Jonas et les coffrets de juin

Jonas 55

On ne sait si c’est pour célébrer son 55e anniversaire le 10 juillet prochain ou pour clore un partenariat de plusieurs lustres* entre Decca et le ténor star Jonas Kaufmann, toujours est-il que paraît un coffret de 15 CD à prix très doux qui récapitule les grandes années du chanteur, avec quelques pépites qui méritent d’être signalées.

Je ne sais qui a choisi la photo de couverture, légèrement too much non ? Mais le fan club ne sera pas déçu !

CD 1 Sehnsucht Mozart, Schubert, Beethoven, Wagner (Claudio Abbado / Mahler Chamber Orchestra)

CD 2 Verismo Arias (Antonio Pappano / Accademia Nazionale di Santa Cecilia)

CD 3 Romantic Arias (Marco Amiliato / Prague Philharmonic Orchestra)

CD 4-5 Wagner Airs d’opéras + commentaires de J.K.

CD 6 Schubert, Die schöne Müllerin (Helmut Deutsch)

CD 7-8 Weber Oberon (en anglais) (John Eliot Gardiner, Orchestre révolutionnaire et romantique, Hillevi Martinpelto, Steve Davislim)

CD 9-10 Beethoven Fidelio (Claudio Abbado, Lucerne Festival Orchestra, Nina Stemme)

CD 11-13 Humperdinck Königskinder (Armin Jordan, Orchestre national Montpellier)

CD 14-15 Verdi Requiem (Daniel Barenboim, Scala, Anje Harteros, Elina Garanca, René Pape)

J’éprouve un attachement particulier pour le dernier enregistrement d’Armin Jordan un an avant sa mort en 2006. C’était à Montpellier, du temps où le Festival Radio France faisait, chaque année, découvrir au moins un ouvrage lyrique inconnu ou oublié. Un ténor de 35 ans, qui était encore loin d’être la star qu’il est devenu, participait à l’aventure de ces Königskinder / Les enfants du roi d’un compositeur qui n’est resté dans les mémoires que pour son « tube » Hänsel et Gretel, Engelbert Humperdinck (1854-1921).

Souvenir amusant à propos de ce « live ». En contact avec les responsables de la branche française (Accor) d’Universal – pour les disques réalisés avec l’OPRL et Louis Langrée – je leur avais suggéré, au moment où la notoriété de Kaufmann montait en puissance, de mettre en valeur la participation de ce dernier à ces Enfants du roi. Quelques mois plus tard on voyait ressortir l’enregistrement dans un nouvel habillage (lire la critique qu’en fit Forumopera). Le coffret Decca a repris la pochette d’origine.

(*lustre = période de cinq ans)

Le piano des antipodes

Je n’ai pas évoqué ici les résultats du dernier Concours Reine Elisabeth de Belgique : j’ai, en son temps, écrit tout ce que je pensais de ce concours en particulier, et plus généralement des concours pour jeunes musiciens : De l’utilité des concours. Mon ami Michel Stockhem qui ne peut pas être suspecté d’être défavorable au CMIREB (acronyme de Concours Musical International Reine Elisabeth de Belgique) a écrit le 1er juin sur Facebook un billet que je pourrais signer et que j’invite vivement à lire.

Jiaxin Min, éliminée du palmarès final !

Apparemment les résultats du dernier Concours Van Cliburn ont été plus convaincants. Le nom du vainqueur, Aristo Cham, me fait irrésistiblement penser aux… Aristochats et à cette séquence

Je veux évoquer ici un coffret de 11 CD proposé à moins de 50 € sur le site anglais prestomusic.com, qui dresse un passionnant panorama d’un concours de piano, qui est l’un des plus importants de l’hémisphère sud, celui de Sydney. L’édition de ce coffret est due au responsable de la collection Eloquence, lui-même australien, Cyrus Meher-Homji (lire Des chefs éloquents) La plupart des noms de lauréats me sont inconnus, et c’est justement l’occasion de sortir de « l’européocentrisme » dénoncé par Michel Stockhem, Et en regardant la liste, on a la surprise d’y retrouver le 1er prix du concours Reine Elisabeth 1999, le pianiste ukrainien Vitaly Samoshko, que j’ai eu le bonheur d’inviter plusieurs fois à Liège. Le monde est petit !

Liste des pianistes représentés dans ce coffret :

Albright · Arimori · Bogdanov · Bolla · Broberg · Cazal · John Chen · Moye Chen · Cominati · Cyba · Del Pino · Deng · Fung · Fushiki · Gifford · Gillham · Gortler · Goto · Gough · Grigortsevich · Gugnin · Ham · Hill · Janssen · Joamets · Jurinic · Kameneva · Khairutdinov · Kim · Kitamura · Kolesova · Kolomiitseva · Jianing Kong · Xiang-Dong Kong · Kudo · Kurbatov · Kuzmin · Lakissova · Lee · Leske · Li · Liu · Lopatynskiy · Malikova · Malmgren · Masliouk · Melnikov · O’Callaghan · Owen · Pegoraro · Rashkovsky · Samoshko · Samossoueva · Sato · Scott · Shamray · Sim · Soo Rhee · Takada · Takao · Tarasevich-Nikolaev · Tarasov · Tsvetkov · Uehara · Ukhanov · Urassin · Vetruccio · Volodin · Wallisch · Wisniewski · Wright · Xie · Yemtsov · Young · Yu · Zabaleta · Zheng

Le Beethoven des Lindsay

Autre coffret proposé par prestomusic.com, l’intégrale des quatuors de Beethoven par les Britanniques du quatuor Lindsay (1966-2005). Il ne va pas dépareiller ma discothèque où se trouvent déjà, sans ordre de préférence, les Amadeus, Artemis, Hongrois, Italiano, Berg, Cleveland, Emerson, Ysaye, pour ne citer que les intégrales.



Et toujours mes brèves de blog, comme ce beau souvenir de ma soirée du 12 juin :

Sonya Yoncheva et Jean Pierre Rousseau / Auvers-sur-Oise / 12 juin 2025 / @Bachtrack

Premier Mai berlinois

Le 1er Mai pour les musiciens de l’Orchestre philharmonique de Berlin c’est toujours un jour travaillé. La preuve en a encore été donnée ce 1er mai 2025 dans le merveilleux théâtre Petruzzelli de Bari (Italie) avec Riccardo Muti (concert diffusé sur Arte Concert)

Depuis 1991, les Berliner Philharmoniker célèbrent le 1er mai, et l’Europe, grâce à un très généreux sponsor, en visitant les plus beaux lieux d’Europe, où les concerts sont captés et télévisés.

Les 25 premières années ont été rassemblées dans un coffret de DVD

En général, le soliste et/ou le chef de ces concerts ont un rapport avec le lieu ou la salle choisis.

C’est ainsi que le 1er mai 2003 Pierre Boulez dirigeait les Berlinois à Lisbonne avec comme invitée, une Lisboète pur jus, Maria-João Pires.

Deux ans avant, les mêmes jouaient à Istanbul, sans qu’il y ait aucun rapport entre les nationalités du soliste, Emmanuel Pahud (français et suisse) et du chef Mariss Jansons (letton).

J’ai un temps caressé l’espoir d’accueillir l’Orchestre philharmonique de Berlin à Liège, dans la merveilleuse Salle Philharmonique. Emmanuel Pahud, qui faisait alors partie du board de l’orchestre, m’avait dit que l’orchestre était toujours en quête de lieux chargés d’histoire pour leur 1er Mai… et qu’il n’avait encore jamais joué à. cette occasion en Belgique. Entre temps j’ai quitté Liège et le projet n’a jamais vu le jour..

Et en 2019 c’était au Musée d’Orsay à Paris d’accueillir les Berlinois avec Daniel Harding et Bryn Terfel

Et toujours mes brèves de blog

Variables d’ajustement

Censure

J’ai pris le parti de ne plus commenter ici les péripéties de la vie politique française. Mais je n’en pense pas moins et lorsque la raison s’exprime, par la voix d’un homme respecté et respectable, en l’occurrence l’ancien premier ministre Lionel Jospin, je ne peux que l’approuver. L’explication est lumineuse.

Pour une fois, je m’abstiens de commenter l’attitude de l’animatrice de cette émission, quoiqu’elle ait de nouveau osé cette bourde en parlant d’un reportage « en immersion » chez les pompiers d’Ille-et-Vilaine… submergée par les inondations !

Variables d’ajustement

Je trouve ce matin sur Linkedin un texte (Les discours, les symboles et les faits) de Nicolas Bucher, le patron du Centre de Musique Baroque de Versailles. Comme je le notais moi-même dans mon journal (brevesdeblog), je suis soulagé de ne plus être aux responsabilités, mais je compatis pleinement à ce qu’exprime Nicolas Bucher. Extraits :

Pfiou…
quelles deux dernières semaines de lessiveuse, où on a l’impression de passer de la théorie à la pratique !
…./

Entre les alertes répétées, ressassées, les pactes ceci, les plans cela, non aboutis, non signés, et le licenciements des artistes du chœur à l’Opéra de Toulon, ou tout simplement l’arrêt immédiat et sans préavis des services civiques ou l’apprentissage.

Entre le discours de la Ministre hier sur la énième réforme du Pass Culture et la panique d’hier sur la part collective, le seul truc qui ne marche pas trop mal dans ce système, et qui est désormais gelé, mettant les plus fragiles des structures culturelles et des collèges dans des difficultés catastrophiques.

J’en passe et des meilleures (coucou la Région Pays de Loire, les départements de la Charente-Maritime et de l’Hérault, l’été culturel des campings, etc.)

Pendant ce temps, la popote continue, comme si de rien n’était
 » (Nicolas Bucher)

Plus que l’indignation, c’est le découragement qui saisit lorsqu’on est confronté, comme responsable d’un festival, d’une entreprise culturelle, à ces changements de cap, ces décisions budgétaires annoncées au dernier moment, parce qu’ils révèlent in fine l’ignorance, quand ce n’est pas le mépris pour la culture.

Et comme en France on fait tout bien, sans jamais regarder comment ça marche chez les voisins, je voudrais juste rappeler deux faits, deux situations que j’ai vécus professionnellement.

En Suisse d’abord, parmi les missions qui ne figuraient pas sur ma fiche de poste à la Radio suisse romande (Souvenirs), à la fin des années 80, j’eus à négocier le retrait progressif de la Radio du financement de l’Orchestre de la Suisse romande et de l’Orchestre de chambre de Lausanne. Personne n’a été pris par surprise, les deux institutions ont eu le temps de se préparer à cette échéance, parce que les objectifs et les méthodes avaient été clairement formulés.

En Belgique ensuite, mes années à Liège que j’ai souvent racontées ici m’ont appris que, malgré tous ses défauts – on a bonne mine, nous en France, de se moquer de nos voisins qui ont mis près de 8 mois à former un gouvernement fédéral ! – l’organisation institutionnelle du pays met à l’abri notamment la Culture des soubresauts de la politique. Ainsi l’Orchestre philharmonique royal de Liège est « gouverné » par des contrats-programmes pluri-annuels. Durant mon mandat, j’en ai négocié quatre, dans des contextes budgétaires toujours serrés, et ai obtenu à chaque fois des paliers d’augmentation. Certes chaque contributeur (Région, Province, Ville) pouvait – annualité budgétaire oblige – décider de réduire son apport, mais le cadre d’un contrat-programme signé et public rendait la manoeuvre quasi-impossible.

En France, le monde de la Culture est toujours soumis aux aléas des politiques locales ou nationales, et quoiqu’en disent, la main sur le coeur, tous les responsables, de droite comme de gauche, la Culture reste une variable d’ajustement, un accessoire… (lire Ceinture pour la culture)

Ceinture pour la culture

Dans le bilan que je tirais de la dernière édition du Festival Radio France que j’ai organisée à Montpellier, en 2022, j’écrivais, pour commenter les bons résultats de ce cru, qui ne retrouvaient cependant pas l’étiage de 2019 de l’avant-COVID :

« On n’a pas fini de mesurer les changements profonds que la pandémie a engendrés pour les artistes comme pour le public. »

« Il y a bien un avant et un après et il ne faudra pas se contenter de généralités approximatives si l’on veut comprendre les nouvelles attentes d’un public qui s’est déjà largement renouvelé ».

J’ai appris depuis longtemps qu’il ne fait pas bon jouer les Cassandre. Je n’ai jamais, pour autant, restreint ma liberté de parole (cf. L’Absente), et ce n’est pas maintenant que je ne suis plus « en responsabilité » que je vais changer.

On lit depuis quelques jours des articles alarmistes sur les restrictions imposées aux grands établissements culturels (voir l’article du Monde daté du 4 avril) le gouvernement, après sa période de prodigalité – qui a tout de même sauvé des pans entiers de notre économie, dont la culture – étant contraint de serrer la ceinture budgétaire à tout le monde. Et voici que, dans Le Monde de ce week-end, Michel Guerrin balance quelques vérités très bonnes à dire… et confirme deux ans après ce que je pressentais en 2022. :

« Les 3 milliards d’euros injectés pour sauver la culture lors de la crise liée au Covid-19 n’ont pas été l’occasion de réformer un secteur marqué notamment par une offre surabondante. Au point que le monde du spectacle, déjà mal en point avant la pandémie, se retrouve dans une situation pire depuis »

« L’Etat a sauvé la culture sans vraiment évaluer les besoins ni jauger les résultats. Il a piloté à vue, provoquant quelques beaux gâchis, et continue de naviguer dans le brouillard.

Le constat, développé par la Cour des comptes dans un rapport publié en mars, est d’autant plus douloureux que l’Etat cherche 10 milliards d’euros d’économies et vient de « piquer » 200 millions d’euros à la culture« 

Je fais une incise pour rappeler que je ne suis pas un grand fan de la Cour des comptes en matière de culture. Je me rappelle quelques entretiens surréalistes, lorsque j’étais à Radio France, avec des inspecteurs de la rue Cambon (siège de la Cour des Comptes), qui démontraient de leur part une méconnaissance totale de la matière qu’ils étaient censés contrôler… J’invite à relire l’article que j’avais consacré à ce sujet il y a un an : Trop de musique ? où je rappelais que « si le général de Gaulle affirmait en 1966, à propos de la Bourse : « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille », on renverrait bien la formule aux magistrats de la rue Cambon : « La politique culturelle de la France ne se fait pas à la Cour des Comptes«

Mais je suis – malheureusement – d’accord avec la Cour des comptes et surtout Michel Guerrin lorsque ce dernier écrit :

L’essentiel des griefs est à venir. L’argent ne devait pas servir seulement à sauver le secteur culturel, mais à le moderniser en profondeur : estimer ce qui marche ou pas, définir des priorités. Il ne s’est rien passé, ou presque, déplorent les magistrats. Pire, de l’argent a été investi dans des programmes en dépit du bon sens. L’Etat n’a pas fait la différence entre un théâtre qui allait mal à cause de la crise liée au Covid-19 et un autre, déjà malade auparavant en raison de dysfonctionnements profonds. Des lieux se sont retrouvés avec plus d’argent que le ministère ne leur en donnait en temps normal.

Le résultat ? L’argent du Covid-19 a fait grossir l’offre culturelle. C’est effarant, car aujourd’hui, alors que la pandémie semble loin, le monde du spectacle, déjà mal en point auparavant, se retrouve dans une situation pire. Des théâtres et des opéras n’ont plus l’argent nécessaire pour produire une saison pleine ; ils suppriment une pièce ou une chorégraphie, écartent de jeunes artistes au profit de noms qui font remplir la salle. » (Michel Guerrin, Le Monde 6/7 avril 2024)

Je ne connais pas le détail des arbitrages de la ministre de la Culture, et surtout de Bercy : Rachida Dati affirme qu’elle a tapé dans le porte-monnaie des gros pour préserver les petits, notamment en province (oups, pardon, « les territoires »).

Responsabilité collective

Mais ces réductions venant de l’Etat ne doivent pas masquer un phénomène beaucoup plus large et nettement plus préoccupant. Puisque la plupart des structures culturelles ne dépendent que marginalement du ministère de la Culture, tout ce qui est spectacle vivant, diffusion et production de l’activité culturelle, est directement touché par les décisions des collectivités territoriales. On en sait quelque chose dans les villes gérées depuis 2020 par les écologistes (Lyon, Strasbourg) ou certaines régions gérées par la droite (comme Auvergne-Rhône-Alpes). Mais, de manière moins visible, il n’est pas une région française, de gauche ou de droite, qui n’ait sensiblement réduit sa contribution aux structures culturelles, tout en proclamant le contraire.

J’ai, tout au long de ma carrière dans les médias comme à la tête d’entreprises culturelles, connu les budgets « contraints », les restrictions annoncées ou brutales. Et toujours pensé que cette contrainte devait produire un sursaut d’imagination, de créativité, et non le repli sur soi. J’aurai l’occasion d’en faire état dans une série que je consacrerai prochainement à mes années liégeoises… non pour donner des leçons à quiconque mais pour faire état d’expériences réussies !

Quand Liège n’était pas belge ou de César à Hulda

J’ai dû récemment corriger la fiche Wikipedia consacrée au compositeur César Franck. Il y était écrit, en effet, qu’il était né belge le 10 décembre 1822 – et qu’il avait été naturalisé français en 1870. Sauf que Liège, sa ville natale, n’était pas belge en 1822, puisque le royaume de Belgique n’a été fondé qu’en 1831. La famille quitte Liège en 1835 et s’installe à Paris, où le jeune et très doué César, entré au Conservatoire de Paris en 1837, aura tôt fait d’empocher toute une série de premiers prix. En 1845 il se libère du joug pesant de son père qui lui voyait une destinée à la Wolfgang Amadeus. La suite à lire dans les bons ouvrages comme la somme de Joël-Marie Fauquet (Fayard)

Hulda

On l’aura compris, Liège n’a pas fini de célébrer le bicentenaire de l’enfant du pays. C’est ainsi que, mercredi soir, au Théâtre des Champs-Élysées, l’Orchestre philharmonique royal de Liège, le choeur de chambre (?) de Namur et une belle brochette de solistes, donnaient à entendre la résurrection de l’opéra Hulda, dûment cornaqués par le Palazzetto Bru Zane qui assure avoir créé ici la première intégrale complète sans coupures de l’oeuvre.

Mais Fabrice Bollon qui a donné Hulda le 16 février 2019 à l’opéra de Fribourg-en-Brisgau (Allemagne) dit la même chose ! Y aurait-il donc des intégrales plus intégrales que d’autres ?

Quoi qu’il en soit la version des Liégeois – bientôt attendue en disque – a déjà une supériorité évidente sur la version allemande : tous les chanteurs sont de parfaits francophones, en particulier le rôle-titre tenu par l’Américaine Jennifer Holloway qui a été, pour moi, la révélation de la soirée de mercredi.

Pour le reste, autant je peux être convaincu de l’utilité de restituer et d’enregistrer dans leur intégralité des oeuvres oubliées – et Hulda le mérite à l’évidence – autant je reste dubitatif sur la nécessité d’infliger au public ce qui s’apparente à un pensum souvent indigeste. Je partage assez l’avis de François Laurent qui écrivait hier dans Diapason : Hulda de Franck peine à pleinement convaincre.

Si je reconnaissais avec plaisir les sonorités rondes et chaudes d’un Orchestre philharmonique royal de Liège (dont j’ai quitté la direction il y a déjà 8 ans (Merci), la clarinette suprême de Jean-Luc Votano, je me disais, mercredi soir, qu’il manquait une baguette plus expérimentée dans l’art de conduire ces vastes fresques – je n’ai pas cessé de penser à un Patrick Davin ou à un Louis Langrée -. Un opéra en version de concert, c’est souvent compliqué, surtout s’il est long – on en sait quelque chose au Festival Radio France, puisque c’est notre spécialité depuis bientôt quarante ans ! -. Raison de plus pour avoir un maître d’oeuvre qui entraîne, emporte, convainque, surmonte les faiblesses de la partition.

Souvenir d’une belle co-production dirigée par Patrick Davin.

Dans le beau disque – Diapason d’Or – enregistré en 2011 par Christian Arming avec l’OPRL, il y avait déjà les musiques de ballet de Hulda

Bicentenaire

On attend pas mal de nouveautés et/ou rééditions à l’automne comme cette César Franck Edition annoncée par Warner

Les Belges de Fuga Libera ont publié deux coffrets (pas très bon marché d’ailleurs), qui comportent certes des rééditions mais aussi pas mal de premières au disque.

Dans la musique de chambre, en dehors de la sonate pour violon et piano (avec les excellents Lorenzo Gatto et Julien Libeer) et du quintette avec piano (Jonathan Fournel, Augustin Dumay, Shuichi Okada, Miguel Da Silva et Gary Hoffman !), ce sont beaucoup de découvertes qui attendent l’amateur

Pour la musique symphonique, des rééditions bienvenues (mais pourquoi ne pas avoir retenu les versions de Pierre Bartholomée et Louis Langrée de la Symphonie ? la comparaison entre les trois versions enregistrées par l’Orchestre philharmonique royal de Liège eût été passionnante !) et des premières concertantes (sous les doigts virtuoses de Florian Noack).

On a confié à l’actuel directeur musical de l’OPRL l’enregistrement du splendide Psyché – un vaste poème symphonique avec choeur en trois parties composé en 1887).

Louable intention mais la comparaison avec le disque légendaire (devenu introuvable) de Paul Strauss (EMI, 1975) n’est pas à l’avantage de la nouveauté.

Avec un peu de chance, on retrouvera ce Psyché dans le coffret Warner ?.

Pour le plaisir, comment ne pas rappeler l’exceptionnel « franciste » qu’est Louis Langrée, et cette fois une vidéo captée avec l’Orchestre de Paris :

En attendant Borne I

Qu’est-ce que c’est agaçant ce président, cette nouvelle première Ministre, qui s’obstinent à faire durer le supplice ! Que, dans les pays voisins – Belgique, Allemagne – il ait fallu plusieurs semaines voire mois pour constituer le gouvernement fédéral, peu nous chaut à nous les Français.

Qu’accessoirement l’on tienne compte des erreurs du passé – des ministres obligés de démissionner sitôt nommés, parce que en délicatesse avec les règles de transparence de la vie publique ou avec les impôts, voire cités dans des procédures – qu’on prenne donc du temps pour vérifier que les nouvelles/nouveaux ministres sont blancs comme neige, et voilà que la machine médiatique s’emballe et reproche à l’exécutif tout à la fois indécision, procrastination, voire mépris pour le peuple français !

Mais, à l’heure où j’écris ces lignes, on nous annonce cela pour cet après-midi !

Les chariots de Vangelis

Peut-être moins célèbre que son contemporain Jean-Michel Jarre, Vangelis Papathanassiou est mort hier à 79 ans. J’ai comme beaucoup d’autres écouté sans déplaisir ses bandes son de films comme Les Chariots de feu ou 1492, qui sont la signature d’une époque, ce qui n’est déjà pas si mal pour laisser une trace dans l’histoire !

Une demoiselle rajeunie

Heureux de saluer, sur Forumopera, un disque bienvenu, qui témoigne d’affinités électives évidentes entre Debussy et le chef finlandais de l’Orchestre philharmonique de Radio France : Lignes claires

Le piano irlandais

Je n’encombre pas mon blog de pub pour le prochain Festival Radio France, ça viendra peut-être ! Pourtant je suis fier que, pour parler comme les techno, dans un contexte budgétaire contraint, on offre au public une édition 2022 très British : lefestival.eu

Fier en particulier du récital qu’y donne l’un des pianistes les plus intéressants, l’Irlandais Barry Douglas, le 16 juillet prochain.

Stephen Sondheim : Send in the clowns

Grâce à Jean-Luc Choplin, le public français a pu découvrir le génie de Stephen Sondheim, qui vient de disparaître à 91 ans. Le théâtre du Châtelet à Paris a programmé nombre d’ouvrages de celui qu’on a qualifié hâtivement de « roi de Broadway », de « star de la comédie musicale ». Pour l’immense majorité, son nom reste lié à West Side Story, le célébrissime ouvrage de Leonard Bernstein, dont Sondheim a écrit les lyrics – à l’opéra on parlerait de livret – autrement dit les paroles des chansons. Stephen Sondheim était un authentique grand compositeur et son oeuvre n’est pas systématiquement souriante, joyeuse, dansante.

En 2013, Renaud Machart publiait, dans la collection Actes Sud/Classica, le seul essai en français consacré à Stephen Sondheim :

“Il ne manque rien au compositeur de Broadway Stephen Sondheim, sinon la canonisation”, a-t-il été écrit à propos de celui qui est en effet une légende vivante dans les pays anglo-saxons et le dieu de nombreux amateurs de comédie musicale. Il manque cependant encore à Sondheim une vraie reconnaissance en France, où ses comédies musicales sont depuis quelques années seulement à l’affiche, notamment du Théâtre du Châtelet à Paris. Cet essai, le premier consacré en français au compositeur et «lyricist» américain, parcourt en détail son oeuvre considérable.

J’ai eu la chance de voir au Châtelet tous les spectacles de Sondheim programmés durant la décennie 2010, et plusieurs à Londres.

Le dernier en date, à une date absolument tragique, le 22 mars 2016 : Une tragédie, une Passion : deux anniversaires

En 2010, A Little Night Music avec rien moins que Leslie Caron, une autre légende, Greta Scacchi, Lambert Wilson

En 2011, Sweeney Todd :

En 2013 Sunday in the park with George

Et bien entendu la reprise du spectacle original de 1957 de West Side Story pour le cinquantenaire de l’ouvrage en 2007.

Je n’ai jamais eu la chance de rencontrer personnellement Stephen Sondheim, ni de lui exprimer mon admiration et ma gratitude. Ni de lui dire que, sans le savoir, il a beaucoup compté pour moi. En 1989 ou 1990, le grand clarinettiste, mon ami Paul Meyer, était venu jouer au Victoria Hall de Genève, avec l’Orchestre de la Suisse romande dirigé par Günther Herbig, le premier concerto de Weber. En bis, il avait joué une pièce qui m’avait bouleversé, et que – je n’ai pas honte à l’avouer – j’entendais pour la première fois : Send in the clowns. En mars 2001, j’avais invité Paul – dans le concerto de Mozart cette fois – pour le premier concert d’abonnement de Louis Langrée à Liège. De nouveau, il avait bissé avec Send in the clowns. Plus tard, j’avais conseillé au nouveau clarinette solo de l’Orchestre philharmonique royal de Liège de s’emparer de ce bis. Et, en juillet 2019, lorsque Jean-Luc Votano avait donné la première française du concerto pour clarinette de Magnus Lindberg à Montpellier, il avait malicieusement glissé dans sa cadence du concerto une citation de… Send in the clowns (ce qui n’avait pas manqué d’amuser le compositeur présent dans la salle !).

Maintenant que Stephen Sondheiml a rejoint les étoiles, écoutons Benny Goodman lui chanter cette petite musique de nuit

Que la fête commence !

Avant d’évoquer les premiers jours de fête du #FestivalRF21, une pensée amicale et solidaire pour tous mes amis de Liège et de Belgique, pour toutes les victimes des terribles inondations qui ont frappé l’est de la Belgique et la région de Cologne que je connais bien.

(La Meuse au centre de Liège il y a 3 jours / Photo G. Gilson sur Facebook)

Je sais que ni le courage ni la solidarité ne manqueront à ceux qui doivent maintenant réparer, nettoyer, restaurer…

Chaque concert est une fête

Entre une proclamation, une promesse, et la réalité, il peut parfois y avoir un fossé. Le pari que nous avions fait en annonçant le 7 avril dernier une édition complète (155 concerts) du Festival Radio France Occitanie Montpellier est très largement relevé, comme en témoignent les premiers jours du Festival.

Avant-hier matin, au micro de Clément Rochefort sur France Musique, c’est ce que j’affirmais : Chaque concert est une fête, la musique est une fête !.

Dimanche soir à Saussan, le quatuor Alborea enchantait la petite église du village pleine comme un oeuf.

Mardi matin, j’étais heureux de retrouver « en vrai » les musiciens de l’Orchestre national de Montpellier et leur chef Michael Schonwandt pour la première répétition de leur concert de ce soir

Mercredi jour de fête nationale, on y était enfin, sur la place de l’Hôtel de Ville de Montpellier, après un montage compliqué.

(Le maire de Montpellier, Michael Delafosse, ouvre le concert du 14 juillet sur le parvis de l’Hôtel de Ville)

(de gauche à droite les artistes du 14 juillet : Isabelle Georges, Roland Romanelli, Claude Salmieri, Benoît Dunoyer de Segonzac, Frederik Steenbrink)

Après le feu d’artifice républicain du 14 juillet, les Feux d’artifice royaux de Haendel tirés par un Hervé Niquet en pleine forme à la tête des choeurs et de l’orchestre du Concert spirituel.

Mais avant le concert du soir, le festival offrait, comme chaque année, deux concerts, les « Découvertes » à 12h30, « Musique ensemble » à 18 h. Honneur d’abord au Quatuor Hanson qui ouvrait le feu salle Pasteur…

et à 18h ma très chère Sophie Karthäuser, et un autre ami cher, Cédric Tiberghien, que je n’avais plus revus, l’une et l’autre, depuis quelques années déjà.

Hier soir, très attendus par le millier de spectateurs réunis à l’opéra Berlioz (la jauge maximale que nous avions retenue pour éviter le recours au pass sanitaire), Renaud Capuçon et Michel Dalberto ont donné un programme plus que rare, devant une salle impressionnante de silence et de concentration. Un concert à réécouter sur francemusique.fr

Un copieux programme attend les festivaliers ce week-end, à découvrir ici.

Piazzolla à Liège

Astor Piazzolla est né, il y a cent ans, le 11 mars 1921 à Mar Del Plata au sud de Buenos Aires.

Ce centenaire sera célébré dans le monde entier, et ce n’est que justice pour un artiste, interprète, compositeur, tout à fait singulier dans le monde de la musique du XXème siècle (il le sera, en particulier, au Festival Radio France le 21 juillet) Je renvoie à la notice Wikipedia – très bien faite – qui lui est consacrée.

Je veux rappeler une date importante dans sa création, et une présence qui est restée dans la mémoire d’une ville et d’un orchestre qui me sont chers : Liège.

L’Orchestre philharmonique royal de Liège n’a pas manqué de célébrer l’événement le 6 mars dernier, sans public, mais disponible sur le site Livestream OPRL.

L’événement ce fut d’abord la présence à Liège d’Astor Piazzolla lui-même pour une série de concerts, et le 15 mars 1985 la création de son double concerto pour bandonéon et guitare – qui porte depuis le titre Homenaje a Liège – le compositeur étant au bandoneon, Cacho Tirao (1941-2007) à la guitare, l’Orchestre philharmonique de Liège et de la Communauté française – comme on l’appelait alors ! – étant dirigé par le grand guitariste, compositeur et chef d’orchestre cubain Leo Brouwer.

Anniversaires : privé / public

J’ai bien des raisons d’épingler la date du 7 décembre dans mon calendrier de coeur.

La première – et de loin – est la naissance de mon premier fils, un dimanche 7 décembre, huit ans après le décès de mon père, un mercredi 6 décembre. Impossible de ne pas voir dans cette quasi-coïncidence de dates le signe d’une vie plus forte que la mort. J’ai eu la chance d’être père jeune, je n’avais pas 25 ans quand P.F. est né, je me rappellerai, jusqu’au bout de mes jours, le regard d’un bleu profond d’un beau bébé blond dans la couveuse où on l’avait placé juste après un accouchement parfait dans une clinique parisienne du côté de la place Wagram.

Ce garçon, devenu grand, allait fêter ses 20 ans, puis ses 30 ans, en même temps que l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège ses 40 (2000) puis 50 ans (2010).

Tant d’images me reviennent de ces événements concomitants.

20/40 ans

En décembre 2000, je me devais, nouveau directeur général de l’Orchestre philharmonique de Liège, de marquer le 40ème anniversaire de la fondation de l’Orchestre. Pierre Bartholomée, son directeur musical depuis 1977, ayant claqué la porte au printemps 1999 (sans cet événement, je ne serais sans doute jamais devenu le DG de l’orchestre !), il était impossible de penser à le réinviter un an plus tard. Avec le nouveau délégué artistique que j’avais choisi, Stéphane Dado, nous fîmes une rapide prospection parmi les chefs d’une certaine notoriété pour voir qui accepterait de reprendre le programme inaugural de l’Orchestre en 1960. L’excellent Serge Baudo accepta l’invitation.

Pour la soirée du 7 décembre 2000, j’invitai les prédécesseurs de Pierre Bartholomée encore vivants, Paul Strauss (1967-1977) – mais celui-ci était aux Etats-Unis – et… Manuel Rosenthal, qui n’avait certes dirigé l’orchestre que durant un court mandat (1964-1967), mais qui, à 96 ans, était encore en forme olympique. Nous envoyâmes une voiture le chercher à son domicile de la Butte aux Cailles, organisâmes une réception à l’Hôtel de Ville de Liège où lui fut remise – mieux vaut tard que jamais – la médaille de citoyen d’honneur de la ville, et dans mon bureau une pause détente en fin d’après-midi avant que le concert de 20 h ne débute.

Je revois encore assis face à face, mon fils de 20 ans et le vieil homme de 96 ans qui lui racontait ses souvenirs de Ravel, de Gershwin… et ses débuts impécunieux de violoniste de salon. J’entends encore Rosenthal raconter que, repéré pour ses talents violonistiques, je ne sais plus qui le recommanda au Ritz où il était de coutume d’accompagner les dîners de riches clients par une sérénade. Arrivé dans le palace de la place Vendôme, on montre au jeune Rosenthal une petite pièce où il doit attendre qu’on lui fasse signe de se présenter dans le salon où il va jouer. Il est surpris d’entendre déjà jouer du violon, et du très beau violon : il entr’ouvre un épais rideau et il aperçoit… Fritz Kreisler en personne !

30/50 ans

Pour les cinquante ans de l’Orchestre, les conflits du passé étant apaisés, je tenais à ce que cet anniversaire réunisse, rassemble, ceux qui l’avaient porté à une excellence reconnue par toute la critique. J’avais souhaité, dès ma prise de fonction, prendre contact avec Pierre Bartholomée, puisque j’étais complètement étranger aux événements et aux circonstances qui l’avaient conduit à quitter son poste. L’ancien directeur musical de l’OPL étant par ailleurs un compositeur reconnu et honoré, je lui demandai s’il accepterait d’écrire une oeuvre pour « son » orchestre: il écrivit tout simplement une… Symphonie, qu’il me fit l’immense honneur de me dédier – j’en conserve précieusement la partition originale – mais il hésita longtemps avant d’accepter de la diriger lui-même.

(Une photo rare : de gauche à droite Louis Langrée, Pierre Bartholomée, Pascal Rophé)

Paul Strauss qui avait toujours été un formidable et bienveillant conseiller – je ne manquais jamais de l’inviter au concert lorsqu’il était en Belgique – Paul Strauss était mort en juin 2007 à Bruxelles.

Mais Louis Langrée (2001-2006) comme Pascal Rophé (2006-2009) avaient accepté de participer à un concert à tous égard inédit : jamais dans le monde on n’avait célébré un anniversaire en réunissant, dans une même soirée, trois chefs d’orchestre.

(Les trois chefs, le directeur de l’Orchestre et la princesse Astrid de Belgique)

Pierre Bartholomée dirigea sa Symphonie, Louis Langrée la 2ème suite de Daphnis et Chloé de Ravel, et Pascal Rophé le Sacre du printemps de Stravinsky. Ce fut un superbe concert. Et j’eus la joie d’avoir à mes côtés mes deux fils, l’aîné 30 ans, le second 28 ans.

Trois ans après cet anniversaire, le père devenait grand-père, le fils devenait père. Il le sera très bientôt à nouveau !