Les restes de Bucarest

J’étais de retour à Bucarest pour le week-end de clôture du festival Enesco, deux ans après sa dernière édition (lire Bucarest en fête). Sous la canicule exactement (le thermomètre dépassait allègrement les 30°).

Un festival extraordinaire

Je l’ai déjà écrit ici, et je l’écrirai encore dans mes chroniques pour Bachtrack à propos des trois grands concerts symphoniques qui concluaient cette édition (lire: Le triomphe du National et Le Concertgebouw en majesté) le festival Enesco est véritablement sans équivalent en Europe, et sans doute dans le monde. Pendant un mois, entre quatre et cinq concerts par jour ! Et une liste incroyable d’invités, à commencer par la crème des orchestres européens.

(Cristian Macelaru et l’Orchestre national de France le 22 septembre à Bucarest)

Pour ne pas me laisser impressionner par la foule, de tous âges et de toutes conditions, qui se presse dans l’immense salle du Palais (4000 places !) pour les grands orchestres, je me suis rendu à un concert nettement plus confidentiel : le public ne devait pas dépasser la centaine de personnes, dans le bel auditorium (800 places ?) de la maison de la radio, située un peu à l’écart du centre. L’orchestre philharmonique de BACĂU, une petite ville de la Moldavie roumaine, un chef kazakh Alan Burybaiev, un jeune violoncelliste roumain de 29 ans, Stefan Cazacu, et un programme qui, en dehors du Concerto pour orchestre de Bartok, échappait au qualificatif de « grand public ». Un programme très « service public » au sens où l’entendent certains nostalgiques (dont je fais parfois partie !) qui regrettent que les radios publiques, surtout lorsqu’elles disposent de forces musicales, négligent leur mission patrimoniale.

En l’occurrence ce dimanche, c’était une oeuvre – sans intérêt il faut bien l’avouer – d’un dénommé Ulpiu Vlad, compositeur roumain né en 1945… qui ouvrait le concert : en plus l’orchestre sonnait faux, avec mention spéciale pour les violoncelles ! On était donc mal parti. La deuxième oeuvre m’intriguait : création roumaine du concerto pour violoncelle (2016) de Salonen. J’ai rarement été déçu par Esa-PeKka Salonen chef d’orchestre, et jamais par Salonen le compositeur. Le modeste orchestre de Bacau a paru parfois dépassé par l’ampleur de la tâche – Salonen est un orchestrateur hors pair – mais le violoncelliste a porté ce long concerto avec une conviction, une chaleur de son, qui lui ont valu de longs applaudissements du public. J’ai zappé le Bartok…

Bucarest à la peine

Il y a deux ans, j’avais aimé me promener dans Bucarest, lui trouvant un air de renouveau, d’enthousiasme plus frappants que lors d’une précédente visite en 2017.

Bel exemple de restauration, l’église orthodoxe Saint-Nicolas-des-étudiants, où j’aime me recueillir.

Autre bel exemple, cette librairie-café installée dans une ancienne banque :

J’avais mis sur le compte d’efforts encore insuffisants les balafres visibles dans le coeur de la cité, comme la rue des Français bien estropiée. En 2023, alors que la météo est la même, soleil et chaleur, j’ai trouvé la capitale roumaine bien fatiguée, d’abord très encombrée par un trafic automobile qui semble augmenter exponentiellement, ce que m’a confirmé une jeune fonctionnaire du ministère du tourisme, un parc d’immeubles en plein centre ville dans un état désastreux. Même si certaines rénovations sont réussies, on a le sentiment que l’énergie qui avait été mise dans le renouveau, la reconstruction après l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne, est retombée, passée de mode.

Dans le centre, quartier résidentiel ou pas, un bâtiment sur deux est quasiment à l’état de ruine. Il n’est jusqu’à d’anciens palais ou bâtiments officiels qui ne souffrent de tels délabrements.

Juste à côté d’une église qui a été bien rénovée, un chantier de fouilles archéologiques qui paraissait en pleine activité il y a deux ans, aujourd’hui manifestement complètement abandonné, comme un chancre dans le coeur historique de Bucarest. Je me suis abstenu de prendre plus de photos de cette déchéance…

Un office du dimanche matin

Mes interlocuteurs roumains incriminent l’émigration, selon eux, considérable, non seulement des cerveaux, médecins, scientifiques, universitaires, vers l’Ouest européen ou les Etats-Unis, mais surtout maintenant des ouvriers, des artisans, qui faisaient la réputation du pays, partis eux aussi faire fortune à l’Ouest…

Plus étonnant encore : en dehors d’une passionnante exposition dans la Villa Sutu, musée municipal de Bucarest sur l’histoire de la cité et sa transformation notamment à la fin du XXe siècle, on a l’étrange sentiment qu’on cherche à effacer tout ce qui rappelle la « révolution » de 1989. Sur la place justement de la Révolution, ne subsiste plus que ce monument, mais plus aucune trace de ce qui s’est passé ici en décembre 1989. De même, la maison du Peuple (ou du Parlement selon les appellations), dont on vante désormais les proportions gigantesques, comme si elle n’était pas l’oeuvre d’un fou furieux (Ceaucescu) qui a fait raser 1/5ème de la ville…n’est plus l’objet d’aucune polémique. Mon voisin dans l’avion de l’aller, Jean-Michel Jarre, y donnait samedi soir un concert « mapping » qui a, semble-t-il, drainé la grande foule.

Encore un détail… qui n’en est pas un pour une ville qui compte beaucoup sur le tourisme. Phénomène qui perdure malgré les changements de régime et de générations : l’incapacité des garçons de café ou de restaurant, des réceptionnistes d’hôtel, voire des vendeurs dans les boutiques, de s’intéresser au client qui arrive. On a toujours la très désagréable impression d’avoir affaire à des « RAF » (rien à foutre !). Ils ne sont ni désagréables ni aimables, ils ne sont juste pas là pour vous accueillir, vous recevoir et vous conseiller ! Dommage

(Oui à Bucarest le café Van Gogh jouxte le café Rembrandt !!)

Italie 2020 (VI) : Urbino, Raphaël, Castiglione

Joseph Macé-Scaron – une amitié de plus de 40 ans ! – écrivait, il y a quelques heures, sur Facebook :

« Il y a toujours dans l’Histoire, des lieux protégés.
Ce fut le cas du duché d’Urbino, ce confetti de principauté, joyau de la Renaissance qui fut l’Athènes de l’Italie.
Le grand Bélisaire a conquis la ville, Montaigne l’a visitée…
Elle est la capitale secrète de la péninsule, bien davantage que Sienne, Rome, Florence etc. Et puis, c’est à Urbino que Castiglione, plus utile à lire que Machiavel (là aussi travers français), nous dit ce que doit être un gentilhomme »

Et d’apostropher les intellectuels français, Debray, Sollers, qui ne jurent que par Naples ou Venise !

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Je n’ai passé que quelques heures à Urbino, sur le chemin de Pesaro (lire Rossini à PesaroAssez pour ressentir cette intense impression d’être dans une cité – modeste par la taille – où tous les murs, les palais, les églises disent l’intelligence, la science, l’art qui les ont vu éclore.

On confirme les termes de Montaigne – dans son Journal de voyage en Italie (1581) – qu’  Urbin est.sur le haut d’une montagne de moyenne hauteur, mais se couchant de toutes parts selon les pentes du lieu, de façon qu’elle n’a rien d’égal, et partout il y a à monter et à descendre.

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IMG_2192L’arrivée au pied du monumental Palazzo Ducale, l’ascension par une scala en pente douce pour déboucher sur la place principale, constituent une expérience fascinante pour le visiteur.

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Malheureusement, le jour de notre visite, cathédrale et palais ducal étaient fermés pour cause de fêtes traditionnelles dans la ville. 

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Raphaël

Quand on visite Urbino, le nom qui vient en premier à l’esprit est celui du peintre Raphaël, né le 6 avril 1483 à Urbino, mort le 6 avril 1520 à Rome, Raffaele da UrbinoOn se console de n’avoir pu visiter le musée du palais ducal, l’essentiel des oeuvres de Raphaël ayant été dispersées dans les grands musées du monde.

On se rappelle notamment le choc et les longues minutes passées à Dresde (voir Les musées de Dresdedevant la Madone Sixtineet les deux angelots les plus célèbres du monde.

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Piero della Francesca

En revanche, la fermeture du musée nous a privés de quelques-unes des toiles célèbres de celui qui a travaillé plus de quatre ans au service du maître d’Urbino, Federico III da Montefeltro, seigneur de la cité de 1444 à 1482, grand protecteur des arts, des lettres et de la science. Piero della Francesca (lire Les fresques de Pieroréalise un double portrait fameux du seigneur et de son épouse Battista Sforza, visible au musée des Offices à Florence.

1024px-Piero_della_Francesca_044Deux toiles du maître d’Arezzo sont conservées à Urbino, dont cette exceptionnelle Flagellation du Christ qui révèle une maîtrise absolue de la perspective et de la complexité géométrique de la part de son auteur.

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Le Livre du courtisan

Au début du XVIème siècle, Baldassare Castiglione (1478-1529) fréquente la cour d’Urbino, la plus brillante et raffinée d’Europe. 

800px-Baldassare_Castiglione,_by_Raffaello_Sanzio,_from_C2RMF_retouched(Le portrait de Castiglione réalisé en 1519 par Raphaël – Musée du Louvre)

C’est très certainement à partir des joutes intellectuelles, des « discussions » entre les habitués et les visiteurs de la cour d’Urbino, que Castiglione va concevoir son Livre du courtisan, qui, dès sa parution en 1528, et sa traduction en français en 1537, est un bestseller dans toute l’Europe !

Le Livre du courtisan n’est pas un livre théorique. C’est une conversation pleine d’esprit, de grâce et de désinvolture (les trois plus grandes qualités de l’homme de cour selon Castiglione), de poésie aussi, qu’échangent des amis dans le cadre de la cour du palais ducal d’Urbino, une des plus raffinées d’Italie à l’aube du XVIe siècle. Pendant quatre soirées, on danse, on écoute de la musique, on plaisante, et surtout on discute des « manières », bonnes ou mauvaises, des princes, dont il faut attirer les faveurs, des femmes, de l’amour.

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La reine écolo

Etant peu versé dans les têtes couronnées et très peu assidu aux Secrets d’histoire et autres portraits royaux dont Stéphane Bern s’est fait une spécialité, j’avais certes noté que l’hôtel que j’avais réservé dans cette petite station balnéaire de la Mer Noire était tout proche du Palais de la Reine Marie, mais j’ignorais tout de cette reine et de sa résidence de bord de mer… Et ce n’est pas grâce à un guide du Routard plus lacunaire et imprécis que jamais que je m’en serais débrouillé.

Une matinée nuageuse et ventée – la première depuis le début de ces vacances – et ce fut l’occasion de combler mes lacunes sur les royautés des Balkans et de découvrir, entourant sur huit hectares ce palais d’été, l’un des plus beaux jardins botaniques d’Europe.

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Je suis désormais incollable sur cette reine Marie de Roumanie (1875-1938) petite-fille de la reine Victoria par son père et du tsar Alexandre II par sa mère. Lorsque son mari Ferdinand  accède au trône de Roumanie en 1914, la princesse britannique devient reine consort. C’est au lendemain de la première Guerre mondiale, que Marie jette son dévolu sur Baltchik/Balčik, un petit port au pied de falaises de craie et entreprend d’y édifier un vaste ensemble de jardins et de petites maisons.

C’est une reine écolo avant la lettre puisque l’électricité et le chauffage sont produits par une station alimentée par deux sources.

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La villa de la reine Marie est de style ottoman, le minaret étant purement décoratif, et d’une simplicité extrême quant à son aménagement intérieur.

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Si l’on en croit certaines sources, la reine Marie a été très liée à la danseuse et chorégraphe Loïe Fuller.

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Plusieurs autres villas ont été construites dans l’enceinte du »Palais », accueillant les hôtes ou les membres de la famille.

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Le jardin botanique s’enorgueillit d’héberger la plus belle collection de cactées au monde.

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Mais inutile de jouer au jeu des superlatifs, le lieu est beau, harmonieux, sans tape-à-l’oeil.

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Une modeste chapelle, et dans tous les jardins, plusieurs signes rappellent que Marie de Roumanie n’était pas une dévote au sens habituel du terme, une femme que révoltait l’injustice, mais qui tenait son rang quoi qu’il advienne

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Et pour les amateurs de destins extraordinaires, le récit de sa propre vie par Marie de Roumanie est à lire, si l’on en juge par la critique enthousiaste qu’en fit Virginia Woolf à sa sortie.

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La magnifique

Ce devait être une matinée froide et grise. Le soleil se mit de la partie pour raviver le souvenir d’un week-end de printemps glacial et expéditif il y a vingt ans. Et tout a resurgi, comme ce qu’on a de plus profond enfoui dans sa mémoire. La fascination, l’émerveillement, l’émotion qui submerge. Décidément, c’est Istanbul la magnifique !

img_6053(La Mosquée bleue)img_6213(Sainte-Sophie)

img_6056img_6057(Hürrem Sultan Hamam

img_6070(Le Bosphore)

img_6071img_6065(L’entrée de Topkapi)img_6165(L’archange Gabriel dans Sainte-Sophie)

img_6156(Dans Sainte-Sophie)

Des photos à suivre sur https://lemondenimages.me.

Sonate d’automne

Les records de température semblent avoir été battus pour cette Toussaint 2014. Pourtant les souvenirs de beaux jours ne sont pas si rares dans ma mémoire : en 1997, quatre jours à Venise et le jour de la Toussaint, sous le soleil, la visite du cimetière de San Michele et les tombes des Stravinsky et de Diaghilev.

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Hier Paris était en beauté sous la douceur du soleil d’automne.

IMG_1404 L’hôtel de Soubise, dans le Marais, siège des Archives NationalesIMG_1405

La Seine près de Notre DameIMG_1406

Un petit coin de Paris, rue de BuciIMG_1407 IMG_1408 IMG_1409

La place Fürstemberg, à Saint-Germain-des-PrésIMG_1411 IMG_1412 IMG_1414

L’église Saint-Germain-des-PrésIMG_1415

Un célèbre café où rodent encore les ombres de Sartre, Beauvoir ou Sapritch !

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Un grand magasin qui porte mal son nomIMG_1418

La rue du Cherche-Midi

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La fontaine et l’église Saint-SulpiceIMG_1425 IMG_1428

L’Académie Française, quai de ContiIMG_1429 IMG_1431 IMG_1433

Le Louvre, la Seine, le Vert-Galant, le Pont NeufIMG_1434 IMG_1435 IMG_1436 IMG_1437

Saint-Germain-l’AuxerroisIMG_1438

 

Cette Toussaint s’achevait au théâtre des Champs-Elysées par le triomphe d’une Cecilia Bartoli toujours généreuse envers un public conquis d’avance, même lorsque le propos musical est parfois un peu mince. Conforme à ce que nous aimons d’elle et de son art depuis 25 ans.