Printemps qui commence

Une semaine après le second tour de l’élection présidentielle, je ne change pas une ligne à ce que j’écrivais ici : Gagnants et perdants. Le feuilleton Mélenchon continue, à l’heure où j’écris ces lignes, après les écolos, ce qu’il reste du parti socialiste et du parti communiste semble tout près d’une complète reddition. Quelques sièges de députés valent bien le reniement de quelques principes.

Reine de la nuit

Je l’aimais bien, Régine, disparue ce 1er mai. J’ai un vague souvenir du New Jimmy’s, sa boîte mythique, à la fin des années 70.

La morte oubliée

J’avais consacré, il y a plus de deux ans, un billet à une artiste est-allemande dont la notoriété n’a jamais franchi le rideau de fer, bien à tort : Le piano venu de l’Est, Annerose Schmidt.

Personne n’a relevé le décès, le 10 mars dernier, d’Annerose Schmidt, de son vrai Annerose Boeck. Il nous reste heureusement, sur les sites de téléchargement, et sous le label Berlin Classics, une belle documentation discographique de l’art de cette pianiste, notamment une intégrale des concertos de Mozart, que je chéris particulièrement.

Contrairement à ce qui est mentionné sur le bandeau inférieur, ce n’est pas le 21ème mais le 22ème concerto de Mozart qui est à entendre ici.

Kurt Masur, un héritage

Cette intégrale mozartienne avec Annerose Schmidt révèle un aspect peu connu de la carrière et de l’art du chef allemand Kurt Masur (1927-2015), qu’on ne retrouve pas dans l’intégrale que Warner publie de ses enregistrements réalisés pour Teldec et EMI, pour l’essentiel avec l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig, dont Masur fut le directeur musical de 1970 à 1996 – fameux bail ! -, et dans une mesure plus limitée avec le New York Philharmonic et le London Philharmonic qu’il dirigea après Leipzig.

Tous les détails de ce coffret à retrouver ici : Kurt Masur, l’héritage Teldec Warner.

Parmi les rééditions notables, une intégrale un peu oubliée, à tort, des poèmes symphoniques de Liszt.

Cécile Ousset introuvable

Dans ce coffret Masur, et dans d’autres, on trouve une pianiste, française, Cécile Ousset, contemporaine d’Annerose Schmidt, que j’avais rencontrée il y a quelques années (Frontières), à qui Warner consacre également une belle boîte :

Je suis pour le moins perplexe, après avoir écouté les enregistrements que je ne connaissais pas (Debussy, Chopin, Rachmaninov). Du piano solide, au fond du clavier, mais qui me semble bien court d’inspiration et de feu.

Le piano venu de l’Est (II) : Annerose Schmidt

J’avais ouvert avec Peter Rösel une série sur ces remarquables musiciens nés, éduqués en Allemagne de l’Est, dont la carrière a été, politique oblige, confinée dans la sphère orientale de l’Europe : Le piano venu de l’Est

Le concert et la présence à Paris de Peter Rösel (L’évidence de la simplicité), ses interventions sur les antennes de France Musique et de France Inter, à l’occasion du trentième anniversaire de la chute du Mur de Berlin, ont rappelé à nos oreilles occidentales ce qu’il en était de l’organisation de la vie musicale à l’est du Rideau de fer.

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(Peter Rösel et Jean-Baptiste Urbain à France Musique le 7 novembre / Photo Yves Riesel)

Autre exemple d’une carrière brillante qui n’a jamais rencontré les faveurs du public occidental, sauf par le disque et encore !, celle de la pianiste Annerose Schmidt, de son vrai nom Annerose Boeck.

Annerose Schmidt naît le 5 octobre 1936 à Wittenberg au nord de Leipzig. Son père est le directeur de l’école de musique et commence à lui enseigner le piano en 1941. Elle donne son premier concert en public en 1945 et reçoit en 1948 un diplôme de concert et un permis professionnel en tant que pianiste de concert officiellement reconnu dans ce qui était zone d’occupation soviétique. Elle donna le premier de ses concerts à la radio berlinoise en 1949. Après avoir passé son examen de fin d’études (« Abitur »), Annerose Schmidt part étudier à l’Académie de musique de Leipzig entre 1953 et 1957.

En 1955, elle reçoit une mention spéciale au Concours international de piano Chopin à Varsovie. L’année suivante elle remporte le tout premier concours international Robert Schumann pour pianistes et chanteurs, qui se tient à Berlin. Ces succès lancent efficace sa carrière internationale… en Pologne, Roumanie, Hongrie, Bulgarie et en Union soviétique.

Son répertoire comprend près de quatre-vingts concertos pour piano, dont ceux de Mozart, Beethoven, Bartók, Chopin et Ravel. Elle joue tout le répertoire pour piano de Schumann et Brahms, mais aussi de la musique contemporaine.

À partir de 1958, elle peut se rendre épisodiquement en Allemagne de l’Ouest et se produire avec des chefs et des orchestres renommés en Finlande, en Suède, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg et en Autriche.  Jamais en France !

En 1985, elle est nommée professeure au Conservatoire Hanns Eisler de Berlin, qu’elle dirige entre 1990 et 1995. Annerose Schmidt a mis fin à sa carrière d’interprète pour raisons de santé en 2006.

ums_photos_01735J’ai d’abord connu Annerose Schmidt par la formidable intégrale des concertos de Mozart qu’elle a gravée au mitan des années 70 avec Kurt Masur et l’orchestre philharmonique de Dresde (le concurrent de la Staatskapelle). J’aime ce jeu franc, direct, qui donne à entendre toutes les facettes de Mozart, un piano très bien enregistré avec des partenaires qui ne surchargent pas d’intentions les ombres et lumières de l’orchestre mozartien.

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Puis j’ai recherché les quelques autres rares disques disponibles en Occident, les concertos de Chopin, toujours avec Masur (et Leipzig) – nettement moins convaincants – les Schumann et Brahms pour le piano seul, qui réservent de belles surprises.

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Du bon usage des nécrologies

J’ai, semble-t-il, choqué quelques beaux esprits en écrivant sur Facebook que je ne m’associais pas à l’unanimité de l’hommage à Kurt Masur. Nouvelle preuve de l’incapacité de certains à simplement bien lire ce qui est écrit, et de la presse en général à éviter les mots passe-partout, les adjectifs convenus.

Le chef allemand disparu avant hier, à 88 ans, est une incontestable figure du monde musical, et il est plus que légitime d’honorer sa mémoire et de rappeler sa carrière. Mais l’admiration n’interdit pas la nuance, au contraire. Quant à son rôle dans la chute du régime est-allemand, je veux bien croire à la légende de l’homme providentiel, mais j’ai toujours beaucoup de réticences à considérer comme des héros ceux qui ont prospéré à l’ombre sinon avec la complicité d’un régime qui a permis à l’intéressé d’occuper de prestigieux postes à Dresde puis à Leipzig. Ce qui n’ôte strictement rien aux grandes qualités musicales de Kurt Masur. 

L’ayant peu connu, je me garderai bien d’avoir un avis sur ses années américaines ou parisiennes. Je me rappelle un chaleureux message envoyé l’an passé aux musiciens de l’Orchestre National de France lors de l’inauguration de l’auditorium de la Maison de la radio, à laquelle son état de santé lui interdisait d’assister.

J’ai dans ma discothèque pas mal de gravures de Kurt Masur, mais pas nécessairement les plus attendues.

Magnifique mozartien dans une intégrale peu connue, et pourtant très réussie, des concertos pour piano de Mozart avec une pianiste est-allemande passée regrettablement inaperçue, Annerose Schmidt

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Et que dire de cette prodigieuse intégrale « live » des concertos de Beethoven avec Emile Guilels à Moscou dans les années 70 ?

71ReWLDXNAL._SL1417_71gmX+mpXZL._SL1500_De Mendelssohn bien sûr – mais c’est généalogique pour l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig (https://fr.wikipedia.org/wiki/Orchestre_du_Gewandhaus_de_Leipzig)

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Mais pour le reste, les symphonies de Beethoven, Brahms, Bruckner, Masur n’est jamais en première ligne. Pour l’opéra le bilan est timide (http://www.forumopera.com/breve/deces-de-kurt-masur).

Reste que la personnalité de Kurt Masur a marqué les musiciens avec qui il a travaillé, et que parfois les étincelles surgissaient en concert, comme lors de cette 5e symphonie de Beethoven.

https://www.youtube.com/watch?v=SwWx79Au84A

De quatre ans plus âgée que Kurt Masur, la contralto néerlandaise Aafje Heynis l’a précédé de peu dans la mort, le 16 décembre. Timbre androgyne à la Kathleen Ferrier, la chanteuse, qui s’était depuis longtemps retirée de la scène et du monde, laisse un héritage discographique nettement moins important que beaucoup de ses consoeurs. Mais tout ce qu’elle a enregistré est unique, par la sombre beauté de son timbre : Bach, Handel, Brahms, Mahler, Vivaldi (l’un des plus beaux Stabat Mater sous la direction d’Angelo Ephrikian).

 

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