Encore du piano

Mes billets se suivent et se ressemblent : après Latino et Les amis de Martha, je vais encore parler piano.

D’abord pour signaler un coffret d’hommage à Radu Lupu, ce bon géant du piano disparu la veille de la mort de son cadet Nicholas Angelich (lire Le piano était en noir) en avril 2022 !

« Ce coffret de 6 CD, autorisé par ses ayants droit, constitue une découverte fascinante, d’autant plus que le répertoire lui-même n’avait jamais été publié officiellement par Lupu, sous quelque forme que ce soit.

Le coffret est divisé en deux parties thématiques : des enregistrements studio Decca (deux CD) et des enregistrements radiophoniques en direct réalisés par la BBC, la radio néerlandaise et la SWR. Les deux disques studio Decca sont superbes, et l’on s’étonne encore de leur parution tardive. Les deux Quatuors pour piano de Mozart, interprétés avec le Quatuor à cordes de Tel Aviv en 1976, figurent parmi les plus belles interprétations actuellement disponibles. Elles s’inscrivent dans la lignée stylistique de Curzon, Rubinstein et (un peu plus tard) Ax, sans recourir aux approches plus récentes de l’interprétation sur période. Écoutez par exemple le jeu remarquable de Lupu dans les développements des premiers mouvements (CD 1, piste 1 à 6’34” et piste 4 à 6’06”), ou encore le phrasé chaleureux de l’ensemble dans les deux mouvements lents.

Le second enregistrement studio Decca appartient à la série des Sonates pour piano de Schubert dirigées par Lupu. L’enregistrement numérique paru précédemment (1991) contenait des interprétations mémorables des D. 664 et D. 960 ; celui-ci propose les D. 840 (« Reliquie ») et D. 850 (« Gasteiner »). Les mouvements lents révèlent Lupu à son apogée : une profondeur discrète, une expressivité intense et une apparente simplicité.

La découverte majeure est le CD 3, qui comprend un récital Haydn donné en 1988 au Wigmore Hall de Londres. On y perçoit une prudence légèrement supérieure à celle de ses enregistrements en studio, et quelques fausses notes, mais le jeu et la profondeur d’interprétation sont remarquables. La maîtrise technique de Lupu est manifeste dans le dernier mouvement de la Sonate en do mineur (CD 3, piste 7), interprété à un tempo plus rapide que d’habitude.

Ce même disque contient également un enregistrement de la Sonate « facile » de Mozart, K. 545, capté à Aldeburgh en 1970, peu après la victoire de Lupu au Concours de Leeds. Il y apparaît déjà comme un musicien accompli, malgré un bref trou de mémoire dans le deuxième mouvement, qu’il surmonte avec brio. Les Études symphoniques de Schumann, enregistrées en public en 1991, témoignent de la virtuosité de Lupu, qui relève avec brio les défis techniques de l’œuvre tout en en restituant le caractère romantique et sombre.

Le CD 5 réunit des enregistrements en direct du Concertgebouw du Carnaval de Vienne de Schumann (1983) et des Tableaux d’une exposition de Moussorgski (1984). Ces deux œuvres confirment le charisme de Lupu et son talent exceptionnel pour la mise en valeur de son jeu. On notera la fantaisie des Tuileries et la majesté de la Grande Porte de Kiev. Il interprète ces œuvres en respectant scrupuleusement la partition originale et, hormis l’ajout d’octaves plus graves dans les passages les plus forts, évite les réinterprétations parfois hasardeuses d’autres pianistes.

Un autre point d’intérêt réside dans les premiers enregistrements d’œuvres du XXe siècle que Lupu a par la suite abandonnées à son répertoire. En plein air de Bartók révèle une fougue absente de ses interprétations ultérieures, et la Sonate pour piano de Copland est fascinante à écouter avec le timbre si caractéristique de Lupu, même s’il ne semble pas toujours totalement à l’aise avec cette pièce. Le dernier disque propose une interprétation captivante du Concerto pour piano n° 18 de Mozart, avec un deuxième mouvement particulièrement émouvant. Les enregistrements de 1970 à Leeds de trois œuvres de Chopin — le premier Scherzo et les deux Nocturnes op. 27 — souffrent d’une prise de son médiocre, et Lupu fait de son mieux avec un instrument manifestement problématique (Extraits de The Classical Review)

Indispensable évidemment !

Claviers inconnus

Mercredi soir j’ai été invité à la Seine Musicale au premier volet d’une série de concerts/enregistrements qui vont y prendre place durant trois saisons. Je connaissais le nom du chef et de son orchestre – Mathieu Herzog et Appassionato – mais pas celui du soliste, le pianiste d’origine russe Nikita Mndoyants.

Mathieu Herzog et son ensemble Appassionato m’avaient soufflé avec leur version exceptionnelle de la Nuit transfigurée de Schoenberg, captée « live » ici même il y a trois ans. C’est dire si leur projet d’intégrale Rachmaninov – symphonique et concertante – me met en appétit. Mercredi, c’était la 1e symphonie et le 3e concerto pour piano. Je redoutais un peu ce tube de tous les concours sous les doigts d’un inconnu (de moi) : j’ai été d’un bout à l’autre scotché par un piano d’une densité et d’une palette de couleurs exceptionnelles, par la tenue presque aristocratique du soliste et sa technique superlative, qui ne montre jamais ni les muscles ni les coutures. Hâte d’entendre les autres concertos sous ses doigts.

Quant à Mathieu Herzog, il empoigne cette 1e symphonie avec une énergie tranquille qu’il diffuse à ses jeunes troupes au risque parfois de quelques sorties de route, mais quel feu, quelle flamme, qui pourraient encore être plus majestueux notamment dans le dernier mouvement qui paie un large tribut à l’éternelle grande Russie.

L’autre découverte, c’est toujours chez Rachmaninov un pianiste français dont je connaissais le nom – Jean-Baptiste Fonlupt – mais que je n’avais encore jamais entendu en concert ou au disque. Et voici que son dernier disque – les Préludes de Rachmaninov – glane éloges et récompenses de la part de critiques qui ne sont pas toujours d’accord – un Diapason d’Or dans le numéro de décembre (Bertrand Boissard) et Jean-Charles Hoffelé sur Artamag.

Humeurs et bonheurs du jour à lire sur mes brèves de blog

Des Américains à Paris

Mercredi dernier, j’étais à la Philharmonie de Paris pour le concert d’ouverture de la saison de l’Orchestre de Paris et de son chef Klaus Mäkelä (cf. Paris passé présent avenir). Programme avantageux dont le clou était assurément An American in Paris, le célébrissime chef-d’oeuvre de Gershwin. Mais, comme je l’ai écrit pour Bachtrack (L’Amérique pressée et bruyante de Klaus Mäkelä et l’Orchestre de Paris) j’ai été déçu, non pas par la prestation de l’orchestre, virtuose, éblouissant, mais précisément par l’excès de brillant, voire de clinquant, de la vision du chef. Je ne peux pas être taxé d’anti-« mäkelisme » primaire, il n’est que de lire plusieurs de mes papiers enthousiastes dans Bachtrack ! Mais il arrive à tout le monde, même aux meilleurs, de faire sinon fausse route, du moins de se méprendre sur une oeuvre.

Gershwin à Paris

George Gershwin vient à Paris au printemps 1928. Il reviendra au pays avec ce qui restera son oeuvre la plus célèbre (avec Rhapsody in blue) : An American in Paris / Un Américain à Paris. Dont le descriptif est précis comme un scénario: une balade sur les Champs-Elysées au milieu des taxis qui klaxonnent, puis dans le quartier des music-halls avant un café à une terrasse du Quartier latin. Au Jardin du Luxembourg, notre Américain a la nostalgie du pays (le superbe blues chanté à la trompette bouchée). Rencontrant un compatriote, ils échangent leurs impressions – Gershwin récapitule les épisodes de cette promenade heureuse.

Dans une oeuvre aussi descriptive, aussi imagée, le chef doit se laisser porter par les atmosphères successives, et laisser jouer ses musiciens avec une certaine liberté.

Quelques exemples de versions récentes, qui répondent à ces critères. Trois chefs français, Louis Langrée (avec l’orchestre de Cincinnati qu’il a dirigé de 2013 à 2024), Alain Altinoglu et son orchestre de la radio de Franfort, et Stéphane Denève, actuel chef du St Louis Symphony, ici à la tête de l’Orchestre national de France. Aucun d’eux ne joue la virtuosité, le super-contrôle, bien au contraire.

Dans ma discothèque personnelle, j’ai dénombré 27 versions différentes, dont pas mal qu’on peut qualifier d’exotiques, et qui sont loin d’être les moins intéressantes.

Kurt Masur / Gewandhaus de Leipzig

Je me rappelle très bien la surprise qui avait été celle des participants à la défunte émission Disques en Lice de la Radio suisse romande, lorsque nous avions élu – après écoute à l’aveugle – la meilleure version de Rhapsody in blue – Siegfried Stöckigt au piano, Kurt Masur dirigeant l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig !

Kirill Kondrachine / Concertgebouw Amsterdam (1977)

Voir le long article que j’avais consacré à celui qui fut l’un des plus grands chefs du XXe siècle, Kirill Kondrachine (1914-1981) : le Russe oublié

On ne trouve malheureusement plus les disques de cette fabuleuse collection de « live »…

André Cluytens / Société des Concerts du Conservatoire (1949)

Eh oui André Cluytens, en 1949, s’encanaille avec un orchestre un peu brouillon mais plus « jazzy » si possible que des collègues américains

Felix Slatkin / Hollywood Bowl Orchestra (1960)

J’ai déjà dit ici mon admiration pour le grand Felix Slatkin (1915-1963) – on évitera par charité de comparer le père, Felix, et le fils, Leonard ! – Pas loin de mettre sa version au sommet :

Neville Marriner / orchestre de la radio de Stuttgart (SWR)

On n’associe pas spontanément Gershwin à Neville Marriner (1924-2016), et on se trompe parce que sa version captée à Stuttgart n’est pas la moins réussie de la discographie

Les Américains à Paris

Gershwin a fait une visite plutôt furtive à Paris et en a rapporté un chef-d’oeuvre. Mais bien d’autres Américains ont été captivés par la ville lumière. Cole Porter (1891-1964) y passe une dizaine d’années après la Première Guerre mondiale. Il étudie avec Vincent d’Indy, rencontre celle qui deviendra sa femme, la riche héritière Linda Lee Thomas, qu’il épouse à la mairie du 18e arrondissement le 18 décembre 1919. Le Châtelet avait donné fin 2021 un spectacle intitulé Cole Porter in Paris : ma déception avait été à la mesure de l’attente d’un spectacle bien maigre.

Aaron Copland chez Nadia Boulanger

Autre hôte d’importance de Paris, le compositeur Aaron Copland (1900-1990), qui sera durablement marqué par sa rencontre avec Nadia Boulanger au conservatoire de Fontainebleau qu’il fréquente de 1921 à 1924. Conséquence de ce séjour parisien, la Symphonie pour orgue et orchestre de 1924 sera créée à New York le 11 janvier 1925 avec Nadia Boulanger.

Julius Katchen (1926-1969)

À intervalles réguliers je me replonge dans un merveilleux coffret, qui récapitule la discographie d’un formidable artiste, malheureusement disparu à 42 ans des suites d’un cancer, le pianiste américain Julius Katchen. Encore un Américain devenu Parisien, de la fin des années 50 à sa mort en 1969.

Depuis longtemps, les Brahms virtuoses autant que poétiques de Julius Katchen sont une référence. Sa version du 1er concerto avec Pierre Monteux (85 ans au moment de l’enregistrement !) reste l’une des plus fameuses qui soient.

Mais l’art de Katchen ne se réduit pas à Brahms.

En 1958, il signe avec Georg Solti l’une des versions les plus électrisantes du 2e concerto de Rachmaninov.

Et toujours impressions et humeurs du jour sur mes brèves de blog

Le piano qu’on aime (suite)

Martha Argerich ou les clichés

Je pense qu’elle détient le record des occurrences sur ce blog. Pas moins de 66 articles où elle est citée, et une bonne moitié qui lui est consacrée : Martha Argerich habite ce blog comme elle habite ma vie.

C’est dire si la une du numéro de septembre de Diapason, l’annonce d’une « interview exclusive », avaient de quoi m’allécher. Le terme « interview » est déjà impropre, puisqu’il s’agit plutôt d’une conversation enregistrée telle quelle, ce qui est sympathique et restitue assez bien ce qui se passe lorsqu’on a la chance de partager un moment avec la pianiste. Mais vraiment, est-il encore nécessaire d’aligner les clichés qui s’attachent depuis toujours à cette grande musicienne (« la lionne », la « reine », etc.) ? À 84 ans, Martha Argerich est toujours dans une forme époustouflante. On ne peut que lui/nous souhaiter que cela dure..

Cela me rappelle un heureux et cruel souvenir, que j’avais déjà raconté dans une précédente édition de ce blog. En 1987 (lire Martha Argerich à Tokyo), j’ai la chance d’accompagner l’Orchestre de la Suisse romande dans une grande tournée au Japon et en Californie. Les solistes en sont Martha Argerich et Gidon Kremer, excusez du peu. La Radio suisse romande me demande de faire régulièrement le point sur cette tournée dans les émissions d’Espace 2. On m’a dit avant de partir que Martha n’accepte aucune interview, mais n’étant pas journaliste, je me dis que je n’ai rien à risquer à lui demander si elle accepterait de me dire quelques mots, au moins pour illustrer mes billets. Elle accepte, sans hésiter, un soir de relâche, de me consacrer du temps. Elle me donne rendez-vous à minuit dans le hall de l’hôtel à Tokyo, de retour d’un dîner auquel elle doit assister. A minuit, je suis en place avec mon « nagra », je vois défiler quantité de musiciens de l’OSR, surpris de me voir là à cette heure tardive : je leur dis attendre Martha pour une interview… Je ne compte pas les sourires narquois et les allusions parfois douteuses qui me répondent… Vingt bonnes minutes plus tard, c’est Gidon Kremer qui s’avance vers moi : « Je sais que vous attendez Martha, ne vous inquiétez pas, elle arrive, nous rentrons juste de dîner ».

En effet, fraîche comme une rose, elle se pose quelques minutes plus tard de l’autre côté de la table basse. Je m’assure qu’elle accepte bien d’être enregistrée, et pour ma première interview, je me lance et lui pose toutes les questions qui me viennent à l’esprit. A 2h30, je suis obligé de mettre fin à la conversation, je n’ai plus de bande… Deux heures d’interview exclusive avec Martha Argerich, je ne suis pas peu fier de l’exploit. Le lendemain, je m’assure, avec les responsables de l’orchestre, que la bande peut être envoyée par avion à Genève, où la radio pourra choisir un extrait pour ses bulletins d’information et la matinale d’Espace 2, en attendant le traitement et le montage pour une diffusion intégrale de l’interview à mon retour de tournée. En effet, radio et télé suisses donnent un large écho à la tournée, à l’OSR et à Martha, dont il n’existait jusqu’alors aucun document « audio » de sa voix. Lorsque je rentre quelques semaines plus tard, je m’enquiers de la précieuse bande et je m’entends répondre : « Merci, on a pris les extraits qui nous intéressaient pour l’info, mais on ne l’a pas gardée ni archivée ». Voici comment 2 heures exclusives d’entretien avec Martha Argerich ont fini à la poubelle…

La dernière fois que j’ai entendu Martha Argerich en concert, c’était dans le concerto de Schumann, j’en ai rendu compte pour Bachtrack : « Devant une Philharmonie archi-comble, la légendaire pianiste s’avance à pas précautionneux, cherchant le bras du chef Antonio Pappano, adapte la hauteur de son siège. Les mains noueuses trahissent l’âge de l’interprète, on perçoit d’abord comme une hésitation devant le clavier. Et soudain le miracle opère : la pianiste argentine semble littéralement réinventer cette œuvre qu’elle fréquente pourtant depuis si longtemps, ces très subtils rubatos, cet art d’énoncer un thème, une mélodie, avec la simplicité, l’évidence qui n’est qu’aux grands. Le fabuleux équilibre des deux mains, cette manière unique de faire sonner les lignes intermédiaires, avec par-ci par-là un coup de griffe, un accent inattendu, c’est la marque Argerich.« 

Paui Lecocq et Clara Haskil

Je n’avais jamais entendu parler du concours Clara Haskil dans les journaux de France Inter, mais il a suffi qu’un Français, le jeune Paul Lecocq, soit choisi comme le lauréat de la 31e édition, pour que les médias « généralistes » l’évoquent, avec les approximations d’usage- on ne remporte pas un concours grâce à un concerto (Paul Lecocq aurait gagné son prix avec le 3e concerto de Beethoven !). Peu importe,

Je ne connais pas ce garçon, mais ce que j’entends dans ce concerto de Beethoven, qui est loin d’être le plus évident pour ses interprètes, chef comme soliste, me donne envie d’en entendre plus. Parce que l’histoire du concours Clara Haskil atteste que les jurys successifs de cette compétition ont toujours privilégié les musiciens aux broyeurs d’ivoire. La liste des lauréats depuis 1963 est éclairante. Quatre Français parmi eux, Michel Dalberto (1975), Delphine Bardin (1997), Adam Laloum (2009) et maintenant Paul Lecocq au même âge (20 ans) que Michel Dalberto, cinquante ans après lui.

Les pianistes musiciens

La seule question qui vaille, on l’a déjà posée ici à maintes reprises (Le piano qu’on aime), est : pourquoi retient-on, écoute-t-on tel pianiste plutôt que tel autre? Et on ajoute, avec ce qu’il faut de nostalgie : pourquoi y a-t-il aujourd’hui si peu d’artistes, de musiciens, qui osent l’originalité, l’affirmation d’une personnalité ? C’est vrai dans toutes les disciplines. Affaire d’enseignement ? de transmission ? de temps pour se développer, apprendre, se cultiver tout simplement ?

Un exemple : j’ai cité récemment le dernier disque d’Aurélien Pontier (lire Une journée à Paris) qui regroupe des pièces que les grands pianistes du siècle passé aimaient jouer en bis, pour épater le public qui en redemandait, d’une virtuosité qui n’existe que pour être transcendée. On peut féliciter le pianiste français de son audace et de l’originalité de son programme, remarquer aussi que tout cela est bien joué, très bien joué même, mais qu’il manque ce quelque chose d’impalpable, d’ineffable qu’y mettait par exemple un Shura Cherkassky.

L’autre pianiste

J’ai plusieurs fois évoqué ici un pianiste que j’ai découvert un peu par hasard et qui ne m’a plus lâché depuis que j’ai acquis tout ce que j’ai pu trouver de et sur lui, Sergio Fiorentino (1927-1998) – lire L’autre pianiste italien.

L’éditeur Brilliant Classics a eu la formidable idée de regrouper dans un coffret unique ce legs inestimable, précieux, indispensable :

Pour les acheteurs éventuels, je signale que le site anglais prestomusic propose le coffret à 71,25 € alors que la FNAC l’annonce à 91€… Mystère toujours que ces différences de prix d’un pays à l’autre (même en tenant compte des frais de port)

On ne m’en voudra pas de remettre ici la version que je chéris entre toutes de la sonate D 960 de Schubert, l’absolue perfection de ce dernier mouvement sous les doigts de Sergio Fiorentino

Et, comme toujours, humeurs et réactions à lire sur mes brèves de blog

Les miracles de La Chaise-Dieu

Sacrée Arielle

Je ne me rappelais plus exactement quand j’étais venu la dernière fois à La Chaise-Dieu. J’avais été invité, dans ce qui était alors le fief de Jacques Barrot, par le président du festival, à un concert présenté comme « extraordinaire » et au dîner qui le précédait. Grâce aux archives de l’INA, j’ai retrouvé la date – août 1994 ! et un extrait éloquent de la prestation d’ Arielle Dombasle (à voir ici) puisque c’était elle l’invitée exceptionnelle ! Ce fut la seule fois où je l’entendis sur une scène, la seule aussi je partageai la table de son mari, Bernard-Henri Lévy, arrivé de Paris dans sa Rolls…

Retour à La Chaise-Dieu

C’est dire si j’étais impatient de revenir à La Chaise Dieu, version 2025, pour deux jours et quatre concerts dont je pressentais qu’ils ne me laisseraient pas indifférent.

Je ne me rappelais plus l’ampleur de l’Abbatiale Saint-Robert, encore moins ses qualités acoustiques plutôt exceptionnelles.

Première soirée : un programme Mozart particulièrement copieux, mais tout à fait dans la veine de ce que Julien Chauvin et son Concert de la Loge ont coutume d’oser.

Compte-rendu tout frais sur Bachtrack : La métaphysique des tubes par Julien Chauvin à La Chaise-Dieu

Dès le lendemain, jeudi après-midi, les mêmes remettaient le couvert – un peu moins nombreux que la veille – pour un programme tout Vivaldi, avec même Les Quatre saisons ! (cf. mon papier pour Bachtrack)

Ce jeudi, j’enchaînais à 17h30 avec un concert de musique de chambre, dans l’écrin parfait du petit Auditorium Cziffra – c’est en effet le pianiste français d’origine hongroise qui est à l’origine du festival de La Chaise-Dieu – dont j’ai renoncé à rendre compte. Non pas que le programme et les artistes ne présentassent pas d’intérêt, mais j’ai eu, tout le long, un sentiment d’inabouti, parfois d’impréparation, en tout cas de disparité tant dans le jeu que même dans la conception. C’étaient pourtant tous d’excellents musiciens, mais voilà ça n’a pas « fonctionné » comme je l’aurais souhaité. Il y avait un septuor de Rita Strohl, pas désagréable mais vraiment court d’inspiration, le célèbre quintette avec piano « La truite » de Schubert – annoncé dans le programme comme « quintette à cordes » (!) qui manquait d’à peu près tout ce qui est nécessaire pour faire passer les longueurs et les redites de l’oeuvre. Et la sublime Fantaisie en fa mineur pour piano à 4 mains, mais si séparément on aime le piano de Romain Descharmes et celui de Theo Fouchenneret, leur duo ici n’a jamais trouvé le chemin d’une communion de jeu et de pensée. Rien de grave, c’est cela aussi le risque du concert.

Le temps de casser une croûte très sympathique au Blizart, on se préparait à un programme comme on les aime, avec un chef, un chanteur et un orchestre qu’on aime depuis longtemps, depuis 1998 précisément et toute une semaine de France Musique organisée dans la capitale des Gaules (Lire 30 ans ont passé).

Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy, Poème de l’amour et de la mer de Chausson, Valse et Boléro de Ravel. Une suite de merveilles, comme je l’ai écrit pour Bachtrack : Un concert référence.

Humeurs et impressions au jour le jour dans mes brèves de blog

Les raretés de l’été (VII) : Zinman chez les Suisses

Je ne pourrai pas cette année non plus souhaiter une joyeuse Fête nationale à ma mère, mais je peux le faire à cette grande famille éparpillée de cousins, cousins et autres descendants de la branche maternelle des Zemp, et en particulier à mon cousin Joseph, auteur prolifique d’un blog passionnant (dernier article paru sur Arthur Honegger !)

En ce 1er août, honneur donc à la Suisse et à l’un de ses orchestres – je n’ai pas écrit « le meilleur » parce que la discussion s’envenime toujours lorsque, à Genève, Bâle, ou Zurich, il s’agit de s’attribuer le titre ! – Mais l’orchestre de la Tonhalle – qui, comme celui d’Amsterdam, porte le nom de la salle de concert où il se produit – compte dans le paysage musical européen : je lui avais d’ailleurs consacré tout un article (Tonhalle) à l’occasion de son 150e anniversaire en 2018.

Pour peu que vous soyez un peu collectionneur, de disques, de livres, de DVD, vous savez ce que c’est : vous achetez un coffret, vous l’écoutez en tout ou partie, et vous le posez dans votre bibliothèque, le destinant parfois à un repos éternel. C’est un peu ce qui m’est arrivé avec le bien mal intitulé coffret qui regroupe tous les enregistrements réalisés pour les labels américains RCA / Arte Nova / Sony par le chef américain David Zinman avec la Tonhalle dont il fut le directeur musical, vingt ans durant, de 1995 à 2014.

Pourquoi avais-je délaissé ce coffret ? et du coup, perdu de vue l’originalité, la qualité, l’intelligence de la démarche interprétative de ce chef dans un répertoire où la concurrence est vive : des intégrales des symphonies de Beethoven, Brahms, Schubert, Schumann et Mahler et un admirable bouquet de poèmes symphoniques de Richard Strauss.

Quand on célèbre – ou pas – son successeur (Paavo Järvi) dans les mêmes répertoires, quand on rappelle les mérites de feu Roger Norrington dans son intégrale Beethoven, on doit absolument se replonger dans ce legs prodigieux, où on a le sentiment que Zinman réinvente ce qu’il dirige, subtilement, sans grands effets de manche : l’articulation, l’impulsion, le phrasé, et un travail sur les rythmes internes à un mouvement.

Trois exemples éloquents :

La toute première phrase de la 8e symphonie de Beethoven est vraiment un « allegro vivace con brio », qui donne furieusement envie de poursuivre l’écoute.

La comparaison avec un autre chef que j’admire, Karl Böhm, est, comment dire, bien peu convaincante.

Même choc à l’écoute de la si rabâchée symphonie « inachevée » de Schubert. David Zinman n’en fait pas, comme tant de ses confrères, un monument brucknérien. Le 2e mouvement est une pure poésie, et surtout écoutez bien ce que font le hautbois et la clarinette, leurs ornements subtils qui ôtent à ce mouvement la dimension tragique qu’on y entend trop souvent :

Pour être tout à fait honnête, j’avais laissé de côté les symphonies de Mahler – une intégrale – de David Zinman. Quelle erreur ! En commençant par la 9e, j’ai vraiment très envie de découvrir tout le corpus, parce que j’ai l’impression qu’en suivant à la lettre les indications du compositeur – très précises et nombreuses dans ses partitions – Zinman en restitue parfaitement l’esprit.

Et puisque mon cousin évoque aujourd’hui Arthur Honegger, compositeur aussi français que suisse (et inversement !), je signale ce très beau disque… de David Zinman et la Tonhalle.

L’une des premières oeuvres que j’ai programmées à Liège était la Pastorale d’été. C’était en juin 2001, j’avais invité Stéphane Denève et Sophie Karthäuser, l’une et l’autre à l’orée d’une carrière formidable, dans un programme qui comprenait outre la Pastorale d’été, les Nuits d’été de Berlioz, la suite de Pelléas et Melisande de Fauré et la 2e suite de Bacchus et Ariane de Roussel !

Je vais évoquer la figure de Bob Wilson, disparu hier, sur mes brèves de blog

Chez Maxim

Il est de ces jeunes chefs que les grandes phalanges symphoniques s’arrachent, mais il est loin d’être (encore) aussi médiatisé que ses trois collègues finlandais Klaus Mäkelä, Santtu-Matias Rouvali ou Tarmo Peltokoski. Il est russe, originaire de la région de Nijni-Novgorod, au confluent de la Volga et de l’Oka, et il est temps que je lui consacre tout un billet, après l’avoir ici et là mentionné et salué sur ce blog : Maxim Emelyanychev.

Comme on le chante dans La Veuve joyeuse de Lehar – Da geh ich zu Maxim – j’aurais pu dire jeudi dernier au théâtre des Champs-Elysées : Da hör ich zu Maxim ! Et ce que j’ai entendu, je l’ai écrit pour Bachtrack : L’exultation de Maxim Emelyanychev et Sabine Devieilhe au TCE.

Maxim Emelyanychev je le connais d’abord par la rumeur – qui se répand vite dans le milieu professionnel quand on a le sentiment d’être tombé sur l’oiseau rare. Je crois bien que c’est à Toulouse que j’en ai entendu parler pour la première fois.

J’ai d’abord acheté ses premiers disques.

Ce qui m’a immédiatement frappé, en écoutant ses disques, en le regardant diriger, c’est l’absence totale de dogmatisme dans la manière d’aborder les oeuvres et les répertoires, c’est aussi et surtout l’humilité, la modestie de l’approche – il ne bombe pas le torse, ne cherche pas à épater la galerie, à prendre la pose – à la différence de tant de ses jeunes confrères. J’ai eu la chance, plus tard, de mieux le connaitre, de dîner avec lui. Comme avec un autre chef que j’adore – Santtu-Matias Rouvali – on a l’impression qu’il est en permanence branché sur le courant alternatif, non pas qu’il soit agité, mais traversé par une énergie irrésistible.

Ce qui frappe tout autant, c’est ce qu’on a remarqué jeudi soir avec l’Orchestre national de France, c’est l’éventail de ses curiosités, de ses répertoires, et cette capacité, assez unique dans le paysage musical, d’être aussi convaincant dans le baroque – c’est un formidable claveciniste et pianofortiste ! – que dans le grand répertoire romantique. Parce qu’il semble redécouvrir les oeuvres, sans posture ni excès.

À l’automne 2019, je m’étais rendu en Ecosse notamment pour rencontrer les responsables du Scottish Chamber Orchestra en prévision d’une édition 2021 du Festival Radio France que je souhaitais vouer à la musique anglaise. Finalement pour cause de pandémie, l’édition sera retardée à 2022, mais le Scottish Chamber et Maxim Emelyanychev sont bien venus à Montpellier clore une fabuleuse édition avec deux concerts, avec un soliste exceptionnel, Benjamin Grosvenor, qui avait joué deux concertos de Beethoven ! Je râle encore de l’absence des micros de France Musique…

La même joie contagieuse se retrouve dans son clavecin :

Emelyanychev a entrepris une intégrale des symphonies de Mozart. A en juger par les deux premiers volumes, on pourrait tenir là la grande version moderne de ce corpus.

Deux fois Lalo

Lalo Schifrin (1932-2025)

Comme tout le monde, j’ai découvert Lalo Schifrin grâce au générique d’un feuilleton dont je n’aurais pas voulu rater un épisode :

Comme tous les grands compositeurs de musiques de film ou de séries, Lalo Schifrin, a eu une formation tout ce qu’il y a de plus classique (rappelons ici qu’à ses débuts Maurice Jarre était un compositeur plus radical encore que son contemporain Pierre Boulez !). C’est assez sympathique de découvrir qu’en 1952, Lalo Schifrin, au consulat de France à Buenos Aires, passe le concours d’entrée au Conservatoire de Paris. Il étudiera auprès d’Olivier Messiaen (qu’il écoutera régulièrement à la tribune de l’orgue de la Trinité) et fréquentera les clubs de jazz.

Il faut écouter les hommages que France Musique a rendus au compositeur, avec Max Dozolme par exemple

Lalo par Beecham

J’ai, à plusieurs reprises, raconté ma découverte de l’unique symphonie en sol mineur d’Edouard Lalo (Lalo ou l’éternel second) grâce à un disque de Thomas Beecham et de l’Orchestre national à l’époque de la RTF ! C’est d’ailleurs avec le même disque que j’avais découvert la symphonie de Bizet (lire Le jeune homme et l’orchestre).

Warner vient de rééditer l’ensemble des enregistrements stéréo du chef britannique après un « remastering » très réussi, réalisé par Art et Son à Annecy (*)

Ne me demandez pas pourquoi mon admiration pour Thomas Beecham (1879-1961) n’a jamais baissé, et qu’au contraire, plus je l’écoute, plus j’aime son art si singulier fait d’une élégance rare, d’une justesse stylistique absolue en particulier dans la musique française dont il est l »un des serviteurs les plus exceptionnels. C’est tout de même celui qui nous a laissé la version de référence de Carmen de Bizet (malgré toutes les difficultés qu’a connues cet enregistrement : lire L’impossible Carmen). Tout est à entendre, à aimer dans ce coffret, à part peut-être des Haendel un peu surannés, mais les rares Beethoven et Mozart, les « Londoniennes » de Haydn, les trois symphonies de Schubert d’une grâce inouïe (exception faite du scherzo inexplicablement lent de la 3e symphonie) sans parler des Delius juste parfaits..

Ce qui frappe aussi chez Beecham – c’est bien la caractéristique des plus grands ! – c’est la capacité de saisir l’architecture d’une oeuvre, les rapports de tempo entre les mouvements, la manière unique qu’il a de faire vivre la musique de l’intérieur. Un très bel exemple nous en est fourni par la 5e symphonie de Schubert : Beecham prend son temps dans l’énoncé du 1er mouvement, y crée une atmosphère pastorale, qui n’est pas pour autant placide et molle.

Que dire de l’excitation, de l’exaltation qui nous saisit à l’écoute de la 7e symphonie de Beethoven, le vivace du 1er mouvement est pure folie ! Et quel sens des transitions !

On voudrait aussi citer un Peer Gynt de Grieg d’anthologie :

Contenu du coffret Warner (enregistrements stéréo de 1955 à 1959)

Sibelius: The Oceanides, Op. 73

Sibelius: Symphony No. 7 in C major, Op. 105

Sibelius: Pelléas and Mélisande

Schubert: Symphony No. 6 in C major, D589

Grieg: In Autumn, Op. 11

Grieg: Old Norwegian Romance with Variations, Op. 51

Balakirev: Symphony No. 1 in C major

Borodin: Prince Igor: Polovtsian Dances

Handel: Samson

Brahms: Schicksalslied, Op. 54

Brahms: Academic Festival Overture, Op. 80

Liszt: Psalm XIII 3 “Herr, wie lange willst du » lange willst du”

Mozart: Symphony No. 41 in C major, K551 ‘Jupiter’

Mozart: Divertimento No. 2

Mozart: Die Entführung aus dem Serail

Beethoven: Symphony No. 2

Beethoven: Incidental music to The Ruins of Athens

Bizet: L’Arlésienne Suites 1 & 2

Sibelius: Tapiola

Fauré: Pavane

Delius: Summer Evening

Delius: Irmelin Prelude

Dvořák: Legend in B flat major, B. 117

Grieg: Symphonic Dance, Op. 64 No. 2

Delius: Brigg Fair

Delius: A Song Before Sunrise

Delius: Marche Caprice

Delius: Pieces (2) for Small Orchestra

Delius: Sleigh Ride

Delius: Intermezzo

Delius: Florida Suite

Delius: Dance Rhapsody No. 2

Delius: Over the hills and far away

Delius: Songs of Sunset (John Cameron, Maureen Forrester)

Grieg: Peer Gynt

Haydn: The Seasons

Handel: Love in Bath (suite on Handel arias by Sir Thomas Beecham)

Rimsky Korsakov: Scheherazade

Lollipops

Fauré: Dolly Suite

Bizet: Carmen Suite No. 1

Franck: Symphony in D minor

Liszt: A Faust Symphony

Liszt: Orpheus, symphonic poem No. 4

Strauss, R: Ein Heldenleben

Beethoven: Mass in C major

Handel: The Gods go A’Begging (Ballet Suite)

Handel: Amaryllis Suite arr. By Beecham

Handel: Arrival of the Queen of Sheba (from Solomon)

Mozart: Die Entführung aus dem Serail, ouv.

Rossini: Semiramide our.

Haydn: Symphony No. 99

Haydn: Symphony No. 100

Haydn: Symphony No. 103

Haydn: Symphony No. 101

Haydn: Symphony No. 102

Haydn: Symphony No. 104

Schubert: Symphony No. 3

Schubert: Symphony No. 5

Mozart: Bassoon Concerto (Gwydion Brooke)

Mozart: Clarinet Concerto (Jack Brymer)

Bizet: Carmen

Beethoven: Symphony No. 7

Brahms: Symphony No. 2

Rossini: La gazza ladra Overture

Rossini: La cambiale di matrimonio Overture

Mendelssohn: A Midsummer Night’s Dream Overture, Op. 21

Mendelssohn: The Fair Melusine

Delibes: Le roi s’amuse

Berlioz : Symphonie fantastique

Bizet : Symphonie

Lalo : Symphonie

*Apparemment, la remasterisation n’a pas permis d’effacer un téléphone intempestif qu’on entend très nettement (au casque) sonner dans le 2e mouvement « Un bal » de la Symphonie fantastique de Berlioz (à 0’56 du début du mouvement) !)

Et toujours les bonnes ou moins bonnes nouvelles des jours sur mes brèves de blog

Alfred Brendel, le modeste géant

Ce n’est pas la tristesse qui me vient, lorsque j’apprends le décès, à 94 ans, d’Alfred Brendel (1931-2025), mais la gratitude, la reconnaissance envers celui qui m’a introduit dans l’univers de Bach, Beethoven, Schubert, qui a pour beaucoup fait mon éducation à la musique.

J’aime tellement cette photo du gros coffret que Decca lui avait consacré, reprenant l’intégralité de ses enregistrements pour Philips.

Je n’ai entendu le pianiste autrichien qu’une seule fois, à Montpellier, dans les années 90 : il jouait Haydn et Mozart. Haydn était étrangement crispé, Mozart sublimement détendu.

Avant que Philips ne grave sa légende, le jeune Brendel avait confié ses débuts discographiques à des labels comme Vox, Vanguard, qu’on trouve facilement sur les sites d’écoute en ligne ou en coffrets très bon marché

Le coeur de ce qui sera le répertoire de prédilection de Brendel s’y trouve déjà : une première intégrale des sonates de Beethoven, des Schubert, mais aussi des Chopin que j’aime beaucoup :

J’aurais du mal à choisir dans ma discothèque ces disques qui m’ont éduqué à la musique, comme ceux de Wilhelm Kempff

Revue de détail non exhaustive :

D’abord l’île déserte, le compagnon de toute une vie

Puis les concertos de Mozart avec Marriner – que la critique regardait parfois de haut.

Des impromptus de Schubert insurpassés pour moi.

Pour Beethoven, c’est l’embarras du choix, tant pour les sonates que les concertos. Peut-être une préférence pour la première intégrale Philips (sonates) et pour l’alliage inattendu avec James Levine et Chicago pour les concertos.

On ne peut oublier cette rencontre avec un autre géant, dont on célébrait il y a peu le centenaire de la naissance, Dietrich Fischer-Dieskau

Le même Alfred Brendel est présent, comme piano obbligato, dans deux enregistrements de l’air de concert de Mozart Ch’io mi scordi di te, avec Elisabeth Schwarzkopf (et George Szell) puis Jessye Norman (et Neville Marriner)

Il faut aussi lire Alfred Brendel.

Je suis très troublé, parce que cinq minutes avant d’apprendre sa mort, j’étais en train de ranger une partie de ma bibliothèque, et j’étais tombé sur ce livre… que je croyais avoir perdu dans un déménagement.

Ce soir, on peut méditer cet aphorisme que nous laisse Alfred Brendel :

The word LISTEN contains the same letters as the word SILENT

Jonas et les coffrets de juin

Jonas 55

On ne sait si c’est pour célébrer son 55e anniversaire le 10 juillet prochain ou pour clore un partenariat de plusieurs lustres* entre Decca et le ténor star Jonas Kaufmann, toujours est-il que paraît un coffret de 15 CD à prix très doux qui récapitule les grandes années du chanteur, avec quelques pépites qui méritent d’être signalées.

Je ne sais qui a choisi la photo de couverture, légèrement too much non ? Mais le fan club ne sera pas déçu !

CD 1 Sehnsucht Mozart, Schubert, Beethoven, Wagner (Claudio Abbado / Mahler Chamber Orchestra)

CD 2 Verismo Arias (Antonio Pappano / Accademia Nazionale di Santa Cecilia)

CD 3 Romantic Arias (Marco Amiliato / Prague Philharmonic Orchestra)

CD 4-5 Wagner Airs d’opéras + commentaires de J.K.

CD 6 Schubert, Die schöne Müllerin (Helmut Deutsch)

CD 7-8 Weber Oberon (en anglais) (John Eliot Gardiner, Orchestre révolutionnaire et romantique, Hillevi Martinpelto, Steve Davislim)

CD 9-10 Beethoven Fidelio (Claudio Abbado, Lucerne Festival Orchestra, Nina Stemme)

CD 11-13 Humperdinck Königskinder (Armin Jordan, Orchestre national Montpellier)

CD 14-15 Verdi Requiem (Daniel Barenboim, Scala, Anje Harteros, Elina Garanca, René Pape)

J’éprouve un attachement particulier pour le dernier enregistrement d’Armin Jordan un an avant sa mort en 2006. C’était à Montpellier, du temps où le Festival Radio France faisait, chaque année, découvrir au moins un ouvrage lyrique inconnu ou oublié. Un ténor de 35 ans, qui était encore loin d’être la star qu’il est devenu, participait à l’aventure de ces Königskinder / Les enfants du roi d’un compositeur qui n’est resté dans les mémoires que pour son « tube » Hänsel et Gretel, Engelbert Humperdinck (1854-1921).

Souvenir amusant à propos de ce « live ». En contact avec les responsables de la branche française (Accor) d’Universal – pour les disques réalisés avec l’OPRL et Louis Langrée – je leur avais suggéré, au moment où la notoriété de Kaufmann montait en puissance, de mettre en valeur la participation de ce dernier à ces Enfants du roi. Quelques mois plus tard on voyait ressortir l’enregistrement dans un nouvel habillage (lire la critique qu’en fit Forumopera). Le coffret Decca a repris la pochette d’origine.

(*lustre = période de cinq ans)

Le piano des antipodes

Je n’ai pas évoqué ici les résultats du dernier Concours Reine Elisabeth de Belgique : j’ai, en son temps, écrit tout ce que je pensais de ce concours en particulier, et plus généralement des concours pour jeunes musiciens : De l’utilité des concours. Mon ami Michel Stockhem qui ne peut pas être suspecté d’être défavorable au CMIREB (acronyme de Concours Musical International Reine Elisabeth de Belgique) a écrit le 1er juin sur Facebook un billet que je pourrais signer et que j’invite vivement à lire.

Jiaxin Min, éliminée du palmarès final !

Apparemment les résultats du dernier Concours Van Cliburn ont été plus convaincants. Le nom du vainqueur, Aristo Cham, me fait irrésistiblement penser aux… Aristochats et à cette séquence

Je veux évoquer ici un coffret de 11 CD proposé à moins de 50 € sur le site anglais prestomusic.com, qui dresse un passionnant panorama d’un concours de piano, qui est l’un des plus importants de l’hémisphère sud, celui de Sydney. L’édition de ce coffret est due au responsable de la collection Eloquence, lui-même australien, Cyrus Meher-Homji (lire Des chefs éloquents) La plupart des noms de lauréats me sont inconnus, et c’est justement l’occasion de sortir de « l’européocentrisme » dénoncé par Michel Stockhem, Et en regardant la liste, on a la surprise d’y retrouver le 1er prix du concours Reine Elisabeth 1999, le pianiste ukrainien Vitaly Samoshko, que j’ai eu le bonheur d’inviter plusieurs fois à Liège. Le monde est petit !

Liste des pianistes représentés dans ce coffret :

Albright · Arimori · Bogdanov · Bolla · Broberg · Cazal · John Chen · Moye Chen · Cominati · Cyba · Del Pino · Deng · Fung · Fushiki · Gifford · Gillham · Gortler · Goto · Gough · Grigortsevich · Gugnin · Ham · Hill · Janssen · Joamets · Jurinic · Kameneva · Khairutdinov · Kim · Kitamura · Kolesova · Kolomiitseva · Jianing Kong · Xiang-Dong Kong · Kudo · Kurbatov · Kuzmin · Lakissova · Lee · Leske · Li · Liu · Lopatynskiy · Malikova · Malmgren · Masliouk · Melnikov · O’Callaghan · Owen · Pegoraro · Rashkovsky · Samoshko · Samossoueva · Sato · Scott · Shamray · Sim · Soo Rhee · Takada · Takao · Tarasevich-Nikolaev · Tarasov · Tsvetkov · Uehara · Ukhanov · Urassin · Vetruccio · Volodin · Wallisch · Wisniewski · Wright · Xie · Yemtsov · Young · Yu · Zabaleta · Zheng

Le Beethoven des Lindsay

Autre coffret proposé par prestomusic.com, l’intégrale des quatuors de Beethoven par les Britanniques du quatuor Lindsay (1966-2005). Il ne va pas dépareiller ma discothèque où se trouvent déjà, sans ordre de préférence, les Amadeus, Artemis, Hongrois, Italiano, Berg, Cleveland, Emerson, Ysaye, pour ne citer que les intégrales.



Et toujours mes brèves de blog, comme ce beau souvenir de ma soirée du 12 juin :

Sonya Yoncheva et Jean Pierre Rousseau / Auvers-sur-Oise / 12 juin 2025 / @Bachtrack

Vintage

Fischer-Dieskau chef

Comme si sa boulimie d’enregistrements d’opéra et de mélodies ne suffisait pas à le satisfaire, Dietrich Fischer-Dieskau, dont on a célébré le centenaire le 28 mai dernier (lire absolument les dossiers de Forumopera sur le sujet), a aussi exercé comme chef d’orchestre. Cet aspect de son activité n’a pas, à ma connaissance, fait l’objet de beaucoup de commentaires, ni même de rééditions discographiques. Et pourtant ce legs est loin d’être négligeable.

J’ai ressorti de ma discothèque quelques-uns des enregistrements de DFD chef d’orchestre.

D’abord un introuvable, une des plus belles versions de la 8e (l’Inachevée) et de la 5e symphonies de Schubert, où DFD dirige le New Philharmonia

Et plus récents, pour Orfeo, les magnifiques récitals lyriques qui rassemblent les deux époux : Julia Varady et Dietrich Fischer-Dieskau (lire Julia Varady 80)

Je ne résiste pas au bonheur de revoir cette « répétition » du couple sur une mélodie de Schubert :

Ne pas louper non plus ces deux disques – il doit y avoir d’autres archives ? – qui réunissent un tout jeune pianiste à l’époque, l’Ukrainien Konstantin Lifschitz, et le vieux maître au pupitre

Au moment de boucler ce paragraphe, je tombe sur ceci, dont j’ignorais même l’existence : DFD dirigeant l’orchestre philharmonique tchèque en 1976 !

Je doute que ce disque ait été réédité en CD, mais si c’est le cas, je suis preneur d’information complémentaire

Le chanteur de l’Est

Dix ans plus jeune que Fischer-Dieskau, il a très souvent fait partie des mêmes équipes d’enregistrement d’opéra, Peter Schreier (1935-2019) revient dans ma discothèque avec un coffret très bon marché (acheté sur jpc.de) délicieusement vintage.

S’il y a bien un mot qui ne se dit qu’en allemand pour les germanophones, c’est bien celui de Schlager, qu’on peut essayer de traduire par « tube« . On n’imagine pas, quand on n’a pas vécu même pendant des vacances, dans la sphère germanique, le succès phénoménal de groupes et de chanteurs de variétés, dont les noms nous sont totalement inconnus, et qui encore aujourd’hui réjouissent le public allemand

On admirera la couverture « d’époque » de l’un des CD de ce coffret Schreier, où l’on retrouve la soprano d’origine hongroise Sylvia Geszty (1934-2018)

Pour ce tube de la chanson napolitaine, on aurait pu avoir quelque chose de moins chargé côté orchestration (!!), et une voix à la couleur plus italienne, mais il y a quand même du soleil dans la voix de Peter Schreier

Dans cette video, le chanteur explique finalement qu’il se prête à des émissions de variété pour toucher des publics qu’il n’atteindrait pas à l’opéra ou en récital. Et c’est bien aussi et surtout cela qu’il faut retenir de ce grand interprète.

Le maître remasterisé

Carlo-Maria Giulini (1914-2005) a été dûment célébré par ses maisons de disques à l’occasion de son centenaire en 2014 (lire Giulini la classe et Vieux sages). Tout ce qu’il avait fait chez EMI avait déjà été rééédité en quelques coffrets, sauf les opéras. Vingt ans après sa mort, Warner publie cette fois un coffret qui comprend tous les enregistrements du chef italien pour les labels EMI/HMV/Columbia/Electrola. Et pour que nul ne l’ignore insiste en gros et gras sur le coffret : c’est Giulini remastered !

Je viens de recevoir ce coffret commandé il y a plusieurs semaines. Je n’ai pas encore remarqué de progrès spectaculaire par rapport aux précédentes éditions, mais j’aurai peut-être des surprises !

Excellent livret dû à la plume experte et toujours informée de Remy Louis, beaux documents photographiques.

L’éditeur présente comme un inédit le concerto pour piano n°3 de Beethoven avec le pianiste Hans Richter-Haaser, Il est vrai que celui-ci ne figurait pas dans le précédent coffret thématique Giulini Concertos mais EMI l’avait déjà publié dans un indispensable coffret consacré au grand pianiste allemand (lire L’autre Richter du piano). Et à l’inverse l’enregistrement légendaire du 1er concerto pour violon de Prokofiev avec Nathan Milstein qui s’y trouvait a disparu sans explication du nouveau coffret ! Dommage…

Et toujours mes brèves de blog : brevesdeblog