Les peintres de chez moi selon Van Gogh

Nul besoin de franchir l’Atlantique (voir Les peintres de chez moi) pour, en parallèle de la grande exposition Van Gogh à Auvers au musée d’Orsay à Paris, admirer une belle série de toiles exposées dans le plus modeste musée Daubigny d’Auvers-sur-Oise : Le Musée rêvé de Vincent

Outre la qualité et le nombre des toiles exposées, l’aspect le plus passionnant de cette exposition est que chacune d’elles est présentée, commentée, par Vincent van Gogh lui-même, dont on connaît l’abondante correspondance avec son frère Theo d’abord, mais aussi avec tous ses confrères.

Jules Breton (1827-1906) : La raccommodeuse de filet

Emile Breton (frère de Jules): La Grèle

Van Gogh : « Emile Breton a obtenu des effets qui sont le commencement de quelque chose de nouveau »

Charles-François Daubigny (1817-1878) : Le plateau de Valmondois, près d’Auvers-sur-Oise

Georges Michel (1763-1843): Paysage dans la plaine Saint-Denis

Camille Corot (1796-1875) : Le marais

Van Gogh : « …tout a pris exactement le visage des plus beaux Corot – un silence, un mystère, une paix comme lui seul les a peints »

Jules Dupré (1811-1889) : La mer en vue à Cayeux

Van Gogh : « quelle énorme variété d’atmosphères n’a-t-il pas exprimées en symphonie de couleurs’

Jules Dupré : Paysage

V.G. : « Dupré est peut-être plus coloriste que Corot et Daubigny, encore que Daubigny ait beaucoup d’audace en fait de couleur »

Narcisse Díaz de la Peña (1807-1876) : Une clairière

Gustave Courbet (1819-1877): Puits noir

Constant Troyon (1810-1865) : La rentrée du troupeau

Henri-Joseph Harpignies (1819-1916) : Vue des bords de Loire

Van Gogh (qui n’a pas pu assister au Salon de 1884) : « J’imagine que le Harpignies, avec ce soleil couchant, a dû être magnifique »

Jules Dupré: Le vieux chêne à l’abreuvoir

Jules Dupré : Charpentiers en forêt

Van Gogh : « J’ai toujours raffolé de Jules Dupré/…/ car c’est un véritable coloriste, toujours intéressant avec quelque chose de si puissant et dramatique »

Narcisse Díaz de la Peña : Sous-bois

Théodore Rousseau (1812-1867) : La mare, lisière de bois, Berry

Honoré Daumier (1808-1879) : Les quatre âges du buveur

V.G. : « J »ai toujours considéré Les quatre âges du buveur de Daumier comme une de ses plus belles choses »

Honoré Daumier: Boulevard du Temple à minuit

V.G. parlant de Daumier : « Il est amusant et pourtant plein de sensibilité et de passion »

Armand Guillaumin (1841-1927) : La Seine à Rouen

Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898) : La Source

Lucien Pissarro (1863-1944) : Forêt de pins

Sur les rives de l’Ohio

Il y a exactement une semaine j’étais à Cincinnati, Ohio, Midwest, au coeur de cette Amérique industrielle jadis triomphante, aujourd’hui se rétablissant à peine d’années de crise économique et sociale. Le plus ardent défenseur de ce renouveau n’est autre que le directeur musical du Cincinnati Symphony depuis 2013, le Français Louis Langrée (lire Sur les ailes de la musique), qui, lui, a vu Cincinnati renaître par la volonté farouche d’une communauté locale.

Je dois bien avouer – mais je ne suis resté que 48 h sur place ! – que j’ai été moins sensible à ce renouveau. Je n’avais pas gardé un grand souvenir de mon précédent passage en 1989, à l’exception du joli musée Taft (lire Les peintres de chez moi).

Comme dans la plupart des villes américaines de moyenne importance, le commerce de centre-ville a purement et simplement disparu: les grandes enseignes Saks et Macy’s qui occupaient les beaux immeubles de la Fifth Street ou de Fountain Square ont fermé. Je cherchais ce samedi une boutique de vêtements pour homme. Lorsqu’après avoir tourné à pied dans une ville déserte, je demandai au concierge de l’hôtel où je pourrais trouver ce qu’il me fallait, il me répondit : « À 15 minutes d’ici »… mais en voiture bien sûr!

La fontaine Tyler Davidson, monument emblématique de la ville.

Contrastes

Une balade à pied dans le centre offre au visiteur tous les paradoxes.

Temple protestant, synagogue et cathédrale côte à côte !

Cet écureuil n’est pas effarouché par la foule… absente !

Quelques jolies maisons dans le quartier de Over-the-Rine sur Vine Street.

L’imposante façade du Music Hall, siège du Cincinnati Symphony

Le Cincinnati Symphony, des racines européennes

Comme me le faisait remarquer Louis Langrée, l’orchestre, qui est l’un des plus anciens des Etats-Unis, a connu 14 chefs (voir la liste ici), dont 3 Américains seulement – Frank van der Stucken, Thor Johnson, Thomas Schippers – une continuité faite de personnalités opposées.

La discographie, même parcellaire, de l’orchestre, témoigne de la variété des répertoires abordés au fil des décennies (la seule liste des commandes et des créations du Cincinnati Symphony est édifiante, le rythme s’étant accéléré sous le mandat de Louis Langrée) et de la marque qu’ont laissée ses chefs successifs.

Thomas Schippers (1970-1977)

Le chef américain, disparu prématurément à 47 ans, était à la direction d’orchestre ce que J.F.Kennedy était à la politique, la beauté, le talent et le charisme réunis. Cincinnati fut son seul poste fixe. Les enregistrements de « sa » période sont malheureusement peu nombreux, mais ils sont tous à écouter.

Walter Susskind (1977-1980)

Le chef d’origine tchèque devenu britannique n’aura pas le temps de marquer son bref mandat, puisqu’il décèdera à son tour trois ans plus tard.

Michael Gielen (1980-1986)

Peut-on imaginer plus grand contraste entre Schippers, Susskind et l’austère Michael Gielen, qui a lui laissé une empreinte importante à Cincinnati ne serait-ce que par ses choix de répertoire.

Jesús López Cobos (1986-2001)

De nouveau total contraste entre l’austère Autrichien et le solaire Espagnol qui va rester 15 ans à Cincinnati, explorant autant le répertoire franco-ibérique dans lequel il était attendu que les symphonies de Bruckner et Mahler dont il a laissé pour Telarc de très beaux enregistrements.

Paavo Järvi (2001-2011)

Après le Sud, un grand vent d’Est souffle sur Cincinnati avec l’arrivée d’un jeune chef estonien qui va se faire un prénom et une réputation sur les rives de l’Ohio, Paavo Jârvi.

Le coffret publié par Telarc à l’issue de son mandat témoigne de la variété de ses intérêts.

Louis Langrée (2013-2024)

L’industrie du disque classique étant ce qu’elle est devenue, il ne faudra pas s’étonner du petit nombre de CD publiés sous l’ère Langrée. Il faut donc privilégier les captations de concerts (cf. le concert du 14 octobre intégralement diffusé : Sur les ailes de la musique)

Les peintres de chez moi

J’ai la chance d’habiter tout près de la dernière demeure d’un peintre qui est à l’honneur d’une exposition exceptionnelle au musée d’Orsay. Exposition qui rassemble, pour la première fois, une grande partie des 80 toiles peintes par Van Gogh durant les 70 derniers jours de sa vie, à l’été 1890, à Auvers-sur-Oise (voir Van Gogh à Auvers).

Van Gogh ne fut pas le seul, même s’il est resté le plus célèbre, des peintres et artistes, originaires ou résidents d’adoption de ces rives de l’Oise, qui font aujourd’hui partie du département du Val d’Oise.

Visitant lors de mon récent séjour aux Etats-Unis, le Metropolitan Museum à New York d’une part, le Taft Museum de Cincinnati d’autre part, j’y ai vu quelques belles toiles de ces peintres « de chez moi ».

Au Metropolitan Museum de New York

Je me promène souvent à Valmondois et je passe toujours devant la petite maison qu’Honoré Daumier y acquit en 1861 et où il est mort en 1879.

Cette toile de Daumier repérée au Met ne pouvait que m’interpeller :

Honoré Daumier, Le wagon de 3e classe (1862)

Rien à voir avec ma région, mais tout avec Hergé, Tintin et le capitaine Haddock ! Tout près de ce Daumier, un tableau – de belle facture – dont le titre m’a évidemment fait sourire :

Jean-Léon Gérôme, Bachi-bouzouk, 1868

Pour en revenir à mes paysages familiers, détour par Montpellier et Aigues-Mortes où j’ai tant de souvenirs :

Frédéric Bazille, Porte de la reine à Aigues-Mortes (1867)

Argenteuil est aujourd’hui une sous-préfecture – très peuplée – du Val d’Oise. Pas sûr que Monet y trouverait aujourd’hui ces champs de coquelicots.

Claude Monet, Champ de coquelicots à Argenteuil (1875)

Vétheuil a peut-être moins changé qu’Argenteuil…

Claude Monet, L’été à Vétheuil (1880)

Camille Pissarro a vécu une quinzaine d’années à Pontoise. La nature environnante l’a inspiré :

Camille Pissarro, Peupliers à Eragny (1895)
Camille Pissarro, La côte des Grouettes près de Pontoise (1878)
Camille Pissarro, Une vachère au Valhermeil, Auvers-sur-Oise (1874)

A Cincinnati, le Taft Museum

De mon précédent séjour à Cincinnati, à l’automne 1989, à l’occasion d’une tournée de l’Orchestre de la Suisse romande, j’avais retenu deux images, l’imposant siège de Procter & Gamble, et un très joli petit musée, le Taft Museum.

Le siège de Procter & Gamble, comme un décor d’un James Bond !

Dans ce joli musée, sans commune mesure avec l’immense Met de New York, on a l’impression de visiter une belle maison d’autrefois, dont les propriétaires n’ont collectionné que des chefs-d’oeuvre.

Jacob van Ruisdael, Fermes sur la grand route (1658)
William Turner, Trout stream (1809)

Plus près de chez moi, la figure de Jules Dupré (1811-1889) s’impose : c’est à L’Isle Adam qu’il a ses racines familiales et qu’il est mort.

Jules Dupré, Paysage avec bétail (1845)
Jules Dupré, Paysage (1880)

Le nom de Camille Corot (1796-1875) n’est pas souvent associé à Auvers-sur-Oise. Il a pourtant été l’ami de Charles Daubigny (lire Les deux amis), dont il a décoré la maison-atelier

Au Taft, il y a deux Corot et trois Daubigny !

Camille Corot, Le soir, la fête de Pan (1855)
Camille Corot, Sur les hauteurs de Ville-d’Avray (1865)
Charles Daubigny, Le soir tombe sur l’Oise (1863)
Charles Daubigny, La solitude du soir (1867)
Charles Daubigny, Le village de Gloton (1857)

Je ne peux évidemment pas refermer ce chapitre, sans montrer ici les deux toiles « musicales » que renferme le musée Taft de Cincinnati.

Pieter de Hooch, Une femme à la guitare (1667)
James Whistler, Au piano (1859)