Le retour au concert

On ne pensait pas que le seul fait d’aller au concert constituerait un événement ! Et pourtant c’est ce que j’ai ressenti jeudi soir en revenant à la Maison de la Radio (et de la Musique!), huit mois après le concert inaugural (lire Inauguration) du chef roumain Cristian Măcelaru, le nouveau directeur musical de l’Orchestre National de France.

Peu de monde dans l’Auditorium de Radio France (jauge à 35 % oblige), un programme sortant vraiment des sentiers battus.

J’ai aimé retrouver cette très belle salle, dont j’ai eu naguère la charge de préparer l’inauguration – en novembre 2014 – .

Le concert – sans entracte – s’ouvrait par le Concerto pour piano et vents de Stravinsky (1924).
Bertrand Chamayou était le soliste – parfait – d’une oeuvre qui n’est jamais parvenue à me passionner, ni même à m’intéresser.
On parle de période « néo-classique » pour Stravinsky, comme une manière d’expliquer, d’excuser la baisse, voire l’absence d’inspiration pour l’auteur glorieux, dix ans plus tôt, d’une trilogie fondatrice de la musique du XXème siècle (L’Oiseau de feu, Petrouchka et, plus encore, le Sacre du Printemps). Pupitres de bois et cuivres resplendissants du National.

La deuxième oeuvre au programme est une rareté absolue, peut-être même une première française ? Les Trois pièces pour cordes sont l’oeuvre d’un très jeune homme : le chef d’orchestre roumain Constantin Silvestri (1913-1969) a 17 ans lorsqu’il compose cette partition, qui se situe dans l’orbite d’un Bartok ou d’un Kodaly, d’inspiration populaire, et qui agit en parfait révélateur de la cohésion d’un orchestre. Si Cristian Măcelaru voulait nous prouver que l’entente entre le National et lui est plus que cordiale, alors c’est réussi. Avec un atout-maître pour le chef roumain, la présence au pupitre de premier violon solo de sa compatriote Sarah Nemtanu)

En septembre 2020, pour son premier concert (Inauguration), Cristian Măcelaru avait déjà choisi une symphonie de Saint-Saëns. Jeudi c’était la toute première, oeuvre d’un adolescent, pleine de belles intentions, de mélodies et de rythmes entraînants, pleine aussi de maladresses et de lourdeurs.

À connaître bien sûr, même si le jeune Saint-Saëns en 1853 est loin d’un Georges Bizet qui écrit, lui, son unique Symphonie en do majeur, à 17 ans lui aussi en 1855. La promesse d’un côté, une juvénilité déjà accomplie de l’autre.

Un concert, celui de jeudi soir, à réécouter sur le site de France Musique : Concert en trois temps.

On peut aussi revoir avec plaisir la Symphonie n°2 donnée en septembre dernier :

L’Orchestre National, Bertrand Chamayou et Cristian Măcelaru seront à Montpellier, le 20 juillet prochain, dans le cadre du Festival Radio France Occitanie Montpellier. A découvrir absolument : lefestival.eu

Déconfinement

Lorsque j’ai fait cette annonce – c’était le 7 avril dernier ! – je me suis heurté à ceux, y compris dans mon entourage, qui me trouvaient, au choix, inconscient, imprudent, excessivement optimiste. Certains faisaient le rapprochement avec l’an dernier : le 2 avril j’avais annoncé l’édition 2020 du Festival Radio France, pour finalement devoir l’annuler le 24 avril (et pourtant nous avons fait un Festival malgré tout !)

La meilleure réponse nous a été apportée par le public qui, dès l’ouverture des réservations le 8 avril, s’est précipité sur la billetterie en ligne du Festival et a, ainsi, validé notre optimisme et surtout la programmation festive de cette édition 2021 (lefestival.eu)

Chaque concert est une fête

C’est plus que le slogan de ce prochain Festival, c’est une conviction, une promesse.

Des preuves ? Un premier florilège des oeuvres et des artistes programmés (il y a aura une suite !)

Le 14 juillet, l’Umlaut Big Band ouvre le Bal à Montpellier

Le lendemain du feu d’artifice de la Fête nationale, Hervé Niquet lance les Feux d’artifice royaux

Ce même 15 juillet, un duo de charme, Sophie Karthäuser et Cédric Tiberghien, ouvre la série Musique ensemble

Le lendemain, le très talentueux Dmitry Shishkin, 2ème prix du Concours Tchaikovski 2019*- l’un des 30 pianistes invités du Festival ! – figure parmi les Découvertes de cette édition 2021.

Le 16 juillet, dans la grande salle de l’Opéra Berlioz, une séance de sonates au sommet : Richard Strauss, Elgar, Fauré sous les doigts et l’archet de Michel Dalberto et Renaud Capuçon

Le 18 juillet, le Festival retrouve son chef porte-bonheur, Santtu-Matias Rouvali. Découvert, pour ma part, en 2014 lorsqu’il était venu diriger deux concerts, deux programmes, déjà à la tête de l’Orchestre philharmonique de Radio France

SMR était revenu avec les mêmes en 2018 pour un Sacre du printemps mémorable, et en 2019 pour deux concerts tout aussi exceptionnels avec l’orchestre philharmonique de Tampere (Finlande) dont il est le directeur musical depuis 2013

(de gauche à droite, Santtu-Matias Rouvali, JPR, Jean-Luc Votano qui venait de jouer l’extraordinaire concerto pour clarinette de Magnus Lindberg)

Thibaut Garcia est un autre invité de choix du #FestivalRF21. Il sera de la soirée du 18 juillet, et de plusieurs autres à Montpellier et dans la Région Occitanie.

Le 19 juillet, François-Xavier Roth, son orchestre « Les Siècles » et la violoncelliste argentine Sol Gabetta nous offrent un programme tout Saint-Saëns, dont le rare 2ème concerto pour violoncelle.

Je ne peux m’empêcher de redonner un coup de projecteur sur un projet discographique qui m’avait passionné : l’intégrale des oeuvres concertantes de Saint-Saëns pour violon et violoncelle.

Saint-Saëns est à l’honneur du concert de l’Orchestre National de France et de son chef Cristian Măcelaru, avec une vraie rareté, pour ma part, jamais entendue en concert, l’une des cinq symphonies du compositeur français, Urbs Roma. On se réjouit de l’appétit que manifeste le nouveau directeur musical de l’ONF pour le répertoire français, comme en témoigne cet enregistrement – sans public – réalisé durant le confinement.

On poursuivra bientôt ces invitations aux concerts de l’été.

Tout le programme est à retrouver et télécharger ici. Et les réservations sont plus que recommandées : https://lefestival.eu

*Le premier Prix du Concours Tchaikovski 2019 sera aussi présent au Festival le 24 juillet (Alexandre Kantorow)

Inauguration

Cristian Măcelaru inaugurait hier soir son mandat anticipé* de directeur musical de l’Orchestre National de France, avec un programme emblématique de ses ambitions de répertoire.

La musique française

J’ai eu le privilège de rencontrer longuement, en juillet dernier, le chef originaire de Timisoara, tout jeune quadragénaire, pour parler projets pour les prochaines éditions du Festival Radio France Occitanie Montpellier – puisque l’Orchestre National comme l’Orchestre Philharmonique de Radio France, le Choeur et la Maîtrise de Radio France sont des invités réguliers du festival !

Je dois confesser avoir rarement rencontré un chef aussi curieux de répertoires moins rebattus, qui ne réduit pas la musique française à Berlioz, Debussy et Ravel, et qui paraît bien décidé à entraîner ses musiciens et le public à des découvertes salutaires. Quand on pense que la dernière intégrale des symphonies de Saint-Saëns par un orchestre français remonte à quarante-cinq ans ! C’était Jean Martinon et le même orchestre alors appelé Orchestre national de l’ORTF.

Pour son programme inaugural, Cristian Măcelaru avait d’ailleurs choisi la symphonie op.55 de Saint-Saëns, présentée comme la n°2 alors que c’est la quatrième écrite, une symphonie brève (20 minutes) en quatre mouvements, dont un finale virtuose, créée à Leipzig le 20 février 1859.

Benjamin Grosvenor

L’autre bonne nouvelle de cette saison 20-21 de Radio France c’est la résidence du pianiste anglais Benjamin Grosvenor, 28 ans tout juste, que j’avais invité à Liège le 17 mai 2014 pour un récital magique, qui avait impressionné le public nombreux de la Salle philharmonique.

L’intelligence musicale, la technique superlative de ce jeune homme ne cessent de m’enchanter depuis ses débuts. Sa discographie en témoigne éloquemment. Je peux livrer un scoop à mes lecteurs : Benjamin Grosvenor sera de l’édition 2021 du Festival Radio France !

Hier soir il jouait le deuxième concerto de Rachmaninov. Placé au premier balcon, en surplomb du piano et du pianiste – ce qui m’arrive rarement dans une salle de concert – j’ai pu apprécier l’extraordinaire maîtrise de l’interprète sur son clavier. Et j’ai entendu ce « tube » comme j’aime l’entendre : poétique, d’une virtuosité qui ne passe jamais avant l’expression, le pianiste en osmose avec l’orchestre – sublime deuxième mouvement dans le dialogue avec les bois, en particulier la clarinette – bienvenue à Carlos Ferreira arrivé en juillet dernier à l’orchestre !

Le concert était diffusé en direct sur France Musique et Arte Concert et on peut évidemment le revoir et l’entendre ici :

* Le chef roumain ne devait entrer en fonction qu’en septembre 2021, la démission d’Emmanuel Krivine au printemps dernier l’a conduit à avancer d’un an sa prise de fonction.

Un festival « autrement »

Je relis ce que j’écrivais ici, le 15 avril : Lettre à mes amis et aux autresle 25 avril: Le coeur lourdle 22 mai: Le silence de la musique

Ce 17 juin, Diapason titre : Plan de relance : a-t-on oublié la culture ?.

Quelques festivals ont résisté à la déferlante d’annulations que les incertitudes sur l’épidémie de Covid-19 liées à l’ouverture généralisée du parapluie – le fameux « principe de précaution » – chez les élites qui nous gouvernent avaient provoquée, parce qu’ils ont pu attendre d’y voir plus clair (comme La Roque d’Anthéron, Salon).

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Pour ce qui est du Festival Radio France Occitanie Montpellier – 165 manifestations annulées – la potion est amère. Au moment où, selon les mots du président de la République dimanche soir, « la vie doit reprendre comme avant« , c’est pourtant à un été presque sans culture, sans théâtre, sans musique que se préparent touristes et vacanciers qui vont visiter notre beau pays de France.

Comme beaucoup d’autres, petits ou grands festivals, je ne me résigne pas à ce désert, à cette disette culturelle. Impensable, à la mi-juin, de tout recommencer. Mais au moins faire vivre « autrement » la musique et les musiciens, c’est ce que précise le communiqué publié hier soir (voir à la fin de ce papier).

Et renouer le lien entre artistes et public, une petite dizaine de concerts – bien peu par rapport à l’étiage habituel du festival – mais dix concerts emblématiques, des artistes magnifiques, classiques, jazz, électro, le week-end des 18 et 19 juillet à Montpellier. 

 

Le communiqué du Festival :

Lorsque la décision a été prise, lors de la réunion du Conseil d’administration du 24 avril dernier, d’annuler l’édition 2020 du Festival, nous avions annoncé notre intention d’envisager un « Festival autrement ».

Ce « Festival autrement » repose sur  trois projets qui constitueront une offre riche et innovante pour les artistes et le public, et refléteront la diversité musicale et géographique du Festival.

Sur les ondes avec Radio France

Le lien historique entre Radio France et le Festival se manifestera avec une vigueur renouvelée.

Les Rencontres de Pétrarque seront diffusées de Paris, du 29 juin au 3 juillet, sur France Culture.

La grille d’été de France Musique réserve une place exceptionnelle au Festival, du 13 au 25 juillet, avec, chaque jour pendant cette période, des rediffusions des grandes heures classiques et jazz du Festival, ainsi que des directs des concerts des formations de Radio France : le 16/07 l’Orchestre philharmonique de Radio France dirigé par Barbara Hannigan, qui chantera également Les Illuminations de Britten, le 23/07 l’Orchestre National de France sous la baguette de son futur directeur musical, Cristian Măcelaru.

La radio du Festival

Du 10 au 30 juillet – suivant les dates initialement prévues pour l’édition 2020 – le Festival proposera sa propre Webradio, animée par une grande partie de l’équipe, installée à Montpellier, à raison de 5 h à 6 h par jour.

Archives, entretiens inédits, séquences coulisses, côté public, mais aussi des « live » (concerts de l’Orchestre National de Montpellier les 10 et 11/07, concerts en région), rediffusions de concerts (en complément de France Musique).

Cette Webradio fera une large place d’abord aux artistes si durement éprouvés par la crise sanitaire, mais aussi au public, aux auditeurs, qui participeront à sa programmation, ainsi qu’à tous les acteurs de l’ombre qui rendent chaque année possible la réalisation de plus de 160 concerts et événements.

Une expo photo virtuelle, tirée des archives du Festival, accompagnera cette Webradio.

Un week-end pour renouer le lien

Compte-tenu de l’évolution favorable de la situation sanitaire, plusieurs festivals qui n’avaient pas annulé (La Roque d’Anthéron, Salon de Provence) ont maintenu une offre importante de concerts. S’il est tout à fait inenvisageable de rétablir l’ambitieuse programmation qui avait été prévue pour l’été 2020, nous ne pouvons nous résoudre au silence, par respect pour le public et les artistes qui font confiance depuis 35 ans au Festival.

C’est pourquoi nous proposerons un week-end symbolique – les 18 et 19 juillet – d’une dizaine de concerts classiques, jazz et électro, en toutes petites formations, dans des lieux de plein air, dans la ville de Montpellier ainsi que dans le parc départemental du château d’O.  

Concerts gratuits, respectant les normes sanitaires.

Avec des artistes déjà invités dans la programmation 2020.

L’occasion de commémorer les 800 ans de la Faculté de médecine de Montpellier et de mettre en valeur des lieux de patrimoine.

Ce week-end sera diffusé et capté par la Webradio du Festival(16 juin 2020)