Jonas et les coffrets de juin

Jonas 55

On ne sait si c’est pour célébrer son 55e anniversaire le 10 juillet prochain ou pour clore un partenariat de plusieurs lustres* entre Decca et le ténor star Jonas Kaufmann, toujours est-il que paraît un coffret de 15 CD à prix très doux qui récapitule les grandes années du chanteur, avec quelques pépites qui méritent d’être signalées.

Je ne sais qui a choisi la photo de couverture, légèrement too much non ? Mais le fan club ne sera pas déçu !

CD 1 Sehnsucht Mozart, Schubert, Beethoven, Wagner (Claudio Abbado / Mahler Chamber Orchestra)

CD 2 Verismo Arias (Antonio Pappano / Accademia Nazionale di Santa Cecilia)

CD 3 Romantic Arias (Marco Amiliato / Prague Philharmonic Orchestra)

CD 4-5 Wagner Airs d’opéras + commentaires de J.K.

CD 6 Schubert, Die schöne Müllerin (Helmut Deutsch)

CD 7-8 Weber Oberon (en anglais) (John Eliot Gardiner, Orchestre révolutionnaire et romantique, Hillevi Martinpelto, Steve Davislim)

CD 9-10 Beethoven Fidelio (Claudio Abbado, Lucerne Festival Orchestra, Nina Stemme)

CD 11-13 Humperdinck Königskinder (Armin Jordan, Orchestre national Montpellier)

CD 14-15 Verdi Requiem (Daniel Barenboim, Scala, Anje Harteros, Elina Garanca, René Pape)

J’éprouve un attachement particulier pour le dernier enregistrement d’Armin Jordan un an avant sa mort en 2006. C’était à Montpellier, du temps où le Festival Radio France faisait, chaque année, découvrir au moins un ouvrage lyrique inconnu ou oublié. Un ténor de 35 ans, qui était encore loin d’être la star qu’il est devenu, participait à l’aventure de ces Königskinder / Les enfants du roi d’un compositeur qui n’est resté dans les mémoires que pour son « tube » Hänsel et Gretel, Engelbert Humperdinck (1854-1921).

Souvenir amusant à propos de ce « live ». En contact avec les responsables de la branche française (Accor) d’Universal – pour les disques réalisés avec l’OPRL et Louis Langrée – je leur avais suggéré, au moment où la notoriété de Kaufmann montait en puissance, de mettre en valeur la participation de ce dernier à ces Enfants du roi. Quelques mois plus tard on voyait ressortir l’enregistrement dans un nouvel habillage (lire la critique qu’en fit Forumopera). Le coffret Decca a repris la pochette d’origine.

(*lustre = période de cinq ans)

Le piano des antipodes

Je n’ai pas évoqué ici les résultats du dernier Concours Reine Elisabeth de Belgique : j’ai, en son temps, écrit tout ce que je pensais de ce concours en particulier, et plus généralement des concours pour jeunes musiciens : De l’utilité des concours. Mon ami Michel Stockhem qui ne peut pas être suspecté d’être défavorable au CMIREB (acronyme de Concours Musical International Reine Elisabeth de Belgique) a écrit le 1er juin sur Facebook un billet que je pourrais signer et que j’invite vivement à lire.

Jiaxin Min, éliminée du palmarès final !

Apparemment les résultats du dernier Concours Van Cliburn ont été plus convaincants. Le nom du vainqueur, Aristo Cham, me fait irrésistiblement penser aux… Aristochats et à cette séquence

Je veux évoquer ici un coffret de 11 CD proposé à moins de 50 € sur le site anglais prestomusic.com, qui dresse un passionnant panorama d’un concours de piano, qui est l’un des plus importants de l’hémisphère sud, celui de Sydney. L’édition de ce coffret est due au responsable de la collection Eloquence, lui-même australien, Cyrus Meher-Homji (lire Des chefs éloquents) La plupart des noms de lauréats me sont inconnus, et c’est justement l’occasion de sortir de « l’européocentrisme » dénoncé par Michel Stockhem, Et en regardant la liste, on a la surprise d’y retrouver le 1er prix du concours Reine Elisabeth 1999, le pianiste ukrainien Vitaly Samoshko, que j’ai eu le bonheur d’inviter plusieurs fois à Liège. Le monde est petit !

Liste des pianistes représentés dans ce coffret :

Albright · Arimori · Bogdanov · Bolla · Broberg · Cazal · John Chen · Moye Chen · Cominati · Cyba · Del Pino · Deng · Fung · Fushiki · Gifford · Gillham · Gortler · Goto · Gough · Grigortsevich · Gugnin · Ham · Hill · Janssen · Joamets · Jurinic · Kameneva · Khairutdinov · Kim · Kitamura · Kolesova · Kolomiitseva · Jianing Kong · Xiang-Dong Kong · Kudo · Kurbatov · Kuzmin · Lakissova · Lee · Leske · Li · Liu · Lopatynskiy · Malikova · Malmgren · Masliouk · Melnikov · O’Callaghan · Owen · Pegoraro · Rashkovsky · Samoshko · Samossoueva · Sato · Scott · Shamray · Sim · Soo Rhee · Takada · Takao · Tarasevich-Nikolaev · Tarasov · Tsvetkov · Uehara · Ukhanov · Urassin · Vetruccio · Volodin · Wallisch · Wisniewski · Wright · Xie · Yemtsov · Young · Yu · Zabaleta · Zheng

Le Beethoven des Lindsay

Autre coffret proposé par prestomusic.com, l’intégrale des quatuors de Beethoven par les Britanniques du quatuor Lindsay (1966-2005). Il ne va pas dépareiller ma discothèque où se trouvent déjà, sans ordre de préférence, les Amadeus, Artemis, Hongrois, Italiano, Berg, Cleveland, Emerson, Ysaye, pour ne citer que les intégrales.



Et toujours mes brèves de blog, comme ce beau souvenir de ma soirée du 12 juin :

Sonya Yoncheva et Jean Pierre Rousseau / Auvers-sur-Oise / 12 juin 2025 / @Bachtrack

La fougue et la grâce

Beaucoup de place consacrée ici, ces dernières semaines, aux gloires du passé. Grâce à des rééditions bienvenues (Doráti, Klemperer, les chefs de Cincinnati, Jessye Norman, Victoria de Los Angeles). L’avalanche d’automne n’est pas terminée… et il ne faudrait pas succomber aux facilités de la nostalgie.

Mais il y a heureusement quelques – rares – nouveautés qui exaltent le talent de la génération montante.

Domingo Hindoyan à Liverpool

D’abord un disque comme on n’en fait plus – des intermezzi d’opéras véristes. J’ai tellement aimé celui de Karajan, et tellement pas le médiocre remake de Riccardo Chailly

Voici qu’aujourd’hui l’un des chefs dont j’ai aimé voir éclore le talent en l’invitant souvent à Liège Domingo Hindoyan, chief conductor depuis 2021 du Royal Liverpool Philharmonic Orchestra, publie un disque très réussi de préludes et d’intermezzi d’opéras de Mascagni, Ponchielli, Puccini, Cilea, etc.

Rien n’est plus difficile à réussir ces pièces d’orchestre, avec le chic, l’élégance, le fini orchestral qui s’imposent, Domingo Hindoyan n’est pas loin d’égaler son illustre aîné berlinois.

Je n’en suis pas surpris de la part d’un chef qui avait fait très forte impression à Montpellier, en dirigeant en 2016 Iris de Mascagni et en 2017 Siberia de Giordano, avec à chaque fois dans les rôles-titres sa propre épouse, la grande Sonya Yoncheva.

Tant de souvenirs avec ces deux-là…

Santtu-Matias Rouvali à Göteborg

Voici bientôt dix ans que j’ai découvert ce phénomène, aujourd’hui à la tête de l’une des grandes phalanges européennes, le Philharmonia de Londres. Il y a un mois, je l’applaudissais encore, dirigeant l’Orchestre philharmonique de Radio France. Santtu-Matias Rouvali poursuit son intégrale des symphonies de Sibelius avec l’orchestre de Göteborg, et ce qui est très intéressant, s’agissant d’un chef qui fête ses 38 ans dans quelques jours, c’est qu’il suscite controverses et divergences à chaque nouveau disque, à chaque concert. On n’admire plus seulement la jeunesse d’un talent hors norme, on se met à discuter ses choix interprétatifs, alors qu’il ne fait qu’affirmer une vision, un regard originaux, surprenants parfois, sur des oeuvres rebattues. Moi j’aime ça ! C’est tellement mieux que l’eau tiède !

Aziz Shokhakimov à Strasbourg

Du jeune chef ouzbek qui dirige désormais l’orchestre philharmonique de Strasbourg, Aziz Shokhakimov, j’avais écrit pour Bachtrack (L’audacieux pari d’Aziz Shokhakimov) tout le bien qu’on pouvait en penser. Mais je n’avais pas évoqué le disque publié à l’occasion de cette rentrée. C’est assez culotté, dans une discographie saturée, d’oser sortir une Cinquième de Tchaikovski et Roméo et Juliette. Défi largement relevé, disque magnifique.

Les raretés du confinement (IV)

S’il y a bien un terme tout à fait abusif pour décrire ce qui s’est passé ce 15 décembre en France, c’est bien celui de « déconfinement ». Certes, les autorisations pour se déplacer ont disparu, mais comment peut-on oser parler de déconfinement, lorsque la vie culturelle – et sportive – reste interdite, lorsque les lieux de vie et de convivialité essentiels que sont les cafés et les restaurants sont fermés pour plusieurs semaines encore ?

Cette série n’est donc pas près de s’arrêter !

Résultat peut-être du premier confinement ? la naissance hier de mon troisième petit-enfant, une jolie princesse prénommée Adèle. Ses grands frère (7 ans) et soeur (5 ans et demi) sont déjà impatients de jouer les nounous.

6 décembre

Le 6 décembre 1917 le parlement finlandais votait l’indépendance de la Finlande, durant des siècles tantôt rattachée au royaume de Suède tantôt dominée par la Russie tsariste. Le 6 décembre marque la fête nationale finlandaise.Une curiosité – peu connue – dans l’abondante discographie du chef japonais Seiji Ozawa (85 ans) : tout un disque d’hymnes nationaux du monde entier enregistré avec le NEW JAPAN PHILHARMONIC, orchestre qu’il fonda en 1972 et que Christian Arming dirigea de 2003 à 2013. Dans ce disque évidemment l’hymne national finlandais !

7 décembre

L’Orchestre Philharmonique Royal Liège fête ses 60 ans. On se rappelle les concerts exceptionnels donnés le 7 décembre 2000 pour ses 40 ans et surtout le 7 décembre 2010 pour ses 50 ans (lire: Anniversaires privé/public). Dans le coffret de 50 CD publié pour les 50 ans de l’Orchestre, il y a plusieurs raretés : comme ce 2ème concerto pour piano d’Erwin Schulhoff (1894-1942), ici sous les doigts de Claire-Marie Le Guay et sous la baguette de #LouisLangrée

8 décembre

Formidable nouvelle que cette nomination de mon amie Nathalie Stutzmann comme « Principal Guest Conductor » du Philadelphia Orchestra.

Souvenir du tout premier disque acheté de Nathalie Stutzmann chanteuse, après une écoute comparée d’un Disques en Lice, la défunte émission de critique de disques de la RADIO TELEVISION SUISSE (RTS), à laquelle participait Gérard Lesne : lui comme moi étions envoûtés par la beauté et le mystère de cette voix androgyne.

9 décembre

Envie d’évoquer aujourd’hui l’une des grandes chanteuses françaises, la soprano Andréa Guiot (née en 1928), originaire de Nîmes; qui n’a pas la notoriété, la célébrité même, que mériteraient son talent et la splendeur de sa voix. J’avais eu la chance de la rencontrer au début des années 90 dans une émission – Disques en Lice – de la Radio Suisse romande, à laquelle l’avait conviée François Hudry. Nous avions passé un merveilleux moment et beaucoup sympathisé. Quelques mois plus tard, je me trouve au festival d’Aix-en-Provence dans la cour de l’Archevêché, assis juste derrière elle. Nous nous saluons comme des amis qui se seraient quittés la veille, et me voilà incapable, de toute la soirée, de me rappeler son nom et de la présenter à la personne qui m’accompagnait ce soir-là… Ici, c’est peut-être la meilleure Micaela de toute la discographie au côté de l’impérial Don José de Nicolai Gedda : la Carmen de Maria Callas était décidément bien entourée !

10 décembre

Je ne me suis jamais rangé dans la catégorie des admirateurs absolus de celle qu’on appelle « la » Callas J’ai même souvent été agacé par la surexploitation médiatique, discographique, d’une légende qui a fini par occulter la vraie personnalité et l’art singulier de la chanteuse » C’est ce que j’écrivais – lire Callas intime – à l’occasion des 40 ans de la disparition de la cantatrice. J’évoquais hier Andréa Guiot (et Nicolai Gedda) partenaires de Maria Callas dans l’enregistrement de Carmen dirigé par Georges Prêtre

Je (re)découvre pas à pas l’artiste exceptionnelle, la voix si singulière, l’incroyable charisme qui se dégage de sa présence sur scène, comme dans cet extrait de Médée de Cherubini, capté le 10 décembre 1953 à la Scala, avec un Leonard Bernstein de 35 ans dans la fosse ! Inouï !

11 décembre

Cette rubrique est malheureusement appelée à se prolonger, si l’on en croit les dernières annonces gouvernementales ! Une si longue, trop longue, attente pour la musique vivante,qu’aucune vidéo, aucun disque, ne remplacera jamais.Soutien et solidarité avec tous les artistes, tous ceux qui font vivre la culture !

Puisque nous sommes encore dans l’année Beethoven, une découverte pour moi, une rareté de ma discothèque :

#Beethoven250 C’est par hasard que j’ai redécouvert quelques symphonies de Beethoven, enregistrés par Karl Münchinger à la tête de l’orchestre de la radio (et non de son orchestre de chambre) de Stuttgart. Depuis que j’ai pu acquérir les symphonies 2, 3, 6, 7 (en attendant d’en trouver d’autres ?), je vais de bonne surprise en émerveillement. Lire la suite : Beethoven 250 : Karl Münchinger, la grandeur classique.

12 décembre

Ne pas désespérer malgré tout…Cette célèbre chanson de LeoncavalloMattinata – écrite en 1904 pour la Gramophone Company, ancêtre d’EMI, dédiée à Caruso, qui en fait le premier enregistrement avec le compositeur au piano, fait partie d’un disque du ténor Franco Bonisolli (1938-2003) dont les frasques firent autant que sa voir d’or pour sa réputation. Un disque réédité dans un coffret Orfeo intitulé : Legendary Voices (lire Légendaires)

13 décembre

La Sainte-Lucie (Sankta Lucia en suédois, Lucia en raccourci) est célébrée le 13 décembre en l’honneur de sainte Lucie de Syracuse. Elle marque, avec l’Avent, le début de la saison de Noël. Traditionnellement une fête importante dans toute la Chrétienté occidentale, elle est aujourd’hui célébrée en Scandinavie et en Europe méridionale, particulièrement en Suède, au Danemark, en Norvège, en Finlande, en Italie, en Islande et en Croatie.La fête correspond au premier jour à partir duquel le soleil se couche plus tard que la veille dans l’hémisphère nord. Le dicton « à la sainte-Luce, le jour avance du saut d’une puce » correspond à cette observation (la forme Luce est employée pour la rime).La fête de Sainte-Lucie est attendue par les petits et les grands au coeur de l’hiver scandinave (lire Etoiles du Nord )

Santa Lucia c’est aussi l’une des plus célèbres chansons napolitaines, écrite en 1849 par Teodoro Cottrau – elle évoque la vue sur le golfe de Naples du haut du Borgo Santa Lucia. Il est assez savoureux de l’entendre ici chantée en suédois !

14 décembre

Le jour où l’on devient grand-père pour la troisième fois et qu’on pense déjà à ce qu’on chantera doucement pour endormir la petite princesse née cet après-midi, on se remémore un disque précieux de sa discothèque et cette sublime Berceuse de Brahms chantée par Victoria de Los Angeles, accompagnée par Rafael Frühbeck de Burgos et le Sinfonia of London (EMI, 1964)

15 décembre

On célèbre en ce mois de décembre les 60 ans de l’Orchestre philharmonique royal de Liège. L’un de mes meilleurs souvenirs, et une fierté aussi, de mes années passées à la direction de l’orchestre, est incontestablement la discographie construite au fil des ans, comme par exemple cette intégrale de l’oeuvre concertante d’Edouard Lalo (ce compositeur que j’avais décrit jadis, dans une pochette de disque, comme L’éternel second).

De Lalo on ne connaît vraiment que sa populaire Symphonie espagnole ou son concerto pour violoncelle. Ce beau coffret est l’occasion de redécouvrir le charme de son Concerto russe, ici sous l’archet sensible d’Elina Buksha, tout juste 30 ans, passée par la Chapelle musicale Reine Elisabeth et la direction idiomatique de Jean-Jacques Kantorow.