La Mer et les chefs

J’aurais préféré écrire une meilleure critique sur le concert auquel j’ai assisté jeudi dernier (le jour où on annonçait le nom du successeur de Louis Langrée à CincinnatiUne semaine pas très ordinaire). A lire sur Bachtrack : La Mer trop calme du National avec Cristian Măcelaru à Radio France.

La formule est schématique, mais elle traduit bien l’impression de statisme qu’on a éprouvée à l’écoute d’une interprétation qui ne manquait pas de qualités. Le National et son chef avaient déjà donné le triptyque debussyste en 2022 comme en témoigne cette captation :

J’ai pensé que c’était l’occasion de faire le point non pas sur la discographie de l’oeuvre – des centaines de versions ! – mais d’une part en comparant l’Orchestre national de France à lui-même sous les différentes baguettes qui l’ont dirigé, d’autre part en tirant de ma discothèque des versions qui m’accompagnent depuis longtemps

La Mer et le National

La fausse symphonie de Debussy est bien évidemment l’un des piliers du répertoire de l’orchestre radiophonique qui célèbre ses 90 ans d’existence cette année. Ce qui est doublement fascinant, c’est d’une part la constance dans les couleurs si françaises de « notre » Orchestre national, et d’autre part la marque qu’y impriment les différents directeurs musicaux, leurs tempéraments, et quelques invités prestigieux :

2018 : Emmanuel Krivine (2017-2020)

2012 Daniele Gatti (2008-2014)

Evgueni Svetlanov (1998) au festival Radio France Montpellier

1984 : Seiji Ozawa

1974 : Jean Martinon (1968-1973)

1956 : Charles Munch (1962-1967)

Je n’ai pas trouvé d’enregistrement disponible de La Mer sous la direction de Lorin Maazel et Charles Dutoit qui se sont succédé à la tête de l’Orchestre National entre 1977 et 2001.

Les chefs de La Mer

Souvent les versions citées comme des « références » perdent de leur superbe au fil des années et de l’accroissement de la discographie d’une oeuvre. En l’occurrence, pour La Mer de Debussy, ces fameuses références demeurent inchangées, voire insurpassées.

Ernest Ansermet (1883-1969)

On ne sait pas toujours que le chef suisse, fondateur de l’Orchestre de la Suisse romande, a non seulement connu Debussy, mais le jeune homme qu’il était alors s’était même permis de suggérer au compositeur quelques corrections dans sa partition ! Le lien entre Ansermet et Debussy était tel que le programme inaugural de l’orchestre genevois était tout entier dédié à Debussy

J’ai beau la connaître par coeur, la version d’Ansermet de La Mer me paraît indépassable. Quand je dis à propos du dernier concert du National que les tempi sont trop lents, ce n’est pas seulement affaire de métronome, mais aussi et surtout de mouvement. Et Ansermet savait de qui et de quoi il parlait !

Pierre Boulez (1925-2016)

Avec d’autres moyens, et un luxe orchestral supérieur, qu’Ansermet, Pierre Boulez réalise avec Cleveland, deux fois pour Sony et DG, une version passionnante.

Herbert von Karajan (1908-1989)

Les deux seules fois où j’ai eu le privilège d’entendre Karajan en concert, en 1974 à Lucerne et en 1985 à Genève, La Mer était au programme. C’est dire si le chef autrichien aimait l’oeuvre. Il en a laissé pas moins de trois versions officielles au disque.

Ma liste n’est évidemment pas exhaustive, mais il y a ici pour l’amateur quelques heures passionnantes d’écoute en perspective !

La voix des justes : Badinter, Ozawa

Ce n’est pas la première fois que la camarde tire groupé : on apprenait ce vendredi la disparition de deux géants, Robert Badinter et Seiji Ozawa. A leur manière, ils ont servi les mêmes idéaux, et ils auraient pu se rejoindre sur la musique: s’il en avait encore eu la force et la volonté, Ozawa – qui a créé l’opéra de Messiaen, Saint-François d’Assise – aurait pu créer l’opéra de Thierry EscaichClaude – sur un livret de Robert Badinter, inspiré – il n’y a pas de hasard ! du roman Claude Gueux de Victor Hugo.

La haine et l’hommage

Pas une note discordante dans le déferlement d’hommages à Robert Badinter depuis hier matin, comme si la mort avait la vertu d’effacer le passé, c’est sans doute bien ainsi ! Mais comme l’a très bien rappelé le beau documentaire, rediffusé hier soir sur France 5 – Robert Badinter, la vie avant tout – l’avocat d’assises puis le ministre de la justice qu’il fut successivement a été honni, vilipendé, menacé non seulement par des foules en colère, mais aussi par plusieurs partis, de la droite à l’extrême-droite, qui n’éprouvent aucune honte aujourd’hui à encenser le disparu.

Jeune assistant parlementaire d’un député de Haute-Savoie et membre des instances nationales du CDS, le parti centriste à l’époque dans l’opposition, j’avais été révolté par ces manifestations factieuses et cette haine affichée sous les fenêtres du Garde des Sceaux, et j’avais envoyé au Monde un billet pour dire mon soutien à Robert Badinter. Billet publié à ma grande surprise qui m’a valu quelques jours plus tard une lettre signée de M. Badinter lui-même, à en-tête du Ministère de la Justice, me remerciant avec une extrême courtoisie des mots que j’avais écrits en sa faveur. J’ai cet article et cette lettre quelque part dans mes archives.

Ozawa ou l’occasion manquée

J’invite à relire l’article que j’avais écrit à l’occasion du 80e anniversaire de Seiji Ozawa en 2015 (Seiji80#) notamment sur son abondante discographie heureusement bien rééditée.

L’Opéra de Paris sur son site – Hommage à Seiji Ozawa -rappelle la présence constante et régulière du chef japonais dans la fosse de Garnier ou de Bastille, et bien sûr la création sous sa direction de l’unique opéra de Messiaen, Saint-François d’Assise.

France Musique a, de son côté, rappelé les liens étroits qu’Ozawa avait noués avec l’Orchestre national de France.

Mais je m’en suis toujours voulu, alors que j’étais au coeur du système (comme directeur de France Musique de 1993 à 1999) mais pas en position de décideur, de ne pas avoir insisté tant auprès d’Hugues Gall, nommé en 1993 à l’Opéra de Paris pour en prendre la direction effective en 1995, que des responsables de Radio France, pour que Paris, la France, s’attachent les services d’un chef d’une telle notoriété qui ne demandait qu’à cultiver une passion née dès sa victoire au concours de Besançon en 1959. Au lieu de cela, Ozawa fut engagé à Vienne où il ne fut pas le plus heureux des musiciens.

D’autant que Seiji Ozawa, parmi plein de qualités, aimait et servait la musique française comme peu de ses confrères, comme en témoigne heureusement une abondante discographie pour l’essentiel réalisée à Boston – dont il fut le patron de 1973 à 2002 – et pour une belle part avec l’Orchestre national de France, et dans une moindre mesure l’Orchestre de Paris.

Malheureusement, on a vu ces dernières années des images, des vidéos qui font horreur plus qu’honneur à un homme diminué par la maladie (la même que celle qui a emporté Claudio Abbado), exhibé au mépris de toute dignité, quelles que soient les raisons invoquées.

Je veux garder l’image de l’homme malicieux, toujours en mouvement, qui aimait les musiciens et était profondément aimé d’eux, en me rappelant l’un des premiers disques qu’on m’ait offerts adolescent : sa Shéhérazade avec Chicago.

Voix de miel et de bronze : Victoria et Jessye

C’est un exercice auquel je refuse de me livrer, même si j’y suis parfois contraint : comment décrire une voix humaine, a fortiori chantante ? On en est réduit à des images, à des adjectifs dont la banalité le dispute souvent à l’inexactitude.

Une centenaire solaire

Victoria de Los Angeles est née, il y a cent ans, le 1er novembre 1923 à Barcelone et morte le 15 janvier 2005 dans sa ville natale. Warner a eu la bonne idée de lui dédier un coffret copieux, qui ne contient à ma connaissance aucun inédit, mais qui résume bien la carrière exceptionnelle de cette voix sensuelle, gorgée de lumière, qui s’était confiée au micro de Jean-Michel Damian sur France Musique à l’occasion de ses 70 ans : Mémoire retrouvée, Victoria de Los Angeles. J’ai pour ma part le souvenir d’un récital donné à Cannes, à l’occasion du MIDEM, à l’automne 1993, récital capté par France Musique : les craintes de l’équipe technique, et la mienne, avaient été levées dès les premiers instants. La cantatrice savait parfaitement ce qu’elle pouvait encore chanter, à un âge où ses consoeurs avaient depuis longtemps renoncé, et ce fut un éblouissement constant.

J’évoquais l’été dernier les circonstances particulières de l’enregistrement de l’un des plus beaux disques de Carmen de Bizet – L’impossible Carmen

Je ne vais pas me livrer au petit jeu des préférences : tout est admirable dans cette boîte. Quelques-uns des trésors qui font mon bonheur depuis des lustres :

Dans ce Ravel, on ne sait qu’admirer le plus : la diction, le timbre, la souplesse de la voix…

Jessye enfin

Bien plus que Victoria de Los Angeles, Jessye Norman (1945-2019) a été, dès mes premiers émois musicaux, la compagne de mon éducation à l’univers de la voix, de la mélodie, de l’opéra même, comme je l’ai raconté ici lorsqu’elle a disparu il y a quatre ans : Les chemins de l’amour .

Ce coffret récapitulatif de ses enregistrements de studio (à l’exception des intégrales d’opéra) avait été annoncé il y a plus de deux ans – lire Disques fantômes, et on avait fini par penser qu’il ne sortirait jamais. Finalement, commandé vendredi (sur un site italien), reçu samedi, je l’ai ouvert et découvert comme un enfant à qui on aurait fait le plus beau cadeau de Noël. Il n’y a là pourtant rien que je ne connaisse déjà, que j’ai précieusement collectionné au fil des ans, à part peut-être The Child of our time de Tippett, dirigé par Colin Davis, qui m’avait échappé. Il y a des doublons, mais on ne fait pas la fine bouche quand la 9e de Beethoven est dirigée par Levine ou Böhm, la 3e de Mahler par Abbado et Ozawa, ou encore quand se présentent deux versions du Chant de la Terre de Mahler (avec une préférence pour celle de James Levine et le trop rare et magnifique Siegfried Jerusalem)

Comme pour le coffret Los Angeles, une somme admirable qui rend justice à l’une des plus extraordinaires musiciennes de la fin du XXe siècle, voix de bronze et d’ambre d’une puissance inégalée.

Détails du coffret :

CD1    Schubert & Mahler Lieder 
CD2    Schumann: Frauenliebe und -leben Op. 42; Liederkreis, Op.39 
CD3    Les Chemins de l’amour – Songs By Duparc, Ravel, Poulenc & Satie 
CD4    Brahms: 12 Lieder 
CD5    Brahms: 29 Lieder 
CD6    Brahms: 23 Lieder 
CD7    Schubert: 12 Lieder 
CD8    Richard Strauss: 20 Lieder 
CD9    Live at Hohenems 
CD10    Live in Europe 
CD11    Salzburg Recital 
CD12    Tippett: A Child Of Our Time 
CD13    Jessye Norman sings Wagner 
CD14    Mahler: Songs from « Das Knaben Wunderhorn »  (dir. Bernard Haitink avec John Shirley-Quirk)
CD15    Schoenberg: Gurrelieder
CD16    Schoenberg: Gurrelieder (dir. Seiji Ozawa)
CD17    Berlioz: Les Nuits d’été; Ravel: Shéhérazade 
CD18    Beethoven: Symphony No.9 in D minor, Op.125 – « Choral »  (dir. Karl Böhm
CD19    Mahler: Das Lied von der Erde (dir. Colin Davis avec Jon Vickers)
CD20    Mahler: Symphony No.3 in D minor 
CD21    Mahler: Symphony No.3 in D minor (dir. Claudio Abbado)
CD22    Richard Strauss: Four Last Songs 
CD23    Beethoven: Symphony No.9 in D minor, Op.125 – « Choral »  (dir. James Levine)
CD24    Wagner: Tristan und Isolde excerpts; Siegfried Idyll; Overture « Tannhäuser » 
CD25    Live at Notre Dame 
CD26    Beethoven: Missa Solemnis, Op.123 
CD27    Beethoven: Missa Solemnis, Op.123 (dir. James Levine)
CD28    Schoenberg: Erwartung; Cabaret Songs 
CD29    Mahler: Symphony No.3 in D minor 
CD30    Mahler: Symphony No.3 (dir. Seiji Ozawa)
CD31    Mahler: Das Lied von der Erde (dir. James Levine avec Siegfried Jerusalem)
CD32    Spirituals 
CD33    Sacred Songs 
CD34    A Great Day in the Morning 
CD35    Spirituals in Concert 
CD36    Christmastide 
CD37    In the Spirit – Sacred Music for Christmas 
CD38    With a Song in My Heart 
CD39    Lucky To Be Me 
CD40    I Was Born in Love with You 
CD41    Mahler: Kindertotenlieder; Lieder eines fahrenden gesellen; Wagner: Wesendonck Lieder 
CD42    Berlioz: La Mort de Cléopatre; Brahms: Alto Rhapsody; Bruckner: Te Deum 

DVD1: Jessye Norman Recital 
DVD2: Jessye Norman at Christmas 
DVD3: Jessye Norman A Portrait

Prokofiev en boîte

Puisqu’il a été décidé que Serge Prokofiev, mort il y a 70 ans, méritait la une des deux magazines français de musique classique (lire Les deux Serge et Prokofiev etc.), réjouissons-nous de voir paraître un copieux coffret de 36 CD chez Warner.

Simple recyclage d’enregistrements déjà bien connus ? Pour partie oui, mais avec pas mal de redécouvertes. Et surtout un choix éditorial qui, dans un catalogue aussi vaste que celui des labels désormais regroupés sous la houlette de Warner (EMI, Erato, Teldec, etc.), prend des partis, retient telle version plutôt que telle autre.

Le piano

Ainsi, pour reprendre dans l’ordre de présentation des CD, dans les sonates pour piano, on retrouve partiellement la formidable intégrale de Vladimir Ovchinnikov, mais aussi l’énorme surprise qu’est la réédition de la 2ème sonate par le tout jeune Rafael Orozco.

Nikolai Luganski joue la 6ème sonate, et c’est, comme une forme d’hommage au pianiste franco-américain trop tôt disparu, à Nicholas Angelich que revient la 8ème sonate (comme son formidable cycle des Visions fugitives)

Les cinq concertos pour piano se partagent entre Andrei Gavrilov / Simon Rattle (1), le récent Beatrice Rana / Antonio Pappano (2), trois versions et non des moindres pour le 3ème, l’historique version du compositeur lui-même secondé par Piero Coppola et le LSO en 1932, Martha Argerich/Charles Dutoit et Alexis Weissenberg/Seiji Ozawa, Michel Béroff/Kurt Masur (4) et Richter/Maazel (5).

Le violon

C’est sans doute dans le chapitre « violon » et musique de chambre qu’il y a le moins de surprises : pour les deux sonates les inusables Repin et Berezovsky, pour les deux concertos les Oistrakh multi-réédités (j’aurais préféré les versions, pour moi insurpassées, de Nathan Milstein avec Giulini (1) et Frühbeck de Burgos (2)), mais aussi les moins connus Perlman avec l’apport de Rojdestvenski au podium.

Pierre et le Loup

Pour ce coffret, Warner avait l’embarras du choix dans les versions du conte musical Pierre et le Loup. Il y a pas moins de 6 versions, en français ,anglais, allemand, japonais, espagnol et néerlandais ! Avec d’illustres narrateurs : une version longtemps introuvable en allemand de Romy Schneider, à l’époque des Sissi, en espagnol avec Miguel Bosé, et en français c’est Claude Piéplu qui est annoncé sur la pochette… et c’est Peter Ustinov qu’on entend aux côtés d’Igor Markevitch et de l’Orchestre de Paris (1969). Le même Peter Ustinov, enregistré plusieurs années auparavant, est également présent dans la version anglaise avec Karajan et le Philharmonia (chef et orchestre qui manquent singulièrement de poésie !)

Les Ballets

C’est sans doute le point faible de ce coffret. En dehors des versions archi classiques d’André Previn de Roméo et Juliette et Cendrillon et du bien médiocre Fils prodigue de Lawrence Foster, rien dans les autres ballets et musiques de scène de Prokofiev à se mettre dans l’oreille ! En revanche une belle surprise avec les trois suites de Roméo et Juliette, dues à Armin Jordan et l’orchestre de la Suisse romande, passées sous les radars à leur sortie.

Rien de neuf non plus côté musiques de films ou assimilées : l’Alexandre Nevski d’André Previn manquant vraiment de « russité », l’impressionnant Ivan le Terrible de Riccardo Muti.

Les opéras

A l’instigation de Claude Samuel, les forces musicales de Radio France – Choeur et Orchestre National – avaient prêté leur concours à un très coûteux pour les finances d’Erato : le monumental Guerre et Paix sous la conduite passionnée de Mstislav Rostropovitch. L’Amour des trois oranges réunit la fine fleur du chant français sous la houlette nettement moins fervente de Kent Nagano.

Les symphonies

C’est toujours Rostropovitch et le National qu’on retrouve pour la plupart des symphonies (notamment pour les deux versions de 4ème), Previn conduisant les 1 et 7. On aurait pu imaginer un choix un peu plus vaste, notamment pour la 5ème symphonie…

Le livret du coffret est réduit au minimum, pas de détails sur les CD, les dates d’enregistrement etc… (tout cela c’est sur chaque pochette, écrit en minuscules minuscules !). Un bon texte de Loic Chahine en trois langues.

Précision : j’achète tous les disques et coffrets que je commente et présente dans mon blog. Je n’ai jamais demandé ni reçu ce qu’on appelle dans le jargon professionnel des « services de presse » (gratuits).

Les raretés du confinement (IV)

S’il y a bien un terme tout à fait abusif pour décrire ce qui s’est passé ce 15 décembre en France, c’est bien celui de « déconfinement ». Certes, les autorisations pour se déplacer ont disparu, mais comment peut-on oser parler de déconfinement, lorsque la vie culturelle – et sportive – reste interdite, lorsque les lieux de vie et de convivialité essentiels que sont les cafés et les restaurants sont fermés pour plusieurs semaines encore ?

Cette série n’est donc pas près de s’arrêter !

Résultat peut-être du premier confinement ? la naissance hier de mon troisième petit-enfant, une jolie princesse prénommée Adèle. Ses grands frère (7 ans) et soeur (5 ans et demi) sont déjà impatients de jouer les nounous.

6 décembre

Le 6 décembre 1917 le parlement finlandais votait l’indépendance de la Finlande, durant des siècles tantôt rattachée au royaume de Suède tantôt dominée par la Russie tsariste. Le 6 décembre marque la fête nationale finlandaise.Une curiosité – peu connue – dans l’abondante discographie du chef japonais Seiji Ozawa (85 ans) : tout un disque d’hymnes nationaux du monde entier enregistré avec le NEW JAPAN PHILHARMONIC, orchestre qu’il fonda en 1972 et que Christian Arming dirigea de 2003 à 2013. Dans ce disque évidemment l’hymne national finlandais !

7 décembre

L’Orchestre Philharmonique Royal Liège fête ses 60 ans. On se rappelle les concerts exceptionnels donnés le 7 décembre 2000 pour ses 40 ans et surtout le 7 décembre 2010 pour ses 50 ans (lire: Anniversaires privé/public). Dans le coffret de 50 CD publié pour les 50 ans de l’Orchestre, il y a plusieurs raretés : comme ce 2ème concerto pour piano d’Erwin Schulhoff (1894-1942), ici sous les doigts de Claire-Marie Le Guay et sous la baguette de #LouisLangrée

8 décembre

Formidable nouvelle que cette nomination de mon amie Nathalie Stutzmann comme « Principal Guest Conductor » du Philadelphia Orchestra.

Souvenir du tout premier disque acheté de Nathalie Stutzmann chanteuse, après une écoute comparée d’un Disques en Lice, la défunte émission de critique de disques de la RADIO TELEVISION SUISSE (RTS), à laquelle participait Gérard Lesne : lui comme moi étions envoûtés par la beauté et le mystère de cette voix androgyne.

9 décembre

Envie d’évoquer aujourd’hui l’une des grandes chanteuses françaises, la soprano Andréa Guiot (née en 1928), originaire de Nîmes; qui n’a pas la notoriété, la célébrité même, que mériteraient son talent et la splendeur de sa voix. J’avais eu la chance de la rencontrer au début des années 90 dans une émission – Disques en Lice – de la Radio Suisse romande, à laquelle l’avait conviée François Hudry. Nous avions passé un merveilleux moment et beaucoup sympathisé. Quelques mois plus tard, je me trouve au festival d’Aix-en-Provence dans la cour de l’Archevêché, assis juste derrière elle. Nous nous saluons comme des amis qui se seraient quittés la veille, et me voilà incapable, de toute la soirée, de me rappeler son nom et de la présenter à la personne qui m’accompagnait ce soir-là… Ici, c’est peut-être la meilleure Micaela de toute la discographie au côté de l’impérial Don José de Nicolai Gedda : la Carmen de Maria Callas était décidément bien entourée !

10 décembre

Je ne me suis jamais rangé dans la catégorie des admirateurs absolus de celle qu’on appelle « la » Callas J’ai même souvent été agacé par la surexploitation médiatique, discographique, d’une légende qui a fini par occulter la vraie personnalité et l’art singulier de la chanteuse » C’est ce que j’écrivais – lire Callas intime – à l’occasion des 40 ans de la disparition de la cantatrice. J’évoquais hier Andréa Guiot (et Nicolai Gedda) partenaires de Maria Callas dans l’enregistrement de Carmen dirigé par Georges Prêtre

Je (re)découvre pas à pas l’artiste exceptionnelle, la voix si singulière, l’incroyable charisme qui se dégage de sa présence sur scène, comme dans cet extrait de Médée de Cherubini, capté le 10 décembre 1953 à la Scala, avec un Leonard Bernstein de 35 ans dans la fosse ! Inouï !

11 décembre

Cette rubrique est malheureusement appelée à se prolonger, si l’on en croit les dernières annonces gouvernementales ! Une si longue, trop longue, attente pour la musique vivante,qu’aucune vidéo, aucun disque, ne remplacera jamais.Soutien et solidarité avec tous les artistes, tous ceux qui font vivre la culture !

Puisque nous sommes encore dans l’année Beethoven, une découverte pour moi, une rareté de ma discothèque :

#Beethoven250 C’est par hasard que j’ai redécouvert quelques symphonies de Beethoven, enregistrés par Karl Münchinger à la tête de l’orchestre de la radio (et non de son orchestre de chambre) de Stuttgart. Depuis que j’ai pu acquérir les symphonies 2, 3, 6, 7 (en attendant d’en trouver d’autres ?), je vais de bonne surprise en émerveillement. Lire la suite : Beethoven 250 : Karl Münchinger, la grandeur classique.

12 décembre

Ne pas désespérer malgré tout…Cette célèbre chanson de LeoncavalloMattinata – écrite en 1904 pour la Gramophone Company, ancêtre d’EMI, dédiée à Caruso, qui en fait le premier enregistrement avec le compositeur au piano, fait partie d’un disque du ténor Franco Bonisolli (1938-2003) dont les frasques firent autant que sa voir d’or pour sa réputation. Un disque réédité dans un coffret Orfeo intitulé : Legendary Voices (lire Légendaires)

13 décembre

La Sainte-Lucie (Sankta Lucia en suédois, Lucia en raccourci) est célébrée le 13 décembre en l’honneur de sainte Lucie de Syracuse. Elle marque, avec l’Avent, le début de la saison de Noël. Traditionnellement une fête importante dans toute la Chrétienté occidentale, elle est aujourd’hui célébrée en Scandinavie et en Europe méridionale, particulièrement en Suède, au Danemark, en Norvège, en Finlande, en Italie, en Islande et en Croatie.La fête correspond au premier jour à partir duquel le soleil se couche plus tard que la veille dans l’hémisphère nord. Le dicton « à la sainte-Luce, le jour avance du saut d’une puce » correspond à cette observation (la forme Luce est employée pour la rime).La fête de Sainte-Lucie est attendue par les petits et les grands au coeur de l’hiver scandinave (lire Etoiles du Nord )

Santa Lucia c’est aussi l’une des plus célèbres chansons napolitaines, écrite en 1849 par Teodoro Cottrau – elle évoque la vue sur le golfe de Naples du haut du Borgo Santa Lucia. Il est assez savoureux de l’entendre ici chantée en suédois !

14 décembre

Le jour où l’on devient grand-père pour la troisième fois et qu’on pense déjà à ce qu’on chantera doucement pour endormir la petite princesse née cet après-midi, on se remémore un disque précieux de sa discothèque et cette sublime Berceuse de Brahms chantée par Victoria de Los Angeles, accompagnée par Rafael Frühbeck de Burgos et le Sinfonia of London (EMI, 1964)

15 décembre

On célèbre en ce mois de décembre les 60 ans de l’Orchestre philharmonique royal de Liège. L’un de mes meilleurs souvenirs, et une fierté aussi, de mes années passées à la direction de l’orchestre, est incontestablement la discographie construite au fil des ans, comme par exemple cette intégrale de l’oeuvre concertante d’Edouard Lalo (ce compositeur que j’avais décrit jadis, dans une pochette de disque, comme L’éternel second).

De Lalo on ne connaît vraiment que sa populaire Symphonie espagnole ou son concerto pour violoncelle. Ce beau coffret est l’occasion de redécouvrir le charme de son Concerto russe, ici sous l’archet sensible d’Elina Buksha, tout juste 30 ans, passée par la Chapelle musicale Reine Elisabeth et la direction idiomatique de Jean-Jacques Kantorow.

La musique pour rire (V) : Happy Birthday

C’est sans doute la mélodie, la chanson, la plus célèbre au monde.

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Elle vient de Good Morning to All, une chanson enfantine écrite et composée en 1893 par deux sœurs américaines, Patty et Mildred Hill, à l’époque institutrices dans une école de Louisville (Kentucky). La première attestation écrite de l’association entre la mélodie et les paroles de Happy birthday to you date de 1912, mais ne crédite pas les auteures. Une division de Warner/Chappell Music Inc. dépose une demande de protection juridique de la chanson en 1935 au nom de Preston Were Orem et Ron Forman, histoire de générer de fructueux droits d’auteur (jusqu’à atteindre 2 millions de dollars par an !). Jusqu’à ce qu’un juge fédéral (dans l’affaire Rupa Marya/Warner Chappell Music), le 22 septembre 2015, décide que la chanson faisait partie du domaine public… depuis 1921 !

Ce qui n’a pas empêché maints arrangements (et maints arrangeurs !), le plus célèbre étant celui de Stevie Wonder en 1981.

Ci-dessous quelques exemples, réussis, de variations sur le célébrissime thème.

J’ignore à quelle occasion Rostropovitch dirigea cet « arrangement » dû à John Williams, mais à voir Seiji Ozawa assis sur le tabouret du violoncelliste, on peut supposer que ce fut en 1995, à Tanglewood (l’académie d’été du Boston Symphony), pour célébrer les anniversaires de Seiji Ozawa (1935) , Itzhak Perlman (1950), Leon Fleisher et Yo Yo Ma, tous des habitués du lieu et du festival !

L’arrangement du chef russe Misha Rachlevsky est tout aussi surprenant.

J’ai trouvé quelques sympathiques manifestations de « joyeux anniversaire », les plus émouvantes étant celles qui nous permettent de retrouver le très regretté Mariss Jansons

On admire le travail de l’arrangeur de ce Happy Birthday qui surprend Roger Norrington au moment où celui qui en fut le directeur musical de 1998 à 2011 commence à répéter l’Héroique de Beethoven avec l’orchestre du Südwestrundfunk de Stuttgart

Ici David Robertson surpris par les musiciens du New York Philharmonic (avec la complicité du violoniste Gil Shaham)

Lorsque Simon Rattle fête ses 50 ans (en 2005), il ne peut s’empêcher d’aller tâter de la grosse caisse à la fin du concert estival de la Waldbühnelorsque l’orchestre philharmonique de Berlin entame le bis que les milliers de spectateurs berlinois attendent : Berliner Luft du compositeur Paul Lincke

Lorsque Gustavo Dudamel commence à répéter la Cinquième symphonie de Mahler, c’est l’orchestre qui fait une ovation à son cor solo

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On admirera autant la prestation, la virtuosité que la tenue du pianiste français Cyprien Katsaris qui nous régale d’extraordinaires variations sur « Happy Birthday » à l’intention de Yehudi Menuhin (pour ses 80 ans ?)

On ne sera pas surpris de retrouver Victor Borge (lire La musique pour rire : Victor Borgedans une improvisation assez délirante

La pianiste américaine Nicole Pesce ne manque pas non plus d’imagination…

Enfin Happy birthday to… Stevie Wonder (70 ans le 13 mai prochain !)

Et puis comment oublier la torride apparition de Marilyn Monroe au gala d’anniversaire du président Kennedy le 19 mai 1962 ?

Mimi è morta

On apprenait ce soir le décès de Mirella Freni à 85 ans dans sa ville natale de Modène. Douze ans après son frère de lait, Luciano Pavarotti. 

Je n’ai eu qu’une seule fois la chance de voir Mirella Freni sur scène, c’était à l’Opéra Bastille en 1994 – elle avait presque 60 ans ! – dans Adrienne Lecouvreur, l’opéra de Cilea

Elle paraissait, elle qu’on ne connaissait que par le disque – et quels disques ! – ou quelques DVD – et on n’avait soudain plus d’yeux et d’oreilles que pour elle. Sans qu’il y eût dans son apprêt et son allure la moindre arrogance, la moindre démonstration d’un statut de diva qu’elle ne revendiqua jamais. On l’applaudit à tout rompre, comme pour la remercier d’avoir été ce soir-là sur la scène de Bastille plus belle, plus grande, plus exceptionnelle que dans tous ses disques qu’on connaissait par coeur.

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Mirella Freni – ce n’est pas très original ! – c’est pour toujours la voix, l’incarnation du personnage de Mimi de La Bohème dans les deux versions qu’elle a enregistrées et que j’ai découvertes presque au même moment.

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Captée en 1964 à Rome, sous la baguette si tendre du trop tôt disparu Thomas Schippers, la première Mimi de Freni est si juste, si vraie, plus authentique peut-être que la version grand luxe – qu’on adore ! – réalisée huit ans plus tard avec l’ami d’enfance et le grand Karajan

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Entre Karajan et Freni, la relation artistique sera féconde et sans faux pas.

Autre rôle que Mirella Freni continuera d’incarner longtemps à mes oreilles, la Micaela de Carmen de Bizet. Pas moins de trois enregistrements officiels, dont l’un me semble idiomatique – chef et rôle-titre idéaux (Grace Bumbry et Rafael Frühbeck de Burgos)

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On peut éviter les deux autres versions.

On retrouve Freni en même compagnie que dans le disque Frühbeck, mais à nouveau avec Karajan qui abuse un peu trop des effluves capiteux des Wiener Philharmoniker

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Avec Karajan toujours, mais jamais sur scène à ma connaissance, pour le disque et la caméra de Jean-Pierre Ponnelle, elle est Madame Butterfly

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Dans la discographie de la chanteuse, on trouvera encore bien des réussites.

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Merci à Orfeo qui donne à entendre Mirella Freni à son meilleur dans les rôles de sa vie.

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71nXMy6DIIL._SL1200_Et plus encore à Warner qui, en 4 généreux CD, retrace le parcours d’une musicienne tout entière vouée au meilleur de son art.

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Jessye Norman : Les chemins de l’amour

J’ai grandi musicalement avec Jessye Norman, disparue hier à quelques jours de son 74ème anniversaire.

Mes souvenirs s’emmêlent mais c’est d’elle que j’ai appris d’abord par le disque et la télévision des pans entiers de répertoire, français notamment.

Premier disque de mélodies françaises avec ces « Chemins de l’amour » hyper sophistiqués entendus dans un Grand Échiquier, qui se sont à jamais gravés dans ma mémoire, malgré Yvonne Printemps, Felicity Lott et autres voix plus « légères »

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Et à peu près en même temps – une Tribune de France Musique peut-être ? – quelques années avant que j’aie la chance de travailler avec lui, la première des trois versions du Poème de l’amour et de la mer de Chausson qu’a enregistrées Armin Jordan. À nouveau un choc puissant, que ne supplanteront pas Irma Kolassi ou Felicity Lott et Françoise Pollet (les deux autres solistes d’Armin Jordan dans ce Poème)

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Et puis les incursions de la chanteuse originaire de Géorgie dans son répertoire natif de songs, dans la comédie musicale.

Le marketing déjà…mais à bon escient !

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Ne viendront que plus tard ses incarnations lyriques, toujours au disque, jamais sur scène.

Des Mozart, Strauss, Wagner, Verdi, Offenbach même, mais toujours ce sentiment que la voix d’or en fusion, le timbre unique de Jessye Norman se fondaient difficilement dans des ensembles, ne s’entendaient, ne s’écoutaient qu’en seule majesté. Quelques ratages, mais si peu (impossible Carmen avec Seiji Ozawa).

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Et un jour je crois bien que c’était au Théâtre des Champs-Elysées (?) un unique récital. La diva dans toute sa splendeur, tout ce qu’on a déjà dit d’elle, le port altier d’une souveraine de l’Antiquité, la voix longue et charnelle, l’attention presque maniaque au texte, à la diction au risque du maniérisme. Inatteignable diva !

Le piano américain

Ils ne sont pas nombreux, les pianistes nés aux Etats-Unis, à avoir acquis célébrité et notoriété de ce côté-ci de l’Atlantique. Si on interrogeait à brûle-pourpoint le mélomane français, il serait bien en peine de citer plus de cinq noms, et encore…

Van Cliburn est le nom qui est resté dans la mémoire collective, plus sans doute en raison de sa victoire inattendue au Concours Tchaïkovski de Moscou, en pleine guerre froide, que pour la carrière finalement très modeste qu’il a faite en Europe.

C’est l’un de ses contemporains, Leonard Pennario, qui bénéficie aujourd’hui d’une belle réédition de ses enregistrements pour RCA.

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Qui est ce pianiste ? Je crois que le premier disque que j’ai eu de lui me le montrait sous un jour très hollywoodien, et pour cause : Concerto under the stars, avec le Hollywood Bowl Orchestra (l’appellation estivale du Los Angeles Philharmonic)

Erreur d’optique, ou plutôt vision très réductrice d’un talent remarquable.

Leonard Pennario (1924-2008) c’est presque l’archétype du pianiste américain, techniquement très sûr, d’une virtuosité qui ne vise jamais l’épate, une élégance, une classe, qu’un esprit européen pourrait parfois trouver trop neutres.`

Mais quel chic, quelle allure dans ces « encores » …

Le coffret RCA nous restitue l’art de ce pianiste, que la maladie de Parkinson a éloigné de la scène dès les années 80. Interprète d’élection de Rachmaninov, c’est le premier à graver l’intégrale de ses concertos après la mort de ce dernier.

 

Pennario crée le concerto de Miklos Rozsa en 1967.

Et puis, last but non least, quelques sommets de la musique de chambre avec pour comparses rien moins que Jascha Heifetz et Gregor Piatigorsky

On réécoutera avec profit la série que France Musique a consacrée en février dernier au pianiste américain : Leonard Pennario, pianiste

Le scandale du Boléro

Dans l’histoire des Ballets russesaucun scandale à noter lors de la création, il y a quatre-vingt-dix ans, le 22 novembre 1928, du Boléro de Ravel. Rien de comparable avec  la première du Sacre du printemps de Stravinsky au Théâtre des Champs-Elysées le 29 mai 1913.

Et pourtant, il y a un scandale Boléro, qui revient sous les feux de l’actualité : les droits d’auteur faramineux que l’oeuvre a générés au profit de prédateurs issus de « l’entourage » du compositeur, décédé en 1937 sans héritier ni légataire. Le Boléro rapporterait chaque année environ 1,5 million d’euros de droits (46 millions d’euros entre 1970 et 2006 )

Au Canada, au Japon et dans les pays observant un délai de 50 ans post mortem, le Boléro, comme toutes les œuvres de Ravel, est entré dans le domaine public le 1er janvier 1988. Aux États-Unis, le Boléro de Ravel est protégé jusqu’en 2024. Dans les pays de l’Union européenne observant un délai de 70 ans post mortem, le Boléro, comme toutes les œuvres de Ravel, est entré dans le domaine public le 1er janvier 2008.

En France, jusqu’en 1993, le Boléro est resté à la première place du classement mondial des droits à la SACEM. En 2005, c’était encore la cinquième œuvre musicale française la plus exportée bien que n’étant pas à cette date dans le domaine public. Ravel étant mort sans enfants, la lignée d’héritage des ayants droit est extrêmement complexe. Depuis au moins 1970, les droits sont perçus au travers de sociétés légalement enregistrées à l’étranger (Monaco, Gibraltar, Amsterdam, Antilles néerlandaises, îles Vierges britanniques) : un consortium conçu et dirigé par Jean-Jacques Lemoine, aujourd’hui décédé, qui avait auparavant occupé les fonctions de directeur-adjoint des affaires juridiques de la SACEM. Sur ses conseils, en France, la SACEM a continué à percevoir des droits jusqu’au 1er mai 2016, invoquant les prorogations de guerre dues à la Seconde Guerre mondiale, qui auraient allongé la durée des droits d’auteur de 8 ans et 120 jours (soit 3042 jours écoulés entre le 03/09/1939 au 01/01/1948), la faisant passer du 01/01/2008 au 01/05/2016.

En 2016, les héritiers contestent à nouveau l’entrée du Boléro dans le domaine public en France, arguant de ce que le Boléro ayant initialement été créé comme un ballet, il s’agit d’une œuvre collaborative, dont la protection s’étend jusqu’à la fin des droits de tous ses co-auteurs, donc en y incluant la chorégraphe Bronislava Nijinska et le décorateur Alexandre Nikolaïevitch Benois décédé en 1960. L’échéance du domaine public serait alors repoussée de vingt nouvelles années. La SACEM avait cependant rejeté ces nouvelles prétentions, rendant publique l’œuvre le 2 mai 2016.

Mais voici que Le Figaro du 20 novembre révélait que la SACEM avait été assignée en juin 2018 devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Les actuels ayants droit de Ravel et les héritiers d’Alexandre Benois, décorateur du ballet Boléro commandé à Ravel par Ida Rubinstein, reviennent à la charge pour qu’Alexandre Benois soit déclaré coauteur du Boléro. puisque la prise en compte de la date du décès de Benois permettrait à l’œuvre de revenir et rester dans le domaine privé jusqu’en 2039. « Un bonus de 20 millions d’euros à se partager selon nos informations », selon Thierry Hillériteau et Léna Lutaud, les auteurs de l’article du Figaro

D’un côté, il y a donc les actuels ayants droit de Ravel, Evelyn Pen de Castel et Jean-Manuel de Scarano, qui n’ont pas de liens familiaux avec le compositeur et sont installés en Suisse. De l’autre, le journal fait mention de cinq héritiers Benois : Dimitri Vicheney, Alberto Romano Benois, François Tcherkessoff, Françoise Braslavsky et Maxime Braslavsky. Tous se seraient ainsi rapprochés.

Juste avant l’entrée du Boléro dans le domaine public, en mai 2016, la SACEM avait déjà rejeté une demande similaire de la part des héritiers Benois. Une première audience est attendue en 2019. Selon les informations des journalistes, les héritiers Benois réclament 250 000 euros à la SACEM au titre de préjudice économique, 10 000 pour préjudice moral et la nomination d’un expert (Source France Musique).

Sans doute la plus célèbre version dansée du Boléro, celle de Maurice Béjart avec son danseur fétiche Jorge Donn.

A propos de Jorge Donn, ce souvenir personnel : voyageant à la fin des années 80 à bord d’un TGV Paris-Genève, le hasard du placement m’avait installé en face du danseur. Comme souvent lorsqu’on voit quelqu’un sur scène, je l’imaginais grand, et j’avais devant moi un homme plutôt petit, recroquevillé sur son siège. Je n’ai pas osé lui dire mon admiration…

Quant aux innombrables versions discographiques de ce tube, on a l’embarras du choix, même si peu de chefs ont réussi ce savant et délicat mélange entre rigueur rythmique et sensualité. J’ai beaucoup de tendresse pour cette ultime concert de Nouvel an de Karajan en 1985, le Boléro lui allait bien.

Les versions Ozawa et Abbado me semblent l’une et l’autre lumineuses, et magnifiquement captées.

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La pire est celle de Maazel avec les Viennois, un ritardando final complètement hors de propos et un sommet de vulgarité.

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