Nuit transfigurée

En cette veillée de Noël, plus que les habituels chants traditionnels, européens ou américains (lire White Christmas), j’ai eu envie de réécouter la Nuit transfigurée de Schoenberg. Le poème de Dehmel qui a inspiré ce chef-d’oeuvre au jeune Schoenberg n’est finalement pas si éloigné que cela de l’histoire de la Nativité, Marie et Joseph: « J’ai porté un enfant, mais pas de toi (Ich trag ein Kind, und nit von Dir), et un peu plus loin « Que cet enfant que tu accueilles Ne soit pas une charge pour ton âme » (Das Kind, das Du empfangen hast, sei Deiner Seele keine Last) »

J’ai découvert il y a peu de temps une version saluée unanimement par la presse musicale française et anglaise. Une absolue merveille.

Matthieu Herzog rejoint Karajan au premier rang de mes versions favorites de cette oeuvre. Ici Karajan, plus encore que dans enregistrement de studio de 1973, est phénoménal en public à Londres lors de sa dernière tournée avec les Berlinois.

Noël russe

Je l’ai déjà évoqué, mais j’ai une affection particulière pour la « Nuit de Noël« , un opéra bien méconnu de Rimski-Korsakov, que l’opéra de Francfort a eu la très bonne idée de monter l’an dernier.

Un peu plus courante au disque est la suite d’orchestre qu’en a tirée le compositeur lui-même, ici dans la version magique de Neeme Järvi.

En pensant très particulièrement à tous ceux qui ne vont pas fêter ce Noël dans la joie, les Ukrainiens agressés, envahis depuis 10 mois ces petits bijoux enregistrés par une modeste chorale suédoise il y a trente ans :

Les raretés du confinement (V) : Gitlis, Fou Ts’ong

S’il y a bien un terme tout à fait abusif pour décrire ce qui s’est passé ce 15 décembre en France, c’est bien celui de « déconfinement ». Certes, les autorisations pour se déplacer ont disparu, mais comment peut-on oser parler de déconfinement, lorsque la vie culturelle – et sportive – reste interdite, lorsque les lieux de vie et de convivialité essentiels que sont les cafés et les restaurants sont fermés pour plusieurs semaines encore ? Cette série n’est donc pas près de s’arrêter !

Deux disparitions : Ivry Gitlis, Fou Ts’ong

Je ne me suis pas cru obligé d’en rajouter sur la mort d’Ivry Gitlis, que même l’Elysée a honoré d’un long communiqué de presse. Moi aussi je l’ai souvent vu ces dernières années s’inviter au concert, dans les loges, jouer dans de mauvais films, moi aussi j’aime certains de ses enregistrements, mais je m’en tiendrai là, pour ne pas rompre l’unanimité des éloges à son sujet.

Une autre disparition me touche plus, celle, annoncée hier par François-Frédéric Guy, du pianiste britannique d’origine chinoise Fou Ts’ong.

Je l’ai quelquefois aperçu à Bruxelles, lorsqu’il siégeait au jury du Concours Reine Elisabeth, je l’ai surtout aimé par le disque, même si sa discographie est cahotique. Rassembler ses disques ressemble à un parcours du combattant ! Chopin d’abord – Sony serait bien inspiré de rééditer ses introuvables Mazurkas, Nocturnes et autres Barcarolle ou Polonaise-Fantaisie

Magnifiquement captées sur un piano Erard, on ne se lasse pas des Mazurkas gravées par Fou Ts’ong pour l’édition nationale polonaise de l’oeuvre de Chopin.

Mais on cherchera tout autant les Scarlatti, Haydn, Mozart, Schubert, Debussy, disponibles notamment sur le label Meridian

16 décembre : la naissance de Beethoven

#Beethoven250 Louis van Beethoven est né le 16 décembre 1770 à Bonn (sur les origines de sa famille lire : Si Beethoven était né à Liège)

Dans ma discothèque beaucoup de passionnantes versions de la IXème symphonie. L’une d’elles est rarement citée comme une référence, et pourtant, du début à la fin – l’Ode à la joie de SchillerCharles Munch crée et maintient une tension exceptionnelle ! et quel quatuor de solistes ! et quel merveilleux Boston Symphony Orchestra

17 décembre : Geza Anda et Chopin

À l’époque où il y avait à Paris et dans les grandes villes de nombreux magasins de CD et DVD à tout petit prix, on trouvait, dans le classique, d’improbables collections, où se côtoyaient le pire et le meilleur, comme cette collection « Ermitage » qui reprenait, plus ou moins officiellement, des captations réalisées par la Radio suisse italienne, souvent lors du Festival de Lugano. Depuis que j’ai acheté ce récital de Geza Anda (1921-1976), et en particulier les Etudes op. 25 de Chopin, c’est devenu l’un des disques auxquels je reviens souvent. Je ne connais pas version plus admirablement poétique de la première des études op.25.

18 décembre : Beethoven et Kondrachine

#Beethoven 250

S’il y a un grand chef qu’on n’associe pas à Beethoven – à tort ! – c’est bien Kirill Kondrachine (1914-1981) – lire Le Russe oublié – : un seul enregistrement officiel à Moscou en 1967 de la Quatrième symphonie, un « live » à Cologne de la Deuxième symphonie en 1979, et le 11 mars 1979, magnifiquement captée au Concertgebouw d’Amsterdam, une Eroica d’anthologie : lire Kondrachine l’Héroïque.

19 décembre : Harold en Italie

Aucun voyage, ni proche ni lointain, à l’horizon de la fin de cette année ! On continue donc le voyage au coeur de ma discothèque, et on accompagne aujourd’hui Harold/Berlioz en Italie. J’ai déjà raconté les circonstances de la composition de cette oeuvre pour alto principal et orchestre : Harold en Russie

Et malgré la richesse de la discographie de cette oeuvre, je continue de placer tout en haut de mes références personnelles, un disque jadis acquis en vinyle, et très longtemps demeuré non réédité en CD. Une version 100% russe, où l’alto de Rudolf Barchai (1924-2010) – définitivement bien meilleur instrumentiste que chef d’orchestre – incarne véritablement Harold, et où la direction fiévreuse de David Oistrakh (1908-1974) épouse toutes les humeurs du génie berliozien

20 décembre : Le ténor magnifique

Les clichés ont la vie dure, en musique comme en art en général. Aux voix méditerranéennes l’opéra italien ou les chansons espagnoles, aux autres Wagner ou Sibelius 🙂Dans ma discothèque, le ténor magnifique Fritz Wunderlich (1930-1966) mort à 36 ans, occupe une place à part. Et lorsqu’il chante, même en allemand, la chanson du Mexicain Agustin Lara, Granada, tout le soleil du monde est dans sa voix !

21 décembre : Shéhérazade et Armin Jordan

C’est une rareté dans la discographie considérable du chef-d’oeuvre de Rimski-Korsakov (1844-1908) Shéhérazade que l’enregistrement réalisé en 1990 par Armin Jordan et l’Orchestre de la Suisse romande, paru à l’époque sous étiquette Virgin. C’est une vive émotion, pour moi, de découvrir la captation télévisée qui avait été faite – j’étais dans la salle du Victoria Hall – de cette Shéhérazade, et de retrouver, outre mon cher Armin Jordan (lire Etat de grâce) tant de visages familiers : Abdel Hamid El Shwekh violon solo, François Guye violoncelle solo, Bruno Schneider au cor, et bien d’autres que j’avais, pour certains, revus il y a quatre ans.

22 décembre : le maître de ballet

Abondance de raretés, de trésors cachés, de répertoires inconnus, de musiques douces, légères et dansantes dans ce coffret hommage au chef d’orchestre Richard Bonynge (né en 1930) : lire Le Maître de ballet

23 décembre : White Christmas ?

Si comme moi vous ne supportez plus d’entendre de mauvaises versions de chants de Noël – comme Jingle bells – dans les rues commerçantes ou les grandes surfaces, revenez à la tradition des Boston Pops et de leur chef légendaire Arthur Fiedler (1894-1979). Comme à cette pièce qui évoque d’abord l’hiver de Leroy Anderson, écrite en 1948 : Sleigh Ride

24 décembre : Rêves d’hiver

La première symphonie de Tchaikovski est une invitation : Rêves d’hiver. C’est avec Lorin Maazel (1930-2014) et l’Orchestre philharmonique de Vienne que je l’ai découverte, puis j’ai aimé le jeune Michael Tilson-Thomas à Boston… et Karajan à Berlin : Les rêves d’hiver de Tchaikovski

25 décembre : Noël suédois

Ce fut d’abord un vinyle – paru en 1976 – puis un CD en 2003, un ensemble suédois inconnu (http://www.oscarsmotettkor.se), un disque de démonstration pour audiophiles.Cela reste, en 2020, une des plus originales compilations de chants de Noël. Ecoutez, par exemple :

26 décembre : Saint Etienne

Le 26 décembre est la fête des Etienne, Stéphane (et dérivés !). En 1811, pour l’inauguration du grand théâtre de Pest (actuelle partie de Budapest), dont la construction a été décidée par l’empereur François Ier d’Autriche, Beethoven met en musique un texte de Kotzebue : Le Roi Etienne, qui célèbre Etienne Ier, le fondateur de la Hongrie en l’an 1000. Cette musique de scène créée le 9 février 1812, est en dix parties.

Peu de versions intégrales, à la très médiocre version Chung, on préfèrera Michael Tilson Thomas avec l’Orchestre symphonique de Londres

27 décembre : Le Groupe des Six

Seule oeuvre collective du Groupe des Six (lire Groupe de Six), Les Mariés de la Tour Eiffel est un ballet créé en 1921 auquel ont contribué Georges Auric, Arthur Honegger, Germaine Tailleferre, Francis Poulenc et Darius Milhaud, et bien sûr Jean Cocteau

28 décembre : Les Dossiers de l’écran

C’est devenu l’un des plus célèbres génériques de la télévision française (« Les Dossiers de l’écran« ), une des musiques du film de Melville, L’Armée des ombres, et accessoirement de « Papy fait de la résistance » ! Morton Gould (1913-1996) – lire Le dossier Gould – compose ses Spirituals en 1941 : le quatrième mouvement est intitulé Protest.

Une nuit bicentenaire

Nous avons, chacun, nos souvenirs de Noël. Ceux de mon enfance sont liés à l’odeur du sapin installé dans le salon de la maison familiale de Poitiersdes bougies allumées et aux disques que mes parents mettaient sur le tourne-disque : des carols anglais ou américains

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et surtout un disque produit par la chorale de l’église d’Entlebuchle berceau suisse de la famille de ma mère !

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Arrivait alors, inévitablement, en allemand – je serais incapable de le chanter en français, même aujourd’hui ! – le célèbre chant de Noël : Stille Nacht / Douce nuit.

Ce chant a, aujourd’hui, exactement 200 ans : c’est le 24 décembre 1818 que les fidèles de l’église d’Oberndorf, près de Salzbourg, l’entonnent, pour la première fois. Franz Xaver Gruber est le maître de chapelle et organiste des lieux, Joseph Mohr y officie depuis 1817. Le prêtre écrit les paroles, l’organiste la musique, de ce qui va devenir l’un des premiers « tubes » de Noël !

France Musique et Arte ont consacré de belles émissions à ce chant de Noël et à ce qu’il peut signifier pour le monde d’aujourd’hui…

Douce Nuit a deux cents ans

(Amusant d’entendre la voix de Gabriel Le Doze dire le commentaire français, c’est le doubleur de Kevin Spacey dans House of Cards !)

Une chanson pour le monde

 

Stille Nacht! Heilige Nacht!
Alles schläft. Eynsam wacht
Nur das traute heilige Paar.
Holder Knab’ im lockigten Haar,
‘Schlafe in himmlischer Ruh!’
Stille Nacht! Heilige Nacht!
Gottes Sohn! O! wie lacht
Lieb’ aus deinem göttlichen Mund,
Da uns schlägt die rettende Stund’.
‘Jesus! in deiner Geburt!’
Stille Nacht! Heilige Nacht!
Die der Welt Heil gebracht,
Aus des Himmels goldenen Höh’n
Uns der Gnaden Fülle läßt seh’n
‘Jesum in Menschengestalt!’
Stille Nacht! Heilige Nacht!
Wo sich heut alle Macht
Väterlicher Liebe ergoß
Und als Bruder huldvoll umschloß
‘Jesus die Völker der Welt!’
Stille Nacht!

 

Une version moins consensuelle de Stille Nacht, celle du compositeur russe Alfred Schnittke