pour ténor avec John Osborn et l’inoubliable Ophélie de la si regrettée Jodie Devos.

Le projet d’édition discographique de Fervaal n’ayant pas abouti, on peut heureusement retrouver l’écho de sa diffusion sur France Musique sur YouTube

Heureusement en effet, France Musique conserve une mine de trésors captés au Festival depuis 1985 (il y a eu beaucoup de rediffusions cet été). Pourquoi pas une chaîne thématique numérique de plus avec ces formidables archives ? Suggestion à Laurent Frisch et Marc Voinchet !

C’était le premier concert de « ma » programmation, le 10 juillet 2015

Avec un chef que je suis très heureux d’avoir invité plusieurs fois à Montpellier, Domingo Hindoyan, qui fait aujourd’hui l’une des plus intéressantes carrières qui soient, à Liverpool d’abord, et bientôt à l’opéra de Los Angeles. Je découvre dans le tout dernier numéro de BBC Music Magazine, un article dont le ton et le titre sont sans équivoque : Tchaikovsky 6 with passion and power

Et toujours mes humeurs et réactions à l’actualité sur mes brèves de blog

Les raretés de l’été (II) : Jeux d’enfants

J’ai rapidement évoqué, le 3 juin dernier (le jour du 150e anniversaire de la mort de Bizet), ce cycle d’abord composé pour le piano à 4 mains, puis orchestré partiellement, les Jeux d’enfants.

Rien n’est plus difficile, rien n’est plus révélateur du talent de son auteur, que ces pièces brèves, où tout doit être dit, décrit, évoqué, en moins de temps qu’une chanson. Ils sont assez peu nombreux les compositeurs qui s’y sont essayé et qui y ont réussi. On ne peut sans doute pas comparer les Scènes d’enfants de Schumann (1838) et ces Jeux d’enfants de 1871, sauf à louer leur réussite.

Pourquoi.ne joue-t-on jamais en concert les pièces de Bizet ? réponse immédiate, parce qu’il faut un duo de pianistes ! mais pourquoi les duos constitués ne jouent-ils jamais ce cycle remarquable ? Parce que pas assez « sérieux » ? Je n’ai jamais posé la question aux duos de pianistes que j’ai connus, invités, ou fait jouer. Toujours est-il que je n’ai jamais entendu le cycle en concert. Et quasiment jamais le cycle pour orchestre !

Les versions originales pour le piano sont relativement peu nombreuses.

Je conserve précieusement les disques du duo Crommelynck

Les versions pour orchestre le sont un peu plus, même si elles restent relativement rares

Sans doute était-ce monnaie courante dans la programmation des orchestres français dans les années 50/60. On cherche en vain des versions récentes, comme si cet art très français de la légèreté, de la subtilité poétique, s’était évaporé.

Mais aux versions orchestrales déjà citées dans mon article Bizet, le jeune homme et l’orchestre, je dois bien ajouter la plus exotique de celles que j’ai dans ma discothèque : Kurt Masur avec l’orchestre de la radio de Berlin Est !

Et toujours mes Brèves de blog

Deux fois Lalo

Lalo Schifrin (1932-2025)

Comme tout le monde, j’ai découvert Lalo Schifrin grâce au générique d’un feuilleton dont je n’aurais pas voulu rater un épisode :

Comme tous les grands compositeurs de musiques de film ou de séries, Lalo Schifrin, a eu une formation tout ce qu’il y a de plus classique (rappelons ici qu’à ses débuts Maurice Jarre était un compositeur plus radical encore que son contemporain Pierre Boulez !). C’est assez sympathique de découvrir qu’en 1952, Lalo Schifrin, au consulat de France à Buenos Aires, passe le concours d’entrée au Conservatoire de Paris. Il étudiera auprès d’Olivier Messiaen (qu’il écoutera régulièrement à la tribune de l’orgue de la Trinité) et fréquentera les clubs de jazz.

Il faut écouter les hommages que France Musique a rendus au compositeur, avec Max Dozolme par exemple

Lalo par Beecham

J’ai, à plusieurs reprises, raconté ma découverte de l’unique symphonie en sol mineur d’Edouard Lalo (Lalo ou l’éternel second) grâce à un disque de Thomas Beecham et de l’Orchestre national à l’époque de la RTF ! C’est d’ailleurs avec le même disque que j’avais découvert la symphonie de Bizet (lire Le jeune homme et l’orchestre).

Warner vient de rééditer l’ensemble des enregistrements stéréo du chef britannique après un « remastering » très réussi, réalisé par Art et Son à Annecy (*)

Ne me demandez pas pourquoi mon admiration pour Thomas Beecham (1879-1961) n’a jamais baissé, et qu’au contraire, plus je l’écoute, plus j’aime son art si singulier fait d’une élégance rare, d’une justesse stylistique absolue en particulier dans la musique française dont il est l »un des serviteurs les plus exceptionnels. C’est tout de même celui qui nous a laissé la version de référence de Carmen de Bizet (malgré toutes les difficultés qu’a connues cet enregistrement : lire L’impossible Carmen). Tout est à entendre, à aimer dans ce coffret, à part peut-être des Haendel un peu surannés, mais les rares Beethoven et Mozart, les « Londoniennes » de Haydn, les trois symphonies de Schubert d’une grâce inouïe (exception faite du scherzo inexplicablement lent de la 3e symphonie) sans parler des Delius juste parfaits..

Ce qui frappe aussi chez Beecham – c’est bien la caractéristique des plus grands ! – c’est la capacité de saisir l’architecture d’une oeuvre, les rapports de tempo entre les mouvements, la manière unique qu’il a de faire vivre la musique de l’intérieur. Un très bel exemple nous en est fourni par la 5e symphonie de Schubert : Beecham prend son temps dans l’énoncé du 1er mouvement, y crée une atmosphère pastorale, qui n’est pas pour autant placide et molle.

Que dire de l’excitation, de l’exaltation qui nous saisit à l’écoute de la 7e symphonie de Beethoven, le vivace du 1er mouvement est pure folie ! Et quel sens des transitions !

On voudrait aussi citer un Peer Gynt de Grieg d’anthologie :

Contenu du coffret Warner (enregistrements stéréo de 1955 à 1959)

Sibelius: The Oceanides, Op. 73

Sibelius: Symphony No. 7 in C major, Op. 105

Sibelius: Pelléas and Mélisande

Schubert: Symphony No. 6 in C major, D589

Grieg: In Autumn, Op. 11

Grieg: Old Norwegian Romance with Variations, Op. 51

Balakirev: Symphony No. 1 in C major

Borodin: Prince Igor: Polovtsian Dances

Handel: Samson

Brahms: Schicksalslied, Op. 54

Brahms: Academic Festival Overture, Op. 80

Liszt: Psalm XIII 3 “Herr, wie lange willst du » lange willst du”

Mozart: Symphony No. 41 in C major, K551 ‘Jupiter’

Mozart: Divertimento No. 2

Mozart: Die Entführung aus dem Serail

Beethoven: Symphony No. 2

Beethoven: Incidental music to The Ruins of Athens

Bizet: L’Arlésienne Suites 1 & 2

Sibelius: Tapiola

Fauré: Pavane

Delius: Summer Evening

Delius: Irmelin Prelude

Dvořák: Legend in B flat major, B. 117

Grieg: Symphonic Dance, Op. 64 No. 2

Delius: Brigg Fair

Delius: A Song Before Sunrise

Delius: Marche Caprice

Delius: Pieces (2) for Small Orchestra

Delius: Sleigh Ride

Delius: Intermezzo

Delius: Florida Suite

Delius: Dance Rhapsody No. 2

Delius: Over the hills and far away

Delius: Songs of Sunset (John Cameron, Maureen Forrester)

Grieg: Peer Gynt

Haydn: The Seasons

Handel: Love in Bath (suite on Handel arias by Sir Thomas Beecham)

Rimsky Korsakov: Scheherazade

Lollipops

Fauré: Dolly Suite

Bizet: Carmen Suite No. 1

Franck: Symphony in D minor

Liszt: A Faust Symphony

Liszt: Orpheus, symphonic poem No. 4

Strauss, R: Ein Heldenleben

Beethoven: Mass in C major

Handel: The Gods go A’Begging (Ballet Suite)

Handel: Amaryllis Suite arr. By Beecham

Handel: Arrival of the Queen of Sheba (from Solomon)

Mozart: Die Entführung aus dem Serail, ouv.

Rossini: Semiramide our.

Haydn: Symphony No. 99

Haydn: Symphony No. 100

Haydn: Symphony No. 103

Haydn: Symphony No. 101

Haydn: Symphony No. 102

Haydn: Symphony No. 104

Schubert: Symphony No. 3

Schubert: Symphony No. 5

Mozart: Bassoon Concerto (Gwydion Brooke)

Mozart: Clarinet Concerto (Jack Brymer)

Bizet: Carmen

Beethoven: Symphony No. 7

Brahms: Symphony No. 2

Rossini: La gazza ladra Overture

Rossini: La cambiale di matrimonio Overture

Mendelssohn: A Midsummer Night’s Dream Overture, Op. 21

Mendelssohn: The Fair Melusine

Delibes: Le roi s’amuse

Berlioz : Symphonie fantastique

Bizet : Symphonie

Lalo : Symphonie

*Apparemment, la remasterisation n’a pas permis d’effacer un téléphone intempestif qu’on entend très nettement (au casque) sonner dans le 2e mouvement « Un bal » de la Symphonie fantastique de Berlioz (à 0’56 du début du mouvement) !)

Et toujours les bonnes ou moins bonnes nouvelles des jours sur mes brèves de blog

Bizet #150 (II) : le jeune homme et l’orchestre

Georges Bizet est mort à 37 ans, il y a exactement 150 ans, le 3 juin 1875, d’une crise cardiaque, deux mois après la création de son ouvrage le plus célèbre, Carmen.

La symphonie du jeune homme

C’est en 1933 seulement qu’on découvre la partition d’un jeune homme de 17 ans, la Symphonie en do Majeur , composée en 1855 par Bizet. Après sa création à Bâle en 1935 par Felix Weingartner, le succès de cette symphonie parfaite – un modèle d’inspiration mélodique et d’invention rythmique – ne s’est jamais démentie. J’ai fait le compte : 20 versions au moins dans ma discothèque, à commencer par celle de Thomas Beecham avec laquelle j’ai découvert l’oeuvre, si. riche des couleurs si françaises de l’Orchestre national de la fin des années 50.

Parmi les versions moins attendues de ma liste, la fièvre d’un jeune homme de 95 ans, et je crois le dernier enregistrement de Leopold Stokowski

Encore plus exotique, la version du grand chef tchèque Zdeněk Košler :

Quel bonheur que ces sonorités si typiques de la Philharmonie tchèque, ces bois fruités de Bohême.

On pourrait presque s’en tenir aux seules versions enregistrées avec l’Orchestre national de France. J’aime beaucoup l’équilibre et la poésie de Seiji Ozawa

Rareté aussi que cette splendide version de Bernard Haitink, enregistrée pour Philips en 1977

Souvenirs de Rome

Bizet ayant remporté le Prix de Rome en 1857, il passe les deux années suivantes à étudier gratuitement à l’Académie de France à Rome, il y reste jusqu’en juillet 1860. Il en résultera une oeuvre qui est loin d’avoir connu une notoriété équivalente à la symphonie en ut, la Symphonie Roma, ou simplement Roma une fantaisie en quatre mouvements créée dans sa version définitive en 1875 après la mort du compositeur.

Sur le disque déjà cité de Zdeněk Košler https://www.youtube.com/watch?v=xCRGpE2XdyI, on trouve une version vraiment peu connue de Roma, sous la direction d’un chef kazakh, aujourd’hui oublié, Fuat Mansurov

Belle version aussi que celle de Paavo Järvi avec l’Orchestre de Paris

La patrie de Bizet

C’est l’oeuvre qui est jouée aux obsèques de Bizet, un an après sa création par l’orchestre Pasdeloup auquel elle était destinée : Patrie, une ouverture dramatique dédiée à Massenet;

Plus rare au disque, elle était très prisée de chefs comme Charles Munch et Paul Paray

Droit de suites

Mais si Bizet est toujours aussi souvent joué dans les concerts symphoniques, c’est bien grâce aux suites d’orchestre qui ont été tirées de son opéra Carmen d’une part, de sa musique de scène pour l’Arlésienne d’autre part.

Difficile de faire une sélection dans d’innombrables versions. Mais on peut en rester à des valeurs sûres, Abbado, Beecham, Markevitch, Martinon, Paray, liste non limitative.

Igor Markevitch avec les sonorités savoureuses des Concerts Lamoureux représente la référence pour les suites de Carmen et de l’Arlésienne

Jeux d’enfants et La jolie fille de Perth

Il faut encore mentionner ces Jeux d’enfants, d’abord conçus comme une suite de douze pièces pour piano à 4 mains, dont Bizet tirera pour l’orchestre une « petite suite » de cinq mouvements.

De son opéra La jolie fille de Perth, Bizet extrait une jolie suite d’orchestre qu’il sous-titre « Scènes bohémiennes ». La version de référence est celle de Jean Martinon avec l’orchestre national.

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Bizet #150 (I) : les perles méconnues

On commémore ce 3 juin le sesquicentenaire* de la mort de Georges Bizet, à 37 ans. d’une crise cardiaque survenue dans sa maison de Bougival, deux mois pile après la création de Carmen à l’Opéra-Comique. J’ai déjà fait état de mes préférences et références pour cet opéra : Carmen est de la revue.

Je n’ai fait le rapprochement qu’il y a quelques semaines en réécoutant un disque acheté il y a longtemps à Barcelone. Ecoutez « El arreglito » du compositeur espagnol Sebastian Iradier, une habanera qui ressemble beaucoup à une autre – d’ailleurs Bizet ne s’est jamais caché de s’en être inspiré !

Mais comme pour d’autres compositeurs – Ravel et son Boléro par exemple – la célébrité universelle de Carmen a éclipsé tout le reste de l’oeuvre de Bizet. Rien que pour les ouvrages lyriques, tant sur scène qu’au disque, c’est la rareté.

Pour un Docteur Miracle récemment ressuscité au Châtelet (lire ma critique sur Bachtrack : Purges et élixirs du docteur Bizet au Châtelet), où sont les mises en scène de Don Procopio, Ivan IV, La jolie fille de Perth, ou même Les pêcheurs de perles qui sont relativement mieux servis ?

Discographie tout aussi étique, avec pour Les pêcheurs deux versions qui sortent du lot :

La romance de Nadir est le « tube » de l’ouvrage. Et il ne réussit pas à tous les ténors (on ne citera pas ici ceux qui sont hors sujet ou plutôt hors voix)

Je n’aime pas toujours Cyrille Dubois (il m’a bloqué sur les réseaux sociaux parce que j’ai exercé mon droit élémentaire de critique dans une production de la Flûte enchantée sur Bachtrack) mais dans cet air en particulier il est proche de l’idéal.

Alain Vanzo (1928-2002) était, lui aussi, idéal dans ce répertoire.

Mais pour moi la meilleure version de cette romance de Nadir reste celle de… Tino Rossi, jadis découverte sur un 45 tours, la voix des étoiles…

Dans le même registre orientalisant qui a séduit tant de compositeurs au XIXe comme au début du XXe siècle, Djamileh présente des séductions qu’on aimerait un jour voir sur une scène, pourquoi pas sur celle de l’Opéra-Comique, où l’ouvrage fut créé le 22 mai 1872.

L’Arlésienne introuvable

Pas la peine d’insister sur la purge qu’a constituée L’Arlésienne qu’on a vue au Châtelet. Pour qui souhaite l’intégralité de la musique de scène composée par Bizet, deux versions d’égal intérêt :

On connaît évidemment mieux et on écoute beaucoup plus souvent les suites d’orchestre qu’en ont tirées le compositeur et Ernest Guiraud (à lire dans le prochain billet)

Enfin on remercie le Palazzetto Bru Zane pour ce quadruple CD – et toujours un livret remarquablement documenté – qui restitue de vraies raretés, qui ne sont pas toutes de première importance, mais qui sont servies par les meilleurs interprètes du moment

Bizet au piano

L’oeuvre pianistique de Bizet a longtemps été et reste largement confidentielle. Je n’ai eu longtemps dans ma discothèque que l’album réalisé par le pianiste français d’origine arménienne Setrak (1930-2006).

Il y a eu, depuis, un formidable disque de Nathanaël Gouin qui « revisite » avec un talent fou le Bizet qu’il aime.

*sesquicentenaire = 150e anniversaire

Toutes les versions signalées proviennent de ma discothèque personnelle.

Et toujours mes carnets du quotidien : brèves de blog

Carmen est de la revue

Dira-t-on en cette année qui célèbre le sesquicentenaire de la création de Carmen, et subséquemment du décès brutal de son auteur, Georges Bizet, que trop de Carmen tue Carmen ?

C’est bien possible, sinon probable. Je connais des amis qui ne supportent plus ni d’écouter, ni de voir Carmen. Je n’en suis pas, même si je ne cours pas après toutes les Carmen qui se présentent. Après le dossier très complet que consacre Diapason, dans son numéro d’avril, à « l’opéra le plus aimé au monde », je me suis amusé à réexaminer ma discothèque personnelle.

Comme Diapason, je mets depuis longtemps tout en haut de la pile la version Beecham, dont j’avais raconté les aventures et mésaventures (L’impossible Carmen)

Pas loin je place Rafael Frühbeck de Burgos avec un couple Carmen/Don José étonnant

C’est la même Grace Bumbry et les mêmes comparses qui seront du film réalisé à Salzbourg sous la direction de Karajan.

On mettra loin derrière le remake plantureux de Karajan pour DGG avec Agnes Baltsa, tout comme la version de 1964 avec Leontyne Price.

La Carmen de Maria Callas, n’est peut-être pas idiomatique, mais elle est d’abord très bien entourée et dirigée, et elle m’évoque un souvenir très particulier. Au cours de l’été 1973, j’étais au fin fond de la Roumanie dans un camping, avec pour seule liaison avec le « pays », un poste à transistor et en longues ondes France Inter. Un dimanche soir, la radio diffusait Carmen chantée par Callas. Surréaliste mais vrai !

Puis au hasard d’une Tribune des critiques de disques de France Musique, j’ai découvert la version de Georg Solti, à laquelle je n’ai cessé au fil des ans de trouver de plus en plus d’atouts, à commencer par l’incarnation si juste et touchante du rôle-titre par Tatiana Troyanos

Lorin Maazel, qui n’a pas toujours eu la main heureuse dans ses enregistrements d’opéra, réussit parfaitement la bande-son du film de Francesco Rosi. Julia Migenes n’est peut-être pas la plus grande chanteuse, avec ses partenaires elle incarne une Carmen plus que cr’édible

Lorin Maazel, quelques années plus tôt, a gravé une autre Carmen avec une interprète capiteuse à souhait, à laquelle il est difficile de résister, Anna Moffo

On s’étonnera peut-être que je ne place qu’ici, en tout cas pas dans les priorités, la version toujours présentée comme une référence de Claudio Abbado avec Teresa Berganza et Placido Domingo. Je n’ai jamais partagé l’engouement général pour cette version, que je trouve certes bien réalisée, mais trop statique, pas assez vivante. Et des soucis de prononciation rédhibitoires.

Très exotique aussi, mais pour d’autres raisons, la version de Thomas Schippers, grand chef de théâtre s’il en fut, avec une Carmen impossible en la personne de Regina Resnik, caricature de cantatrice et de Carmen en même temps. Rien ne va dans cet album, à part la direction racée de Schoippers et la rigueur de l’Escamillo de Tom Krause.

Je ne suis pas non plus très fan de la version de Michel Plasson, avec une Carmen vraiment peu crédible malgré (ou à cause de) la présence d’une Angela Gheorghiu que je n’arrive pas à me représenter en Carmen. Si Roberto Alagna fait un Don José émouvant, Thomas Hampson (Escamillo) et Inva Mula (Micaela) ne m’ont jamais convaincu.

En bonne dernière, malgré l’admiration qu’on nourrit pour le chef – Leonard Bernstein – et l’interprète principale – Marylin Horne – il faut bien reconnaître le ratage de cette Carmen.

En DVD il y a plusieurs versions qui ne manquent pas d’intérêt. J’en ai 4 dans ma bibliothèque (Karajan/Price), Philippe Jordan avec la blonde Anne-Sofie von Otter à Glyndebourne, Anna-Caterina Antonacci avec John Eliot Gardiner, et la plus surprenante Carlos Kleiber à Munich avec un « cast » étonnant autour de l’éternel Placido Domingo, Elena Obraztsova (!) en Carmen, Isobel Buchanan en Micaela

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En scènes : Alagna, Sawallisch et le Domino noir

Roberto le sexygénaire

Comme souvent, les publications ont un métro/train/avion de retard. Roberto Alagna, notre ténor/trésor national a fêté ses 60 ans le 7 juin… 2023, mais ce n’est que maintenant que sortent disques et coffrets qui célèbrent son passage dans la catégorie des sexygénaires !

J’invite à relire ce précédent article : Un miracle qui dure et le long portrait que Sylvain Fort avait consacré à Roberto Alagna dans Forumopera, comme le texte qu’il avait signé pour ce premier coffret paru en 2018

Aujourd’hui Warner réédite l’intégrale des opéras auxquels Alagna a prêté sa voix et son talent, souvent en compagnie de son ex-épouse Angela Gheorghiu.

Que du connu et du reconnu ! Mais quel bonheur de retrouver intact ce timbre de lumière, cette fougue juvénile, et cette diction si parfaite !

Aparté publie, de son côté, un disque au titre explicite : Roberto Alagna y révèle le secret de son éternelle jeunesse.

Sawallisch suite et fin

En mai dernier, comme pour les 60 ans d’Alagna, je regrettais le retard mis à célébrer le centenaire de l’un des grands chefs du XXe siècle, Wolfgang Sawallisch (1923-2013). Lire : Les retards d’un centenaire.

Heureusement, Decca et Warner se sont bien rattrapés et on n’attendait plus que le complément annoncé : l’intégrale – ou presque – des opéras enregistrés par Sawallisch, pour l’essentiel à Munich dont il fut le Generalmusikdirektor incontesté de 1971 à 1992. Mais Warner précise – et c’est bien de le faire – que, même parus jadis sous étiquette EMI, Arabella et Friedenstag, ne sont pas inclus dans ce coffret pour des questions de droits.

Wagner et Richard Strauss s’y taillent la part du lion, mais ce coffret contient de vraies raretés comme Weber, Schubert ou les deux brefs opéras de Carl Orff.

Mozart: La flûte enchantée
Weber: Abu Hassan
Schubert: Die Zwillingsbrüder
Wagner: Der Ring des Nibelungen, Les Maîtres-Chanteurs de Nuremberg
Richard Strauss: Capriccio, Intermezzo, Die Frau ohne Schatten, Elektra
Carl Orff: Die Kluge, Der Mond

Mais je conserve une affection toute particulière pour ma toute première version de La flûte enchantée, le premier coffret d’opéra que j’ai acheté à sa sortie en 1973, avec celle qui est à jamais la plus extraordinaire Reine de la nuit, l’immense Edda Moser.

Je recommande très vivement ce coffret :

Auber à l’Opéra-Comique

On avait adoré Le Domino noir donné au printemps 2018 à l’Opéra-Comique (voir L’esprit Auber). Ce fut pour moi la dernière occasion d’applaudir Patrick Davin, si brutalement arraché à notre affection il y a un peu plus de quatre ans déjà. Pour le compte de Bachtrack, j’ai eu la chance d’assister à la première de la reprise de cette formidable production, dirigée cette fois par le maître des lieux, Louis Langrée. Mon compte-rendu vient de paraître : La reprise triomphale du Domino noir à l’Opéra Comique.

Ses amis furent heureux, à l’issue de cette première, d’assister à la remise de la Croix de Commandeur des Arts et Lettres à celui qui a bien mérité de la culture et de la musique française.

L’été 24 (VII): Georges Prêtre #100

Georges Prêtre est né il y a cent ans, le 14 août 1924, à Waziers dans le Nord. A cette occasion, la SWR a édité un coffret qui documente – enfin – les années que le chef français a passées à la tête de l’orchestre de la radio de Stuttgart

On aime y retrouver ce qui nous a souvent séduit et/ou agacé chez Prêtre, un charme indéniable, une évidente accointance avec la musique française souvent parasitée par des coquetteries – ces fameux rubatos – qui faisaient sa marque. Rien de bouleversant dans ce coffret, les Beethoven et les Brahms complètent le tableau discographique du chef, les Berlioz et Ravel sont conformes aux autres témoignages qu’on a de Georges Prêtre dans ce répertoire. En revanche, on dispose à nouveau d’une petite merveille, la symphonie en ut de Bizet – oubliée du coffret RCA – et de très poétiques Respighi où le chef se fait coloriste.

Je ne connaissais pas cette vidéo d’un concert à la Scala :

Pour le reste, je renvoie aux articles que j’avais consacrés au chef français lors de sa disparition – Série noire – et des formidables rééditions de ses enregistrements pour RCA et EMI – Le grand Prêtre

Et puisque les Jeux Olympiques viennent de se refermer, cette Sport Polka de Josef Strauss donnée en bis par Georges Prêtre et les Wiener Philharmoniker lors du concert de Nouvel an 2008 est toute indiquée

Pablo de Pamplona

Il y a 25 ans, j’avais fait une brève escale dans la capitale de la Navarre, Pampelune, dont j’avais gardé un souvenir très particulier consigné dans mon blog : le Russe de l’orchestre

J’ai découvert en ce jour de l’Ascension – qui n’est pas férié dans la pourtant très catholique Espagne ! – une jolie ville moins spectaculaire que d’autres cités ibériques mais fière de son passé.. comme en témoignent les remparts et les fortifications largement dus à un disciple de Vauban, Verboom.

Plaza del Castillo

La cathédrale Santa Maria la Real

La Mairie de Pampelune et sa superbe façade du XVIIe siècle

Le roi des virtuoses

En dehors d’une belle avenue arborée du centre ville, je n’ai pas trouvé d’hommage tangible de sa ville natale à l’un de ses plus illustres enfants, le violoniste et compositeur Pablo de Sarasate, né le 10 mars 1844 à Pampelune et mort pas très loin, à Biarritz, le 20 septembre 1908.

C’est grâce à Pablo de Sarasate que la littérature concertante pour le violon s’est enrichie de plusieurs chefs-d’oeuvre à la fin du XIXe siècle. Rien moins que la Symphonie espagnole de Lalo, le 3e concerto pour violon, ainsi que l’Introduction et rondo capriccioso de Saint-Saëns, ou encore le 2e concerto de Wieniawski ou la Fantaisie écossaise de Bruch ! Lui-même est l’auteur de plusieurs pièces brillantes que les virtuoses du violon ont toujours à leur répertoire, que ce soit les redoutables variations sur des thèmes de Carmen de Bizet ou les Airs bohémiens.

J’ai souvent exprimé sur ce blog mon admiration pour Nathan Milstein (Le violon de mon coeur) qui a laissé une version jamais surpassée du 3e concerto de Saint-Saëns

Des Airs bohémiens de Sarasate, il y a bien sûr nombre de belles versions. Peu atteignent le charme et la virtuosité décomplexée d’un météore du violon, le fabuleux Michael Rabin (1936-1972)