Les Français connaissent (par coeur ?) la chanson Le Temps du muguet, écrite en 1959 par Francis Lemarque (1917-2002)
Il est revenu le temps du muguet
Comme un vieil ami retrouvé
Il est revenu flâner le long des quais
Jusqu’au banc où je t’attendais
Et j’ai vu refleurir
L’éclat de ton sourire
Aujourd’hui plus beau que jamais
Le temps du muguet ne dure jamais
Plus longtemps que le mois de mai
Quand tous ses bouquets déjà seront fanés
Pour nous deux, rien n’aura changé
Aussi belle qu’avant
Notre chanson d’amour
Chantera comme au premier jour
Il s’en est allé, le temps du muguet
Comme un vieil ami fatigué
Pour toute une année, pour se faire oublier
En partant, il nous a laissé
Un peu de son printemps
Un peu de ses vingt ans
Pour s’aimer, pour s’aimer longtemps
Dès sa publication, Danielle Darrieux s’est approprié la chanson. Normal l’actrice/chanteuse était née un 1er mai (1917)
On lit dans les notices écrites sur Lemarque que cette chanson s’inspire d’une « mélodie populaire traditionnelle russe ». Rien n’est plus faux. Francis Lemarque, compagnon de route du Parti communiste… et de l’Union soviétique, a très vite vu le parti qu’il pourrait tirer de la chanson composée, en 1955, par Vassili Soloviov-Sedoï (musique) et Mikhaïl Matoussovski (paroles).
Les soirées de Moscou / Подмосковные вечера
Не слышны в саду даже шорохи,
Всё здесь замерло до утра.
Eсли б знали вы, как мне дороги
Подмосковные вечера
Rien à voir avec le Premier Mai, ni avec le muguet, dans cette chanson qui devait d’abord s’appeler Les nuits de Leningrad, le compositeur étant natif de l’actuelle Saint-Pétersbourg. A la demande du ministère soviétique de la Culture, elle devient Les nuits de Moscou.
C’est l’acteur/chanteur Vladimir Trochine qui la crée dans un petit film de propagande destiné à illustrer le bonheur de vivre dans la capitale de l’Union Soviétique !
Mais ce n’est qu’en 1957 qu’elle acquiert une popularité internationale : elle est primée au Festival mondial de la jeunesse et des étudiants – une manifestation très prisée des régimes communistes (le premier « festival » eut lieu à Moscou en 1957, le treizième et dernier en 1989 à Pyongyang… en Corée du Nord !). Elle va aussi servir d’indicatif à Radio Moscou.
Elle a depuis acquis son statut de « chanson traditionnelle ».
Ce n’est pas sans une grande émotion qu’on revoit cet extrait d’un concert donné en 2013 sur la Place Rouge à Moscou, avec le duo le plus glamour de l’opéra russe, le très regretté Dmitri Hvorostovski (1962-2017) – lire Le combat perdu de Dmitri H., et la sémillante Anna Netrebko.
En 1958, en pleine guerre froide entre le bloc soviétique et l’Occident, la victoire d’un jeune pianiste américain Van Cliburn (lire Un Texan conquiert Moscou) au Concours Tchaikovski fait figure d’événement mondial.
L’Américain sait recueillir les faveurs du public moscovite en choisissant un bis très particulier :
