Vents d’Est

J’étais de nouveau à Colmar ce week-end pour l’ouverture du Festival International de Colmar et de sa deuxième édition placée sous la direction artistique d’Alain Altinoglu (lire Retour à Colmar). Ce que j’ai pensé des trois concerts auxquels j’ai assisté sera à lire très bientôt sur Bachtrack.

Le petit extrait du bis donné hier soir dit assez l’ambiance festive qui régnait sous la vaste nef de l’église Saint-Mathieu.

Extrait de la 1e marche de Pomp and Circumstance d’Elgar / Orchestre symphonique de la Monnaie / Dir. Alain Altinoglu (6/07/2024)

Mais ces voyages en Alsace sont aussi pour moi l’occasion de m’arrêter en chemin dans des villes, dans les lieux, devant lesquels j’étais souvent passé trop vite.

Bar-le-Duc

Le chef-lieu du département de la Meuse n’évoquait vraiment rien de particulier pour moi, et c’est précisément cet inconnu qui m’a attiré pour une brève étape sur le trajet vers Colmar. La ville haute abrite tout un quartier Renaissance remarquablement préservé, où manque simplement, un vendredi matin, un peu de vie. Quasiment aucun commerce, aucun café…

La cathédrale Saint-Pierre

Le Palais de Justice

Hohlandsbourg

Quelques kilomètres avant d’arriver à Colmar, en passant par le col de la Schlucht, on se hisse sur les hauteurs de Hohlandsbourg, l’une de ces nombreuses forteresses qui dominent la plaine d’Alsace.

La vue sur Colmar est admirable.

Au bord du Rhin

Le samedi matin, entre deux averses orageuses, on pousse jusqu’aux deux communes jumelles de Neuf-Brisach (en France), et Vieux-Brisach ou Breisach-am-Rhein (en Allemagne). Neuf-Brisach est célèbre pour sa citadelle édifiée par Vauban, aujourd’hui classée au patrimoine mondial de l’Unesco.

On pourrait penser que la flamme olympique est passée par ici. En fait, sans doute dépitée de ne pas avoir été sélectionnée, la commune a fait édifier sa propre flamme, comme le relate L’Alsace.

L’hôtel de ville de Neuf Brisach et la statue d’hommage à Vauban

Les bateaux de croisière sur le Rhin accostent à Breisach-am-Rhein

La ville haute de Vieux-Brisach / Breisach am Rhein.

Le lion de Belfort

Sur la route du retour ce matin, une halte s’imposait: Belfort et sa belle cité enserrée au milieu d’une imposante citadelle, dominée par la fabuleuse sculpture de Bartholdi, le fameux Lion.

Le Corbusier à Ronchamp

Je ne connaissais La Chapelle Notre Dame du Haut de Ronchamp – comme elle s’appelle complètement – que par mes lectures… et les timbres que je collectionnais enfant.

J’avoue que la petite heure que j’ai passée sur les hauteurs de Ronchamp à voir enfin de près l’oeuvre du Corbusier m’a profondément ému. Arrêt sur images…

La sagesse de Diderot

Une brève halte à Langres – trop brève pour visiter cette superbe cité – m’a rappelé que c’est la ville natale de Diderot, et je voulais m’imaginer que la sagesse de l’encyclopédiste inspirerait les électeurs.

la sompteuse cathédrale Saint-Mammès de Langres

Un dimanche extraordinaire

Bien entendu, je suis revenu à temps pour voter au 2e tour de ces élections législatives sans précédent.

La soirée électorale qui se déroule au moment où je conclus ce billet me réjouit à un point que je ne pouvais imaginer dimanche dernier. J’ai envie d’imaginer des lendemains qui chantent…On en reparlera très vite !

Que la fête commence !

Avant d’évoquer les premiers jours de fête du #FestivalRF21, une pensée amicale et solidaire pour tous mes amis de Liège et de Belgique, pour toutes les victimes des terribles inondations qui ont frappé l’est de la Belgique et la région de Cologne que je connais bien.

(La Meuse au centre de Liège il y a 3 jours / Photo G. Gilson sur Facebook)

Je sais que ni le courage ni la solidarité ne manqueront à ceux qui doivent maintenant réparer, nettoyer, restaurer…

Chaque concert est une fête

Entre une proclamation, une promesse, et la réalité, il peut parfois y avoir un fossé. Le pari que nous avions fait en annonçant le 7 avril dernier une édition complète (155 concerts) du Festival Radio France Occitanie Montpellier est très largement relevé, comme en témoignent les premiers jours du Festival.

Avant-hier matin, au micro de Clément Rochefort sur France Musique, c’est ce que j’affirmais : Chaque concert est une fête, la musique est une fête !.

Dimanche soir à Saussan, le quatuor Alborea enchantait la petite église du village pleine comme un oeuf.

Mardi matin, j’étais heureux de retrouver « en vrai » les musiciens de l’Orchestre national de Montpellier et leur chef Michael Schonwandt pour la première répétition de leur concert de ce soir

Mercredi jour de fête nationale, on y était enfin, sur la place de l’Hôtel de Ville de Montpellier, après un montage compliqué.

(Le maire de Montpellier, Michael Delafosse, ouvre le concert du 14 juillet sur le parvis de l’Hôtel de Ville)

(de gauche à droite les artistes du 14 juillet : Isabelle Georges, Roland Romanelli, Claude Salmieri, Benoît Dunoyer de Segonzac, Frederik Steenbrink)

Après le feu d’artifice républicain du 14 juillet, les Feux d’artifice royaux de Haendel tirés par un Hervé Niquet en pleine forme à la tête des choeurs et de l’orchestre du Concert spirituel.

Mais avant le concert du soir, le festival offrait, comme chaque année, deux concerts, les « Découvertes » à 12h30, « Musique ensemble » à 18 h. Honneur d’abord au Quatuor Hanson qui ouvrait le feu salle Pasteur…

et à 18h ma très chère Sophie Karthäuser, et un autre ami cher, Cédric Tiberghien, que je n’avais plus revus, l’une et l’autre, depuis quelques années déjà.

Hier soir, très attendus par le millier de spectateurs réunis à l’opéra Berlioz (la jauge maximale que nous avions retenue pour éviter le recours au pass sanitaire), Renaud Capuçon et Michel Dalberto ont donné un programme plus que rare, devant une salle impressionnante de silence et de concentration. Un concert à réécouter sur francemusique.fr

Un copieux programme attend les festivaliers ce week-end, à découvrir ici.

Picasso et Ravel

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L’automne à Liège, ce sont ces grands ciels clairs et l’air vif qui pique sur la Meuse. J’ai emprunté ce mercredi matin la nouvelle passerelle qui conduit du quai de Rome au parc de la Boverie (lire Nostalgie).

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J’avais déjà visité le nouvel ensemble muséal de Liège, inauguré en mai dernier, La Boverieinstallé dans un pavillon construit en 1905 pour l’Exposition universelle.

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La venue d’Anne Sinclair à Liège, il y a un mois, avait fait l’événement de cette rentrée. Elle était venue inaugurer l’exposition 21 rue La Boétie (vidéo), qui relate les aventures peu ordinaires de son grand-père, Paul Rosenbergcollectionneur, galeriste, ami de Picasso, Matisse, Chagall, Marie Laurencin et quelques autres du même acabit ! Aventures que la star des médias avait contées dans un émouvant livre de souvenirs :

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Disons-le sans réserves : on ne regrette pas un droit d’entrée assez élevé (17 €). La réalisation touche à la perfection, les oeuvres présentées sont de premier rayon, le parcours pédagogique est exceptionnellement documenté, les explications concises… et compréhensibles par tous (on échappe, pour une fois, à ce jargon abscons qui fleurit sur les cimaises de nos grands musées). Une exposition à voir absolument, à Liège puis dans quelques mois à Paris.

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Parmi les pièces exposées, une série qui ne pouvait manquer de me toucher : les esquisses du décor que Picasso avait conçu pour Le Tricorne de Manuel de Falla, créé à Londres par Ansermet en 1919 dans le cadre des Ballets russes.

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img_6002img_6003img_6004Symbole d’une cité qui a entamé une mue profonde depuis une vingtaine d’années, cette « Tour des Finances » qui a autant d’admirateurs que de détracteurs, selon la bonne tradition liégeoise (française ?)…img_6005

Il y avait une logique certaine dans le choix de ma soirée de mercredi. D’abord le compositeur que j’allais écouter avait justement visité Liège à l’occasion de l’Exposition de 1905, et toute son oeuvre était contemporaine des artistes vus à La Boverie : RavelL’opéra de Cologne propose en ce moment, dans ses locaux provisoires en bord de Rhin, le diptyque lyrique de Ravel, L’Heure espagnole et L’Enfant et les sortilèges.

Là encore une réussite complète. Le nouveau Generalmusikdirektor de la cité rhénane, François-Xavier Roth en est le premier artisan, toutes les couleurs, les subtilités, la sensualité, si françaises, de l’orchestre ravélien semblent ne plus avoir de secret pour sa phalange germanique. Les chanteurs sont tous à l’unisson, même si tous ne sont pas francophones – mais les petits défauts sont à peine perceptibles – la mise en scène est un régal. Seul bémol, le texte, l’histoire même de l’Heure espagnole a moins bien vieilli que la poésie facétieuse de l’Enfant et les sortilèges. Mais Franc-Nohain n’est pas Colette !

No-stalgie

Je n’ai pas d’inclination pour la nostalgie, le regret du temps passé. Pourtant tout ce week-end m’y poussait.

Vendredi, une promesse faite depuis longtemps au talentueux Camille de Rijck de participer à une Table d’écoute, l’émission de critique de disques de Musiq3. La chaleur (!!) de l’accueil à l’entrée de la RTBF, l’odeur des couloirs si caractéristique de toutes les radios du monde, un bref passage par la cantine où l’on aperçoit quelques figures connues, puis deux heures de très bonne humeur partagées avec le piquant animateur et ses habituels comparses Martine Dumont Mergeay et Yoann Tardivel.

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Le tout à écouter sur Musiq3 (ou à podcaster) le 27 décembre. Le sujet ? trois valses de Johann et Josef Strauss, et Die Libelle de Josef Strauss. Ringarde la famille Strauss ? Il se pourrait bien que, loin des clichés du concert viennois de Nouvel An, les auditeurs de cette Table d’écoute changent d’avis…

Le même soir, on ralliait Liège pour retrouver beaucoup d’amis. Une soirée klezmer à la Salle Philharmonique, en terrain de connaissance(s). Ma chère Isabelle Georges, le généreux Sirba Octet, des musiciens et un chef en symbiose. Les grandes soirées d’avant Noël comme il y en eut tant à Liège. Et l’incontournable Sotto piano où l’on se retrouve accueilli comme si c’était hier.

Erreur
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Samedi c’était circuit habituel, Maastricht – la période des soldes commence toujours avant Noël aux Pays Bas ! -, la petite boutique des excellents chocolats Galler, les rues du centre de Liège sous bonne garde, des militaires et des policiers armés partout ! Et le soir un dîner surprise avec les amis de toujours, le plaisir de retrouver Les Folies gourmandes, l’une des tables les plus chaleureuses de la Cité ardente.

Ce dimanche, il ne fallait pas traîner pour être à l’heure à la « matinée » de l’orchestre du Gürzenich, à la Philharmonie de Cologne, dirigé par Louis Langrée. Et partager avec des « fans » liégeois un programme typiquement français (Ravel Ma mère l’oye, concerto en sol et la Symphonie Fantastique de Berlioz). Un répertoire peu familier pour l’orchestre, qui reste corseté tout au long du concert, un pianiste oubliable, mais on n’est pas objectif s’agissant de l’ancien directeur musical de Liège et du Music director du Cincinnati Symphony !934081_614968305301991_2951005884953696317_n

On ne peut pas refermer ce week-end en omettant les deux disparitions survenues dans le monde musical. L’une est passée inaperçue, pourtant le timbre et la beauté de la voix de contralto d’Aafje Heynis (1923-2015) n’ont pas fini de nous émouvoir, l’autre a été saluée comme toujours avec force adjectifs hyperboliques – c’est une manie dans les médias, quelqu’un de connu disparaît, surtout âgé, et c’est automatiquement « l’un des plus grands » ! – la mort du chef d’orchestre Kurt Masur (1927-2015). J’y reviendrai bien sûr, mais sans verser dans l’excès ni de critiques ni de louanges. France Musique lui consacre son lundi, l’occasion peut-être de réévaluer la carrière du vieux chef.

 

Il venait d’avoir 18 ans

On a appris hier la mort d’une grande voix : http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2014/08/02/mort-de-jacques-merlet-producteur-a-france-musique_4466188_3382.html

J’ai dit sur Facebook l’admiration que j’avais pour Jacques Merlet et quelques souvenirs qui me lient à lui pour toujours…

À la veille des cérémonies de commémoration des premiers combats – à Liège – de la Grande Guerre, en présence de 17 chefs d’Etat à l’invitation du Roi Philippe, je poursuis ma lecture des Mémoires (intitulés, mais jamais publiés, Un tour du monde en 80 ans) de Robert Soëtens (lire : https://jeanpierrerousseaublog.com/2014/08/02/une-lettre/ ) et je trouve ce récit complètement d’actualité :

« -Vous quittez le Conservatoire National Supérieur rue de Madrid le 1er juillet 1915, avec un Premier prix de Violon, couvert de gloire, et le lendemain matin vous entrez au donjon de Vincennes, engagé volontaire, dans l’anonymat militaire. Vous aviez 18 ans…

Robert Soëtens : moins 19 jours ! Le lendemain de ce concours, le 2 juillet, je suis entré au Fort de Vincennes, dépendance du Château. J’avais en effet contracté un engagement volontaire pour la durée de la guerre, trois années qui me propulsèrent totalement hors de la sphère Musique où toute mon enfance et mon adolescence s’étaient accomplies, et me contraignirent à abandonner violon et archet pour l’inconnu, sinon pour l’idée qui courait dans l’esprit de la jeunesse à cette époque, de reconquérir l’Alsace et la Lorraine.

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À ce tournant, j’évoquerai la haute qualité de l’enseignement que j’avais eu le privilège de recevoir, sous la direction de Gabriel Fauré, au Conservatoire avec des maîtres tels que Vincent d’Indy, professeur et directeur de l’orchestre des élèves, dont il m’avait nommé le 1er violon solo, Camille Chevillard, professeur de ma classe de musique de chambre (et chef des Concerts  Lamoureux) et pour le violon, Berthelier, disciple du grand Massart. En janvier 1915, à la réouverture du Conservatoire – alors que l’on s’installait dans la guerre – Berthelier avait pris sa retraite; on demanda à Lucien Capet, déjà professeur de musique de chambre et célèbre quartettiste, d’assurer l’intérim de ma classe de violon, et c’est ainsi que je devins le disciple de cet illustre pédagogue et technicien de l’archet, tout en restant fondamentalement attaché à Ysaye, dont l’image fabuleuse de violoniste et d’interprète m’imprégna en naissant, mon père ayant été l’un de ses premiers élèves dès sa nomination au Conservatoire de Bruxelles. Moi-même, je fus son élève, à l’âge de 11 ans, après lui avoir joué le concerto de Mendelssohn à Godinne-sur-Meuse, où Ysaye prenait ses vacances estivales dans la villa « La Chanterelle » située sur les bords de la Meuse; chaque maison du village recevait un violoniste en pension. Fenêtres ouvertes, tous les concertos du répertoire s’en échappaient en même temps à longueur de journée, comme des chants d’oiseaux multiples du même bosquet. Durant deux mois Godinne et ses 150 habitants devenait le centre mondial du violon, que visitaient aussi d’autres célébrités, voire des pianistes et des compositeurs. J’y fus le benjamin dans l’été 1908. Et imprégné par cette ambiance, j’étais entré au Conservatoire de Paris en octobre 1910, passant de l’élite où j’avais été admis au rang d’étudiant conformément aux conseils d’Ysaye lui-même qui avait félicité mon père en lui disant : « Cet enfant n’a pas un défaut; il est le reflet de  mon école, mais n’en faites pas un enfant prodige, qu’il suive son éducation progressivement et normalement ».

À suivre : les années d’avant guerre à Paris.