J’avais déjà dit (lire Le choix du chef) combien la nomination de Lionel Bringuier à la direction musicale de l’Orchestre philharmonique royal de Liège me réjouissait et constituait pour une formation que j’ai eu l’honneur et le bonheur de diriger de 1999 à 2014, une formidable opportunité de retrouver une trajectoire de succès dans ses répertoires de prédilection.
Je viens de découvrir la présentation de la saison 2025/2026 de l’OPRL, et j’ai déjà envie d’inscrire toutes les dates à mon agenda.
Je veux d’abord saluer une équipe qui a travaillé avec Lionel Bringuier à ce spectaculaire renouvellement de la « fabrication » d’une saison, de sa communication, de ses répertoires. Une équipe bien menée par Aline Sam-Giao, qui est restée très largement fondée sur celles et ceux que j’ai pu recruter, avec qui j’ai aimé travailler et innover et qui sont toujours là, fidèles et ardents (Sabine, Sophie, Silvia, Séverine, Elise, Valérie, Robert, Laurent, Erwan, Pierre, Christophe, Eric), une équipe qui comme les musiciens a aussi beaucoup changé au fil des départs à la retraite et des recrutements et à laquelle je souhaite bonne chance !
Un orchestre c’est surtout et d’abord une affaire d’identité dans un paysage musical mouvant, ce sont aussi des affinités électives entre des chefs, des répertoires, et des publics. Ce fut, quinze ans durant, mon ambition et mon obsession. Je suis vraiment très heureux de voir combien Lionel veut incarner – et incarne déjà – cette identité forte, avec ces nouvelles séries, ces nouveaux formats, qui prolongent, amplifient tout ce que nous avions déjà lancé, créé, au fil des saisons. Quand je vois par exemple le succès des Music Factory que j’avais naguère confiées à Fayçal Karoui, reprises aujourd’hui avec un talent incomparable par Pierre Solot, mon bonheur est complet.
J’ajoute combien il est important, pour les musiciens, pour le public, que l’orchestre ait à sa tête musicale un chef francophone et particulièrement à Liège où le français est la langue pratiquée, aimée, désirée. Tout le monde se rappelle les présentations de Louis Langrée, les Dessous des quartes qu’il animait, tout le monde aimera entendre Lionel Bringuier partager ses envies de musique, comme il l’a fait dans sa présentation de « sa » première saison liégeoise.
La mort d’un ami
Au moment de boucler cet article, j’apprends la disparition de Jean-Paul Montanari, l’infatigable fondateur et animateur du festival Montpellier Danse (lire le bel article que lui consacre Le Midi Libre)

Jean-Paul avait largement dépassé l’âge de la retraite, mais à chaque fois que lui, ou d’autres, évoquaient l’idée d’arrêter ce qui fut l’oeuvre de sa vie, ce festival incomparable, je l’interrogeais mi-sérieux mi-goguenard (« vraie ou fausse sortie » ?), et lorsque je lui annonçai mon départ de la direction du festival Radio France en 2022, il me confia qu’en réalité il devrait lui aussi se résoudre à passer la main, mais nous savions tous qu’il ne pouvait l’imaginer. Je ne peux m’empêcher de penser que la maladie qui l’a emporté n’est pas sans lien avec la fin de cette, de son aventure. Hommage !
Je relis cet article (Une certaine modernité) où je relatais un souvenir personnel partagé avec Jean-Paul Montanari :
« Je racontais à Jean-Paul Montanari, l’infatigable animateur de ce rendez-vous estival, un souvenir personnel de Dominique Bagouet, l’inoubliable chorégraphe, le lumineux fondateur de Montpellier Danse en 1981. C’était en 1977 ou 1978, j’habitais alors un tout petit atelier d’artiste sous les toits dans le 3ème arrondissement de Paris à quelques mètres du Centre Pompidou qui venait d’être inauguré, j’avais invité quelques amis pour un verre, l’un d’eux arriva accompagné d’un tout jeune homme, timide, fluet, un doux sourire aux lèvres. C’était Dominique Bagouet, dont le nom m’était inconnu. Je n’ai plus jamais revu personnellement le jeune chorégraphe, mais le souvenir de cette brève rencontre ne m’a jamais quitté »

(Une certaine modernité, 9 juillet 2017)
































(Rançon du succès, le bouquin est sorti en collection de poche !)




(Martin Grubinger, père et fils)







(Le Choeur de Radio France dirigé par Sofi Jeannin / Photo Marc Ginot)
(Sonya Yoncheva et Domingo Hindoyan qui font la clôture du Festival demain soir avec l’étonnant opéra 

(de gauche à droite, Douglas Boyd, Philippe Cassard, Natalie Dessay, Jean Pierre Rousseau)


L’actualité nous rattrapait aussi au dîner qui suivit le concert. Tandis que les trois percussionnistes rempaquetaient tout le matériel, les deux soeurs pianistes profitèrent de la douceur de la nuit montpelliéraine pour reprendre des forces. Ferzan me racontait qu’elle et son mari (Martin Grubinger) hébergeaient depuis plusieurs mois dans leur maison des environs de Vienne, un réfugié syrien, qui s’était parfaitement intégré, était devenu en peu de temps un fameux cuisinier, mais demeurait séparé de sa femme et de ses enfants qui étaient toujours bloqués en Turquie. Cet homme charmant, devenu un ami du couple, ne convenant pas à la femme de ménage (autrichienne) de Ferzan, celle-ci refuse de le voir, de nettoyer sa chambre et ses affaires, parce que « vous comprenez Madame, mon mari est au chômage et je ne vois pas pourquoi on accueille des étrangers qui nous coûtent cher »…. C’est bien l’Autriche en effet qui a failli élire un président de la République d’extrême droite il y a quelques semaines…

