Atout cheffes

J’ai plutôt en horreur cette mode des « journées » (les grands-mères hier), et encore plus la confusion qui s’opère, en ce 8 mars présenté comme « la journée de la femme » ou « des femmes ». Alors qu’il s’agit bien selon l’appellation officielle de l’ONU, de la Journée internationale des Femmes / International Women’s Day, en France on ajoute, pour être plus explicite encore, Journée internationale des Droits des Femmes.

A propos d’un secteur où les inégalités hommes-femmes sont historiques et évidentes- la direction d’orchestre – j’avais déjà écrit cet article, après une réflexion malheureuse du regretté Mariss Jansons : Le chef qui n’aime pas les cheffes. Je n’ai rien à retirer à ce texte écrit il y a plus de trois ans, au contraire je ne peux que me réjouir de ce que les artistes que je citais aient vu leur carrière, leurs projets, leur notoriété croître et se développer. Voir ci-dessous l’intégralité de ce billet du 28 novembre 2017.

Depuis ce billet, me sont revenus d’autres noms de cheffes d’orchestre, et ont surgi des initiatives comme le premier concours de direction réservé aux femmes, La Maestra, organisé en septembre 2020 à la Philharmonie de Paris à l’initiative de Claire Gibault.

Dans mes souvenirs, des figures contrastées: en 2006 au festival de Savonlinna (Finlande), une fantastique représentation de Carmen dirigée par l’Estonienne Anu Tali, mais quelques années plus tôt, à San Francisco, un concert d’été très décevant qui ne m’a pas laissé une bonne impression (euphémisme !) de la New Yorkaise JoAnn Faletta (ses nombreux disques chez Naxos ne m’ont pas fait changer d’avis). Et j’avais rapporté d’un voyage au Mexique un disque très coloré dirigé par une jeune femme qui se ferait bientôt connaître en Europe, Alondra de la Parra

En revanche, j’ai redécouvert récemment dans ma discothèque deux superbes galettes, auxquelles j’avoue ne pas avoir prêté l’attention qu’elles méritaient pourtant.

La Cinquième de Beethoven a fière allure sous la baguette de la Française Claire Gibault enregistrant au milan des années 80 avec le Royal Philharmonic de Londres. Son Inachevée de Schubert est une vraie splendeur, enfin un Schubert jeune, allant, vivant, et non plombé d’accents wagnériens comme trop de chefs l’en ont affublée.

Mais j’ai vu et entendu plusieurs fois Claire Gibault diriger, à Aix-en-Provence, à Lyon, à Paris, à Liège.

Ce qui n’est pas du tout le cas d’une cheffe britannique, dont je connaissais à peine le nom, avant de le repérer dans un gros coffret récapitulatif d’une collection de disques très British : Sian Edwards.

Sian Edwards est, semble-t-il, très investie dans la musique contemporaine. Ces enregistrements d’orchestre de Tchaikovski n’en sont que plus intrigants. On aime beaucoup, vraiment beaucoup, ces visions alertes, nerveuses, romantiques en diable.

« Le chef qui n’aimait pas les cheffes

France Musique s’est fait l’écho de l’une de ces polémiques dont raffolent les réseaux sociaux : Les femmes chefs d’orchestre ? Pas la « tasse de thé » de Mariss Jansons

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Cher Mariss Jansons, même si vous vous êtes rattrapé depuis, vous devriez savoir qu’il ne faut jamais se laisser aller au politiquement incorrect. Vous aviez bien le droit de penser que les femmes chefs d’orchestre, ce n’est pas trop votre cup of tea, vous n’étiez pas obligé de le dire !

Certes, comme vous-même vous passez votre vie à répéter et à diriger, à l’instar de tous vos collègues chefs, vous n’avez pas le temps d’aller voir et écouter de plus jeunes collègues, hommes ou femmes, et de constater que le monde musical a bien changé.

Je n’ose vous croire nostalgique d’une époque où les grands phalanges comme Berlin ou Vienne étaient exclusivement masculines (souvenez-vous de l’affaire Sabine Meyer, cette jeune clarinettiste que Karajan voulait recruter contre l’avis des musiciens des Berliner Philharmoniker)

Mais, je vous le concède, la féminisation des orchestres n’a pas été suivie, dans les mêmes proportions, de la féminisation des podiums. Et pourtant, elles ont bien du talent, et plus que ça même, les quelques cheffes qui ont émergé ces dernières années, sur les traces de leurs aînées Simone Young ou Marin Alsop.

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En France, Claire Gibault et Laurence Equilbey ont longtemps été seules à fréquenter les podiums de chef.

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Aujourd’hui Nathalie Stutzmann dirige autant sinon plus qu’elle ne chante, certes plus à l’étranger qu’en France, même si Jean-Louis Grinda, après l’avoir invitée à l’Opéra de Monte-Carlo, lui a confié la direction du Mefistofele de Boito l’été prochain aux Chorégies d’Orange.

L’Opéra royal de Wallonie, à Liège, a depuis le début de cette saison, une nouvelle cheffe, Speranza Scappucci

La saison dernière, la cheffe assistante de l’Orchestre philharmonique de Radio France, Marzena Diakun, avait fait sensation en remplaçant au pied levé Mikko Franck dans Die tote Stadt de Korngold en version de concert à la Maison de la radio

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Billet du 28 novembre 2017.

Les raretés du confinement (X) : Rimbaud, Orozco, Susskind, Seefried, Lalo, Saint-Saëns etc.

#Confinement2 Une rubrique quotidienne sur Facebook qui n’est malheureusement pas près de s’éteindre… Puisqu’on évoque même, avec une sorte de gourmandise malsaine, la perspective d’un reconfinement dans certaines régions de France !

17 février : Les Illuminations de Felicity Lott

Hommage à Steuart Bedford (1939-2021) suite : un extrait de l’une des oeuvres les plus fortes de Benjamin Britten, le cycle de mélodies « Les Illuminations » (sur des poèmes de Rimbaud), une interprète d’exception de ce cycle, ma très chère Felicity Lott (lire : Dame Felicity) ici accompagnée par Steuart Bedford :

18 février : le Chopin de Rafael

Rafael Orozco (1946-1996) est un immense musicien, un pianiste majeur, un interprète d’élection des grands romantiques. Malheureusement ses disques (EMI, Philips, Valois) sont pour l’essentiel devenus introuvables, voire non édités en CD. Souhaitons que la magnifique réédition de ce double album Chopin (une première en CD pour les Préludes) par Warner soit le prélude à d’autres rééditions indispensables (excellente notice de Jean-charles Hoffelé sur les raisons d’une discographie erratique)

19 février : L’Empereur Rafael

#RafaelOrozco Pour prolonger mon billet d’hier sur le pianiste Rafael Orozco (1946-1996) – lire Le Chopin de Rafael – cette captation très émouvante d’un concert à Londres, probablement en 1995, un splendide « Empereur » de Beethoven, où Rafael Orozco retrouve Neville Marriner (1924-2016)

20 février : Un premier disque pour l’éternel second

Ce disque a vingt ans et une histoire. J’avais découvert et aussitôt aimé passionnément la bien trop méconnue Symphonie en sol mineur d’Edouard Lalo grâce à la version impérissable de Thomas Beecham. Je ne l’avais jamais entendue en concert et jusqu’à ma nomination à la direction générale de l’ Orchestre Philharmonique Royal de Liège, je n’étais jamais parvenu à la programmer (lire L’éternel second). Dès la saison 2000/2001 je la confiai au jeune chef belge Jean-Pierre Haeck et dans la foulée proposai au label Cypres un disque tout Lalo, avec la Symphonie en sol mineur (1886), contemporaine de la 3ème symphonie de Saint-Saëns et de la symphonie cévenole de D’Indy.

21 février : Claude Carrière et le Duke

Pour rendre hommage à notre cher Claude Carrière disparu samedi (lire La belle carrière de Claude) et à sa passion pour Duke Ellington, cette soirée du 28 juillet 1965 au festival de Tanglewood où le génial pianiste et compositeur de jazz partageait la scène avec Arthur Fiedler et ses Boston Pops

22 février : Céleste duo

Peut-être pas « historiquement informé », mais depuis longtemps un trésor de ma discothèque. Une bonne dose de jubilation, si nécessaire en cette période.La voix plus « céleste » que jamais de Teresa Stich-Randall mariée à celle de Dagmar Hermann sous la direction de Felix Prohaska (1960)

23 février : Les enfants de Jonas K.

Une des grandes soirées du Festival Radio France Occitanie Montpellier, le 27 juillet 2005, l’opéra d’Engelbert Humperdinck, Les enfants du Roi / Die Köningskinder, un ténor de 36 ans qui n’est pas encore la star qu’il est devenu, Jonas Kaufmann, un merveilleux chef qui dirigeait pour la dernière fois à Montpellier, Armin Jordan

24 février : les Cent de Saint-Saëns

#SaintSaens100 #FestivalRF21 Saint-Saëns (1835-1921) va être à l’honneur toute cette année, centenaire de sa mort oblige, et ce n’est que justice. J’ai découvert le plus connu de ses cinq concertos pour piano, le Deuxième, grâce à Artur Rubinstein, et à sa première version stéréo en 1958, sous la direction d’Alfred Wallenstein (lire : La découverte de la musique)

25 février : Cheffe d’orchestre

On parle et on entend – heureusement – de plus en plus des cheffes d’orchestre. Dans une collection « super-économique » j’ai retrouvé dans ma discothèque un disque magnifique de l’une de ces cheffes pionnières, la Française Claire Gibault – organisatrice du concours La Maestra, fondatrice du Paris Mozart Orchestra – Claire Gibault – un disque gravé au milieu des années 80, à Londres, avec le Royal Philharmonic Orchestra. Sur ce disque une splendide 5ème symphonie de Beethoven, et surtout l’une des versions les plus vivantes, joyeuses, allantes (aux antipodes des accents wagnériens qu’y mettent beaucoup de chefs) de la symphonie n°8 dite « Inachevée » de Schubert.

26 février : Vivement l’été

Un très beau disque, un peu passé inaperçu à sa sortie en 2011, dont je suis fier. De beaux artistes, Anne-Catherine Gillet, le chef Paul Daniel, mon cher Orchestre Philharmonique Royal de Liège, et un programme original et sans concurrence discographique !Envie, en ces temps de morosité, de fatigue morale, de penser à l’été, avec ce titre si évocateur de Samuel Barber (1910-1981) : Knoxville : Summer of 1915 est une « rhapsodie lyrique » qui évoque un soir d’été à Knoxville dans le Tennessee sur un texte de James Agee. L’oeuvre a été créée en 1948 par Eleanor Steber et le Boston Symphony Orchestra dirigé par Serge Koussevitzky

27 février : Walter le Tchèque

Un grand chef d’origine tchèque, Walter Susskind (1913-1980), une discographie remarquable mais disparate (lire : Les sans-grade: Walter Susskind) Ici un extrait des Spirituals de Morton Gould, qui doit rappeler des souvenirs aux plus âgés des téléspectateurs français.

28 février : Dvořák l’Américain

Un chef d’orchestre britannique, d’origine tchèque, Walter Susskind (lire Les sans-grade: Walter Susskind), une violoncelliste canadienne d’origine russe, Zara Nelsova (1918-2002), ça donne une splendide version du concerto pour violoncelle de Dvořák :

Concerto pour violoncelle (3ème mouvement)

Zara Nelsova, violoncelle

St. Louis Symphony Orchestra

dir. Walter Susskind. (Vox/Brilliant Classics)

1er mars : Respighi au couchant

Dans la discographie de la grande soprano allemande Irmgard Seefried (1919-1988) une vraie rareté : cette longue mélodie pour soprano et cordes d’Ottorino Respighi, qui date de 1914, intitulée Il Tramonto.

Monsieur Cinéma

C’est un nom souvent aperçu sur d’admirables disques, de qualité « audiophile », du début des années 60, parus sous des étiquettes variables (RCA, Reader’s Digest, Chesky…) comme une fabuleuse Quatrième symphonie de Brahms, enregistrée par Fritz Reiner à Londres avec le Royal Philharmonic.

Charles Gerhardt (1927-1999) est une figure emblématique de la vie musicale du XXème siècle : producteur, chef d’orchestre, arrangeur. Il grandit à Little Rock (Arkansas), étudie la musique, le piano. Entre 1951 et 1955, il travaille comme technicien pour RCA Victor. Dans un premier temps, son rôle consiste à transférer sur bande des 78 tours d’Enrico Caruso et Artur Schnabel, y compris la suppression du bruit de surface préparatoire à la réédition en 33 tours. Il participe à des séances d’enregistrement de Kirsten Flagstad, Vladimir Horowitz, William Kapell, Wanda Landowska et Zinka Milanov. En 1954, il collabore avec Leopold Stokowski et le NBC Symphony Orchestra pour des enregistrements stéréophoniques expérimentaux des suites du ballet Sebastian de Gian Carlo Menotti, ainsi que Roméo et Juliette de Prokofiev, qui ne sortiront qu’en 1978 !

Il devient également l’agent « traitant » de RCA avec Arturo Toscanini, dans les dernières années du chef d’orchestre. C’est Toscanini qui l’encourage à étudier la direction d’orchestre.

Puis Gerhardt travaille durant cinq ans pour Westminster Records à New York. Westminster étant en difficulté (la société dépose le bilan en décembre 1959), il se tourne vers l’enregistrement de chanteurs pop, dont Eddie Fisher. C’est alors que George R. Marek, le chef du département Red Sceal de RCA Victor, lui offre l’opportunité de produire des enregistrements pour Reader’s Digest en Angleterre.

A partir de 1960, il produit des disques pour RCA Victor et Reader’s Digest avec pour partenaire le légendaire ingénieur du son Kenneth Wilkinson de Decca Records (alors filiale de RCA en Europe). S’ensuivront 4 000 sessions d’enregistrement! Leur premier projet majeur est un ensemble de 12 disques pour Reader’s Digest : A Festival of Light Classical Music, publié en versions mono et stéréophoniques, se vendra à plus de deux millions d’exemplaires. En 1961, il produit pour Reader’s Digest l’intégrale des symphonies de Beethoven avec le Royal Philharmonic Orchestra dirigé par René Leibowitz.

L’une des productions préférées de Gerhardt est la série parue en 1964 Treasury of Great Music un autre jeu de 12 disques pour Reader’s Digest. À la tête du Royal Philharmonic de Londres, il convie John Barbirolli, Malcolm Sargent, Antal Doráti, Jascha Horenstein, Rudolf Kempe, Josef Krips, Charles Munch, Georges Prêtre et Fritz Reiner, à graver les chefs-d’oeuvre du répertoire symphonique. Tous ces disques (la plupart republiés par Chesky Records) sont restés des références.

Dès 1966, Charles Gerhardt manifeste son goût pour les répertoires non classiques : en témoigne une série d’albums All-Time Broadway Hit Parade, qui comprend 120 chansons de diverses productions musicales telles que Carousel, The Music Man, Guys and Dolls, My Fair Lady, Pal Joey, South Pacific et bien d’autres.

Les projets Reader’s Digest créent une telle activité d’enregistrement qu’il devient nécessaire d’avoir un orchestre et chef d’orchestre dédiés à cette entreprise. Avec le violoniste et entrepreneur Sidney Sax, Gerhardt forme en 1964 un orchestre à partir des meilleurs orchestres londoniens et de musiciens indépendants. L’orchestre prend le nom de National Philharmonic Orchestra en 1970 et Gerhardt lui-même le dirige. Leopold Stokowski réalise certains de ses derniers enregistrements avec orchestre.

Charles Gerhardt réalise de 1972 à 1978 avec le National Philharmonic 14 disques vinyles pour la série Classic Film Scores pour RCA, publiée de 1972 à 1978. Première publication en 1972 The Sea Hawk: The Classic Film Scores of Erich Wolfgang Korngold (lire Les Musiques de l’exil). Toute la série se distingue surtout par une préparation extrêmement soignée des partitions par Gerhardt lui-même.. Les enregistrements sont réalisés au Kingsway Hall à l’acoustique exceptionnelle et conçus par Kenneth Wilkinson. Le producteur de ce premier disque est George Korngold, le fils du compositeur.

La série se poursuit avec des albums consacrés à Max Steiner, Miklós Rózsa, Franz Waxman, Alfred Newman, Dimitri Tiomkin, Bernard Herrmann et John Williams ainsi que des albums consacrés à la musique dans les films de Bette Davis, Humphrey Bogart et Errol Flynn. C’est cet ensemble miraculeux que Sony a réédité il y a quelques semaines dans un coffret indispensable.

On peut suivre le conseil de Tom Deacon, un autre producteur « légendaire », collègue de Charles Gerhardt :

Le regretté Charles Gerhardt était un passionné de musique de film. Pour RCA Victor, il a enregistré des musiques de films extraordinaires des années 1930, 1940 et 1950 par Korngold, Steiner, Waxman, Newman, Rozsa, Herrmann, Tiomkin et d’autres. Ceux-ci ont d’abord été publiés sur Lp puis sur CD sur RCA Victor. Désormais, les 12 CD sont tous contenus dans un coffret Sony. C’est à ne pas manquer. Gerhardt n’était pas seulement un chef d’orchestre doué, mais aussi un fabuleux producteur de disques.  Ce sont des classiques audiophiles. Comme de tels coffrets risquent de disparaître sans préavis, ce n’est pas le moment d’hésiter. Achetez-le!

Les raretés du confinement (I)

Lors du premier confinement au printemps dernier j’avais entrepris de publier chaque jour sur Facebook une symphonie de Haydn (il y en a… 107!) dans des versions aussi contrastées et originales que possible.

Depuis le reconfinement intervenu en France le 30 octobre dernier, j’ai entamé une nouvelle série d’enregistrements, tirés de ma discothèque personnelle, qui présentent un caractère de rareté, une oeuvre inhabituelle dans le répertoire d’un interprète, un musicien qui emprunte des chemins de traverse, un chef qui se hasarde là où on ne l’attend pas… Récapitulation d’une première décade de publications:

2 novembre

Aujourd’hui Claudio Abbado dirigeant le Concert de l’an 1991 des Wiener Philharmoniker: l’ouverture de l’opérette Waldmeister (1895) de Johann Strauss

3 novembre

#ElectionDay En ce jour d’élection présidentielle américaine, cet extrait d’une soirée donnée au Carnegie Hall de New York en 1988 pour le centenaire d’Irving Berlin. Marilyn Horne chante « God bless America« .

4 novembre

En attendant les résultats de l’élection américaine, ce témoignage inattendu d’hommage au drapeau américain de la part d’Antonin Dvorak, directeur du Conservatoire de New York de 1892 à 1895. Michael Tilson Thomas dirige le RSO Berlin

5 novembre

Un compositeur américain d’origine russe, Alexei Haieff` (1914-1994) qui m’était complètement inconnu avant que je le découvre dans le gros coffret RCA des rééditions de Charles Munch (1891-1968). La 2ème symphonie de Haieff a été créée le 11 avril 1958 par Munch et le Boston Symphony Orchestra

6 novembre

Pour rester dans la sphère américaine, cette étonnante pépite de la discographie du vénérable chef britannique Adrian Boult (1889-1983) qui, à 80 ans passés, enregistre un bouquet de marches, dont la célébrissime « Stars and Stripes forever » de John Philip Sousa (1854-1932) – lire America is beautiful

7 novembre

Le grand Fritz Reiner (1888-1963) délaisse son orchestre de Chicago pour enregistrer, en 1962, à Londres, avec le Royal Philharmonic Orchestra, une extraordinaire Quatrième symphonie de Brahms, celle que je place au sommet de ma discographie de l’oeuvre. Une version rare, superbement enregistrée par Kenneth Wilkinson au Walthamstow Town Hall, publiée par Chesky Records

8 novembre

Clin d’oeil au nouveau président élu, Joe Biden, à la nouvelle vice-présidente élue, Kamala Harris,la plus surprenante des versions de l’ouverture de « Candide » de Bernstein… ou quand le grand chef russe Evgueni Svetlanov (1928-2002) se déchaîne en public à la tête du London Symphony Orchestra au Festival d’Edimbourg le 28 août 1978.

9 novembre

Le 9 novembre 1989 le mur érigé en 1961 entre Berlin Ouest et Berlin Est cédait sous la ferveur populaire.Le 25 décembre, dans la superbe salle du Konzerthaus (à l’époque à Berlin-Est), Leonard Bernstein – qui allait mourir dix mois plus tard – dirigeait la Neuvième symphonie de Beethoven, dont le finale était rebaptisé « Ode an die Freiheit » (Ode à la liberté). Ce concert réunissait autour de l’orchestre de la Radio bavaroise des musiciens des orchestres de Paris, Dresde, Londres, New York et Leningrad (Kirov), les choeurs de la radio bavaroise, de la radio de Berlin-Est et le choeur d’enfants de Dresde, ainsi que quatre solistes June Anderson (USA), Sarah Walker (Grande-Bretagne), Klaus König (RDA) et Jan-Hendrik Rootering (Pays-Bas)

10 novembre

Dans le prolongement de l’élection présidentielle américaine, cette absolue rareté dans la discographie pourtant très abondante d’Antal Dorati, un disque intitulé « Be Glad then America! » et cette oeuvre de Robert Russell Bennett (1894-1981), une commande de l’orchestre National de Washington pour le bicentenaire de l’Indépendance en 1976 : « The fun and faith of William Billings, American ».William Billings (1746-1800) est considéré comme le père de la musique chorale américaine

11 novembre

Le chef suisse Ernest Ansermet est né le 11 novembre 1883 (et mort le 20 février 1969). Il a réalisé l’essentiel de ses enregistrements pour Decca avec l’ OSR – Orchestre de la Suisse Romande qu’il avait fondé en 1918. Ici il dirige, le 17 mars 1966 (à 83 ans), avec une énergie juvénile, un répertoire où il était moins attendu, la Troisième symphonie de Brahms à la tête de l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks

Voici ce que j’écrivais le 8 avril 2016 – On aime Brahms

Quant à la 3ème symphonie, depuis que François Hudry me l’avait fait découvrir, je mets au premier rang un chef qu’on n’associe pas spontanément à Brahms (et qui a pourtant réalisé une très belle intégrale – méconnue – chez Decca avec « son » Orchestre de la Suisse romande)Ernest Ansermet, avec l’orchestre de la Radio bavaroise, un « live » de 1966. Tout simplement exceptionnel !

Le chef du Nouveau monde

Pas de méprise sur l’objet de ce billet : je me suis promis de ne jamais prononcer le nom de l’actuel locataire de la Maison Blanche, encore moins de commenter ses faits et gestes. L’humour de Plantu est assez éloquent pour que j’en reste à mes résolutions.

Lorsque je titre « Le chef du Nouveau monde » c’est évidemment en pensant à un tout autre personnage, éminemment respectable et respecté !

Comme chaque fois que je pars en vacances je télécharge sur mon IPhone des disques, voire des coffrets que je veux réécouter plus attentivement, sans craindre d’être interrompu. Cette fois ci, j’ai jeté mon dévolu sur Rudolf Kempe, l’un de ces chefs qui n’ont jamais eu le statut de stars de la baguette comme Furtwängler, Toscanini, Karajan et quelques rares autres. Mais plus j’écoute et réécoute ses enregistrements, croissant va mon admiration pour cet immense chef, né à Dresde en 1910, disparu à 65 ans seulement à Zurich en 1976.

On connaît ses miraculeux enregistrements de l’œuvre symphonique de Richard Strauss au début des années 70 avec l’orchestre de sa ville natale, magnifiquement « remasterisés ».

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Mais il y a dans ces deux coffrets

des trésors qui valent d’être redécouverts absolument.

Dernièrement sur Facebook un fil de discussion avait été lancé sur la 3ème symphonie de Brahms, qui a échappé à plus d’une glorieuse baguette, qui est le point faible de l’intégrale gravée par Kertesz. Plusieurs participants à cette discussion avaient donné leurs (p)références, aucun – moi non plus – n’avait cité Kempe et son enregistrement exceptionnel avec les Berliner Philharmoniker. Tout y est, la grandeur mais pas marmoréenne, un parfait usage du rubato, une animation du discours qui ne laisse jamais l’attention de l’auditeur en berne. Exaltant !

En fait, j’avais et j’ai toujours une réticence par rapport aux Beethoven de Kempe. Très étrangement, ses symphonies sont trop sages, placides même, à mes oreilles. Le contraire de ce qu’il fait dans Brahms.

Autre exemple, cette phénoménale Première symphonie de Brahms, captée avec les Münchner Philharmoniker dont Rudolf Kempe fut le chef de 1967 à sa mort.

Mais il y a une oeuvre en particulier qu’il a trois fois parfaitement réussie au disque, la 9ème symphonie de Dvořák, plus connue sous son titre de « Nouveau monde« .  En 1958 avec l’orchestre philharmonique de Berlin, en 1972 avec le Royal Philharmonic, puis en 1975 avec la Tonhalle de Zurich, la première étant dans le coffret Icon, les deux autres dans le coffret Scribendum. Je ne sais plus dans quelle tribune de critiques (Disque en Lice ?), lors d’une écoute à l’aveugle, la version Kempe/RPO était arrivée en tête.

Cette vidéo d’un concert avec le BBC Symphony paraît presque en retrait des performances du chef à Berlin et avec le Royal Philharmonic, où il ose tous les contrastes, la grandeur et la tendresse, l’épopée et l’élégie, comme il le fait si bien dans Brahms.

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Dans ce court poème symphonique, le Scherzo capricciosoaux humeurs et aux rythmes si changeants, Kempe donne la pleine mesure de ses qualités narratives, de la souplesse de sa baguette.

Il faudrait tout citer dans ces deux coffrets qui sont loin de refléter la carrière et l’art de ce grand chef, notamment dans le domaine lyrique. Mais j’ai, pour ma part, redécouvert cet été deux extraordinaires versions des Quatrième et Cinquième symphonies de Bruckner

J’avoue avoir toujours un peu de mal avec cette monumentale Cinquième. Rien de tel ici, Kempe nous tient en haleine du début à la prodigieuse coda du dernier mouvement.

Dans le coffret Scribendum d’autres pépites moins attendues et d’autant plus remarquables : Des Pins de Rome de pleine lumière, avec le Royal Philharmonic somptueusement capté, contrastant avec les alanguissements hédonistes d’un autre K. et surtout une 2ème suite de Daphnis et Chloé bavaroise, sommet de poésie des timbres et de sensualité orchestrale.

Et puis l’amateur de viennoiseries que je suis (Wiener Blut) ne peut que conseiller l’écoute de l’un des plus parfaits disques de valses et ouvertures viennoises, chic, tenue, élégance, capté en 1958/9 dans une superbe stéréo à Vienne. Témoin cette valse L’Or et l’Argent de Franz Lehar dont la veuve du chef dira qu’il la considérait comme son plus bel enregistrement ! Il gravera dix ans plus tard une autre superbe version avec la Staatskapelle de Dresde !

Génération Bernstein

C’est comme une sorte de petit frère de Leonard Bernsteingénie et notoriété en moins, mais bien des similitudes de parcours et de carrière (le piano, le jazz, la comédie musicale, la direction d’orchestre)

Je ne sais pas à quelle occasion Sony réédite le legs RCA d’André Previn

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alors que les hommages discographiques qui lui avaient été rendus pour ses 80 ans étaient passés inaperçus (voir bestofclassic : André Previn l’éclectique).

Bernstein naît en 1918 dans le Massachussets, de parents juifs ukrainiens immigrés au début du siècle aux Etats-Unis, Previn naît Andreas Ludwig Priwin en 1929 (ou 1930 ?) à Berlin, la famille, les parents Charlotte et Jack et le petit Andreas, fuient le nazisme, émigrent en 1939, s’installent à Los Angeles, où le grand oncle Charles Previn compose pour les studios Universal après avoir travaillé comme arrangeur pour près d’une centaine de productions à Broadway.

Dans cet environnement, le jeune André, naturalisé Américain en 1943, entame un parcours qui va beaucoup ressembler à celui de son aîné. Il écrit et arrange des musiques pour Hollywood, il profite de son service militaire (en 1951-52) à San Francisco pour prendre des leçons privées de direction d’orchestre auprès de Pierre Monteux, le grand chef français (lui aussi naturalisé Américain en 1942), patron de l’Orchestre symphonique de San Francisco depuis 1935.

Dans les années 50, c’est surtout le pianiste et le jazzman qui va se faire un nom, il travaille avec J.J. Johnson, Shelly Manne, Leroy Vinnegar, Benny Carter, et bien d’autres. Il enregistre Jerome Kern, Frederick Loewe, Vernon DukeHarold Arlen, 1960) accompagne Dinah Shore, Doris Day, Julie London, Jolie brochette ! Il se revendique d’Art Tatum, Hank Jones, Oscar Peterson, Horace SilverBill Evans. Mais à la même époque, fin 50, début 60, il enregistre des disques classiques, au programme parfois surprenant, qu’on redécouvre avec bonheur dans ce coffret Sony (voir détails sur bestofclassic).

Comme chef d’orchestre, André Previn prend un premier poste en 1967 à l’orchestre symphonique de Houston (où il succède à John Barbirolli), mais c’est avec l’orchestre symphonique de Londres (1969-1979) qu’il va connaître une fructueuse décennie – avec un nombre impressionnant d’enregistrements (pour EMI ou RCA). Suivront des périodes de moindre envergure à Pittsburgh, à Los Angeles, de nouveau à Londres (avec le Royal Philharmonic) 

Comme Bernstein, Previn, pendant ses années londoniennes, se fait pédagogue télévisuel. Comme Bernstein est multi-cartes, c’est un compositeur prolifique et tous terrains, mais ce n’est pas diminuer ses mérites que de reconnaître qu’aucune de ses oeuvres, que ce soit dans le classique, le jazz ou la comédie musicale, n’a jamais atteint la notoriété, ni l’originalité de celles de son aîné.

Quant au chef d’orchestre Previn, les réussites sont très inégales selon les répertoires. Dans les classiques viennois, Haydn, Beethoven on ne sort jamais d’une honnête neutralité, comme si le chef évitait de prendre un parti interprétatif. C’est plus intéressant dans Richard Strauss, où l’Américain Previn semble prendre plaisir à faire rutiler ses orchestres (notamment les Wiener Philharmoniker). Mais c’est aussi la plus calamiteuse version de La Chauve Souris de Johann Strauss, un beau ratage (la comparaison avec Carlos Kleiber est édifiante !)

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Previn est, à l’évidence, plus à l’aise dans le répertoire du XXème siècle (Holst, Prokofiev) et en particulier dans une belle intégrale des symphonies de Vaughan Williams

A propos de Bernstein, on salue le beau projet de Radio France (Bernstein Story) à retrouver bien sûr sur France MusiqueMême si on a eu confirmation hier soir que le compositeur Bernstein « sérieux » n’est pas toujours le plus captivant, ni le plus original. Même quand il est bien défendu par Kirill Gerstein, Vassily Petrenko et l’orchestre philharmonique de Radio France, interprètes virtuoses de la 2ème symphonie « The Age of anxiety »

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Artur et Helmut

J’étais en train de préparer un papier enthousiaste sur un de ces coffrets-trésors qui nous restitue l’art d’un très grand chef, un peu disparu des radars, Artur Rodzińskiné à Lviv en 1892, mort à Boston en 1958.

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A propos d’un précédent coffet sur Robert Casadesus, je dénonçais le prix de vente abusivement élevé de ce type de rééditions dans les magasins français. Ai-je été entendu ? Cette nouveauté Scribendum est disponible autour de 40 €. Une aubaine dont il faut d’autant plus profiter qu’un vrai travail de remasterisation permet de redécouvrir, dans leur splendeur originelle, des prises de son magnifiques, les premières stéréo à Londres.

Si l’on devait trouver un qualificatif facile pour décrire l’art de ce chef, on pourrait le situer entre Toscanini et Monteux, pour la précision, l’alacrité rythmique, le sens des couleurs. On aime tout particulièrement les Falla, Albeniz, Kodaly, une 5ème de Chostakovitch âpre et droite, des Tchaikovski idiomatiques (superbe Casse Noisette) …

Tous les détails de ce coffret miracle ci-dessous.

La nouvelle de l’après-midi c’est bien sûr la disparition d’Helmut KohlL’honnête chancelier chrétien-démocrate est entré dans l’Histoire, en se faisant, envers et contre tout et tous, l’artisan résolu d’une réunification de l’Allemagne que personne, à commencer par lui, n’imaginait aussi rapide à l’orée des années 90. Chapeau bas !

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Les détails du coffret Scribendum / Rodzinski

Albéniz:

Navarra

El Corpus Christi en Sevilla (from Iberia, book 1)

Triana (from Iberia, book 2)

Beethoven:

Symphony No. 5 in C minor, Op. 67

Bizet:

Carmen Suite No. 1

Carmen Suite No. 2

Borodin:

Prince Igor: Polovtsian Dances

Dvorak:

Slavonic Dances Nos. 1-8, Op. 46 Nos. 1-8

Slavonic Dances Nos. 9-16, Op. 72 Nos. 1-8

Symphony No. 9 in E minor, Op. 95 ‘From the New World’

Falla:

El sombrero de tres picos – Suite

Ritual Fire Dance (from El amor brujo)

Franck, C:

Symphony in D minor

Le Chasseur maudit

Glinka:

Ruslan & Lyudmila Overture

Granados:

Danza española, Op. 37 No. 5 ‘Andaluza’

Grieg:

Peer Gynt Suites Nos. 1 & 2

Ippolitov-Ivanov:

Caucasian Sketches

Kodály:

Dances of Galanta

Dances of Marosszék

Háry János Suite

Mussorgsky:

Pictures at an Exhibition

A Night on the Bare Mountain

Khovanshchina: Prelude

Prokofiev:

Symphony No. 1 in D major, Op. 25 ‘Classical’

The Love for Three Oranges: Suite Op. 33b

Rachmaninov:

Symphony No. 2 in E minor, Op. 27

Rimsky Korsakov:

Russian Easter Festival Overture, Op. 36

Rossini:

Guillaume Tell Overture

Schubert:

Symphony No. 8 in B minor, D759 ‘Unfinished’

Shostakovich:

Symphony No. 5 in D minor, Op. 47

Strauss, J, II:

An der schönen, blauen Donau, Op. 314

Kaiser-Walzer, Op. 437

Frühlingsstimmen Walzer Op. 410

Rosen aus dem Süden, Op. 388

Geschichten aus dem Wienerwald, Op. 325

Strauss, R:

Don Juan, Op. 20

Till Eulenspiegels lustige Streiche, Op. 28

Der Rosenkavalier – Suite

Salome: Dance of the Seven Veils

Tanzsuite aus Klavierstücken von François Couperin

Tod und Verklärung, Op. 24

Tchaikovsky:

The Nutcracker, Op. 71

Symphony No. 4 in F minor, Op. 36

Symphony No. 5 in E minor, Op. 64

Symphony No. 6 in B minor, Op. 74 ‘Pathétique’

Romeo & Juliet – Fantasy Overture

Wagner:

Tristan und Isolde: Prelude & Liebestod

Die Walküre: Ride of the Valkyries

Die Walkure: Magic Fire Music

Götterdämmerung: Siegfried’s Funeral March

Götterdämmerung: Dawn and Siegfried’s Rhine Journey

Tristan und Isolde: Prelude & Liebestod

Die Meistersinger von Nürnberg: Overture

Die Meistersinger von Nürnberg: Dance of the Apprentices

Lohengrin: Prelude to Act 1

Tannhäuser: Overture

Chicago Symphony Orchestra

Royal Philharmonic Orchestra

New York Philharmonic

Philharmonia Orchestra

Columbia Symphony Orchestra

Vienna State Opera Orchestra

En terres inconnues

Les abonnés aux éphémérides auront appris que, ce 4 décembre, on commémore les quarante ans de la disparition de Benjamin Britten (1913-1976), le plus célèbre… ou le moins inconnu faut-il plutôt dire, des compositeurs britanniques du siècle passé.

Je n’ai jamais compris le désintérêt, quand ce n’est pas mépris ou condescendance, de la part des Français, voire des Européens du continent, à l’égard des compositeurs britanniques, à quelques exceptions près – et encore d’Elgar, Britten, plus rarement Vaughan-Williams ou Walton ne programme-t-on qu’un nombre très restreint d’oeuvres lorsque, par miracle, ils sont à l’affiche d’un concert !

Alors, qui voudrait s’intéresser à deux amis, aussi talentueux qu’inconnus, sauf des seuls amateurs un peu curieux (comme Jean-Charles Hoffelé qui les honore régulièrement dans sa rubrique L’illustre inconnu qu’on a failli oublier dans Diapason) : Granville Bantock (1868-1946) et Havergal Brian (1876-1972) ?

Certes ce sont des musiques qui n’épousent pas les combats doctrinaux qui ont secoué le XXème siècle musical, elles ne tracent aucune voie nouvelle, elles ne renient pas l’influence de Wagner ou Elgar, et pourtant elles ne laissent découvrir, écouter avec plaisir, et même de l’intérêt : une veine mélodique évidente, largement inspirée du fonds populaire, une orchestration brillante, luxuriante même, des longueurs adaptées aux longues siestes dominicales…

Sans doute la prolixité d’Havergal Brian a-t-elle découragé chefs et programmateurs – qui  sont, de toute façon, rarement aventureux – 32 symphonies ! Un peu comme Miaskovski ou Milhaud. Naxos semble d’être lancé dans ce qui ressemble à une intégrale

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Sinon, on doit se fier à quelques disques isolés, en particulier un double album dû à l’infatigable Charles Mackerras.

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Granville Bantock a été, me semble-t-il, mieux servi grâce au remarquable travail éditorial du label Hyperion et au talent de l’immense et regretté chef Vernon Handley

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Croyez m’en, vous ne regretterez pas ce voyage en terres inconnues, dans d’aussi belles musiques.

Sous les pavés la musique (II) : un Prêtre peu orthodoxe

Son physique de mauvais garçon devait séduire Poulenc – dont il fut un interprète d’élection – et, de fait, il n’y a rien d’ecclésiastique dans le personnage du chef d’orchestre nonagénaire Georges Prêtre.

Ce nouveau coffret Erato a le mérite de nous restituer quantité d’enregistrements qui avaient depuis belle lurette déserté les bacs des disquaires, quand ils n’avaient tout simplement pas été publiés en CD. On connaissait les Saint-Saëns et Poulenc, mais pour le reste c’est la redécouverte. Et on n’a rien entendu de très convaincant. Ou plus exactement on y entend, exacerbés au fil des ans, des « défauts » qui étaient apparemment la marque de Prêtre dès sa jeunesse, si l’on en croit ces souvenirs livrés à L’Express

J’ai le souvenir d’un concert au Théâtre des Champs-Elysées pour les 80 ans du chef, où Ravel, Gershwin et quelques autres pièces avaient dû subir rubatos, ralentis, cabotinages qui en avaient mis plus d’un – dont moi – de fort méchante humeur.

Inutile de dire que les deux concerts de Nouvel An que Georges Prêtre a dirigés à Vienne sont un festival de préciosités, de phrasés plus hasardeux que jamais, mal de mer garanti !

https://www.youtube.com/watch?v=vwBy4fzHPpo

Je préfère garder le souvenir d’un bon chef d’opéra (sa Carmen avec Callas, sa Traviata avec  Caballé) et, de ce nouveau coffret, retenir les belles lectures des symphonies de Saint-Saëns, le précieux couplage Gershwin avec le beaucoup trop rare Daniel Wayenberg et bien évidemment ses Poulenc, canailles à souhait et les magnifiques poèmes symphoniques de Vincent d’Indy.

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On aime Brahms

Puisque son nom a été évoqué à propos de la composition du conseil d’administration de l’Ensemble InterContemporain qu’il a fondé (https://jeanpierrerousseaublog.com/2016/04/06/camelia-ou-la-discorde/), rappelons que Pierre Boulez avait quelques détestations.

Si Françoise Sagan lui avait demandé « Aimez-vous Brahms ? » , il aurait répondu vertement par la négative. Liszt, Wagner étaient, pour Boulez, des inventeurs, Brahms un épais conservateur. Ce qui ne devait pas être l’avis de Schoenberg, qui admirait la science de l’orchestration de Brahms, et qui a vêtu d’une riche (trop ?) parure orchestrale son premier quatuor avec piano – avec son finale alla ungarese – .

Le prochain festival de Radio France (#FestivalRF16) consacre toute une journée et une soirée à la musique de chambre de Brahms, avec piano, baryton et choeur si affinités ! (http://www.festivalradiofrancemontpellier.com/index.php/programme#!programmation=dates$byDay/).

On pourra s’y préparer avec la somme réunie par Diapason dans cet indispensable coffret :

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Mais pas de Brahms symphonique cet été.

Je me suis amusé à faire ma propre discothèque idéale de ce corpus important (4 symphonies, 2 ouvertures, 2 sérénades et les Variations sur un thème de Haydn). En privilégiant d’extraordinaires prises de concerts et des approches moins attendues que les « références » toujours citées.

J’ai depuis toujours la fabuleuse 1ère symphonie que Karl Böhm a gravée à Berlin en 1959 (dans une stéréo stupéfiante), mais il existe un « live » du 2 octobre 1969 avec l’orchestre de la Radio bavaroise encore plus extraordinaire. Hallucinée, rageuse (dans les 1er et 4ème mouvements), intensément poétique. On ne sort jamais indemne de cette écoute.

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Pour la 2ème symphonie, c’est encore Böhm cette fois avec les Berlinois, auxquels il ne laisse aucun répit, à l’exact opposé d’un autre grand chef qui butine, musarde, John Barbirolli avec Vienne. C’était en août 1970 au festival de Salzbourg, la prise de son ne respire guère, mais la tension n’en est que plus vive !

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Quant à la 3ème symphonie, depuis que François Hudry me l’avait fait découvrir, je mets au premier rang un chef qu’on n’associe pas spontanément à Brahms (et qui a pourtant réalisé une très belle intégrale – méconnue – chez Decca avec « son » Orchestre de la Suisse romande), Ernest Ansermet, avec l’orchestre de la Radio bavaroise, un « live » de 1966. Tout simplement exceptionnel !

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Pour la 4ème symphonie, on a l’embarras du choix, et j’arrive difficilement à départager Carlos Kleiber et Fritz Reiner (dans une version peu souvent citée, et pourtant admirable de rigueur et d’allure, avec le Royal Philharmonic)

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Pour les ouvertures (Académique et Tragique) ainsi que les Variations Haydn j’aime infiniment le dernier Jochum (avec l’orchestre symphonique de Londres), ça file droit, allègrement.

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Le jeune Istvan Kertesz fait des miracles dans les deux sérénades qui somnolent sous d’autres baguettes plus connues…

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