Un bouquet de Strauss (III) : entrez dans la danse !

#JohannStrauss200

Troisième et dernier volet de cette série consacrée à Johann Strauss, né le 25 octobre 1825 (lire Dix valses, Sang viennois) : il n’y a pas que des valses et des opérettes dans le corpus de près de 500 oeuvres qu’il a laissées.

Strauss l’influenceur

Aujourd’hui Johann Strauss pourrait être qualifié d’influenceur, au XIXe siècle il imitait un Franz Liszt qui, à son clavier, propageait, diffusait les oeuvres de ses contemporains (Beethoven, Schubert, Mendelssohn, Wagner, Bellini, etc.). Avec son orchestre il arrangeait les thèmes à la mode, surtout des opéras : à son actif plus de 80 quadrilles. Je renvoie à l’article Le filon Strauss que j’avais consacré à cette part étonnante de l’oeuvre de Strauss.

Claudio Abbado, en 1988 à Vienne, avait déjà révélé ce quadrille sur des thèmes du Bal masqué de Verdi.

En marches

Le fils n’arrivera jamais à concurrencer le père Johann Strauss et sa célébrissime Marche de Radetzky. En revanche, certaines de ses marches sont plus exotiques que martiales

Sa Marche égyptienne est créée à Pavlovsk mais fait référence au creusement du canal de Suez en 1869 et sollicite doublement les musiciens de l’orchestre.

Créée elle aussi à Pavlovsk, la Marche persane exploite un exotisme de pacotille qui plaisait au public européen.

Auf’s Korn est la dernière composition de Johann Strauss pour le choeur d’hommes de Vienne (cf. Dix valses) à l’occasion d’un concours de tir fédéral (1898)

On ne l’entendra qu’une seule fois, en 2006, lors d’un concert de Nouvel an, sous la direction de Mariss Jansons… mais sans choeur !

Le mauvais Napoleon

En 1854, Johann Strauss écrit sa Napoleon Marsch. Mais rien à voir avec Napoleon Ier. L’oeuvre est dédiée à Napoleon III, dans le contexte de la guerre de Crimée imminente. Une seule prestation au concert de Nouvel an, en 2008, où Georges Prêtre court la poste. On en reste à l’unique version gravée par Karajan en 1981 ou à Boskovsky. YouTube devrait vraiment réviser ses illustrations de cette marche, qui montrent systématiquement des portraits de Napoleon Ier !

En 1853, avec sa Kaiser-Franz-Joseph-I.-Rettungs-Jubel-Marsch Strauss rend hommage à l’empereur François-Joseph qui a réchappé de peu à un coup de couteau asséné par un activiste hongrois le 18 février.

Nikolas Harnoncourt s’en donne à pleins tambours, le 1er janvier 2003

Polkas, csardas et galops

Champion toutes catégories pour les polkas de Johann Strauss (et celles de ses frères Josef et Eduard), Carlos Kleiber écrase le match en 1989 et 1992. En particulier dans ces polkas rapides, ce n’est pas le tempo qui compte, c’est le sentiment de vitesse et d’étourdissement que doit produire cette musique, et donc c’est au chef et à lui seul de le susciter.

Je n’ai pas beaucoup aimé l’unique concert de Nouvel an dirigé par Christian Thielemann en 2019, mais c’est le seul qui dans cette polka dont le titre est explicite – Im Sturmschritt / À toute allure – donne ce sentiment d’urgence

Une nouvelle fois, Claudio Abbado est l’homme de la situation dans cette furieuse Furioso Polka

Les galops étaient plutôt la spécialité de Johann Strauss père. Le fils en a laissé quelques-uns, le plus souvent tirés de ses opérettes :

Ballets et autres arrangements

Un seul ballet est à mettre à l’actif de Johann Strauss, et encore a-t-il été achevé et en grande partie orchestré par Josef Bayer : Aschenbrödel / Cendrillon. Honnêtement ce n’est pas un chef-d’oeuvre inoubliable, mais on pouvait se douter que le grand spécialiste du ballet, Richard Bonynge, en donnerait une version hautement recommandable.

On écoute aussi le ballet tiré de l’unique opéra de Johann Strauss, Le Chevalier Pázmán / Ritter Pázmán, qui n’est pas vraiment resté à la postérité.

Et puis il y a les arrangements de quelques chefs d’orchestre (comme la très célèbre Gaîté Parisienne composée par Manuel Rosenthal à partir d’airs plus ou moins connus d’Offenbach).

Ainsi Antal Doráti réalise-t-il pour un ballet de David Lichine et Alexandre Benois – Graduation Ball – un arrangement très réussi de thèmes piochés chez Johann Strauss. Il n’y a pas quantité de versions : Dorati bien sûr, Boskovsky, Fistoulari et…l’Australien Charles Mackerras tout à son affaire pour un ballet créé à Sydney en 1940.

Une dernière mention pour un ballet dont j’ai déjà parlé ici (Le Beau Danube parisien). C’est un autre Strauss, sans aucun rapport avec la dynastie viennoise, Paul Strauss, directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Liège de 1967 à 1977 qui a laissé un disque de référence de ces « arrangements »

Pour les réactions et humeurs du jour : mes brèves de blog

Un bouquet de Strauss (I) : dix valses

#JohannStrauss200

Nous y voilà : il y a deux cents ans, le 25 octobre 1825, naissait le plus célèbre compositeur du monde. Le plus célèbre, oui, puisque ce sont plusieurs milliards de téléspectateurs qui chaque 1er janvier entendent ses oeuvres, on veut parler de Johann Strauss, que je me refuse à appeler Strauss II – il n’est ni pape, ni roi… même de la valse – éventuellement Johann Strauss fils. Même si d’évidence il a acquis une légitime et universelle célébrité, qui surpasse celle de son père (Johann) et de ses frères (Josef et Eduard) pourtant très doués.

La célèbre statue dorée de Johann Strauss dans le parc de la ville de Vienne et un chef, pur Viennois, Christian Arming, qui dirigeait l’orchestre philharmonique royal de Liège dans sa ville natale en mai 2014 (Les soirées de Vienne) / Photo JPR

Pour célébrer ce bicentenaire à ma manière – puisque mon pays, la France, est bien timide – c’est un euphémisme – en dehors d’un beau concert de l’Orchestre national – je propose trois volets très personnels d’exploration de son oeuvre avec des versions que je recommande particulièrement.

D’abord 10 valses, celles qui me touchent le plus, et pour chacune non pas une discographie exhaustive – impossible – mais, tirées de ma discothèque personnelle, des versions qui me semblent être des références et/ou des raretés (mais je mentionne pour chaque valse toutes les versions de ma discothèque !)

1. An der schönen blauen Donau / Le beau Danube bleu

La plus célèbre valse de Johann Strauss est d’abord une valse chantée, sur un texte satirique de Josef Veyl, un ami d’enfance du compositeur, qui fera scandale lors de la création le 13 février 1867 au Dianabad par le Wiener Männergesang-Verein. C’est à Paris, lors de l’Exposition universelle, le 1er avril de la même année, qu’est donnée la version orchestrale sous la direction de Johann Strauss.

La seule version avec choeur qui figure dans ma discothèque est celle de Willi Boskovsky avec le choeur de l’opéra de Vienne et bien entendu les Wiener Philharmoniker

Naguère distingué à l’aveugle par l’émission Disques en lice, Claudio Abbado, capté le 1er janvier 1988, reste une/ma référence, loin devant tant d’autres !

D’autres versions à retrouver dans cet article : Le beau Danube coule depuis 158 ans

(Abbado x2, Barbirolli x2, Barenboim x2, Bernstein, Böhm, Boskovsky x5, Dorati, Dudamel, Fiedler, Fricsay x2, Gerhardt, Gut, Harnoncourt x2, Horenstein, Jansons x2, Karajan x8, Keilberth, Carlos Kleiber x2, Krips, Maazel x4, Mehta x4, Muti x5, Ormandy, Ozawa, Paulik, Prêtre x2, Pritchard, Reiner, Sawallisch, Schneider, Felix Slatkin, Stolz, Suitner, Szell, Welser-Moest, Wildner)

2. Kaiserwalzer ou la valse des empereurs

L’Orchestre national de France et Manfred Honeck rendaient hommage récemment à Johann Strauss (lire Chiche bicentenaire).

Parmi la quarantaine de versions de ma discothèque (avec des récidivistes comme Karajan avec 8 versions studio et « live » !), j’ai mes préférences :

Jascha Horenstein a enregistré à Vienne (avec l’orchestre de l’opéra, c’est-à-dire les Wiener Philharmoniker !) deux disques parus sous diverses étiquettes. Sa Kaiserwalzer (ici à 7’50 ») est idéale d’entrain, d’allure.

Autre version oubliée, viennoise elle aussi, mais avec les Wiener Symphoniker, Wolfgang Sawallisch

(Abbado x2, Barbirolli x2, Bernstein, Böhm, Boskovsky, Fiedler, Fricsay, Furtwängler, Gielen, Gut, Harnoncourt x2, Horenstein, Jansons, Karajan x8, Keilberth, Kempe, Klemperer, Krips, Henry Krips, Maazel x4, Muti, Paulik, Prêtre, Previn, Pritchard, Reiner, Sawallisch, Schneider, Felix Slatkin, Stolz, Walter x2, Wildner)

3. Wein, Weib und Gesang / Aimer, boire et chanter

J’avais déjà consacré un long article à cette valse de 1869 assez unique dans la production de Strauss. C’est presque un poème symphonique, avec une longue introduction, souvent écourtée, voire supprimée.

Mon premier choix est toujours Willi Boskovsky, qui dirige vraiment une valse qui ne traîne pas, ne s’alanguit pas.

Mais la version de Georges Prêtre en 2010 est émouvante, en ce qu’elle révèle dans l’introduction le grand chef de théâtre qu’il fut.

(Bauer-Theussl, Boskovsky x3, Dorati, Fiedler, Guth, Horenstein, Järvi, Karajan x3, Keilberth, Mehta, Muti, Ormandy, Paulik, Prêtre, Sawallisch, Schuricht, Stolz, Suitner, Szell, Welser-Moest, Wildner)

4. Rosen aus dem Süden / Roses du Sud

Depuis des lustres, « ma » version de la valse Roses du sud (créée le 7 novembre 1880 par Eduard, le benjamin des Strauss, au Musikverein de Vienne) est celle de Karl Böhm. Indépassable !

(Barbirolli, Barenboim, Bauer-Theussl, Bernstein, Böhm, Boskovsky x2, Fiedler, Fricsay, Guth, Horenstein, Karajan, Keilberth, Krips, Maazel, Mehta, Muti, Ormandy, Paulik, Reiner, Sawallisch, Schuricht, Stolz, Alfred Walter)

5. Nachtfalter / Papillon de nuit

J’intitulais un de mes (nombreux) articles consacrés à Vienne « Capitale de la nostalgie« . S’il est une valse qui exprime précisément ce sentiment diffus qui m’envahit à chaque fois que j’écoute cette musique, c’est bien Nachtfalter (1854).Zubin Mehta avec la complicité des Wiener Philharmoniker a tout compris du caractère double de cette confidence douce-amère.

(Oliver Dohnanyi, Mehta)

6. Tausend und eine Nacht/Mille et une nuits

Reprenant les thèmes de l’opérette Indigo et les quarante voleurs, cette valse est créée, comme Roses du sud, par Eduard Strauss au Musikverein de Vienne le 12 mars 1871.

Carlos Kleiber avait choisi cette valse, plutôt rare au concert, pour célébrer, le 1er janvier 1992, le sesquicentenaire des Wiener Philharmoniker. Le modèle absolu !

(Boskovsky, Dudamel, Fiedler, Horenstein, Kempe, Carlos Kleiber, Maazel, Ormandy, Stolz, Alfred Walter)

7. Geschichten aus dem Wiener Wald / Légendes de la forêt viennoise

Celle valse de 1868 commence par un solo de cithare, pour faire plus exotique sans doute. Dans plusieurs versions des années 60, comme celle de Boskovsky, on a fait appel à un musicien resté célèbre pour un film qui a donné à l’acteur Orson Welles l’un de ses plus grands rôles, Le Troisième homme. L’auteur du thème de Harry Lime est un artiste qui jouait dans une brasserie du Prater, Anton Karas (1906-1985)

Mes deux versions préférées de ces Légendes sont du même chef, Rudolf Kempe (1910-1976), resté justement célèbre pour son intégrale symphonique de l’autre Strauss (Richard), qui a gravé quelques anthologies de la famille Strauss, d’abord à Vienne en 1959, puis dix ans plus tard à Dresde.

Rudolf Kempe / Wiener Philharmoniker

Rudolf Kempe / Staatskapelle Dresde

J’ai dans ma discothèque une unique version chantée de cette valse : Rita Streich (1920-1987) y déploie tous ses sortilèges

(Barbirolli, Barenboim, Bernstein, Boskovsky x2, Dorati, Fiedler, Fricsay, Guth, Harnoncourt, Horenstein, Karajan x3, Kempe x2, Knappertsbusch, Krauss, Maazel x3, Mehta, Muti, Ormandy, Felix Slatkin, Stolz, Walter, Wildner)

8. Künsterleben / Vie d’artiste

Cette valse suit de peu le succès du Beau Danube bleu. L’introduction orchestrale de cette valse est un pur moment de poésie. Certains s’y attardent tellement qu’ils en oublient de valser. Ce n’est pas le cas d’un chef qui, comme Fiedler à Boston, connaissait par coeur ses classiques à Hollywood, Felix Slatkin (1915-1963),

(Bernstein, Boskovsky x2, Dorati, Fiedler, Guth, Horenstein, Jansons, Karajan x4, Keilberth, Carlos Kleiber, Maazel, Ozawa, Paulik, Reiner, Sawallisch, Felix Slatkin, Stolz)

9. Lagunen Walzer / Valse de la lagune

La valse créée en 1883 reprend – d’où son titre ! – une grande partie des thèmes de l’opérette Une nuit à Venise. J’en aime le début qui semble ouvrir sur tous les matins du monde et qui, contrairement à bien d’autres valses de Strauss, semble inexorablement optimiste.

Je n’avais pas beaucoup aimé le concert du 1er janvier 2025 censé ouvrir les célébrations du bicentenaire Strauss. Riccardo Muti qu’on a connu fringant et conquérant, dès son premier concert de l’An viennois en 1993, semblait ici engoncé, excessivement retenu. Finalement sa version est l’une des plus convaincantes.

Autre grand habitué des concerts de Nouvel an – Lorin Maazel – très irrégulier d’une année à l’autre :

(Boskovsky x2, Oliver Dohnanyi, Horenstein, Jansons, Maazel, Muti, Stolz)

10. Seid umschlungen Millionen / Embrassez-vous par millions

Un petit air d’ode à la joie ? Ce sont bien les mêmes mots qu’emploient Schiller et Beethoven dans le finale de la 9e symphonie, ce sont eux qui donnent son titre à cette valse créée en 1893. Mélancolique souvent, joyeuse parfois, ce n’est pas la plus aisée à diriger. On retrouve, comme par hasard, Abbado en 1988.

(Abbado, Barenboim, Boskovsky, Harnoncourt, Maazel, Stolz, Alfred Walter)

Ce choix de dix valses est éminemment subjectif, comme le choix des interprètes. J’ai surtout voulu attirer l’attention sur des versions dignes d’intérêt, moins connues ou repérées.

Il existe une intégrale symphonique de l’oeuvre de Johann Strauss parue chez Naxos. L’ensemble est assez médiocre du côté des orchestres et des chefs, mais au moins il y a toute l’oeuvre éditée de Strauss !

* Le titre de cette série est bien sûr un clin d’oeil, Strauss voulant dire « bouquet » en allemand… et en viennois !

Demain 2e volet de cette mini-série sur les opérettes et oeuvres vocales de Johann Strauss

Et toujours humeurs et bonheurs du jour à lire dans mes brèves de blog

Bizet #150 (I) : les perles méconnues

On commémore ce 3 juin le sesquicentenaire* de la mort de Georges Bizet, à 37 ans. d’une crise cardiaque survenue dans sa maison de Bougival, deux mois pile après la création de Carmen à l’Opéra-Comique. J’ai déjà fait état de mes préférences et références pour cet opéra : Carmen est de la revue.

Je n’ai fait le rapprochement qu’il y a quelques semaines en réécoutant un disque acheté il y a longtemps à Barcelone. Ecoutez « El arreglito » du compositeur espagnol Sebastian Iradier, une habanera qui ressemble beaucoup à une autre – d’ailleurs Bizet ne s’est jamais caché de s’en être inspiré !

Mais comme pour d’autres compositeurs – Ravel et son Boléro par exemple – la célébrité universelle de Carmen a éclipsé tout le reste de l’oeuvre de Bizet. Rien que pour les ouvrages lyriques, tant sur scène qu’au disque, c’est la rareté.

Pour un Docteur Miracle récemment ressuscité au Châtelet (lire ma critique sur Bachtrack : Purges et élixirs du docteur Bizet au Châtelet), où sont les mises en scène de Don Procopio, Ivan IV, La jolie fille de Perth, ou même Les pêcheurs de perles qui sont relativement mieux servis ?

Discographie tout aussi étique, avec pour Les pêcheurs deux versions qui sortent du lot :

La romance de Nadir est le « tube » de l’ouvrage. Et il ne réussit pas à tous les ténors (on ne citera pas ici ceux qui sont hors sujet ou plutôt hors voix)

Je n’aime pas toujours Cyrille Dubois (il m’a bloqué sur les réseaux sociaux parce que j’ai exercé mon droit élémentaire de critique dans une production de la Flûte enchantée sur Bachtrack) mais dans cet air en particulier il est proche de l’idéal.

Alain Vanzo (1928-2002) était, lui aussi, idéal dans ce répertoire.

Mais pour moi la meilleure version de cette romance de Nadir reste celle de… Tino Rossi, jadis découverte sur un 45 tours, la voix des étoiles…

Dans le même registre orientalisant qui a séduit tant de compositeurs au XIXe comme au début du XXe siècle, Djamileh présente des séductions qu’on aimerait un jour voir sur une scène, pourquoi pas sur celle de l’Opéra-Comique, où l’ouvrage fut créé le 22 mai 1872.

L’Arlésienne introuvable

Pas la peine d’insister sur la purge qu’a constituée L’Arlésienne qu’on a vue au Châtelet. Pour qui souhaite l’intégralité de la musique de scène composée par Bizet, deux versions d’égal intérêt :

On connaît évidemment mieux et on écoute beaucoup plus souvent les suites d’orchestre qu’en ont tirées le compositeur et Ernest Guiraud (à lire dans le prochain billet)

Enfin on remercie le Palazzetto Bru Zane pour ce quadruple CD – et toujours un livret remarquablement documenté – qui restitue de vraies raretés, qui ne sont pas toutes de première importance, mais qui sont servies par les meilleurs interprètes du moment

Bizet au piano

L’oeuvre pianistique de Bizet a longtemps été et reste largement confidentielle. Je n’ai eu longtemps dans ma discothèque que l’album réalisé par le pianiste français d’origine arménienne Setrak (1930-2006).

Il y a eu, depuis, un formidable disque de Nathanaël Gouin qui « revisite » avec un talent fou le Bizet qu’il aime.

*sesquicentenaire = 150e anniversaire

Toutes les versions signalées proviennent de ma discothèque personnelle.

Et toujours mes carnets du quotidien : brèves de blog

Mon Puccini

Giacomo Puccini est mort il y a cent ans, le 29 novembre 1924, à Bruxelles, des suites d’un cancer de la gorge pour lequel il subissait un traitement expérimental dans la capitale belge. Je lis, ici et là, qu’on « célèbre » le centenaire de sa mort, expression pour le moins malheureuse. Pourquoi pas « happy birthday » pendant qu’on y est !

J’ai consacré une partie de mon été 2022 à visiter les lieux du compositeur, sa maison natale à Lucques, sa résidence, somme toute modeste, à Torre del Lago (lire Puccini à Lucca, Puccini à Torre del Lago

Je laisse à d’autres le soin d’établir des discographies, de comparer les versions de ses opéras – je l’ai fait moi-même dans mes précédents articles.

Aujourd’hui, j’ai envie de livrer quelques coups de coeur, quelques trésors bien cachés dans ma discothèque, peut-être des artistes un peu oubliés.

Virginia Zeani (1925-2023)

Jussi Björling (1911-1960)

Felicia Weathers (1937-)

Julia Varady (1941-)

Tant de souvenirs de et avec Julia Varady (lire Julia Varady 80#) … et de Marcello Viotti qui dirige ce disque

Elisabeth Schwarzkopf (1915-2006)

On n’attend pas vraiment Elisabeth Schwarzkopf dans Puccini, mais on aime, c’est tout !

Teresa Stich-Randall (1927-2007)

Autre cantatrice inattendue dans Puccini, mais qui ne craquerait pas à cette voluptueuse confidence ?

Fritz Wunderlich (1930-1966) / Pilar Lorengar (1928-1966)

Quand l’amour éperdu se chante en allemand… sublimes Fritz Wunderlich et Pilar Lorengar

Bruno Previdi (1928-1988)

D’un ténor italien dont je ne sais pas grand chose, Bruno Previdi, quelques airs sur un disque-compilation

Et puis on a la chance de pouvoir revoir cette Bohème de rêve qu’on avait adorée en juin 2023 au théâtre des Champs-Elysées, avec la fine fleur des chanteurs d’aujourd’hui

Je renvoie à mes précédents articles sur Puccini et à une sorte de discothèque idéale de ses grands ouvrages et si je ne les ai, à dessein, pas mentionnés ici, je reviens évidemment souvent à Freni, Pavarotti, Karajan, Maazel, Scotto, etc.

Pour un prix modique, le coffret qu’édite Warner n’est pas inintéressant, pour qui veut retrouver quelques grandes gloires du passé.

Vive le « live »

Bien sûr je ne suis jamais mécontent de voir réédités de glorieux enregistrements du passé, captés en studio avec tout le soin que savaient y mettre des directeurs artistiques et ingénieurs du son passés pour certains à la postérité.

Mais, comme maints articles de ce blog le montrent, j’éprouve une très nette préférence pour la musique « sur le vif », le concert, et toute la documentation – YouTube, DVD, CD – qui restitue aujourd’hui à foison des moments de musique inoubliables.

J’étais hier soir au concert de rentrée de l’Orchestre de Paris et de son chef Klaus Mäkelä. Je n’aurais pas voulu manquer ce moment, et la déception relative que j’ai éprouvée ne change rien à l’admiration que je porte au jeune chef et à un orchestre qu’il a profondément fait évoluer.

Lisa Batiashvili et Klaus Mäkelä saluent à l’issue du concerto de Tchaikovski – très réussi.

Même exercice ce soir pour l’Orchestre national de France et Cristian Macelaru. Cette fois compte-rendu à venir dans Bachtrack.

Bertini, Stokowski

Après Georges Prêtre et la réédition d’enregistrements de la SWR de ses années Stuttgart (lire L’été 24: Georges Prêtre #100), deux autres grands chefs du XXe siècle bénéficient de rééditions qui complètent utilement leur discographie.

Le chef israélien Gary Bertini (1927-2005) n’a pas eu, de son vivant, la renommée que son talent aurait dû lui valoir, sa postérité n’est guère plus fameuse. Ce que traduit une discographie plutôt réduite, mais d’une qualité exceptionnelle, comme cette intégrale des symphonies de Mahler à laquelle je reviens souvent.

On se réjouit donc de la publication de ce coffret de captations réalisées par la radio allemande SWR.

Le chef connaissait ses classiques, comme tous ceux de cette génération : admirables sont ses Mozart, Haydn, Schubert, Beethoven, étonnante est sa Symphonie fantastique de Berlioz. Mais la pépite de ce coffret est certainement cette Demoiselle élue de Debussy avec la merveilleuse Ileana Cotrubas

Quant à Leopold Stokowski (1882-1977), c’est plutôt la surabondance qui menace. Les rééditions sont multiples. Ici c’est un coffret qui regroupe des prises de concert de la BBC déjà publiées du grand chef anglais, mais qui bénéficient d’un travail spectaculaire de « remasterisation ».

On est à nouveau frappé par l’immensité du répertoire que Stokowski a abordé tout au long de sa carrière et jusqu’à un âge très avancé. Il a longtemps passé pour un chef excentrique, privilégiant le spectaculaire au respect de la partition. Stokowski vaut infiniment mieux que cette caricature : il n’est que de l’écouter dans Vaughan-Williams ou son bouleversant Alexandre Nevski de Prokofiev !

Vacances 2022 : Rome, Tosca etc.

Puccini encore, et d’autres

Puccini (Puccini à Torre del Lago, La maison natale à Lucques) me poursuit, à moins que ce ne soit l’inverse. À Rome cette fois. Voir plus loin.

En me baladant dans la Ville éternelle, après la visite des musées du Vatican (ce sera pour une chronique ultérieure), sans but précis, je suis tombé sur des plaques rappelant certaines présences comme… Riccardo (!) Wagner !

Les lieux de Tosca

On renvoie à l’excellente fiche Wikipedia de l’opéra Tosca de Puccini, créé en 1900 au Teatro Costanza. Le premier acte se déroule à l’église Sant’ Andrea della Valle

On a trouvé sur YouTube cette étonnante représentation filmée en 2000 à l’Opéra de Rome (pour le centenaire de la création de Tosca). Il y a les deux ténors les plus célèbres du moment : Luciano Pavarotti en Cavaradossi… et Placido Domingo à la baguette !

Le deuxième acte se situe au Palais Farnese, siège de l’Ambassade de France à Rome depuis 1874, mais fermé à toute visite, à l’exception, semble-t-il, des journées du patrimoine.

Quant au troisième acte, il se déroule au Château Saint-Ange.

Il y a évidemment quantité de très belles versions de Tosca en CD comme en DVD.

J’en ai toujours deux auxquelles j’aime revenir : pour les sortilèges de l’orchestre puccinien, Karajan à Vienne en 1963 et, même si les « callasiens » préfèrent des versions antérieures, celle de Maria Callas, captée la même année à Paris avec Georges Prêtre

Saint-Saëns #100 : l’indispensable anthologie

Pour célébrer Saint-Saëns à l’occasion du centenaire de sa mort, peu d’éditeurs pourront concurrencer le très beau coffret que Warner nous offre.

On est loin d’une intégrale, tant Saint-Saëns reste, paradoxalement, un compositeur méconnu, notamment dans le domaine lyrique (heureusement l’Opéra Comique, le Palazzetto Bru Zane, ont commencé à combler notre ignorance dans ce domaine).

Mais ce coffret est très précieux, en ce qu’à partir d’un fonds EMI très riche, il nous restitue quantité de versions reconnues et de raretés oubliées. Une magnifique anthologie, qu’on doit à Philippe Pauly, et qui comblera les plus exigeants comme les nostalgiques des couleurs si typiquement françaises des phalanges hexagonales. Et pour la quasi-totalité de ces disques, des interprètes français ! Cocorico !

Pour les symphonies, c’est l’insubmersible intégrale de Jean Martinon avec le National qui a été retenue, pour les – trop rares – poèmes symphoniques un disque qu’on avait oublié – à tort – un autre grand serviteur de la musique française, Pierre Dervaux (1917-1990) à la tête de l’Orchestre de Paris, le même Dervaux dirigeant le New Philharmonia et le violoniste allemand Ulf Hoelscher (1942-) pour la première intégrale de l’œuvre concertante pour violon.

Les concertos pour piano sont proposés dans deux versions déjà signalées ici (Saint-Saëns #100 : les concertos pour piano) : l’indémodable Jeanne-Marie Darré avec Louis Fourestier en 1955, et l’excellent tandem Jean-Philippe Collard/André Previn)

Quant à la « fantaisie zoologique » – Le Carnaval des animaux – l’oeuvre la plus célèbre de son auteur, qui, une fois l’oeuvre créée à l’occasion d’un carnaval, en interdira toute exécution publique jusqu’à sa mort – elle est proposée en trois versions – pour formation de chambre, pour orchestre… et pour ensemble vocal (savoureux King’s Singers).

Ce coffret propose aussi les deux versions de référence du seul opéra encore joué de Saint-Saëns, Samson et Dalila : difficile (impossible ?) d’égaler les couples légendaires que formaient Rita Gorr et Jon Vickers, et vingt ans plus tôt Hélène Bouvier et José Luccioni.

On entre ensuite dans des zones nettement moins fréquentées de l’oeuvre de Saint-Saëns. On a oublié que le compositeur a occupé plus de vingt ans la tribune de l’orgue de la Madeleine – Liszt le décrit comme « le premier organiste du monde » : l’oeuvre qu’il a laissée pour l’instrument tient en deux forts disques joués par Daniel Roth sur l’orgue de l’église Saint Salomon Saint Grégoire de Pithiviers.

Quatuors, sonates, septuor, quintettes bénéficient des talents d’hier et d’aujourd’hui (Viotti, Hubeau, Charlier, Chamayou…).

On avait oublié que François-René Duchâble avait gravé – superbement – les deux cycles d’études pour le piano, et on retrouve les études pour la main gauche sous les doigts d’Aldo Ciccolini.

Il y a quelques « trous » dans ce coffret : deux versions du premier concerto pour violoncelle (Rostropovitch et Giulini à côté de la plaque), mais pas le second. Absence incompréhensible de la version de référence du 3ème concerto pour violon – celle de Nathan Milstein, alors qu’il y a par ailleurs nombre d’enregistrements historiques (dont le compositeur lui-même au piano)

De nombreuses transcriptions, quelques inédits pour deux pianos, un beau bouquet de mélodies, où l’on ne pensait pas croiser Dietrich Fischer-Dieskau ou Christa Ludwig. L’unique messe de l’organiste de la Madeleine nous ramène à Michel Corboz.

Enfin les quelques vraies raretés orchestrales sont le fait d’un artiste qui voue depuis longtemps une admiration à Saint-Saëns : Jean-Jacques Kantorow qui vient de signer avec Liège la référence moderne des symphonies, avait enregistré avec l’Ensemble Orchestral de Paris, toute une série de premières au disque, comme cette charmante Nuit à Lisbonne

Avec ce coffret, on a toutes les raisons de découvrir et d’aimer un compositeur surdoué, qui n’a cessé toute sa vie de surprendre et d’innover.

Les raretés du confinement (XVI): les jeunes de la Méditerranée, les roses et le muguet, Liszt, Offenbach et les Strauss

Les Cassandre n’ont pas toujours raison ! La nature médiatique a repris tous ses droits, après que le président de la République a annoncé, le 30 avril dernier, les étapes du déconfinement : les mêmes qui protestaient contre la fermeture des restaurants, des magasins, des lieux de culture, à longueur de pétitions, sont les mêmes qui se demandaient si les annonces de Macron n’étaient pas prématurées, imprudentes, si une 4ème vague n’allait pas nous submerger.

Pénible pour un patron de festival, qui n’a jamais professé un optimisme béat, mais qui a toujours cru, raisonnablement, qu’on pourrait produire l’édition prévue, et qui s’est trouvé conforté par la réponse du public qui a déjà acheté de nombreux billets !

On se réjouit en particulier d’accueillir le 22 juillet l’Orchestre des jeunes de la Méditerranée et son jeune chef Duncan Ward, qui sont, à eux seuls, tout un symbole de l’espoir retrouvé et du bonheur de faire de la musique ensemble:

1er mai : le temps du muguet

L’histoire de la chanson de Francis Lemarque, puisée à bonne source soviétique :

Premier Mai : le muguet ou les nuits de Moscou ? l’histoire d’une chanson et un duo très émouvant : Le-temps-du-muguet

2 mai : Benjamin Grosvenor, Liszt et Montpellier

L’un des plus beaux disques de ces dernières années, un programme tout Liszt, par un musicien génial – Benjamin Grosvenor – qui avait jusqu’alors proposé des disques composites.

Dans ce dernier disque, une oeuvre étonnante, cette Berceuse écrite en 1854 (et révisée en 1862), où Liszt semble s’abandonner à une longue rêverie. « Trouée de silences et de points d’orgue, insensible au tempo du métronome, attentive à déjouer tout rythme qui tenterait de s’imposer, et même tout chant qui voudrait s’inscrire dans la durée, la pièce, une des plus délicatement ouvragées qu’il nous ait laissées, n’est qu’une succession d’instants éphémères, de ces moments filés de soie que célèbre un vers de La Fontaine. » (Guy Sacre, la musique de piano).

Benjamin Grosvenor donne un récital – superbe programme Liszt, Ravel, Brahms, Ginastera – le 28 juillet au Festival Radio France Occitanie Montpellier (réservations : https://lefestival.eu/representation/benjamin-grosvenor/)

3 mai : Svetlanov

Le grand Evgueni Svetlanov (lire : Le génie de Genia) est mort le 3 mai 2002. J’ai eu la chance de l’entendre plusieurs fois en concert, et même de dîner avec lui à Montpellier !

Dans une discographie où rien n’est anodin ou banal, il y a ce « live » halluciné et hallucinant de l’oeuvre réputée injouable de Balakirev, Islamey, écrite pour piano, une « fantaisie orientale » orchestrée par Serge Liapounov.

4 mai : Vacciné

Deuxième injection du vaccin pour moi, et félicitations à tous les personnels soignants, municipaux, bénévoles qui animent le centre de vaccination d’Anvers-sur-Oise.

5 mai : Napoléon et la musique ?

On ne voit pas spontanément le rapport entre Napoléon, le premier empereur des Français, mort il y a 200 ans, et la musique (lire : Napoléon et la musique)

Forumopera.com y consacre deux forts articles. On y découvre le lien entre l’opérette de Johann Strauss Wiener Blut / Sang viennois, qui a pour cadre le Congrès de Vienne qui reconstruit l’Europe après la chute de Napoléon.

6 mai : D’un Marx l’autre

Le bicentenaire de la mort de Napoléon hier a occulté un autre anniversaire, la naissance, le 5 mai 1818, d’un autre géant de l’Histoire, Karl Marx.

Le rapport du penseur allemand avec la musique ? Aucun à ma connaissance.

Mais un homonyme prénommé Joseph – Joseph Marx – né quelques mois avant la mort de Karl, en 1882, et mort en 1964. Lire : Je vote pour Marx

Joseph Marx se situe comme un épigone de Richard Strauss, il est l’auteur de plusieurs mélodies remarquables avec grand orchestre et a trouvé en Christine Brewer, Angela Maria Blasi ou Stella Doufexis des interprètes particulièrement inspirées.

7 mai : L’invention du best of

Quand les Strauss faisaient du recyclage, et s’emparaient des succès à la mode : Le filon Strauss.

Comme ce quadrille sur « Le Bal masqué » de Verdi, dirigé le 1er janvier 1988, par Claudio Abbado à la tête des Vienna Philharmonic / Wiener Philharmoniker

8 mai : Offenbach à Vienne

Le plus français des compositeurs d’opérettes, Jacques Offenbach, remporte de grands succès à Vienne (c’est ce qui va décider le roi de la valse, Johann Strauss, à s’y mettre aussi… avec des fortunes diverses !).Mais les trois frères Strauss, Johann, Josef et Eduard (lire : Petits et grands arrangements) vont exploiter le filon Offenbach, en arrangeant sous forme de quadrilles les ouvrages donnés à Vienne.

Comme ce quadrille sur Orphée aux enfers :

Georges Prêtre (1924-2017) dirige Vienna Philharmonic / Wiener Philharmoniker lors du concert de Nouvel an 2008

9 mai : Carmen crème fouettée

Carmen revue et corrigée à la crème fouettée à Vienne !

C’est l’étonnant quadrille d’Eduard Strauss (1835-1916) , le plus jeune de la dynastie des rois de la valse (lire : Le filon Strauss)

Claudio Abbado (1933-2014) dirigeait ce Quadrille sur Carmen lors du concert du Nouvel an 1991 à Vienne, à la tête de Vienna Philharmonic / Wiener Philharmoniker

10 mai : Un bouquet de roses

Il y a quarante ans, le succès de la rose au poing en France. Pour cet anniversaire… un bouquet de roses musicales (Bouquet de roses)

Plutôt que Le spectre de la rose de Berlioz/Gautier – une allégorie de l’état de la gauche aujourd’hui ? – je préfère vous offrir cette guirlande de roses de Richard Strauss :

Richard Strauss : Das Rosenband (1897)

Elisabeth Schwarzkopf, soprano London Symphony Orchestra dir. George Szell

11 mai : Le chevalier Previn

Pour faire écho à deux de mes récents articles (Bouquet de roses) et Réévaluation), un des très beaux enregistrements du chef américain André Previn (1929-2019) : les suites de valses du Chevalier à la Rose de Richard Strauss dans l’opulence et la sensualité des musiciens de Vienna Philharmonic / Wiener Philharmoniker

Petits et grands arrangements (III) : le filon Strauss

La dynastie Strauss : Johann père et fils, Josef, Eduard – c’est peu de dire que c’était un sacré business, quelque chose comme André Rieu, le talent, le génie même, en plus ! Mais la célébrité des uns et des autres, surtout Johann « le fils », était telle que plusieurs formations se réclamant du « label » Strauss se produisaient simultanément dans les grandes cours d’Europe et, l’été, dans les stations thermales chic où les aristocraties locales avaient leurs habitudes.

En témoigne un grand nombre d’oeuvres écrites pour ces circonstances, ou évoquant le souvenir de ces concerts.

Mais on doit être très reconnaissant à la famille Strauss d’avoir inventé le « best of », la compilation ou le pot-pourri.

A lui seul, Johann Strauss a écrit plus de 80 quadrilles, une danse de salon et de cour très encadrée (voir Quadrille) où l’auteur d’Aimer, boire et chanter, recyclait, et contribuait à populariser et à diffuser, soit des chansons en vogue, soit – et c’est le plus impressionnant – les derniers opéras présentés à Vienne. Ses deux frères, Josef et surtout Eduard, n’y ont pas manqué non plus.

Avant de passer en revue certains de ces quadrilles, hommage doit être rendu au véritable inventeur de la « valse viennoise », concurrent direct de Johann Strauss le père, Joseph Lanner (1801-1846).

Le regretté Mariss Jansons avait dirigé, lors du concert de Nouvel an 2006, cette étonnante pièce de Lanner, dont le titre est explicite : Die Mozartisten

Viva Verdi !

C’est Claudio Abbado qui, le 1er janvier 1988, révèle ce quadrille sur des thèmes du Bal masqué de Verdi

C’est un autre Italien, au début de cette année, qui dirige un quadrille au titre anodin – Neue Melodien Quadrille – à nouveau complètement consacré à Verdi

Quelques années plus tôt, Johann Strauss célébrait déjà Verdi avec ce Melodien-Quadrille

On retrouve Mariss Jansons, en 2006, dirigeant ce Künstler-Quadrille (quadrille des Artistes) où se mêlent Mendelssohn, Beethoven, Weber, Mozart, Paganini

Faust, Carmen, Offenbach

Mais il n’y en a pas que pour Verdi, les « tubes » français de l’époque sont assaisonnés à la mode viennoise, comme ce quadrille peu connu – jamais joué lors d’un concert de Nouvel an – sur les thèmes du Faust de Gounod

Josef, le cadet, s’y colle aussi :

En revanche, Offenbach attire les foules à Vienne ! C’est d’ailleurs le succès du Français, natif de Cologne, qui va inciter Johann Strauss à se lancer à son tour dans le genre de l’opérette !

Johann Strauss écrit un premier quadrille sur les airs d’Orphée aux enfers et c »est logiquement le grand Georges Prêtre, qui le dirige lors de son premier concert de Nouvel an à Vienne en 2008

et qui récidive en 2010, en révélant ce quadrille sur des thèmes de La belle Hélène. Mais cette fois c’est la plume du plus jeune frère, Eduard Strauss (1835-1916) qui est à l’oeuvre.

C’est le frère cadet, Josef, « le plus doué » d’entre nous selon Johann, qui va composer le plus d’arrangements, de quadrilles sur les thèmes d’opérettes d’Offenbach, données à Vienne :

Comme Vert-Vert, Kakadu en allemand

sur Geneviève de Brabant

ou La Grande duchesse de Gérolstein…

C’est de nouveau Eduard qui fait un pot-pourri très réussi des thèmes de Carmen, et c’est de nouveau Mariss Jansons qui dirigeait ce quadrille

Témoins, parmi plusieurs autres, de la popularité à Vienne de certains ouvrages français, aujourd’hui oubliés, ces quadrilles sur L’Africaine ou Dinorah de Meyerbeer

Auto-promotion

Et comme on n’est jamais si bien servi que par soi-même, Johann Strauss adoptera le même procédé pour ses propres opérettes à la fin de sa vie. On ne joue plus guère au disque ou au concert que les quadrilles sur La Chauve-Souris ou Le Baron Tzigane, mais il y en a une bonne douzaine sur des ouvrages aujourd’hui oubliés ou peu joués.

Seule pièce écrite à trois frères, ce Schützen-Quadrille de 1868 qui honore la garde impériale en reprenant des airs et des marches militaires.

L’arrangeur arrangé

Et puis, il fallait bien que cela arrive, la famille Strauss, essentiellement Johann le fils, a aussi fait l’objet d’arrangements. On a évoqué dans un autre billet – Petits et grands arrangements : les Français – le sort que Roger Désormière avait réservé à certain Beau Danube pour les besoins d’un ballet.

Il faut évoquer ici, pour finir, une très belle partition d’Antal Dorati, qui, à l’instar de Manuel Rosenthal pour Offenbach, revisite l’oeuvre de Johann Strauss, en faisant entendre du connu et du beaucoup moins connu dans son Kadettenball / Le bal des cadets publié en 1948.

Les raretés du confinement (XII) : Tavernier, Faust, Levine, Grumiaux…

Confinement, épisode 3

Depuis ma dernière chronique – Les raretés du confinement (XI)- les heureux habitants de 19 départements français, dont l’Ile-de-France, ont eu droit à un troisième confinement qui ne dit pas son nom. Et, pour ce qui me concerne, je suis entré en période d’abstinence, abstinence de JT sur le service public (France 2, France 3) : je ne supporte plus ces micro-trottoirs, ces « directs » dans les villes confinées, et, pire, ces sujets anxiogènes, toujours les mêmes – « le gouvernement va devoir donner un tour de vis supplémentaire ». Alors que, dans le même temps, on ne voit ni n’entend jamais un sujet sérieux, qui demanderait, il est vrai, un peu plus de travail et d’investigations, sur la réalité des contaminations en extérieur. Les télés nous montrent à l’envi des rassemblements sur les quais de Seine, à Marseille, tandis qu’on entend les spécialistes, et même le ministre de la Santé, proclamer que le risque de propagation du virus est infime : qu’attend-on pour enquêter sur les suites de ces « rassemblements », y a-t-il eu augmentation consécutive des hospitalisations, des contaminations ? Des faits précis, plutôt que des suppositions et des approximations, n’est-ce pas le minimum qu’on puisse attendre de ceux qui ont mission de nous informer ?

14 mars : le pianiste inconnu

En me replongeant dans l’imposant coffret paru l’été dernier consacré à John Barbirolli (1899-1970) : – voir Sir John) j’ai trouvé cet enregistrement du 5ème concerto de Beethoven, auquel je n’avais pas prêté attention, et ainsi découvert un pianiste, dont – je le confesse à ma grande honte – je n’avais jamais entendu parler de Mindru Katz, roumain et israélien, né à Bucarest en 1925, mort à Istanbul en 1978. Un « Empereur » impérial sous ses doigts !

15 mars : mes premières Danses hongroises

Jean-charles Hoffelé évoquait récemment la noble figure d’un chef allemand que j’aime entre tous depuis longtemps : Hans Schmidt-Isserstedt (1900-1973). Je citais sa lumineuse et parfois oubliée intégrale des Symphonies de Beethoven (Beethoven 250: Schmidt-Isserstedt). J’évoquerai bientôt mes découvertes de jeunesse d’oeuvres de Dvořák et Brahms grâce à lui. Avant-goût avec la première intégrale des Danses hongroises de Brahms qui figura dans ma discothèque d’adolescent.

17 mars : les sérénades de HSI

Grâce à plusieurs rééditions récentes, on redécouvre l’art de l’un des grands chefs allemands du XXème siècle, Hans Schmidt-Isserstedt (1900-1973) – La découverte de la musique: Hans Schmidt-Isserstedt. En 1965, il enregistrait une version lumineuse, pastorale, de la Sérénade pour cordes de Dvořák, à la tête de « son » orchestre de la radio de Hamburg (NDR Orchester):

18 mars : la mort de Jimmy

James Levine était un exceptionnel chef d’opéra, l’incontesté patron et l’âme du Metropolitan Opera de New York pendant 40 ans, mais c’était aussi un formidable chef symphonique. Comme en témoigne une série de symphonies de Sibelius enregistrée avec les Berliner Philharmoniker. (Lire : Dear Jimmy )

Sibelius : Symphonie n°2

Orchestre philharmonique de Berlin dir. James Levine

19 mars : Levine, une vie pour la musique

#JamesLevine encore : Une vie pour la musique Le génie protéiforme du chef lyrique, du maître de l’orchestre symphonique, et un pianiste qui s’amuse avec quelques illustres collègues

20 mars : l’air de Berlin

Je ne me rappelais plus que James Levine avait dirigé l’un des célèbres concerts berlinois en plein air de la Waldbühne en 1999. Ici le bis que tout le monde attend en fin de concert, la marche Berliner Luft / L’air de Berlin de Paul Lincke (1866-1946)

21 mars : Printemps qui commence

Printemps qui commence… sous le signe du confinement pour beaucoup de Français !Printemps qui commence)

« Printemps qui commence » par ma Dalila de coeur, la grande Rita Gorr (1926-2012), voix ô combien troublante et charnelle.

Saint-Saëns : Samson et Dalila, air « Printemps qui commence »

Rita Gorr, mezzo-soprano Orchestre de la Société des concerts du Conservatoire dir. André Cluytens

21 mars : Grumiaux centenaire

Le violoniste belge Arthur Grumiaux est né il y a cent ans, le 21 mars 1921 – et mort à 65 ans seulement en 1986. Il laisse une discographie considérable (très bientôt rééditée en coffret). Grumiaux a été un des premiers à enregistrer les méconnus concertos pour violon de Haydn.

Haydn: Concerto pour violon en sol Majeur Hob.VIIa/4 1er mvt allegro moderato

Arthur Grumiaux, violon New Philharmonia Orchestradir. Raymond Leppard

22 mars : la mort de Boris

Hommage à l’un des plus grands chanteurs russes, le baryton-basse Evgueni Nesterenko, mort hier, à 83 ans, des suites de la COVID-19.

Inoubliable interprète de Chostakovitch, Tchaikovski et bien sûr de Boris Godounov de Moussourgski, il est ici le Boris d’une célèbre production de 1978 du Bolchoi

23 mars : Divertimento à la hongroise

L’un des chefs-d’oeuvre de Béla Bartók, son Divertimento pour cordes écrit en 1939, avant l’exil du compositeur hongrois aux Etats-Unis, créé le 11 juin 1940 par son commanditaire et dédicataire Paul Sacher et l’orchestre de chambre de Bâle. Ici dans ma version préférée : Antal Dorati dirige le BBC Symphony Orchestra (1964)

24 mars : Déodat de Séverac

Spéciale dédicace à Carole Delga et Hussein Bourgi cette musique délicieuse du compositeur occitan #DeodatdeSeverac né à St Felix Lauragais en 1872 mort il y a 100 ans le 24 mars 1921 à Céret, par le pianiste Aldo Ciccolini qui fut un invité régulier du Festival Radio France Occitanie Montpellier

25 mars : adieu Bertrand

#BertrandTavernier est mort (lire : Bertrand Tavernier: coup de torchon).

Parmi toutes ses qualités, il y avait son goût et sa connaissance de la musique. Le 11 janvier 2019, l’ Orchestre Philharmonique de Radio France jouait sous la direction de Bruno Fontaine la musique composée par Bruno Coulais pour le film-documentaire de Bertrand Tavernier « Voyage à travers le cinéma français« 

26 mars : Faust en prime time

Faust de Gounod a ses fans, ce n’est pas mon cas. Trop « grand opéra », trop long, tout est trop dans ces 5 actes. Mais il y avait de quoi se réjouir que France 5 diffuse, un vendredi soir, en « prime time », la toute récente production, donnée sans public, de l’Opéra de Paris. Un chef – Lorenzo Viotti – qui a tout pour lui, le talent, la jeunesse (il vient de fêter son 31ème anniversaire !) et, dans cet ouvrage, la capacité de saisir toutes les atmosphères, et d’alléger un tissu orchestral parfois bien lourd, d’excellents chanteurs (même si, dans ce rôle et ce personnage de Faust, j’attends une voix plus corsée que celle, ô combien lyrique et élégiaque, de Benjamin Bernheim). Une mise en scène dont toute la presse a salué la pertinence et l’inventivité, celle de Tobias Kratzer.

Côté disques, on en reste aux grands classiques Cluytens et Plasson, pour des distributions qui savent chanter le français (les grands chanteurs de la célèbre version de Georges Prêtre sont vraiment trop exotiques dans un ouvrage où la compréhension du texte chanté n’est pas accessoire !)

27 mars : Around Midnight

De toutes les qualités qu’unanimement on s’accorde à reconnaître à Bertrand Tavernier, il y a sa connaissance et son amour de la musique, comme France Musique l’a déjà rappelé et continue de l’évoquer tout ce week-end.

Il y a eu ce film magnifique de 1986 Autour de minuit :

Réécouter absolument la chronique de Max Dozolme dans la Matinale de France-Musique du 26 mars : Bertrand Tavernier, un portrait musical