Pivot et la Neuvième

Bernard Pivot (1935-2024)

Tout le monde a rendu ou va rendre hommage à Bernard Pivot et ce n’est que justice.

J’ai moi-même raconté sur Facebook mon seul souvenir d’une rencontre avec lui :

« J’ai un seul souvenir, minuscule, d’un contact direct avec Bernard Pivot. Il y a une quinzaine d’années, je fréquentais le Balzar, à côté de la Sorbonne, à l’époque où l’on pouvait encore y manger convenablement. Il y avait des habitués, célèbres ou moins. Un jour on m’assied à côté de la table de Jean Tulard (qui se plaçait toujours face au miroir de dos à la salle). A peine étais-je installé que je vois s’approcher Bernard Pivot, qui prend place à ma droite. Inévitablement j’entends la conversation entre Pivot et Tulard et un troisième convive que je n’ai pas identifié. Je vois que Pivot regarde souvent en ma direction. Apercevant Le Monde du jour sur un coin de ma table, il en prend prétexte pour me demander où j’ai pu me procurer le journal normalement pas disponible en kiosque avant 14 h. C’est ainsi que nous avons échangé de délicieuses banalités et que j’ai eu l’impression que mon illustre voisin aurait bien aimé poursuivre la conversation avec l’inconnu que j’étais, plutôt qu’avec ses commensaux. J’eus aussi à ce moment-là la confirmation de l’influence du « Roi Lire » sur le monde des lettres, lorsque deux autres hôtes du Balzar s’en vinrent le saluer respectueusement : Jean-Noël Jeanneney et l’académicien Marc Fumaroli, tout en remerciements d’un article qu’avait dû lui consacrer Pivot.

La dernière apparition de Bernard Pivot à la télévision – dans C à vous je crois – m’avait profondément attristé. D’une absolue lucidité sur son état – ces mots qui désormais lui manquaient, s’absentaient – je m’étais dit que ce soir-là il prenait congé de nous. »

Mais on pourra voir et revoir bien sûr ses grandes émissions et ses interviews mythiques avec les plus grands auteurs du XXe siècle. Et surtout si l’on veut retrouver ce personnage si profondément sympathique, relire cette manière d’autobiographie

« Mots autobiographiques, mots intimes, mots professionnels, mots littéraires, mots gourmands… Tous ces mots forment un dictionnaire très personnel. Mais les mots de ma vie, c’est aussi ma vie avec les mots. J’ai aimé les mots avant de lire des romans. J’ai vagabondé dans le vocabulaire avant de me promener dans la littérature » (Bernard Pivot)

La Neuvième a 200 ans

Renaud Machart nous rappelle opportunément dans Le Monde que la Neuvième symphonie de Beethoven a été créée le 7 mai 1824 : ‘Il allait de soi qu’Arte, chaîne franco-allemande, fasse honneur à la Symphonie n9 de Ludwig van Beethoven (1770-1827), créée voici deux siècles exactement, le 7 mai 1824 : le compositeur allemand avait cru dans les promesses des Lumières et de la Révolution française avant de devenir – par-delà le bien et le mal – un symbole national allemand puis européen. » A suivre donc ce soir sur Arte et sur Arte.tv une soirée exceptionnelle.

La charge symbolique et politique de l’ultime symphonie de Beethoven reste puissante. On se rappelle tous ce concert extraordinaire au lendemain de la chute du Mur de Berlin, et les choeurs rassemblés sous la houlette de Leonard Bernstein transformant le texte de Schiller en « Ode à la Liberté« 

Obaldia, Mildred, le Balzar et les branches de sassafras

Même en prenant de l’âge – ce que la nature se charge de me rappeler (Une expérience singulière) – je n’éprouve pas la nostalgie ou le regret du temps enfui, du « c’était mieux avant ».

Et pourtant surgissent, de temps à autre, des bouffées de souvenirs qui ramènent à la douceur des choses, ravivent de belles émotions.

Ainsi la mort de René de Obaldia, disparu à l’âge respectable de 103 ans, m’évoque immédiatement la figure de sa première épouse, Mildred Clary (1931-2010), une inoubliable voix de France Musique, une femme lumineuse que j’ai beaucoup aimée.

Olivier Greif chez Mildred Clary

Dans le portrait que j’avais fait d’elle (France Musique : les fortes têtes), je n’avais pas raconté ce qui fut ma dernière rencontre avec elle. Mildred m’avait invité dans son tout petit appartement de la rue Aubriot, dans le Marais, pour un dîner qui réunissait, entre autres, le compositeur Olivier Greif – quelques semaines avant sa brutale disparition – le chef de choeur anglais John Poole (qui avait animé le Groupe vocal de France). Un dîner délicieux comme notre hôtesse. A plusieurs reprises, Mildred Clary me réinvita, mais mon activité à Liège ne m’a plus jamais permis d’honorer ses invitations, et c’est avec une infinie tristesse et d’infinis regrets que j’appris son décès en 2010 après une brève et foudroyante maladie.

Olivier Greif est un compositeur, une personnalité hors normes, et surtout hors dogmes, et il est heureux qu’il soit toujours admiré, joué, par toutes les générations d’artistes.

Le Balzar n’est plus ce qu’il était

Longtemps le Balzar, à côté de la Sorbonne, dans le Quartier Latin à Paris, a été l’une de mes tables régulières. Non pas parce que la cuisine y est exceptionnelle, mais parce que le personnel – maîtres d’hôtel, garçons – formait une chaleureuse équipe et que s’y retrouvaient quelques figures connues. On se rappelle avoir souvent côtoyé Jean Tulard, avoir voisiné avec Bernard Pivot, aperçu Jean-Noël Jeanneney, l’académicien aujourd’hui disparu, Marc Fumaroli, et même à deux reprises Micheline Presle !

Et puis la crise sanitaire, une activité moins parisienne pour moi, ont espacé mes visites. Je suis retourné au Balzar mercredi à l’invitation d’amis chers. Et, en dehors du décor qui n’a heureusement pas changé, je n’ai quasiment rien retrouvé de ce que j’aimais dans ce lieu. Un service déplorable (un serveur masque baissé à qui il fallait demander et redemander de l’eau, du pain, des couverts et qui semblait n’en avoir « rien à cirer »). La clientèle habituelle semblait aussi avoir déserté. Même le traditionnel baba au rhum paraissait plus fade…

Je vais me consoler de cette étrange impression en lisant le nouveau Pivot :

Déconfiné

Impressions en vrac après une semaine de « déconfinement »

Vers le Sud

J’avais deux bonnes raisons de profiter de la parcelle de liberté recouvrée lundi dernier, l’une professionnelle – régler sur place les questions liées à la réouverture du bureau du Festival Radio France à Montpellier – l’autre familiale – revoir ma mère, 93 ans dans quelques jours, chez elle à Nîmes. Ni train, ni avion, j’ai préféré la voiture.

Sentiment de liberté, ce lundi 11 mai, l’A 86, que je dois emprunter pour rejoindre l’A 10 puis l’A 75, est quasiment vide. Est-ce un effet de la tempête qui secoue la région parisienne depuis 24 heures ? la prudence des déconfinés ?

Vers Orléans, ma voiture affiche une température extérieure de 5° ! Les aires d’autoroute ont partiellement rouvert. Sur ce trajet magnifique qui traverse le Berri, le Massif central, les Cévennes, j’ai mes petites habitudes. Je m’arrête sur l’aire du viaduc de Garabit. Personne. La Truyère, la rivière que franchit le pont métallique conçu par les équipes de Gustave Eiffel, scintille sous le soleil.

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J’ai, comme toujours en prévision d’un long voyage, téléchargé sur mon téléphone portable des éléments de ma discothèque. J’aime réentendre l’art si libre et rhapsodique du chef Constantin Silvestri. 

Dans une oeuvre aussi rabachée que les Préludes de Liszt, Silvestri fait dresser l’oreille.

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Montpellier désert

Le choc en arrivant à Montpellier. La place de la Comédie déserte. Jamais vu depuis plus de trente ans que je viens à Montpellier.

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Terrasses, cafés, restaurants fermés comme partout ailleurs, mais pour une cité qui vit dehors toute l’année, le contraste est saisissant. Le déconfinement n’est pas d’actualité.

Mardi je retrouve avec plaisir quelques-uns des piliers de l’équipe du festival à Montpellier pour mettre en place le processus de réouverture de nos bureaux. Se voir, se parler sans le truchement d’un écran d’ordinateur ou de téléphone, mesurer la chance qui est la nôtre de n’avoir eu aucun malade dans toute l’équipe, réfréner l’impatience de ceux qui voudraient revenir tout de suite au bureau. Je mesure, plus que jamais, la responsabilité qui est la mienne.

Même si le festival 2020 ne ressemblera pas aux autres, même si le joyeux brouhaha qui s’empare des bureaux de Montpellier dès le début juin et s’amplifie dès que le festival bat son plein en juillet, même si ce brouhaha manquera tristement, il faut que les équipes qui préparent le festival « autrement » puissent réintégrer des espaces de travail reconfigurés selon les nouvelles normes sanitaires.

Une journée chez ma mère

Je n’avais pas revu ma mère depuis la fin février. Je la trouve en bonne forme à l’approche de son 93ème anniversaire. La tête fonctionne parfaitement, le corps me semble plus alerte qu’il y a quelques mois. Le virus ne l’a pas touchée, pas plus que les infirmières et aides à domicile qui la visitent chaque jour. Elle évoque, à ma demande, des souvenirs d’autrefois, de sa si nombreuse famille suisse. Plus intéressants que la conversation sur le présent…

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Infantilisation

Je ne supporte plus les journaux télévisés que j’avais l’habitude de suivre sur France 2. Ces reportages « au plus près du terrain », ces « envoyés spéciaux » dépêchés sur… le trottoir du ministère de la Santé, de Matignon ou de l’Elysée pour nous dire ce qu’ils auraient pu dire en studio, et ce ton infantilisant des présentateurs qui commencent toujours par les sujets d’inquiétude…

Heureusement il y a encore C à vous sur France 5, des journalistes qui bossent leurs sujets, des débats contradictoires. Et puis les bouffées d’information non formatée, d’humour, les interviews qu’on n’attend pas et qu’on n’entend nulle part ailleurs, dans Quotidien de Yann Barthès sur TMC.

Indécence

En une du Canard enchaîné de mercredi – introuvable à Montpellier pour cause de grève de la distribution des journaux nationaux (comme si la presse avait besoin de ça!), cet article qui dit tout de l’indécence contemporaine :

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Douce France

Le 16 mai 2018, on avait choisi le siège de la Garde républicaine à Paris pour présenter l’édition 2018 du Festival Radio France Occitanie Montpellier , placée sous l’égide de la Douce France chantée par l’enfant de Narbonne, Charles Trenet. Le Choeur de l’armée française nous avait fait la surprise de quelques chansons.

Erreur
Cette vidéo n’existe pas

Comme on le sait, pas d’édition « physique » du festival l’été prochain. Mais quelque chose d’autre, de différent. On y met toute notre énergie.

Rien pourtant ne remplacera ce qui fait l’essence du spectacle, du concert, des interprètes qui jouent pour le public, et ce public qui partage en un même lieu, à un même moment, des émotions qu’aucune transmission, aucun écran ne produiront jamais à pareil degré.

Cette annonce hier : Une fête de la musique « sans prendre de risques » ! Même plus envie de réagir…

Revoir Paris

Passage chez un coiffeur de Montpellier : accueil chaleureux, respect des consignes avec le sourire.

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Et retour vers la région parisienne. La route est longue,  mais tellement belle, les genêts en fleur ensoleillent le Massif central.

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Brève halte non loin de Sévérac-le Château

Et vendredi, pour quelques courses qu’on avait différées, retour à Paris. Sentiments mitigés. Paris ne m’avait pas manqué pendant le confinement. J’avais, au contraire, apprécié ma maison, mon jardin, les roses, les fleurs qui profitaient de ce printemps si ensoleillé… Peu de monde dans les rues autour de la Madeleine, comme si on était au mois d’août. Des commerçants heureux de rouvrir, un kiosque à journaux qui offre le café.

On ne sait pas si on souhaite un retour « à la normale », au Paris d’avant. Aura-t-on tiré quelque enseignement de ces semaines confinées ? Trop tôt pour l’affirmer.

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On croise l’ami Paul Meyer et l’un de ses fils. On s’était parlé, Paul et moi, il y a peu. Plus rien, plus de concert, plus d’invitation, tous les projets sont annulés. Difficile d’envisager demain, pour lui comme pour des milliers d’artistes. Pourtant, comme les sportifs de haut niveau, il continue de s’entraîner, de travailler, pour le jour où…