Reprenons le fil après l’interruption involontaire survenue il y a une semaine (Une expérience singulière) non sans avoir exprimé ma gratitude aux amis et lecteurs de ce blog pour leurs messages de soutien et de réconfort.
J’avais donc reçu un coffret de 36 CD, commandé il y a plusieurs semaines :
Decca a entrepris, semble-t-il, de rééditer, au fil des ans, le legs discographique considérable du chef anglais d’origine hongroise, Georg Solti (né le 21 octobre 1912 à Budapest et mort le 5 décembre 1997 à Antibes). En 2017, un énorme pavé de 108 CD reprenait tous les enregistrements réalisés à Chicago (lire : Solti à Chicago). Normal après tout, puisque Solti a été le patron du Chicago Symphony durant 22 ans, de 1969 à 1991, et directeur musical honoraire jusqu’à sa mort.
Ce nouveau coffret « londonien » couvre une première période de 1949 au début des années 70 – avec le London Symphony, le London Philharmonic et l’orchestre de l’opéra royal de Covent Garden – puis plus tardivement dans les années 90 essentiellement avec le LPO.
Ce coffret est un bon résumé de ce qu’on a aimé… et moins aimé chez ce grand chef.
Les gravures londoniennes des oeuvres qu’il a enregistrées plusieurs fois ou avec plusieurs orchestres sont toujours préférables – c’est vrai pour Bartok et Mahler. L’énergie débordante, la précision rythmique, qui sont la marque du jeune Solti y sont flagrantes, y compris dans des répertoires inattendus : la Gaîté parisienne de Rosenthal d’après Offenbach, gravée en 1958 avec l’orchestre de Covent Garden, est menée à un rythme d’enfer.
Plus les années passent, plus Solti succombe à une sorte de perfection marmoréenne, glacée comme dans les symphonies londoniennes de Haydn, gravée dans les années 80 (quelle lourdeur dans les menuets !). il n’est que de comparer les mêmes symphonies enregistrées avec le même orchestre (le London Philharmonic) avec Eugen Jochum ! Chez Jochum, tout vit, tout pétille… avec Solti on passe complètement à côté de l’esprit même du compositeur.
Les Anglais, Elgar, Walton, réussissent particulièrement à Solti. On se demande ce qu’il aurait fait des symphonies de Vaughan Williams par exemple.
Mozart: Symphony No. 25 in G minor, K183
London Symphony Orchestra
Sir Georg Solti
Mozart: Symphony No. 38 in D major, K504 ‘Prague’
London Symphony Orchestra
Sir Georg Solti
Mozart: Piano Concerto No. 20 in D minor, K466
Sir Georg Solti (piano/conductor)
Chamber Orchestra of Europe
Mozart: Piano Concerto No. 24 in C minor, K491
Alicia de Larrocha (piano)
Chamber Orchestra of Europe
Mozart: Piano Concerto No. 25 in C major, K503
Alicia de Larrocha (piano)
London Philharmonic Orchestra
Mozart: Piano Concerto No. 26 in D major, K537 ‘Coronation’
Alicia de Larrocha (piano)
Chamber Orchestra of Europe
Mozart: Piano Concerto No. 27 in B flat major, K595
Alicia de Larrocha (piano)
London Philharmonic Orchestra
Mozart: Concerto for 2 Pianos and Orchestra No. 10 in E flat, K365
Daniel Barenboim (piano), Sir Georg Solti (piano/conductor)
English Chamber Orchestra
Mozart: Concerto for Three Pianos & Orchestra, K242
András Schiff (piano), Daniel Barenboim (piano), Sir Georg Solti (piano/conductor)
English Chamber Orchestra
Haydn: Symphonies Nos. 93 – 104 (the London Symphonies)
London Philharmonic Orchestra
Beethoven: Symphony No. 4 in B flat major, Op. 60
London Philharmonic Orchestra
Beethoven: Violin Concerto in D major, Op. 61
Mischa Elman (violin)
London Philharmonic Orchestra
Mendelssohn: Symphony No. 3 in A minor, Op. 56 ‘Scottish’
London Symphony Orchestra
Mahler: Symphony No. 1 in D major ‘Titan’
London Symphony Orchestra
Mahler: Symphony No. 2 ‘Resurrection’
London Symphony Orchestra, Heather Harper, Helen Watts
Mahler: Symphony No. 3
London Symphony Orchestra, Helen Watts
Mahler: Symphony No. 9
London Symphony Orchestra
Liszt: Les Préludes, symphonic poem No. 3, S97
London Philharmonic Orchestra
Liszt: Prometheus, symphonic poem No. 5, S99
London Philharmonic Orchestra
Liszt: Festklänge, symphonic poem No. 7, S101
London Philharmonic Orchestra
Liszt: Wandererfantasie (Schubert), S366
Jorge Bolet (piano)
London Philharmonic Orchestra
Elgar: Symphony No. 1 in A flat major, Op. 55
London Philharmonic Orchestra
Elgar: Symphony No. 2 in E flat major, Op. 63
London Philharmonic Orchestra
Elgar: Violin Concerto in B minor, Op. 61
Kyung Wha Chung (violin)
London Philharmonic Orchestra
Elgar: Falstaff – Symphonic Study in C minor, Op. 68
London Philharmonic Orchestra
Elgar: In the South (Alassio), Op. 50
London Philharmonic Orchestra
Elgar: Cockaigne Overture, Op. 40 ‘In London Town’
London Philharmonic Orchestra
Elgar: Pomp and Circumstance Marches Nos. 1-5, Op. 39
Holst: The Planets, Op. 32
London Philharmonic Orchestra
Walton: Belshazzar’s Feast
London Philharmonic Orchestra
Walton: Coronation Te Deum
London Philharmonic Orchestra
Bartók: Piano Concertos Nos. 1, 2 & 3
Vladimir Ashkenazy (piano)
London Philharmonic Orchestra
Bartók: Violin Concerto No. 2, Sz 112
Kyung Wha Chung (violin)
London Philharmonic Orchestra
Bartók: Music for Strings, Percussion & Celesta, BB 114, Sz. 106
London Philharmonic Orchestra
Bartók: Music for Strings, Percussion & Celesta, BB 114, Sz. 106
London Symphony Orchestra
Bartók: Dance Suite, BB 86, Sz. 77
London Philharmonic Orchestra
Bartók: Dance Suite, BB 86, Sz. 77
London Symphony Orchestra
Bartók: Concerto for Orchestra, BB 123, Sz.116
London Symphony Orchestra
Bartók: The Miraculous Mandarin, Op. 19, Sz. 73 (suite)
London Symphony Orchestra
Bartók: Duke Bluebeard’s Castle, Sz. 48, Op. 11
London Philharmonic Orchestra, Sylvia Sass, Kolos Kovats
Kodály: Háry János Suite
London Philharmonic Orchestra
Kodály: Psalmus hungaricus, Op. 13
London Philharmonic Orchestra
Kodály: Dances of Galanta
Kodály: Variations on a Hungarian Folksong ‘The Peacock’
London Philharmonic Orchestra
Rachmaninov: Piano Concerto No. 2 in C minor, Op. 18
Julius Katchen (piano)
London Symphony Orchestra
Stravinsky: Oedipus Rex
London Philharmonic Orchestra
Gounod: Faust – Ballet Music
Royal Opera House Covent Garden
Offenbach/Rosenthal: Gaîté Parisienne
Royal Opera House Covent Garden
Rossini: L’Italiana in Algeri Overture
London Philharmonic Orchestra
Rossini: Il barbiere di Siviglia Overture
London Philharmonic Orchestra
Verdi: La forza del destino Overture
London Philharmonic Orchestra
Suppe: Leichte Kavallerie Overture
London Philharmonic Orchestra
Suppe: Dichter und Bauer Overture
London Philharmonic Orchestra
Suppe: Ein Morgen, ein Mittag, ein Abend in Wien Overture
London Philharmonic Orchestra
Suppe: Pique Dame Overture
London Philharmonic Orchestra
Verdi: La forza del destino Overture
Verdi: La traviata: Prelude to Act 1
Offenbach: Barcarolle (from Les Contes d’Hoffmann )
Royal Opera House Covent Garden
Verdi: La traviata: Prelude to Act 3
Rossini: Semiramide Overture
Royal Opera House Covent Garden
Ponchielli: Dance of the Hours (from La Gioconda)
Royal Opera House Covent Garden
Rossini: L’Italiana in Algeri Overture
Royal Opera House Covent Garden
Glinka: Ruslan & Lyudmila Overture
London Symphony Orchestra
Mussorgsky: Khovanshchina – Introduction
London Symphony Orchestra
Mussorgsky: A Night on the Bare Mountain
London Symphony Orchestra
Borodin: Prince Igor Overture
London Symphony Orchestra
Borodin: Prince Igor: Polovtsian Dances
London Symphony Orchestra
On garde pour la fin ce que je considère depuis toujours comme ma version de chevet du Deuxième concerto de Rachmaninov. Julius Katchen et Solti c’est une assurance anti-guimauve et la garantie d’une virtuosité assumée.
A l’occasion du centenaire de sa naissance, le 21 mars 1921, Decca a publié un beau coffret de l’intégrale des enregistrements réalisés pour Philips par le violoniste belge Arthur Grumiaux, de 1950 à 1985.
Arthur Grumiaux c’est une légende. En Belgique, c’est un intouchable. Comme son illustre aîné Eugène Ysaye. Ses enregistrements sont souvent cités comme des références comme son partenariat avec Clara Haskil dans les sonates pour violon et piano de Beethoven.
Moi-même, avant d’acquérir ce beau coffret, j’avais dans ma discothèque, une bonne partie de ces « références ». Je m’aperçois que je les avais peu écoutées, que, lorsque je voulais écouter du beau et grand violon, ce n’est pas Grumiaux que je choisissais spontanément (mais plutôt Ferras, Milstein ou Heifetz).
Depuis que j’ai reçu ce coffret, et que je réécoute… ou parfois découvre certains de ces enregistrements, j’éprouve des sensations mitigées.
C’est incontestablement du très beau violon – on sait que Grumiaux surveillait de très près le montage et demandait aux ingénieurs du son d’être toujours plus en avant ! -, élégant, « classique » dans la meilleure acception du terme.
Mais cette recherche du beau son se fait au détriment d’une prise de risque, d’un engagement interprétatif plus éloquent.
C’est particulièrement audible dans cette prise de concert du concerto de Beethoven (à Paris avec Antal Dorati !) ou le premier des deux enregistrements qu’Arthur Grumiaux a réalisés du concerto de Brahms, avec Eduard Van Beinum et le Concertgebouw (en 1958).
Je pense que l’on comprendra mieux mes réserves en comparant ces deux versions du concerto pour violon n°3 de Saint-Saëns
Le finale de ce concerto – écrit pour Sarasate ! – implique virtuosité, panache, élan. Ce qu’on entend dans la version Grumiaux, il faut le dire pas du tout aidé par la direction « plan plan » de Manuel Rosenthal, n’est pas exactement cela !
Nathan Milstein – depuis longtemps ma référence – prouve qu’on peut, qu’on doit oser dépasser la barre de mesure !
On doit aussi observer que le répertoire enregistré d’Arthur Grumiaux est à l’image de son jeu, pas très ouvert et peu aventureux : aucun concerto du 20ème siècle, à l’exception, certes notable, du néo-classique concerto de Stravinsky et d’un bien timide concerto de Berg (pourtant dirigé par le grand Igor Markevitch), mais ni Bartok, ni Prokofiev, ni Sibelius, pour ne pas parler de Chostakovitch ou Szymanowski… Voir le détail complet du coffret ci-dessous*
Restons-en donc à ce qu’on aime de l’artiste, comme son duo légendaire avec Clara Haskil.
Bach, J S: Sonatas & Partitas for solo violin, BWV1001-1006
Toute la métropole est maintenant soumise au confinement qui ne dit pas son nom. Mais il y a maintes raisons d’espérer.
28 mars : Prokofiev et Karajan
Herbert von Karajan (1908-1989) a beaucoup enregistré. Dans son abondante discographie, on repère des enregistrements uniques, hors de son coeur de répertoire, comme cette Cinquième symphonie de Prokofiev… qui est, pour moi, en tête de toute la discographie de cette oeuvre. Tout y est, l’esprit de Prokofiev, la rythmique implacable, une réalisation orchestrale fabuleuse.
29 mars : l’enfant a grandi
Quelques rares chefs ont fait appel à une voix de jeune garçon pour le 4ème mouvement de la 4ème symphonie de Mahler (notamment Bernstein). Ce fut aussi le choix du chef slovène, Anton Nanut, disparu en 2017 (lire : Milan et Anton). Reconnaîtrez-vous l’enfant qui chante « Das himmlische Leben »?
30 mars : Les roses du Sud
L’une des plus belles valses de Johann Strauss, Rosen aus dem Süden/ Roses du Sud, date de 1880. Elle reprend des thèmes d’une opérette complètement oubliée aujourd’hui, Le mouchoir de dentelle de la Reine / DasSpitzentuch der Königin.Elle commence par un thème majestueux (de ceux que Brahms enviait à Johann Strauss), elle a trouvé en Karl Böhm (1894-1981) son interprète de référence. Personne mieux que lui n’a fait rugir cors et cordes des Wiener Philharmoniker, enregistrés en 1972 dans l’acoustique exceptionnelle de la Sofiensaal aujourd’hui détruite. Il n’est que d’écouter l’articulation serrée, la tenue corsetée, aristocratique, en même temps qu’un inimitable parfum viennois, de cette interprétation.
Je me suis fait la promesse – qui n’engage que moi ! – de ne plus évoquer, sur aucun réseau dit « social », le COVID-19. Je fais une exception très momentanée, pour dire – promis je ne le referai pas ! –
que j’en ai ras-le-bol- de cette crise qui dure
de la multitude des Yaka et Faucon qui ont envahi, submergé le débat public sur la crise sanitaire
de ces vieux réflexes pourris consistant à accabler Macron et le gouvernement pour tout ce qu’ils disent/ne disent pas, tout ce qu’ils font/ne font pas
de ces irresponsables qui se foutent des mesures barrière, qui se contaminent joyeusement entre eux et qui vont grossir les rangs des réanimations
de ces artistes – ouh là je ne me vais pas me gagner des amis ! – qui se plaignent de leur sort, se lamentent sur la fermeture des lieux de spectacle, comme s’ils vivaient hors sol, alors que, comme tous les secteurs de la société, ils bénéficient d’une aide publique sans équivalent dans le monde
Oui marre de ces gens qui passent leur temps à se plaindre, à gémir, à imputer la responsabilité de ce qui nous arrive à ces salauds qui nous gouvernent.
Je dis juste ceci, parce que je le pense, et que je me pose chaque jour la question : qu’aurais-je fait à la place du président, du gouvernement, si j’avais été confronté à pareille crise ?
Oui bien sûr je râle parce que les promesses de vaccination massive ne soient pas suivies d’effets, de faits, oui bien sûr je râle parce que les restaurants, les cafés, les salles de spectacle soient fermés, oui bien sûr je râle parce qu’on a – tous gouvernements confondus depuis vingt ans – laissé la technocratie s’emparer de la gestion de la santé publique. Mais, en ce moment, aujourd’hui, râler ne sert à rien.Bientôt j’annoncerai l’édition 2021 de mon festival. Je fais fi de toutes les prudences, de tous les conseils qui me susurrent que je devrais attendre d’être certain qu’on soit sûr de…Je suis encore un homme libre, et j’ai encore la liberté de provoquer le destin. Vive l’été qui vient !
J’ai pris cette photo de la statue de Jean Jaurès, bien seule depuis des mois, sur une place de Montpellier, d’ordinaire noire de monde et de terrasses de cafés et restaurants. Je la reprendrai bientôt, dès que possible !
1er avril : Gaîté parisienne
Grâce aux recherches de Jean-Christophe Keck on sait maintenant qu’Offenbach – dont le vrai nom était Têtedeboeuf – a puisé l’essentiel des thèmes de ses opérettes dans les cantates de… Bach !
Cette filiation Bach-Offenbach est encore plus évidente dans cette Gaîté Parisienne qui a fait la gloire (et la fortune) de Manuel Rosenthal (lire : Petits et grands arrangements : les Français)
Eblouissante version de Heribert Ritter von Karajan à la tête du Philharmonia Orchestra
2 avril : Beethoven à Amsterdam
Au milieu d’une fabuleuse intégrale « live » des symphonies de Beethoven, où se retrouvent Blomstedt, Bernstein, Kleiber, Norrington, Harnoncourt… (lire : Beethoven : Les géants d’Amsterdam/) une Neuvième symphonie survoltée, dirigée en 1985 par Antal Dorati :
En 1966, Colin Davis (1927-2013) enregistrait une version du Messie de Haendel qui marquait une révolution dans l’interprétation de ce célèbre oratorio.
A l’opposé de l’emphase victorienne qui caractérisait les versions de ses illustres aînés (Boult, Beecham), effectifs allégés, tempi alertes, même sans le recours à un instrumentarium d’époque.
Une version qui n’a rien perdu de sa pertinence !
Haendel : Messiah
Heather Harper, Helen Watts, John Wakefield, John Shirley-Quirk
C’est le cas de Lovro von Matačić (1899-1985) qui dirige le Philharmonia en 1959.
5 avril : Le Hollandais oublié
Le compositeur Alphons Diepenbrock est né à Amsterdam en 1862 et mort dans la même ville il y a cent ans exactement le 5 avril 1921.
Admirateur et ami de Mahler, Richard Strauss, Debussy, DIepenbrock a dédié l’essentiel de son oeuvre à la voix. Un compositeur à découvrir absolument : Le Hollandais oublié
Die Nacht (1911) est un somptueux poème symphonique avec voix soliste. Ici dans l’interprétation de Janet Baker et de Bernard Haitink dirigeant le Concertgebouworkest
6 avril : Stravinsky et Karajan
Stravinsky est mort il y a 50 ans le 6 avril 1971.
Herbert von Karajan (né lui le.. 5 avril 1908) a relativement peu dirigé le compositeur, à l’exception du Sacre du printemps (2 versions studio et plusieurs « live » exceptionnels), et d’une poignée d’oeuvres.
Karajan ne pouvait que succomber au charme néo-classique du Concerto en ré Majeur pour cordes, que Paul Sacher commanda à Stravinsky à la fin de la Seconde guerre mondiale, et qu’il créa avec l’Orchestre de chambre de Bâle en 1947.
L’invitation au voyage de Baudelaire, c’est l’une des plus belles mélodies de Duparc. Et d’inoubliables interprètes.
Le même poème a été mis en musique par le compositeur néerlandais Alphons Diepenbrock, mort il y a cent ans, le 5 avril 1921 (lire :Le Hollandais oublié) et cela donne une mélodie très différente, mais très intéressante, surtout quand elle est interprétée par l’immense Aafje Heynis (1924-2015)
« Depuis le reconfinement intervenu en France le 30 octobre dernier, j’ai entamé une nouvelle série d’enregistrements, tirés de ma discothèque personnelle, qui présentent un caractère de rareté, une oeuvre inhabituelle dans le répertoire d’un interprète, un musicien qui emprunte des chemins de traverse, un chef qui se hasarde là où on ne l’attend pas… «
Récapitulons donc la deuxième décade de ce confinement, qui n’est pas près de se terminer même si on nous promet des « allègements ».
12 novembre
L’art du chef allemand Hermann Scherchen (1891-1966) a été abondamment documenté ces dernières années, et récemment par la réédition de son cycle des symphonies de Beethoven.
Mais sauf erreur je n’ai jamais vu reparaître un disque (partagé avec Julius Rudel) d’ouvertures d’Offenbach et Suppé publié jadis par MCA Classics. Et pourtant Scherchen dirigeant Offenbach c’est quelque chose !
13 novembre
En hommage à toutes les victimes des attentats du 13 novembre 2015, cette version inattendue et bouleversante de la Quatrième symphonie de Mahler dirigée par… David Oïstrakh, enregistrée à Moscou en 1967
14 novembre
La cantatrice américaine Teresa Stich-Randall (1927-2007) est restée dans la mémoire collective et discographique comme une interprète d’élection de Mozart (à Aix-en-Provence) et Richard Strauss. Dans un disque portrait enregistré en 1962 elle explore d’autres répertoires, comme cet air « Depuis le jour« , sommet d’érotisme, tiré de l’opéra Louise de Gustave Charpentier (1860-1956)… et non Marc-Antoine Charpentier comme indiqué sur la pochette du disque !!
15 novembre
J’ai une passion pour les mélodies avec orchestre de Richard Strauss. En dehors des Vier letzte Lieder et une petite dizaine d’autres très souvent enregistrées, la discographie des 200 mélodies – dont plus d’une trentaine avec orchestre – est plutôt maigre. J’aime beaucoup ce disque – devenu introuvable, jamais réédité semble-t-il – du ténor Siegfried Jerusalem accompagné par Kurt Masur et le Gewandhausorchester de Leipzig
16 novembre
Le 7 novembre j’évoquais la formidable version de la 4ème symphonie de Brahms enregistrée à Londres, en 1962, par Fritz Reiner avec le Royal Philharmonic Orchestra. En 1959, le chef américain d’origine hongroise grave, pour Decca, avec les Vienna Philharmonic / Wiener Philharmoniker le Requiem de Verdi et d’ébouriffantes Danses hongroises de Brahms (ainsi qu’un bouquet de Danses slaves de Dvorak).Le sévère Fritz Reiner se lâche complètement dans cette 6ème danse hongroise, fait rugir les pupitres viennois, et donne une touche authentiquement magyar à ces oeuvres si rebattues.
17 novembre
Le chef australien d’origine américaine Charles Mackerras est né le 17 novembre 1925 (et mort il y a dix ans le 14 juillet 2010). Il a laissé une abondante discographie où figurent des Mozart, Haydn, Beethoven exceptionnels, bien sûr les opéras de Janacek et la musique tchèque dont il avait appris les secrets auprès de Vaclav Talich. Comme beaucoup de ses contemporains, Charles Mackerras pratiquait un art, aujourd’hui oublié, celui de l’arrangement. On connaît Gaîté parisienne fabriquée par Manuel Rosenthal à partir d’airs d’Offenbach, un peu moins les suites d’orchestre tirées des opéras de Richard Strauss par Antal Dorati ou Erich Leinsdorf, moins encore le formidable Graduation Ball, un ballet signé Dorati à partir de pièces de Johann Strauss.
Mackerras lui s’est livré à deux arrangements très réussis, Pineapple Poll à partir d’opérettes d’Arthur Sullivan et The Lady and the Foll qui compile habilement airs plus ou moins connus d’opéras de Verdi.
18 novembre
Vous avez aimé avant-hier Fritz Reiner dans une foudroyante 6ème danse hongroise de Brahms avec les Vienna Philharmonic / Wiener Philharmoniker ? que penserez-vous de cette 5ème danse hongroise cravachée (et jouée comme le faisaient les ensembles de musique tzigane dans les restaurants et cabarets de Budapest) ?
19 novembre
Le samedi 23 décembre 1995, j’avais décidé de consacrer, sur France Musique, toute une journée à Elisabeth Schwarzkopf (1915-2006), pour son 80ème anniversaire. La cantatrice avait accepté de quitter sa maison près de Zurich, de venir passer la journée à Paris. Le regretté Jean-Michel Damian(Une voix de radio)l’avait reçue dans son émission de l’après-midi, qui exceptionnellement avait lieu dans le Studio 104 (à l’époque le plus grand) de la Maison de la Radio, archi-comble en cette avant-veille de Noël. J’avais signalé à J.M.Damian que l’enregistrement préféré de la cantatrice elle-même était l’opérette Wiener Blut de Johann Strauss qu’elle avait enregistrée en 1953 avec le jeune Nicolai Gedda, et en particulier ce duo. Une réussite miraculeuse, la perfection stylistique de l’accompagnement du chef suisse Otto Ackermann, cette sublime valse suspendue…. à 1’18
20 novembre
Un disque trouvé jadis à Londres et depuis précieusement conservé, réédité récemment dans la collection Eloquence, l’ambiance unique des dernières nuits des Prom’s et en 1972 la participation exceptionnelle de la grande Jessye Norman dans deux des Wesendonck–Lieder de Wagner, la direction du si regretté Colin Davis (1927-2013)
21 novembre
Ce n’est pas la part la plus importante du legs discographique du regretté Mariss Jansons (1943-2019) mais le chef letton donne le panache nécessaire à ce morceau de bravoure célèbre du violoniste et compositeur roumain Grigoraș Dinicu (1889-1949) Hora staccato
22 novembre
En ce dimanche 22 novembre, jour de la Sainte-Cécile, patronne des musiciens, la messe solennelle de Sainte-Cécile de Gounod (1816-1896) s’impose, une oeuvre bien peu jouée et enregistrée aujourd’hui. Igor Markevitch en a laissé en 1965 une version magnifique, qui bénéficie de la splendeur des choeurs tchèques et de l’Orchestre philharmonique tchèque et d’un trio de solistes exceptionnel, Irmgard Seefried, Gerhard Stolze et Hermann Uhde. Lire ici l’histoire de cette sainte chère aux musiciens : Une patronne vierge.
pour ne pas avouer une vraie déception à propos d’un coffret qu’on attendait, qu’on espérait (Et Offenbach ?)
Déception quant au contenu et à la présentation pour le moins approximative qui est faite du compositeur, de son oeuvre, et du contexte musical et historique de son activité parisienne.
Certes il était inenvisageable d’imaginer une intégrale, puisque tant d’ouvrages restent à découvrir, à enregistrer. Mais, comme Warner l’avait fait pour Berlioz par exemple, il eût suffi de rassembler des versions parues chez d’autres éditeurs d’oeuvres dont il n’existe souvent qu’un unique enregistrement (je pense aux Fées du Rhin, captées en 2003 à Montpellier dans le cadre du Festival Radio France).
La composition de ce coffret ne laisse pas d’intriguer. À qui cette édition est-elle destinée ? au public français, à l’auditoire allemand ?
Orphée aux Enfers, La belle Hélène, La Vie parisienne, Les Contes d’Hoffmann, bénéficient de versions en français et en allemand. Quant à La Grande Duchesse de Gérolstein, elle n’a droit qu’à des extraits en français (alors qu’il y a au moins deux versions qui font autorité, celle de Michel Plasson avec Régine Crespin – mais chez Sony – et celle de Marc Minkowski avec l’irrésistible Felicity Lott…. chez Warner !
Certes, cette Grande Duchesse, comme d’irrésistibles Orphée aux enfers et Belle Hélène ont fait l’objet d’un coffret de référene, mais pourquoi avoir écarté ces réussites récentes ?
Les versions germaniques ne sont pas dénuées d’intérêt, et il est vrai qu’Offenbach est régulièrement joué, en allemand, dans les théâtres outre-Rhin. Pas sûr, cependant, que l’adéquation stylistique soit toujours au rendez-vous avec des chanteurs plus habitués à l’opérette viennoise, comme Anneliese Rothenberger, Adolf Dallapozza ou même Dietrich Fischer-Dieskau…
Quant au choix des versions retenues, dans un catalogue très fourni, les fonds EMI ou Erato, on n’est pas surpris que Michel Plasson se taille, justement, la part du lion (avec les équipes brillantes qu’Alain Lanceron rassemblait à Toulouse, Jessye Norman, Teresa Berganza, Mady Mesplé, etc…On l’est plus du choix d’une version des Contes d’Hoffmann, celle de Sylvain Cambreling qui n’a, dans les principaux rôles, que des interprètes non francophones (Neil Schicoff, Ann Murray, Rosalind Plowright, etc..), alors que le même éditeur a une version, autrement plus convaincante, et tout aussi brillante, celle qui rassemble Roberto Alagna, Natalie Dessay, José Van Dam...
Rien de l’Offenbach violoncelliste, alors que Warner vient de publier une magnifique version d’Edgar Moreau !
Maigres « compléments » un disque « d’airs célèbres » avec Jane Rhodes et Roberto Benzi et la version archi-connue de Gaîté parisienne (dont on précise qu’il s’agit de la « version orchestrale », comme s’il en existait une autre ??) de Manuel Rosenthal, avec un orchestre de Monte-Carlo en très petite forme et mal enregistré. Pourquoi ne pas avoir retenu le chic, le charme et le fini orchestral de Karajan avec le Philharmonia (en 1958) ?
L’affaire se corse avec le livret qui accompagne ce coffret. Je ne suis, de loin, pas un spécialiste d’Offenbach, et je fais confiance à ceux que j’ai déjà cités (voir Et Offenbach ?) pour nous éclairer sur le personnage et son oeuvre.
Entre approximations, généralités, vulgarité, et fautes de syntaxe, on est gâté : à propos des Contes d’Hoffmann « on dispose de trop de matériau, dont on ne sait pas ce qu’il en aurait fait », Saint-Saêns est traité au passage de « vieux cochon », La belle Hélène est qualifiée de « persiflage gréco-latin bourré d’anachronismes délirants« . On sera heureux d’apprendre qu’un ouvrage comme Le Pont des soupirs dont il n’existe, à ma connaissance, aucune version en CD, fait partie des « tubes immortels » d’Offenbach, et on pourra se dispenser de lire d’invraisemblables développements sur les « diverses appellations des oeuvres lyriques d’Offenbach : opérette, opéra-bouffe, opéra-comique, opérette-bouffe, opéra-bouffon, opéra-féerie.. des termes qui se marchent quelque peu sur les pieds (sic) !
Déception donc ! Offenbach méritait vraiment mieux.
On se console avec Felicity Lott :
et avec ce double album de l’impayable Régine Crespin.
La France officielle aurait-elle ses protégés et ses oubliés ? On peut s’interroger lorsqu’on compare le sort réservé à Berlioz, mort il y a 150 ans, et à Offenbachné il y a 200 ans.
Berlioz a bénéficié déjà, pour le bicentenaire de sa naissance en 2003, d’une sorte de célébration nationale- sans aucun doute justifiée ! – associant un grand nombre de maisons d’opéra, d’orchestres symphoniques, d’institutions culturelles, certains avaient ardemment milité pour qu’il entre au Panthéon ! L’an dernier, la ministre de la Culture avait confié à Bruno Messina« la mission de préparer le cent cinquantième anniversaire de la mort d’Hector Berlioz ».
Et le sieur Offenbach, né Jacob à Cologne le 20 juin 1819, devenu Jacques dès son arrivée à Paris en 1833 et mort dans la capitale française en 1880 ? Pas de comité du bicentenaire ? Pas de commémoration officielle ? Il faut croire qu’un compositeur de musique « légère », un roi de l’opérette, ne mérite pas l’hommage réservé à son aîné « sérieux ».
Sans doute est-il plus compliqué d’envisager une édition discographique des oeuvres complètes d’Offenbach – comme on vient de le faire pour Berlioz – n’est-ce pas Jean-Christophe Keck ? Parce que l’oeuvre d’Offenbach est encore largement à (re)découvrir, que le colossal travail d’édition est un work in progress qui ne paraît pas près de s’achever.
Espérons que, même en l’absence de caution officielle, le bicentenaire de sa naissance permettra à un large public de mieux connaître la personnalité, au moins aussi originale que celle de Berlioz, la diversité du génie d’Offenbach. De le sortir aussi de l’étiquette réductrice d’amuseur franco-français du Second Empire : sait-on que c’est le succès considérable de ses opérettes, chantées en allemand à Vienne (Orphée aux enfers, La belle Hélène,La vie parisienne) qui a poussé Johann Strauss fils (1825-1899) à se mettre à l’opérette et à essuyer ses premiers échecs ?
Espérons que Warner fera un peu plus que ce coffret bienvenu, regroupant les trois versions de référence récentes dirigées par Marc Minkowski.
Par exemple en regroupant les ouvrages dirigés par Michel Plasson, Manuel Rosenthal, John Eliot Gardiner… le fonds EMI Offenbach étant sans doute l’un des plus riches.
En attendant l’ouvrage de référence (qui viendra peut-être ?), on peut aborder le personnage avec ces trois petits bouquins :
Dans les raretés discographiques à rééditer, un joli bouquet d’ouvertures dirigées par… Hermann Scherchen. Offenbach enregistré à Vienne sous une baguette qu’on n’attend pas dans ce répertoire, un modèle !
Ravel est à l’honneur en cette fin d’année, pour d’excellentes ou de moins bonnes raisons (voir Le scandale du Boléro). Deux livres retiennent l’attention : le travail colossal de Manuel Cornejopour rassembler et publier la correspondance du compositeur – on y reviendra -,
et la réédition d’un « classique » – paru en 1995 aux éditions Hazan, mais perdu au fil de mes déménagements : les souvenirs collectés par Marcel Marnatde celui qui se présentait comme le seul « élève » de Ravel, le compositeur et chef d’orchestre Manuel Rosenthal
Merci à Thierry Bouchard, directeur de la collection Théodore Balmoral des éditions Fario de nous avoir restitué ce document précieux, précédé d’une introduction inédite de Marcel Marnat.
C’est, d’une part, le Maurice Ravel public et le musicien que dévoilent ces Souvenirs de son élève et ami Manuel Rosenthal : ses compositeurs de prédilection (Mozart, Weber, Schumann, Bellini, Chopin), son souci du monde et sa compassion, ses inclinaisons politiques (il fut proche de Léon Blum), ses amitiés, ses admirations (Rimski-Korsakoff, Puccini, Massenet), sa relation avec ses maîtres ou avec les grands contemporains (Fauré, Debussy, Grieg, Stravinski) et avec les interprètes ou les disciples.
Mais c’est aussi l’intimité de l’homme qui est longuement évoquée, son style de vie, son extrême sensibilité à la beauté des femmes, sa prétendue chasteté et son goût pour l’argot militaire, ses insomnies, ses habitudes alimentaires, son engagement lors de la guerre 14-18, son refus de la Légion d’honneur, son goût pour la langue basque. Il apparaît ici dans sa maison de Montfort-l’Amaury, auprès de sa gouvernante, de ses ami(e)s, ou dans sa solitude de lecteur. Il est enfin et surtout question de l’œuvre, des influences, du théâtre, de la différence entre orchestration et instrumentation… Un chapitre entier est consacré à la Sonate pour violon et piano dont Manuel Rosenthal dit ne pas aimer le « mauvais jazz » du second mouvement et dont Ravel a détruit la première version du Final. Un autre concerne L’Enfant et les sortilèges.
Le livre s’achève par une lettre de Ravel au sujet des déclarations de la « Ligue Nationale pour la Défense de la Musique Française » auxquelles il s’oppose, défendant l’exécution publique des œuvres allemandes et autrichiennes, quand il lui importe peu que « Schönberg soit de nationalité autrichienne ». (Présentation de l’éditeur).
Je n’oublie pas que Manuel Rosenthal était venu spécialement à Liège, le 7 décembre 2000, pour célébrer les 40 ans de l’Orchestre philharmonique – pas encore royal – de Liège. J’évoquerai bientôt le souvenir très fort que j’ai de ce personnage, 90 ans passés, qui racontait à mon fils aîné qui fêtait ce jour-là son vingtième anniversaire ses rencontres avec Gershwin, Kreisler, etc.
Je connaissais le nom bien sûr, j’avais dû l’écouter distraitement une ou deux fois mais cette pianiste ne faisait pas partie de mon univers discophilique. Pas d’explication à cette ignorance.
Il a fallu qu’à nouveau Jean-Charles Hoffelé signale une très belle parution pour que je m’intéresse à Yvonne Lefébureet que je sois captivé d’emblée par un art et une personnalité qui ne donnent pas dans la tiédeur. Un clavier tout sauf tempéré !
Il faut d’abord saluer le magnifique travail éditorial du label Solstice/FYfondé en 1972 par François et Yvette Carbou. Certes c’est l’éditeur historique de la pianiste française, mais le coffret, le livret, et surtout le contenu de ces 24 CD sont impressionnants. Nombre d’inédits puisés dans les archives de l’INA. Et le tout pour un prix très modeste.
La musique française se taille la part du lion, et on a du bonheur à écouter ce son franc et direct, d’une puissance qui n’est jamais brutale (passionnante comparaison entre trois versions du Concerto en solde Ravel, dirigées par Auberson, Ansermet et Paray). En concert, Yvonne Lefébure n’est jamais à l’abri de quelques dérapages, mais qu’importe quand l’esprit souffle à ce point.
Ses Bach, ses Mozart ne sont jamais corsetés, tandis que les romantiques, Brahms, Chopin, Schumann, Schubert (comme une jolie suite de valses et de danses allemandes arrangée par la pianiste) évitent les minauderies. Quant à ses Beethoven – les derniers opus – ils appartiennent depuis longtemps à la légende.
Contenu du coffret (les inédits sont indiqués en italiques)
CD 1 MOZART Concerto 20 (Casals), 21 (Oubradous), Sonate 457
CD 2 SCHUMANN Concerto (Dervaux), Papillons, Fantaisie
CD 3 BACH Prélude et fugue 543, Fantaisie et fugue 542, 2 chorals / MOZART Concerto 20 (Furtwängler)
CD 4 BEETHOVEN Sonates op.109 & 110, Variations Diabelli
CD 5 RAVEL Concerto sol (Auberson), Le tombeau de Couperin, DEBUSSY La boîte à joujoux
CD 6 BACH Fantaisie et fugue 542, Concerto 1052 (Oubradous), Prélude et fugue 848, Partita 830
CD 7 MOZART Concerto 466 (Dervaux), Sonate violon 379 (J.Gautier), Fantaisies 396 & 475, Variations 265 / HAYDN Variations fa m
CD 8 BEETHOVEN Sonates op.2 & 111, Concerto 4 (Skrowaczewski), Bagatelles op.119 extr.
CD 9 BEETHOVEN Sonate op.106, Variations Diabelli
CD 10 BEETHOVEN Sonates op.109,110,111, Bagatelles op.126, Lettre à Elise
CD 11 DEBUSSY Préludes (II) / RAVEL Valses nobles et sentimentales / FAURE Nocturnes 6,13, Barcarolle 6 / SCHUBERT 15 valses
CD 12 DEBUSSY Préludes (I), Etudes / RAMEAU Gavotte et six doubles / COUPERIN Les barricades mystérieuses / DUKAS Variations, Interlude et Finale
CD 13 RAVEL Concerto sol (Ansermet), Valses nobles et sentimentales, Le tombeau de Couperin, Jeux d’eau / FAURE Thème et variations op.73, Nocturne 13
CD 14 SCHUBERT Sonate D 958, 15 Valses / SCHUMANN Concerto (Sebastian) / WEBER Konzertstück
CD 15 BRAHMS Intermezzi / LISZT Ballade, chant des fileuses, la gondole funèbre / CHOPIN Barcarolle, Scherzo 2, Ballade 3, 5 Mazurkas
CD 16 BEETHOVEN Sonates violon op.12/3, op.23, op.96 (Vegh, violon)
CD 17 RAVEL Concerto sol (Paray) / SCHUMANN Concerto (Paray), Scènes d’enfants
CD 18 FAURE Thème et variations op.73, Nocturnes 1,6,7,12,13, Impromptus 2,5 / DUKAS Variations, interlude et finale, Prélude élégiaque
Six mois après la mort brutale de mon père (dernière demeure), que faire de mon été 1973 ? J’avais fait le projet d’aller visiter la Hongrie puis la Roumanie où j’avais des « correspondants » qui, après de longs mois d’échanges de lettres, étaient impatients de voir en vrai ce jeune Français venu de l’autre côté du rideau de fer. Je m’étais renseigné sur le parcours en train, ce n’était pas vraiment l’Orient-Express, mais on n’en était pas loin. Des cousins de la famille de mon père, installés à Brie-Comte-Robert en région parisienne, habitués aux longs voyages en voiture (ils avaient fait d’incroyables trajets, jusqu’en Afghanistan !), me déconseillèrent de partir seul en train (je n’avais pas 18 ans), et me proposèrent de faire le voyage prévu en voiture. Avec un cousin de quelques années plus âgé que moi, et mélomane de surcroît.
Nous voici donc partis de Brie-Comte-Robert, le coffre de la Peugeot 204 chargé de boites de conserve et de matériel de camping, les bagages sur la banquette arrière, un lecteur de cassettes audio dernier cri.
Première halte à Munich un samedi, mon cousin Pierre étant catholique pratiquant, nous repérons une église où suivre la messe le lendemain. Il est indiqué sur la porte que l’orchestre et le choeur de l’église en question joueront pendant l’office la messe dite « des moineaux » de Mozart.
Je trouverai vite un disque, qui ne m’a jamais quitté, de cette messe vraiment brève et de la plus imposante messe dite « du couronnement », magnifiquement dirigées par l’abbé Karl Forster chef du choeur de la cathédrale Sainte-Edwige de Berlin.
Etape suivante : Salzbourg. Une visite de la ville natale de Mozart qui ne me laissera pas un grand souvenir, sauf celui de n’être pas à ma place un soir aux abords du palais des festivals où se pressent messieurs en smoking et dames en robe longue, sortant de luxueuses limousines. C’est donc cela le festival de Salzbourg ?
Sur la route, mon cousin conduit, je me charge de l’accompagnement musical. Il est plutôt musique ancienne, cantates de Bach (j’en reparlerai dans un prochain épisode), moi plutôt musique romantique ou « légère ». J’ai enregistré sur une cassette deux disques sortis au printemps 1973 et je ne me lasse pas de les réécouter.
Je suis complètement fasciné par le traitement que Karajan réserve à la musique de ballet de Manuel Rosenthal sur des thèmes d’Offenbach Gaîté parisienne, élégance, sophistication, pure beauté de l’orchestre, sans une once de vulgarité. Je découvrirai quelques années plus tard une version encore supérieure, celle que Karajan grava avec le Philharmonia à la fin des années 50.
Quant aux Vier letzte Lieder de Richard Strauss, dans l’ultime version Schwarzkopf, que mon cousin appréciait peu, je pouvais difficilement m’en détacher. Encore aujourd’hui, c’est resté, avec Gundula Janowitz/Karajan, ma version de chevet.
Après une étape rapide à Vienne, sans concert ni musique, l’expédition continue cette fois au-delà du rideau de fer. Le passage de la frontière hongroise se fait étonnamment vite, nous avons juste un visa de transit de 48 h, nous passerons une seule nuit dans un camping de Budapest. Nous avons rendez-vous avec mon correspondant hongrois, dans la banlieue de la capitale magyare. Pas de GPS, très peu de panneaux indicateurs, peu de routes et de rues goudronnées. Je ne sais par quel miracle nous parvenons à trouver la modeste maison familiale. Le grand-père parle un peu allemand, la mère juste le hongrois, mon correspondant mal le français. Il est pressé de profiter de notre présence pour sortir dans un parc de loisirs avec bars et discothèques « à l’occidentale » sur l’île Elizabeth. Nous n’y passons qu’une petite heure, la nuit est avancée, il faut le ramener chez lui et retrouver notre camping, nous y mettrons deux heures à tourner en rond, à nous égarer. Nous promettons à S. de repasser le voir à notre retour deux semaines plus tard. Le lendemain matin, avant de mettre le cap sur la Roumanie, nous visitons le centre de Budapest, je trouve un magasin de disques, je voudrais trouver du piano, des concertos. J’ai beau dire piano, Klavier, pianoforte avec tous les accents possibles, le vendeur ne comprend pas ma demande. Au rayon Brahms, je finis par trouver quelque chose qui ressemble à ce que je cherche, mais tout le disque est écrit en hongrois (pas comme sur la pochette « internationale » ci-dessous) . Et concerto pour piano se dit zongoraverseny !
Je découvrirai donc le 1er concerto de Brahms dans cette version hongroise pur jus.
Cela ne vaut sans doute pas les références Curzon/Szell, Anda/Fricsay ou Arrau/Giulini, mais pour moi c’est l’indissoluble souvenir d’un premier été à Budapest…
Demain suite du voyage : la Roumanie, Bucarest, la Bucovine, Enesco.
J’ai toujours rêvé d’entendre, voire d’animer, une émission de radio qui serait consacrée aux musiques un peu honteuses, de mauvais goût, comme les gens qui disent regarder Arteet se repaissent en cachette de Dallas ou d’Amour, gloire et beauté (ça me rappelle un épisode authentique : Armin Jordan n’acceptait jamais de répétition qui commence trop tôt le matin pour pouvoir regarder tranquillement dans sa chambre d’hôtel les épisodes du très mauvais feuilleton du moment !)
France Culture fait un tabac avec une émission qui s’intitule Mauvais genres. Je doute que le nouveau directeur de France Musique qui a pourtant été à bonne école et qui ne passe pas pour être orthodoxe, lance ou accepte un projet aussi « déviant ». Quoique…
De quoi s’agit-il ?
D’abord de ces musiques dites « légères », pas très sérieuses, un peu crapuleuses, qui sont juste très agréables à écouter… et très difficiles à bien jouer. Les Anglo-Saxons sont beaucoup moins coincés que nous dans ce domaine, les Anglais ont toute une ribambelle de compositeurs qui restent quasiment inconnus sur le Continent (voir quelques références à la fin de ce billet)
Quant aux Américains, à Boston, à Cincinnati, à Los Angeles, les soirées « Pops » ou du fameux « Hollywood Bowl » sont les plus courues (avec des chiffres de fréquentation à faire frémir tous les Cassandre de la musique classique). Depuis mon premier voyage aux Etats-Unis en 1987, j’ai collectionné à peu près tous les disques, souvent des « live », des mythiques Boston Pops et de leur non moins mythique chef de 1930 à 1979, Arthur Fiedler (références à la fin de ce billet)
Une fois – en 1999 ou 2000 – j’ai eu la chance d’assister à une soirée du célèbre Hollywood Bowl. Musicalement décevant, un chef mollasson qui avait réussi l’exploit de nous endormir avec un Boléro de Ravel avachi, mais une première étonnante, la présence du mime Marcel Marceau ! Mais ce n’est pas la qualité musicale qu’on vient chercher, plutôt une ambiance unique de fête.
Les Berlinois ont leur célèbre Waldbühne, qui se termine immanquablement par le tube de Paul Lincke – une sorte d’épigone berlinois de Johann Strauss – Berliner Luft :
On continuera une autre fois ce petit tour du monde, qui ne passe malheureusement pas par Paris…
Encore ceci sur un chef qu’on peut autant admirer que détester – Herbert von Karajan. Qui n’a jamais eu honte de diriger, et même d’enregistrer, Suppé, Lehar, Strauss, la Gaîté Parisienne d’Offenbach/Rosenthal : il aimait cette musique et la servait avec les mêmes soins que le grand répertoire classique, avec ce surcroît de chic, d’élégance, de raffinement, dont très peu de ses confrères étaient capables. Il avait même enregistré -son choix? ou à la demande d’un producteur ?- toute une série de marches allemandes et autrichiennes, un double album LP qui ne fut jamais disponible en France, partiellement édité en CD. Puis-je faire l’aveu ici que je n’ai pas écouté qu’une seule fois ces « tubes » de la musique de « divertissement » et puis les Berliner Philharmoniker là-dedans…!!
En revanche, le même Karajan pouvait se vautrer dans le vrai mauvais goût, par exemple dans un célèbre Adagio qui n’est pas d’Albinoni, ou dans d’impossibles menuets lentissimes de Bach, Haendel, Haydn ou Mozart (les plus mauvais Concertosbrandebourgeois de Bach ou Concerti grossi de Haendel de la discographie, c’est lui !).