Merci pour la beauté !

Un retour et un adieu

À propos du concert que dirigeait ce jeudi soir Daniel Barenboim à la tête de l’Orchestre de Paris, le titre et le contenu de mon article pour Bachtrack sont explicites : L’apothéose de Barenboim à la Philharmonie de Paris.

C’est peu dire que l’émotion nous a submergés tous, musiciens et public.

Modernités

Juste avant ce concert, j’ai visité l’exposition ouverte depuis mercredi au rez-de-chaussée de la Philharmonie : Kandinsky, la musique des couleurs.

Ceux qui fréquentaient le Centre Pompidou connaissaient déjà les oeuvres exposées ici et la relation de Vassily Kandinsky (1866-1944) avec la musique, Schoenberg en particulier. Mais ici on vous confie à l’entrée un casque audio, malheureusement difficilement réglable – qui permet d’entendre autant que voir les oeuvres et leur contexte.

Quitte à heurter certains de mes lecteurs, je n’ai toujours pas été convaincu – après la visite de cette exposition – par les tentatives de Kandinsky de s’adonner à un « art total » notamment à la musique, pas plus que je n’ai jamais été convaincu des talents de peintre de Schoenberg. Non pas qu’il faille qu’un artiste reste enfermé dans son domaine de prédilection, mais je crains qu’à de très rares exceptions près, le génie ne se partage pas. Admiration donc intacte pour Kandinksy peintre, maître de l’abstraction et de la couleur.

Je garde ma liberté d’accoler à ces toiles les musiques qui me viennent…et je comprends la fascination qu’ont pu exercer les trois pièces pour piano op.11 de Schoenberg sur Kandinsky

Roberta Alexander (1949-2025)

On a appris hier le décès, à 76 ans, de la soprano américaine, installée depuis 1975 à Amsterdam, Roberta Alexander.

Je dois à cette artiste certaines de mes plus belles curiosités, certains de mes plus grands bonheurs musicaux.

C’est par et grâce à elle que j’ai découvert ce petit chef-d’oeuvre de Samuel Barber : Knoxville, Summer of 1915.

Avec elle, j’ai trouvé la version idéale des oeuvres vocales du compositeur néerlandais Henrik Andriessen (lire Vendredi saint)

Roberta Alexander a contribué à faire connaître en dehors de ses Pays-Bas natals, l’oeuvre superbe d’Alphons Diepenbrock (Le Hollandais oublié). Mais elle a évidemment aussi et surtout chanté Mozart, Mahler et ce qu’on appelle le grand répertoire. Avec ce quelque chose, ce vibrato serré, dans la voix, qui la rendait unique.

PS À propos de Schoenberg, cité à propos de Kandinsky, s’est développée sur Facebook l’une de ces discussions qu’affectionnent certains sur l’orthographe des noms allemands et russes de musiciens. Il faudra que j’y revienne dans une prochaine brève de blog !

Pivot et la Neuvième

Bernard Pivot (1935-2024)

Tout le monde a rendu ou va rendre hommage à Bernard Pivot et ce n’est que justice.

J’ai moi-même raconté sur Facebook mon seul souvenir d’une rencontre avec lui :

« J’ai un seul souvenir, minuscule, d’un contact direct avec Bernard Pivot. Il y a une quinzaine d’années, je fréquentais le Balzar, à côté de la Sorbonne, à l’époque où l’on pouvait encore y manger convenablement. Il y avait des habitués, célèbres ou moins. Un jour on m’assied à côté de la table de Jean Tulard (qui se plaçait toujours face au miroir de dos à la salle). A peine étais-je installé que je vois s’approcher Bernard Pivot, qui prend place à ma droite. Inévitablement j’entends la conversation entre Pivot et Tulard et un troisième convive que je n’ai pas identifié. Je vois que Pivot regarde souvent en ma direction. Apercevant Le Monde du jour sur un coin de ma table, il en prend prétexte pour me demander où j’ai pu me procurer le journal normalement pas disponible en kiosque avant 14 h. C’est ainsi que nous avons échangé de délicieuses banalités et que j’ai eu l’impression que mon illustre voisin aurait bien aimé poursuivre la conversation avec l’inconnu que j’étais, plutôt qu’avec ses commensaux. J’eus aussi à ce moment-là la confirmation de l’influence du « Roi Lire » sur le monde des lettres, lorsque deux autres hôtes du Balzar s’en vinrent le saluer respectueusement : Jean-Noël Jeanneney et l’académicien Marc Fumaroli, tout en remerciements d’un article qu’avait dû lui consacrer Pivot.

La dernière apparition de Bernard Pivot à la télévision – dans C à vous je crois – m’avait profondément attristé. D’une absolue lucidité sur son état – ces mots qui désormais lui manquaient, s’absentaient – je m’étais dit que ce soir-là il prenait congé de nous. »

Mais on pourra voir et revoir bien sûr ses grandes émissions et ses interviews mythiques avec les plus grands auteurs du XXe siècle. Et surtout si l’on veut retrouver ce personnage si profondément sympathique, relire cette manière d’autobiographie

« Mots autobiographiques, mots intimes, mots professionnels, mots littéraires, mots gourmands… Tous ces mots forment un dictionnaire très personnel. Mais les mots de ma vie, c’est aussi ma vie avec les mots. J’ai aimé les mots avant de lire des romans. J’ai vagabondé dans le vocabulaire avant de me promener dans la littérature » (Bernard Pivot)

La Neuvième a 200 ans

Renaud Machart nous rappelle opportunément dans Le Monde que la Neuvième symphonie de Beethoven a été créée le 7 mai 1824 : ‘Il allait de soi qu’Arte, chaîne franco-allemande, fasse honneur à la Symphonie n9 de Ludwig van Beethoven (1770-1827), créée voici deux siècles exactement, le 7 mai 1824 : le compositeur allemand avait cru dans les promesses des Lumières et de la Révolution française avant de devenir – par-delà le bien et le mal – un symbole national allemand puis européen. » A suivre donc ce soir sur Arte et sur Arte.tv une soirée exceptionnelle.

La charge symbolique et politique de l’ultime symphonie de Beethoven reste puissante. On se rappelle tous ce concert extraordinaire au lendemain de la chute du Mur de Berlin, et les choeurs rassemblés sous la houlette de Leonard Bernstein transformant le texte de Schiller en « Ode à la Liberté« 

Voix de miel et de bronze : Victoria et Jessye

C’est un exercice auquel je refuse de me livrer, même si j’y suis parfois contraint : comment décrire une voix humaine, a fortiori chantante ? On en est réduit à des images, à des adjectifs dont la banalité le dispute souvent à l’inexactitude.

Une centenaire solaire

Victoria de Los Angeles est née, il y a cent ans, le 1er novembre 1923 à Barcelone et morte le 15 janvier 2005 dans sa ville natale. Warner a eu la bonne idée de lui dédier un coffret copieux, qui ne contient à ma connaissance aucun inédit, mais qui résume bien la carrière exceptionnelle de cette voix sensuelle, gorgée de lumière, qui s’était confiée au micro de Jean-Michel Damian sur France Musique à l’occasion de ses 70 ans : Mémoire retrouvée, Victoria de Los Angeles. J’ai pour ma part le souvenir d’un récital donné à Cannes, à l’occasion du MIDEM, à l’automne 1993, récital capté par France Musique : les craintes de l’équipe technique, et la mienne, avaient été levées dès les premiers instants. La cantatrice savait parfaitement ce qu’elle pouvait encore chanter, à un âge où ses consoeurs avaient depuis longtemps renoncé, et ce fut un éblouissement constant.

J’évoquais l’été dernier les circonstances particulières de l’enregistrement de l’un des plus beaux disques de Carmen de Bizet – L’impossible Carmen

Je ne vais pas me livrer au petit jeu des préférences : tout est admirable dans cette boîte. Quelques-uns des trésors qui font mon bonheur depuis des lustres :

Dans ce Ravel, on ne sait qu’admirer le plus : la diction, le timbre, la souplesse de la voix…

Jessye enfin

Bien plus que Victoria de Los Angeles, Jessye Norman (1945-2019) a été, dès mes premiers émois musicaux, la compagne de mon éducation à l’univers de la voix, de la mélodie, de l’opéra même, comme je l’ai raconté ici lorsqu’elle a disparu il y a quatre ans : Les chemins de l’amour .

Ce coffret récapitulatif de ses enregistrements de studio (à l’exception des intégrales d’opéra) avait été annoncé il y a plus de deux ans – lire Disques fantômes, et on avait fini par penser qu’il ne sortirait jamais. Finalement, commandé vendredi (sur un site italien), reçu samedi, je l’ai ouvert et découvert comme un enfant à qui on aurait fait le plus beau cadeau de Noël. Il n’y a là pourtant rien que je ne connaisse déjà, que j’ai précieusement collectionné au fil des ans, à part peut-être The Child of our time de Tippett, dirigé par Colin Davis, qui m’avait échappé. Il y a des doublons, mais on ne fait pas la fine bouche quand la 9e de Beethoven est dirigée par Levine ou Böhm, la 3e de Mahler par Abbado et Ozawa, ou encore quand se présentent deux versions du Chant de la Terre de Mahler (avec une préférence pour celle de James Levine et le trop rare et magnifique Siegfried Jerusalem)

Comme pour le coffret Los Angeles, une somme admirable qui rend justice à l’une des plus extraordinaires musiciennes de la fin du XXe siècle, voix de bronze et d’ambre d’une puissance inégalée.

Détails du coffret :

CD1    Schubert & Mahler Lieder 
CD2    Schumann: Frauenliebe und -leben Op. 42; Liederkreis, Op.39 
CD3    Les Chemins de l’amour – Songs By Duparc, Ravel, Poulenc & Satie 
CD4    Brahms: 12 Lieder 
CD5    Brahms: 29 Lieder 
CD6    Brahms: 23 Lieder 
CD7    Schubert: 12 Lieder 
CD8    Richard Strauss: 20 Lieder 
CD9    Live at Hohenems 
CD10    Live in Europe 
CD11    Salzburg Recital 
CD12    Tippett: A Child Of Our Time 
CD13    Jessye Norman sings Wagner 
CD14    Mahler: Songs from « Das Knaben Wunderhorn »  (dir. Bernard Haitink avec John Shirley-Quirk)
CD15    Schoenberg: Gurrelieder
CD16    Schoenberg: Gurrelieder (dir. Seiji Ozawa)
CD17    Berlioz: Les Nuits d’été; Ravel: Shéhérazade 
CD18    Beethoven: Symphony No.9 in D minor, Op.125 – « Choral »  (dir. Karl Böhm
CD19    Mahler: Das Lied von der Erde (dir. Colin Davis avec Jon Vickers)
CD20    Mahler: Symphony No.3 in D minor 
CD21    Mahler: Symphony No.3 in D minor (dir. Claudio Abbado)
CD22    Richard Strauss: Four Last Songs 
CD23    Beethoven: Symphony No.9 in D minor, Op.125 – « Choral »  (dir. James Levine)
CD24    Wagner: Tristan und Isolde excerpts; Siegfried Idyll; Overture « Tannhäuser » 
CD25    Live at Notre Dame 
CD26    Beethoven: Missa Solemnis, Op.123 
CD27    Beethoven: Missa Solemnis, Op.123 (dir. James Levine)
CD28    Schoenberg: Erwartung; Cabaret Songs 
CD29    Mahler: Symphony No.3 in D minor 
CD30    Mahler: Symphony No.3 (dir. Seiji Ozawa)
CD31    Mahler: Das Lied von der Erde (dir. James Levine avec Siegfried Jerusalem)
CD32    Spirituals 
CD33    Sacred Songs 
CD34    A Great Day in the Morning 
CD35    Spirituals in Concert 
CD36    Christmastide 
CD37    In the Spirit – Sacred Music for Christmas 
CD38    With a Song in My Heart 
CD39    Lucky To Be Me 
CD40    I Was Born in Love with You 
CD41    Mahler: Kindertotenlieder; Lieder eines fahrenden gesellen; Wagner: Wesendonck Lieder 
CD42    Berlioz: La Mort de Cléopatre; Brahms: Alto Rhapsody; Bruckner: Te Deum 

DVD1: Jessye Norman Recital 
DVD2: Jessye Norman at Christmas 
DVD3: Jessye Norman A Portrait

Les restes de Bucarest

J’étais de retour à Bucarest pour le week-end de clôture du festival Enesco, deux ans après sa dernière édition (lire Bucarest en fête). Sous la canicule exactement (le thermomètre dépassait allègrement les 30°).

Un festival extraordinaire

Je l’ai déjà écrit ici, et je l’écrirai encore dans mes chroniques pour Bachtrack à propos des trois grands concerts symphoniques qui concluaient cette édition (lire: Le triomphe du National et Le Concertgebouw en majesté) le festival Enesco est véritablement sans équivalent en Europe, et sans doute dans le monde. Pendant un mois, entre quatre et cinq concerts par jour ! Et une liste incroyable d’invités, à commencer par la crème des orchestres européens.

(Cristian Macelaru et l’Orchestre national de France le 22 septembre à Bucarest)

Pour ne pas me laisser impressionner par la foule, de tous âges et de toutes conditions, qui se presse dans l’immense salle du Palais (4000 places !) pour les grands orchestres, je me suis rendu à un concert nettement plus confidentiel : le public ne devait pas dépasser la centaine de personnes, dans le bel auditorium (800 places ?) de la maison de la radio, située un peu à l’écart du centre. L’orchestre philharmonique de BACĂU, une petite ville de la Moldavie roumaine, un chef kazakh Alan Burybaiev, un jeune violoncelliste roumain de 29 ans, Stefan Cazacu, et un programme qui, en dehors du Concerto pour orchestre de Bartok, échappait au qualificatif de « grand public ». Un programme très « service public » au sens où l’entendent certains nostalgiques (dont je fais parfois partie !) qui regrettent que les radios publiques, surtout lorsqu’elles disposent de forces musicales, négligent leur mission patrimoniale.

En l’occurrence ce dimanche, c’était une oeuvre – sans intérêt il faut bien l’avouer – d’un dénommé Ulpiu Vlad, compositeur roumain né en 1945… qui ouvrait le concert : en plus l’orchestre sonnait faux, avec mention spéciale pour les violoncelles ! On était donc mal parti. La deuxième oeuvre m’intriguait : création roumaine du concerto pour violoncelle (2016) de Salonen. J’ai rarement été déçu par Esa-PeKka Salonen chef d’orchestre, et jamais par Salonen le compositeur. Le modeste orchestre de Bacau a paru parfois dépassé par l’ampleur de la tâche – Salonen est un orchestrateur hors pair – mais le violoncelliste a porté ce long concerto avec une conviction, une chaleur de son, qui lui ont valu de longs applaudissements du public. J’ai zappé le Bartok…

Bucarest à la peine

Il y a deux ans, j’avais aimé me promener dans Bucarest, lui trouvant un air de renouveau, d’enthousiasme plus frappants que lors d’une précédente visite en 2017.

Bel exemple de restauration, l’église orthodoxe Saint-Nicolas-des-étudiants, où j’aime me recueillir.

Autre bel exemple, cette librairie-café installée dans une ancienne banque :

J’avais mis sur le compte d’efforts encore insuffisants les balafres visibles dans le coeur de la cité, comme la rue des Français bien estropiée. En 2023, alors que la météo est la même, soleil et chaleur, j’ai trouvé la capitale roumaine bien fatiguée, d’abord très encombrée par un trafic automobile qui semble augmenter exponentiellement, ce que m’a confirmé une jeune fonctionnaire du ministère du tourisme, un parc d’immeubles en plein centre ville dans un état désastreux. Même si certaines rénovations sont réussies, on a le sentiment que l’énergie qui avait été mise dans le renouveau, la reconstruction après l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne, est retombée, passée de mode.

Dans le centre, quartier résidentiel ou pas, un bâtiment sur deux est quasiment à l’état de ruine. Il n’est jusqu’à d’anciens palais ou bâtiments officiels qui ne souffrent de tels délabrements.

Juste à côté d’une église qui a été bien rénovée, un chantier de fouilles archéologiques qui paraissait en pleine activité il y a deux ans, aujourd’hui manifestement complètement abandonné, comme un chancre dans le coeur historique de Bucarest. Je me suis abstenu de prendre plus de photos de cette déchéance…

Un office du dimanche matin

Mes interlocuteurs roumains incriminent l’émigration, selon eux, considérable, non seulement des cerveaux, médecins, scientifiques, universitaires, vers l’Ouest européen ou les Etats-Unis, mais surtout maintenant des ouvriers, des artisans, qui faisaient la réputation du pays, partis eux aussi faire fortune à l’Ouest…

Plus étonnant encore : en dehors d’une passionnante exposition dans la Villa Sutu, musée municipal de Bucarest sur l’histoire de la cité et sa transformation notamment à la fin du XXe siècle, on a l’étrange sentiment qu’on cherche à effacer tout ce qui rappelle la « révolution » de 1989. Sur la place justement de la Révolution, ne subsiste plus que ce monument, mais plus aucune trace de ce qui s’est passé ici en décembre 1989. De même, la maison du Peuple (ou du Parlement selon les appellations), dont on vante désormais les proportions gigantesques, comme si elle n’était pas l’oeuvre d’un fou furieux (Ceaucescu) qui a fait raser 1/5ème de la ville…n’est plus l’objet d’aucune polémique. Mon voisin dans l’avion de l’aller, Jean-Michel Jarre, y donnait samedi soir un concert « mapping » qui a, semble-t-il, drainé la grande foule.

Encore un détail… qui n’en est pas un pour une ville qui compte beaucoup sur le tourisme. Phénomène qui perdure malgré les changements de régime et de générations : l’incapacité des garçons de café ou de restaurant, des réceptionnistes d’hôtel, voire des vendeurs dans les boutiques, de s’intéresser au client qui arrive. On a toujours la très désagréable impression d’avoir affaire à des « RAF » (rien à foutre !). Ils ne sont ni désagréables ni aimables, ils ne sont juste pas là pour vous accueillir, vous recevoir et vous conseiller ! Dommage

(Oui à Bucarest le café Van Gogh jouxte le café Rembrandt !!)

Régime de fête (VI) : aimer, boire et chanter

Un bouquet de voeux ? le titre français de la valse de StraussWein, Weib und Gesang (1869) me va mieux que l’original allemand, il n’impose ni le choix de l’être aimé, ni celui de la boisson !

Cette valse est un marqueur de l’interprétation de ce répertoire, d’abord parce qu’elle comporte une très longue introduction – près de la moitié de la durée de l’oeuvre ! – dont beaucoup de chefs ne savent pas quoi faire, et qu’ils raccourcissent ou suppriment carrément, le plus souvent, ensuite parce que la tendance de nombre de baguettes est à wagnériser, noyer le flot orchestral.

Le seul qui évite tous les pièges de la partition et qui en donne un modèle interprétatif est Willi Boskovsky. Ecoutez comme il avance, accélère même insensiblement, et fait tournoyer les valseurs, à partir de 5′

Le parfait contre-exemple est cet enregistrement de Karajan, tout le début tronqué, et des valses engluées, sans ressort ni rebond. La comparaison est cruelle…

Barenboim 2022

J’ai regardé hier le concert de Nouvel an de Vienne, j’étais plutôt réticent, après l’expérience plutôt désastreuse de l’an passé, et surtout le souvenir très mitigé des précédentes éditions dirigées par le même Daniel Barenboim

J’ai trouvé le chef, pas encore octogénaire, dans une forme physique fragile et – conséquence de cela ? – moins impérieux, moins dans le contrôle permanent. Autre élément surprenant pour les habitués du. chef : la présence des partitions au pupitre, alors qu’il les connaît et dirige toujours par coeur. Comme s’il faisait confiance à ses musiciens, leur lâchait la bride. Et ce fut finalement un concert de Nouvel an beaucoup plus intéressant, vivant, « viennois » que ce que à quoi Barenboim nous avait habitués.

Le contraste est saisissant avec le concert de 2014 – et cette ouverture de Waldmeister maniérée, empesée.

Le concert idéal

J’ai une marotte, je crois l’avoir maintes fois décrite ici (Capitale de la nostalgie), je collectionne les Concerts de Nouvel an, j’ai parfois du mérite ! Aucun, même Carlos Kleiber en 1989 et 1992, n’est parfait de bout en bout.

Je me suis donc amusé, en guise d’étrennes et de voeux de bonne année, à dresser une sorte de concert idéal de Nouvel an, en reprenant le programme d’hier

Journaux du matin (Morgenblätter)

Zubin Mehta en 1995 donne de l’allure et de l’allant à cette valse, où, en 2001 Harnoncourt et plus encore Georges Prêtre en 2010, minaudent, « rubatisent », à en être insupportables.

La Chauve-souris (Die Fledermaus) ouverture

L’ouverture de La Chauve-souris, aussi populaire soit-elle, n’est pas à la portée de toutes les baguettes, et les ratages, même de la part de très grands, sont plus nombreux que les réussites. J’ai été plutôt séduit par ce qu’en a fait Daniel Barenboim hier. Mais de tous les titulaires du podium du Nouvel an viennois, c’est définitivement Carlos Kleiber qui, en 1989, tient la référence.

Ziehrer : Les noctambules / Nachtschwärmer

Pour beaucoup, cette valse chantée… et sifflée de Carl-Michael Ziehrer aura été une découverte. J’ai éprouvé en voyant et en entendant les Wiener Philharmoniker, et surtout en regardant Barenboim comme lointain, hagard, parfois absent, un intense sentiment de nostalgie.

Peu de versions au disque, mais celle-ci qui me permet de signaler ce formidable coffret de l’un des plus grands maîtres de la musique viennoise, Robert Stolz (1880-1975).

Mille et une nuits

Une valse assez souvent programmée le 1er janvier. Evidemment Carlos Kleiber reste le maître, Gustavo Duhamel, en 2017, a encore un peu de chemin à faire pour épouser les sortilèges de cette valse. Mais dans ma discothèque, je reviens finalement assez souvent à un chef, Eugene Ormandy (1899-1985), né Blau-Ormándy Jenő à Budapest.

Musique des sphères

Benoît Duteurtre l’a redit hier, je l’ai souvent écrit ici, Johann Strauss considérait son cadet Josef né en 1827 et mort à 42 ans en 1870, comme « le plus doué » de la famille. La production de Josef Strauß est, par la force des choses, moins abondante que celle de son frère aîné, mais plus riche d’authentiques chefs-d’oeuvre notamment ses valses.

La Musique des sphères, entendue hier, en est un, et particulièrement difficile pour un chef qui voudrait tout contrôler (le meilleur contre-exemple est Christian Thielemann en 2019 !).

Ici, c’est un Karajan malade, au même âge que Barenboim hier (79 ans), qui, un peu à l’instar de son cadet, avait décidé, lors de l’unique concert de Nouvel an qu’il dirigea le 1er janvier 1987, de se laisser porter, d’aimer tout simplement des musiciens qu’il dirigeait depuis si longtemps, et cela donne, comme hier avec Barenboim, la quintessence de la valse viennoise.

Le Danube d’Abbado

Faire un choix dans les centaines de versions du Beau Danube bleu relève de l’impossible. On s’en tiendra donc à une version maintes fois célébrée hier, puisque sortie largement en tête d’un Disques en lice (la défunte tribune de critique de disques de la Radio suisse romande). Sans doute la plus attendue : Claudio Abbado lors du concert du Nouvel an 1988, l’un des deux qu’il dirigea dans les années 80. On ne s’en lasse pas !

Quant à la marche de Radetzky, qu’on finit par ne plus supporter… certains ont critiqué la lenteur du tempo de Barenboim. En l’occurrence, c’est lui qui a raison. Ce n’est pas « cavalerie légère », c’est une marche militaire qu’il faut imaginer à cheval (lire La marche de Radetzky). Harnoncourt en 2001 proposait une « version originale » et marquait les auditeurs justement par la modération de son tempo :

11 septembre, vingt ans après

Banalité que de rappeler que nous, les gens de plus de 30 ans, nous souvenons exactement de ce que nous faisions, le 11 septembre 2001, lorsque les tours jumelles du World Trade Center de New York ont été attaquées.

J’ai déjà raconté ce souvenir très précis (11 septembre) :

« C’était un mardi. Depuis la veille Louis Langrée répétait le programme qui devait inaugurer sa première saison comme directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Liège (qui ne deviendra « royal » qu’en 2010). Un programme emblématiquement français qui comportait en son coeur le Poème de l’amour et de la mer de ChaussonChanté par une artiste de 22 ans, la merveilleuse Alexia Cousin.

Vers 15h 15, le comptable de l’Orchestre lance dans le couloir du 5ème étage de la Salle Philharmonique, où nous avions nos bureaux : « Il se passe quelque chose de bizarre sur mon écran, il y a eu un accident d’avion à New York ! » J’allume le téléviseur de mon bureau, et quelques instants plus tard je vois le deuxième avion percuter la deuxième tour. Plus aucun doute n’est permis, il ne s’agit plus d’ »accidents ».

J’ai promis au délégué artistique de l’orchestre, Stéphane Dado, qui est hospitalisé pour quelques jours à l’hôpital de la Citadelle de Liège de lui apporter des documents et de passer le voir – il enrage de ne pouvoir être à son poste la semaine où Louis Langrée entame son mandat ! Je prends ma voiture, me branche sur une des chaînes de la RTBF qui commente l’actualité américaine, j’entends qu’un autre avion s’est écrasé sur le Pentagone. Affolant ! François Bayrou déclare qu’on est vraisemblablement entré dans une nouvelle guerre mondiale, nul ne sait si d’autres attaques ne vont pas s’abattre sur les grandes capitales du monde.

Je sors hagard de ma voiture sur le parking de la Citadelle, je rejoins Stéphane dans sa chambre. Il n’est pas encore au courant, au moment où je branche son petit appareil de télévision, il reçoit un appel de son compagnon qui est alors le porte-parole du Premier ministre belge, en déplacement ce jour-là en Ukraine, à Yalta !! Toutes les capitales essaient de comprendre, de parer aussi à d’autres attaques du même type. Le chef du gouvernement de Belgique décide de rentrer immédiatement en Belgique, son porte-parole se veut rassurant.

Je rentre ensuite à l’orchestre, toujours aussi sonné. J’appelle mes enfants à Paris. Puis je descends dans la loge du chef. La répétition est terminée depuis un bon moment, mais Louis Langrée travaille encore avec Alexia Cousin. L’un et l’autre n’ont évidemment rien suivi de la tragique actualité de l’après-midi, et c’est moi qui relate les événements à Louis Langrée. Il passera la nuit suivante essayant d’avoir des nouvelles d’un ami, son ancien agent, qui devait s’installer dans ses nouveaux bureaux à proximité des tours, accroché aux images qui tournent en boucle sur toutes les chaînes de télévision. Moi aussi.

Le lendemain, il faut prendre une décision quant au sort des trois concerts prévus, le 13 à Bruxelles, le 14 et le 15 à Liège. Annuler ? modifier ? Finalement nous décidons de maintenir et de ne rien changer à un programme qui est parfaitement compatible avec l’atmosphère de recueillement et de compassion qui s’imposera à tous. Le public bruxellois est clairsemé, celui de Liège plus dense.

Louis Langrée a, à chaque fois, les mots justes. Il a été frappé par l’attitude des Américains qui, le soir du 11 septembre, se sont spontanément rassemblés sur toutes les places, dans toutes les villes des Etats-Unis, pour chanter ensemble leur émotion, leur douleur, leur refus de la terreur aveugle. Oui, la musique comme réponse à l’horreur, comme partage de la solidarité avec les victimes, les familles et tout un peuple.« 

La suite, c’est dans Le Monde daté du 18 septembre 2001, qu’on a pu la lire. Renaud Machart qui m’avait annoncé sa venue l’a maintenue et ce premier concert, répété dans d’aussi terribles conditions, aura un large écho dans le quotidien français :

Louis Langrée sur l’Orchestre philharmonique de Liège :

« Lors d’un de nos premiers concerts, nous avons donné une formidable Onzième symphonie de Chostakovitch. Je crois que cela restera une expérience mémorable pour eux comme pour moi. J’ai trouvé d’excellents musiciens désireux de progresser ensemble. Il y a certes du travail à effectuer, notamment par pupitres séparés, un répertoire nouveau mais basique à installer. Les cordes jouent avec une pâte et un engagement rares. Nous avons quelques merveilleux solistes, comme notre nouvelle flûte solo, et d’autres postes vont être progressivement renouvelés. L’OPL progressera en alternant des programmes avec des œuvres difficiles, comme Pelléas et Mélisande, de Schoenberg, et des pièces que la formation joue naturellement et depuis longtemps. Il faut aussi retravailler le répertoire classique, hygiène de tout orchestre. En tout cas, nous sommes déjà heureux de notre premier disque, en compagnie de la violoncelliste Anne Gastinel, dans le Concerto de Schumann. Il sort dans quelques semaines chez Naïve. J’en suis, nous en sommes fiers. » (Renaud Machart, Le Monde, 18 septembre 2001)

Une Shéhérazade de rêve :

Après l’avoir entendu à la tête de l’Orchestre philharmonique de Liège, dans ce programme exigeant, le premier de sa première saison en tant que directeur musical, on est à présent certain de tenir là un chef de premier plan, capable de tenir ses troupes, de les faire travailler avec une précision résolue (à l’occasion d’un reportage, nous avons pu l’entendre répéter minutieusement la difficultueuse Barque sur l’océan, de Maurice Ravel) et, parvenu au concert, leur lâcher la bride pour qu’elles retrouvent le plaisir de jouer, de donner, de se donner…/…

Moment d’une rare beauté que cette Shéhérazade de Ravel, où les tréfonds sourdement érotiques de l’oeuvre prenaient des couleurs orchestrales d’une beauté mystérieuse, tandis qu’Alexia Cousin, stupéfiante de maturité et de naturel, en distillait le message poétique. On connaissait les aigus de stentor de la jeune cantatrice d’à peine vingt-deux ans, fameuse pour ses incarnations de rôles lourds ; on a découvert son beau médium, sa diction soigneuse, son intonation impeccable, sa belle musicalité« . (Renaud Machart, Le Monde, 18 septembre 2001)

Retour à New York

Dans mon souvenir, New York est presque toujours lié à la musique. La première fois que je découvris – pour l’aimer à tout jamais – cette ville-monde, c’était en 1989 à l’occasion d’une tournée de l’Orchestre de la Suisse romande (lire Julia Varady #80). Un matin j’avais décidé d’aller visiter les fameuses tours jumelles, qui, sur un plan, me paraissaient assez proches de l’hôtel, j’en fus quitte pour 7 km à pied ! et du haut de la tour qui se visitait une fabuleuse vision de la « grosse pomme ».

Il y eut ensuite 1998, encore la musique et cette fois la radio (lire La belle carrière de Claude).

Et en 2003 – moins de deux ans après le 11-Septembre – Louis Langrée inaugurant cette fois son mandat de directeur musical du Mostly Mozart Festival de New York

D’autres séjours suivirent, liés à ce festival ou à d’autres événements musicaux. Le dernier en novembre 2017, voir toutes les images ici : Back in New York. En particulier le mémorial du 11 septembre et la nouvelle et unique tour du World Trade Center :

Le silence de la musique

Je ne peux qu’inviter à la lecture de cette tribune parue hier sur liberation.fr : Le silence des orchestres, jusqu’à quand ?

Une tribune, signée Mathieu Schneidervice-président de l’Université de Strasbourg, historien de la musique :

« La santé de la population est une chose, l’hystérie normative en est une autre. Et elle a de quoi inquiéter de nombreux secteurs d’activité.

Les ensembles musicaux, instrumentaux ou vocaux, risquent d’en faire les premiers les frais. Il est urgent de trouver aujourd’hui le juste équilibre entre prévention et acceptation du risque, et de redonner du sens à la responsabilité individuelle. A vouloir se prémunir collectivement de tout, on arrêtera de vivre.

Ce n’est qu’à ce prix qu’en cette année 2020 où nous fêtons les 250 ans de la naissance de

Beethoven, nous redonnerons sa voix à la musique et et son sens à la civilisation. » 

(Lire ici la totalité de l’article)

 

img_2022(L’Orchestre National de France dans l’auditorium de la Maison de la Radio à Paris)

À rapprocher d’un édito – au ton nettement plus polémique – d’Etienne Gernelle dans Le Point du 7 mai dernier : La civilisation de la pétoche.

Dans cet article du 25 avril  – Le coeur lourd – j’expliquais la décision que j’avais dû prendre d’annuler l’édition « physique » du Festival Radio France 2020.

Un mois plus tard, je constate que les parcs d’attraction vont rouvrir, que les grands spectacles comme Le Puy du Fou reprennent. Que quelques festivals amis ont maintenu, contre la pression médiatique, tout ou partie de leur édition, et qu’à l’inverse l’une des plus touristiques régions de France, l’Occitanie, n’aura à offrir à ses citoyens, et ses visiteurs, qu’un désert culturel et musical…

Tout le monde a pu voir sur Facebook cette photo prise par le baryton Michael Volle sur un vol long-courrier, archi-plein et l’indignation qui est la sienne, partagée par tant de ses collègues, comme Sonya Yoncheva ou Anna Netrebko, relayée par DiapasonAvions pleins à craquer, salles de concert vides

avions-pleins-craquer-salles-concerts-clairsemees-cherchez-erreur

Au nom de ces principes de « précaution » dénoncés par Mathieu Schneider et Etienne Gernelle, de la crainte qui s’est emparée de tous les responsables politiques de devoir répondre des conséquences de leurs décisions devant la justice, on laisse tout un éco-système culturel dans un brouillard total.

Pourrait-on au moins laisser les organisateurs, les patrons d’orchestres, de salles de concert, expérimenter, essayer, de nouveaux formats de concert ou de représentations d’opéra, avec le concours d’un public volontaire… et bien sûr des artistes pour qui ce serait toujours mieux que le rien actuel ?

Je ne parviens pas à me résoudre à ce que, désormais, la musique doive ressembler à cela :

J’emprunte à Mathieu Schneider la conclusion de son article :

«O Freunde, nicht diese Töne !» (O amis, pas ces notes !) Que l’anathème portée par le baryton de la Neuvième de Beethoven contre la petitesse de la société bourgeoise des années 1820 soit pour nous aussi une exhortation à imaginer un idéal ! Les règles ont toujours été bénéfiques pour l’art, car il s’en est joué. Les normes, elles, brident la création et obstruent le regard. Ce regard doit aujourd’hui, plus que jamais, être collectif. Les orchestres, ce ne sont pas que de grandes institutions publiques, ce sont aussi des milliers d’associations d’amateurs par le monde, pour lesquelles jouer de la musique est d’abord un plaisir.

Ce plaisir ne doit aujourd’hui pas être tabou. C’est lui qui nous donne envie, c’est lui qui fait communauté. N’est-ce pas un hasard si les sons que le baryton nous exhorte à écouter sont précisément ceux de l’Ode à la joie de Schiller ? Cette joie, Schiller et Beethoven l’ont chantée sur le mode de la fraternité, celle qui seule pourra redonner, par-delà les frontières, sa voix à Beethoven et son sens à notre civilisation (Libération, 21 mai 2020)

https://www.youtube.com/watch?v=IInG5nY_wrU

Transatlantique : Paris-Cincinnati

Je me suis promis de retourner à Cincinnati – la première et la dernière fois c’était il y a 30 ans, en 1989, lors d’une tournée de l’Orchestre de la Suisse romande avec Armin Jordan.

Après Jesus Lopez-Cobos, Paavo Järvi, c’est le Français Louis Langrée qui est aux commandes de l’orchestre symphonique de Cincinnati depuis 2013. À défaut de pouvoir aller entendre la phalange américaine dans ses murs (et tenir ma promesse), j’ai pu assister, il y a déjà deux ans, le 8 septembre 2017, à la Seine Musicaleà un mémorable concert (La fête de l’orchestre):

…. »Une salle qui confirme ses qualités acoustiques, précision, chaleur, malgré l’effectif orchestral imposant du programme choisi par Louis Langrée et le Cincinnati Symphony Orchestrapour l’avant-dernier concert de leur triomphale tournée européenne : On the Waterfront de Bernstein, le Lincoln Portrait de Copland (une oeuvre créée par l’orchestre de Cincinnati et donnée ici dans sa version française avec Lambert Wilson comme récitant) et la Cinquième symphonie de Tchaikovski/…./

Bonheur évidemment de retrouver Louis Langrée avec « ses » musiciens américains, curiosité aussi. Comment cette phalange si typiquement chaleureuse, dense et ronde, moins brillante – d’autres diraient moins clinquante – que certaines de ses concurrentes, allait sonner sous la houlette d’un chef qu’on a tant fréquenté et entendu avec des formations européennes (Liège, Paris, Berlin, Vienne, Londres, etc.) ? Comme toujours avec Louis Langrée, la partition même la plus connue (Tchaikovski) semble (re)naître, des traits, des lignes mélodiques, des détails rythmiques nous sont révélés, mais insérés dans une grande arche, un mouvement inépuisable, irrésistible. »

91mdx9VgZlL._SL1500_

L’orchestre américain et son directeur musical viennent de sortir un disque, disponible sur les sites de téléchargement, qu’on ne trouvera pas dans les bacs des disquaires. Un programme comme les a toujours aimés Louis Langrée, un « couplage » qu’on s’étonne de n’avoir jamais vu auparavant :  Un Américain à Paris de Gershwin (1928), Amériques de Varèse (1922) et la symphonie en do Majeur de Stravinsky (1939-1940)

Trois oeuvres qui ont en commun un lien… transatlantique : Gershwin découvrant Paris en 1928, Varèse émigrant à New York en 1915, et Stravinsky composant en 1939 les deux premiers mouvements de sa Symphonie en do en France, les deux derniers aux Etats-Unis. Mais c’est à peu près le seul lien entre ces trois géants du XXème siècle. Leurs racines, leurs esthétiques, leurs destinées, tout les oppose. Et c’est une très belle idée que de les réunir et de les confronter sur cet album.

D’autant que le propos de Louis Langrée et du Cincinnati Symphony est aussi musicologique, puisque sont présentées ici la version originale (1922) d’Amériques de Varèse, écrite pour un orchestre gigantesque de plus de 150 musiciens, version qui avait été révisée… à la baisse à la demande de Stokowski, et deux versions, longue et abrégée de la nouvelle édition critique d’Un Américain à Paris.

51zSyZ5CKeL