Mes petits bonheurs

Tempus fugitl’âge avance, mais je ne suis blasé de rien, surtout pas dans le domaine de la musique.

Comme Jean Gabin…  Il y a 60 coups qui ont sonné à l’horloge 
Je suis encore à ma fenêtre, je regarde, et j’m’interroge.. La vie, l’amour, l’argent, les amis et les roses…On ne sait jamais le bruit ni la couleur des choses 

Bref, je n’ai pas beaucoup changé depuis mes 20 ans et mes enthousiasmes de jeunesse.

Je fréquente toujours assidûment les quelques bonnes adresses qui restent en activité, à la recherche de quelque trésor caché, d’une édition rare, d’un inédit. Chez Melomania38 bd St Germain à Paris – l’adresse incontournable ! – qui a le bon goût de proposer quantité d’imports japonais, je suis tombé sur une petite merveille, un CD Denon au programme a priori banal, deux concertos de Beethoven, mais avec des interprètes peu banals…

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Monique de la Bruchollerieun peu comme Yvonne Lefébure (Clavier pas tempéré), c’était pour moi un nom, entouré de mystère (privée de l’usage de ses mains à 40 ans après un grave accident de la route, morte à 47 ans). Et ici je l’entends, je la découvre plutôt, fulgurante, incandescente, passionnée dans mon concerto préféré de Beethoven (le 3eme)  une captation stéréo de concert de 1966, à Budapest, avec le grand Janos Ferencsik dirigeant son orchestre d’Etat hongrois. Il y a bien quelques notes à côté, des traits un peu boulés, mais quelle ardeur, quel son, quelle autorité ! Et c’était sans doute l’un des derniers concerts de la pianiste avant son terrible accident.

Quant à Jacob Gimpel, j’avais déjà dans ma discothèque un très précieux 1er concerto de Brahms, enregistré en 1967 avec Rudolf Kempe et l’orchestre philharmonique de Berlin. Un CD prodigieux naguère éditée dans une collection éphémère Royal Classics (puisée dans le fonds EMI) aujourd’hui impossible à trouver ! Mais disponible sur Youtube :

Sur le CD Denon, il s’agit d’un enregistrement de studio – 1964 – du 4ème concerto de Beethoven réalisé à Berlin avec le vénérable Artur RotherDu grand piano dans la grande tradition allemande.

Toujours chez Melomania, je me laisse tenter par une « occasion », même si j’ai toujours du mal avec ce type de voix (Paroles de star), et je tombe sous le charme. Surtout du récital de mélodies (Schubert, Mendelssohn, Johann Strauss !) et d’airs de soprano du répertoire sacré qui se trouve sur le 3e CD de ce coffret-compilation. Max Emanuel Cenčić ne réalise pas seulement une performance, il fait de la musique, et de la très belle !

Et puis voilà qu’un long article du dernier numéro de Gramophone revient sur l’enregistrement d’un choix de sonates de Scarlatti réalisé en 1994 par Mikhail Pletnev, et me donne envie de m’y replonger. Et de retrouver l’un des musiciens, pianiste et chef, les plus insolemment doués, l’un des plus originaux aussi, que la Russie ait produits au XXème siècle.

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Ce double CD est bien un must !

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https://www.youtube.com/watch?v=8oIDro9587I

Sous les pavés la musique (V) : tout sur Robert

On a un peu oublié aujourd’hui l’art et la personnalité de Robert Casadesus (1899-1972), le pianiste français préféré des Américains, en tout cas de George Szell.

J’ai déjà raconté, dans une précédente version de ce blog, ce rendez-vous avec Gaby Casadesus qui, à 96 ans, avait tenu à se déplacer à mon bureau de France Musique pour s’assurer que le centenaire de son mari serait bien célébré comme elle entendait qu’il le soit, par les formations et les antennes de Radio France. Elle tenait, en particulier, à ce qu’on joue Casadesus compositeur, ce qui était rien moins qu’évident… La conversation avait été passionnante avec cette dame d’une élégance et d’une courtoisie hors d’âge. Je m’étais dit qu’elle tiendrait jusqu’à ce centenaire, elle est morte six mois après à 98 ans.

Aujourd’hui nous sont restitués quantité d’enregistrements devenus introuvables, ou très partiellement réédités au fil des ans, de Robert Casadesus, de sa femme Gaby et de leur fils Jean, tragiquement disparu en 1972 à 44 ans d’un accident de voiture au Canada.

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On trouvera ci-dessous les détails de ce coffret de 30 CD, des enregistrements qui vont de 1947 à 1972. Des références déjà connues – les Ravel – et rééditées – les concertos de Mozart avec Szell, mais curieusement pas la totalité, qu’on peut avoir dans le coffret très bon marché ci-dessous. Les formidables 1er et 4eme concertos de Beethoven captés à Amsterdam avec Eduard van Beinumla sonate de Bartok pour 2 pianos et percussions (avec le neveu Jean-Claude !), mais surtout des Chopin, Bach, Scarlatti et Rameau absolument admirables. Et puis, enfin disponibles (on les avait déjà dans un import japonais) ces sonates de Brahms et Beethoven avec le complice de toujours, le violon solaire de Zino FrancescattiMais quand donc SONY se décidera-t-il à rééditer le legs américain de ce fabuleux violoniste ?

Béla Bartók (1881-1945)
Sonata for 2 pianos and percussion Sz.110
Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Concerto for piano and orchestra No.4 in C minor Op.44
Carl Maria von Weber (1786-1826)
Konzertstück for piano and orchestra in F minor Op.79
César Franck (1822-1890)
Sonata for violin and piano in A major, Symphonic Variations for piano and orchestra
Claude Debussy (1862-1918)
Arabesques, Children’s Corner, En blanc et noir, pour deux pianos, Estampes, Images Livre I et II, L’Ile joyeuse, Masques, Petite suite (for piano four hands), Préludes Livre I et II, Sonata for violin and piano in G minor, Sonata for violoncello and piano in D minor
Erik Satie (1866-1925)
Trois morceaux en forme de poire
Ernest Chausson (1855-1899)
Concert, Op.21
Franz Liszt (1811-1886)
Concerto for piano and orchestra No.2 in A major
Franz Schubert (1797-1828)
Divertimento « sur des motifs originaux francais » D.823  Andantino varié Op.84 No.1, Fantasia for piano 4 hands in F minor D.940
Frédéric Chopin (1810-1849)
Ballades, Sonata No.2 in B flat minor Op.35
Gabriel Fauré (1845-1924)
Ballad for piano and orchestra Op.19, Dolly Suite Op.56 for piano four hands, Quartet for piano and strings No.1 in C minor Op.15, Sonata for violin and piano No.1 in A minor Op.13,  Sonata for violin and piano No.2 in E minor Op.108, Two Préludes Op.103
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
French Suite No.6 in E major BWV817, Italian Concerto in F major BWV971, Partita No.2 in C minor BWV826, Sonata No.2 in A major for violin and piano BWV1015, Toccata in E minor BWV914
Johannes Brahms (1833-1897)
Piano concerto No.2 in B flat major Op.83, Sonatas for violin and piano in A minor Op.100, in D minor Op.108, in G major Op.78 
Manuel de Falla (1876-1946)
Noches en los Jardines de España 
Jean Philippe Rameau (1683-1764)
Gavotte, Le Rappel des Oiseaux, Les Niais de Sologne, Les Sauvages

Domenico Scarlatti (1685-1757)
Sonata in A major K.533, Sonata in B minor K.27, Sonata in D major K.23, Sonata in D major K.430, Sonata in E major K.380, Sonata in G major K.14
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Concertos for piano and orchestra No.1 in C major Op.15, No.4 in G major Op.58, No.5 in E flat major Op.73 « Emperor », Sonatas No.1 in D major Op.12 No.1, No.10 in G major Op.96, No.14 in C sharp minor Op.27 No.2 « Moonlight », Sonata No.2 in A major Op.12 No.2, No.2 in A major Op.2 No.2, No.23 in F minor Op.57 « Appassionata », No.24 in F sharp major Op.78 « A Thérèse », No.26 in E flat major Op.81a « Les Adieux », No.3 in E flat major Op.12 No.3, No.31 in A flat major Op.110, No.4 in A minor Op.23, No.5 in F major Op.24 « Spring », No.6 in A major Op.30 No.1, No.7 in C minor Op.30 No.2, No.8 in G major Op.30 No.3, No.9 in A major Op.47 « Kreutzer », 
Maurice Ravel (1875-1937)
A la manière de Borodine (valse), A la manière de Chabrier, Berceuse sur le nom de Gabriel Faure, Gaspard de la nuit, Habanera, Jeux d’eau, Le Tombeau de Couperin, Ma mére l’Oye, Menuet Antique, Menuet sur le nom d’Haydn, Miroirs, Pavane pour une infante défunte, Piano concerto « for the left hand », Prélude in A minor, Sonatine, Valses nobles et sentimentales
Robert Casadesus (1899-1972)
Toccata Op.40, Sextet for piano and wind instruments Op.58, Sonata No.2 for violin and piano Op.34, Three Mediterranean Dances for 2 pianos Op.36
Robert Schumann (1810-1856)
Carnaval Op.9, Dichterliebe Op.48 (from the « Lyrisches Intermezzo » by H. Heine), Fantasia in C major Op.17, Papillons Op.2, Romance Op.28 No.2 in F sharp major, Symphonische Etüden, Waldszenen Op.82
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Andante and Variations for piano four hands in G major K.501, Concerto for 2 pianos and orchestra No.10 in E flat major K.365, Concerto for 3 pianos and orchestra No.7 in F major K.242, Concertos for piano No.12 in A major K.414, No.18 in B flat major K.456, No.20 in D minor K.466, No.21 in C minor K.467, No.22 in E flat major K.482, No.24 in C minor K.491, No.26 in D major K.537 « Coronation », piano No.27 in B flat major K.595, Concerto in F major for 3 pianos KV.242, Quintet in E flat major for piano and winds K.452, Sonata for 2 pianos in D major K.448 (K.375a), Sonatas for piano No.13 in B flat major K.333, No.14 in C minor K.457, No.17 in D major K.576
Robert Casadesus, Gaby Casadesus, Jean Casadesus, pianos, Jean-Claude Casadesus, percussions
Zino Francescatti, violin
Maurice Marechal, cello
Jean-Pierre Drouet, percussions
Pierre Bernac, barítono
André Sagnier, flute – Lucien Debray, oboe – Marcel Jean, clarinet – Gérard Tantôt, bassoon
J. de Lancie, oboe – A. Gigliotti, clarinet – B. Garfield, bassoon – M. Jones, French horn
Joseph Calvet, violin – Léon Pascal, Alto – Paul Mas, cello
Guilet Quartet
Columbia Symphony Orchestra, Dir. George Szell
Cleveland Orchestra, Dir. George Szell
Concertgebouw Orchestra, Dir: Edward van Beinum
Philadelphia Orchestra, Dir. Eugene Ormandy
Orchestre National de France, Dir. Carl Schuricht
Orchestra della RAI di Torino, Dir. Fernando Previtali
New York Philharmonic, Dir. Leonard Bernstein
New York Philharmonic, Dir. Dimitri Mitropoulos

Un conseil d’achat : pour une fois éviter les magasins et les sites en ligne qui proposent ce coffret à 100-120 €.  En le commandant directement à l’éditeur Scribendumrecordings.comil vous en coûtera 60 £ (env. 67 €), et vous le recevrez dans les huit jours par la poste.

 

Martha A.

Un vieux fond d’éducation m’empêcherait normalement de citer l’âge d’une dame, a fortiori de lui souhaiter son anniversaire. Mais comme elle défie les années et qu’à 75 ans aujourd’hui, elle reste d’une éternelle jeunesse, j’y vais aussi de mon compliment à Martha Argerich. 

Tout a été dit, écrit sur cette musicienne hors norme, cette pianiste phénoménale, cette personnalité singulière. J’ai eu la chance de la rencontrer à plusieurs reprises, de l’entendre plus souvent encore (La reine et le géant). Elle fait partie de ma vie. Je lui souhaite un bel anniversaire et lui exprime une infinie gratitude pour tout ce qu’elle nous apporte.

https://www.youtube.com/watch?v=MkrwU5Pd93c

Ces jours-ci a lieu, à Lugano, la dernière édition d’un festival unique, conçu avec, pour et par Martha Argerich (La fin d’une belle aventure). On se consolera, un peu, en réécoutant les beaux échos de ce « projet », publiés année après année, et riches de formidables rencontres, moments inédits, découvertes musicales.

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Une patronne vierge

Pas certain qu’on ait vraiment eu le coeur de fêter la Sainte-Cécile en ce dimanche 22 novembre… C’est pourtant la patronne des musiciens (et des brodeurs !), je gage que peu d’entre eux savent pourquoi, et d’abord qui est cette Cécile, que tant de compositeurs ont honorée ?

Une réponse avec ce poème de Mallarmé ? Voire.

Sainte

A la fenêtre recélant
Le santal vieux qui se dédore
De sa viole étincelant
Jadis avec flûte ou mandore,

Est la Sainte pâle, étalant
Le livre vieux qui se déplie
Du Magnificat ruisselant
Jadis selon vêpre et complie :

A ce vitrage d’ostensoir
Que frôle une harpe par l’Ange
Formée avec son vol du soir
Pour la délicate phalange

Du doigt, que, sans le vieux santal
Ni le vieux livre, elle balance
Sur le plumage instrumental,
Musicienne du silence.

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(Détail d’un vitrail de Notre-Dame de Sablé-sur-Sarthe)

Cécile est romaine, martyre des premiers temps du christianisme, demeurée vierge malgré un mariage forcé. Le rapport avec la musique et les musiciens ? Plutôt ténu, mais c’est tout l’objet de la légende qui entoure Sainte-Cécile, et qui a inspiré nombre de compositeurs (https://fr.wikipedia.org/wiki/Cécile_de_Rome)

Benjamin Britten, né le…22 novembre 1913, pouvait difficilement éviter de chanter sa sainte patronne : Hymn to St Cecilia

Plus près de nous encore, Arvo Pärt, répond à une commande de la bien nommée Accademia Nazionale di Santa Cecilia  de Rome, en 2000, avec Cecilia, vergine romana

https://www.youtube.com/watch?v=0RNAYqd1zK4

Au XIXème siècle, Gounod, Liszt et Chausson rendent hommage à la vierge martyre et à sa légende.

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https://www.youtube.com/watch?v=jftblgvmGVU

En remontant les siècles, on ne compte plus les tributs musicaux à Sainte-Cécile, Handel, Purcell, Haydn, Scarlatti bien sûr, mais Luca Marenzio, Peter Philips, John Blow, etc.

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