Roland et Micheline

Bien sûr, ils étaient vieux, très vieux, mais m’occupant de ma mère qui va vers ses 97 ans, je comprends peut-être mieux ce qu’est la vieillesse qui reste alerte, presque jusqu’à la fin.

Ni l’une ni l’autre je ne les ai véritablement connus, autrement que par leurs rôles au théâtre, au cinéma ou à la télévision. Mais leur départ m’attriste, comme le ferait celui de quelqu’un de ma famille.

Roland Bertin (1930-2024)

Comme jadis Louis Seigner, Roland Bertin, mort à 93 ans, est le prototype du comédien-français. L’embonpoint, la lippe gourmande, cette voix si charnelle, cette sensualité du mot, de la phrase, n’étaient qu’à lui

J’ai un souvenir tout particulier du Revizor de Gogol donné à la Comédie-Française en 1999. Roland Bertin et ses comparses y sont inoubliables

Roland Bertin parle si bien de son art, lors de cette émouvante cérémonie (on aperçoit assis à côté de lui un autre grand personnage, Jean Piat (1924-2018), 89 ans à l’époque !)

Micheline Presle (1922-2024)

Qui, de ma génération, n’a pas suivi à la télévision ce qu’on n’appelait pas encore une série, mais un feuilleton, Les Saintes Chéries, avec la fofolle, féministe avant l’heure, qui avait pour nom Micheline Presle ?

J’ai déjà raconté mes brèves rencontres avec la comédienne dans ce qui fut longtemps une de mes cantines (lire le Balzar). Vainquant une timidité, ou plutôt une réserve, qui m’interdit de m’adresser à une « célébrité », même et surtout si je l’admire, je lui avais fait part, un jour que j’étais assis à la table voisine, de ma respectueuse affection. Elle m’avait répondu : « J’accepte vos compliments jeune homme »

Hautes figures

Je l’ai lue. Puis je l’ai écoutée. Entendue. Et enfin rencontrée. Il était tellement aisé d’aimer sa pensée et sa personne. Et la voilà partie…
C’est ainsi que Christiane Taubira rend le plus poétique et doux des hommages à Françoise Héritier, l’anthropologue disparue mercredi, le jour de son 84ème anniversaire (lire son papier dans Le Monde Un esprit libre et opiniâtre).

J’avais bien aimé la sensualité et la légèreté qui se dégageaient de ce Goût des mots.

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Françoise Héritier poursuit ici son exploration tout en intimité et en sensualité de ce qui fait le goût de l’existence.
Elle nous invite à retrouver nos étonnements d’enfance, quand la découverte des mots, à travers leur brillance, leur satiné, leur rugosité, s’apparentait à celle de la nature et des confitures.
À travers les mots, c’est le trésor caché s’établissant en nous entre les sons, les couleurs, les saveurs, les touchers, les perceptions et les émotions qu’elle nous convie ici à redécouvrir.
À chacun, à son tour, à partir de quelques mots, de trouver la richesse de l’univers intime qu’il porte en soi. (Présentation de l’éditeur).

L’autre haute figure de notre mémoire vive, qui nous a quittés hier, est Robert Hirsch.

Eric Ruf, administrateur de la Comédie-Française : »Il a incarné cette maison. Si vous demandez aux gens de citer un grand acteur de la Comédie-Française, beaucoup vont vous dire Robert Hirsch. C’était un acteur rare, singulier, capable de tout jouer, il y avait de la folie en lui qui en faisait un caractère comique et tragique en même temps, il était l’acteur protéiforme par excellence. »

C’est d’ailleurs à l’occasion d’un hommage au doyen de la troupe Louis Seigner, que Robert Hirsch livre cette séquence-culte en 1974 :

Cette autre séquence de 1956 démontre l’incroyable versatilité des dons du comédien disparu :

https://www.youtube.com/watch?v=hqrIRVrTCm4

On peut retrouver Robert Hirsch dans une partie des grands rôles qu’il a interprétés au Théâtre-Français dans ces DVD, notamment l’inénarrable Bouzin du Fil à la patte.

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On espère que les chaînes du service public auront à coeur de rediffuser quelques-uns de ces trésors.