Les raretés de l’été (XII) : Arthur Fiedler les racines européennes

Suite de ma mini-série sur Arthur Fiedler.(voir Arthur Fiedler le chef américain)

Arthur Fiedler naît à Boston le 17 décembre 1894. Ainsi il est l’un des rares grands chefs américains du XXe siècle, l’autre étant Leonard Bernstein – à être né sur le sol américain. Certes son père Emanuel Fiedler est d’origine autrichienne et travaille comme violoniste dans le Boston Symphony. Il va d’ailleurs suivre son père qui retourne vivre en Autriche à sa retraite et étudier notamment le violon à Berlin auprès de Willy Hess. Il quitte l’Europe de ses études lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale, revient à Boston, est engagé à son tour en 1915 comme violoniste au Boston Symphony. Dès 1924, il forme avec quelques collègues le Boston Sinfonietta, en attendant de prendre la direction en 1930 des Boston Pops, fondés 35 ans plus tôt pour employer les musiciens du Boston Symphony durant la saison estivale.

On reviendra sur ce qui a fait la gloire du couple Boston Pops / Fiedler, cette capacité de propager, dans des conditions artistiques optimales – avec l’un des meilleurs orchestres au monde – les mélodies, les musiques de films, les thèmes populaires – cf. le premier chapitre de cette série : Fiedler l’Américain.

Mais dans l’héritage discographique du chef, il y a beaucoup d »enregistrements qui, encore une fois, ne sont jamais cités, ni critiqués, et qui sont pourtant à mettre au sommet, comme les musiques d’Europe centrale, et singulièrement les viennoises. Là où Bernstein n’a jamais trouvé la clé – la valse viennoise -, où Ormandy enjolivait parfois outrageusement, où Fritz Reiner était parfois d’une austérité excessive, Arthur Fiedler révèle le grand chef qui a tout compris de ces répertoires, parce qu’il les a appris à la source.

Vienne à Boston

Le lien d’Arthur Fiedler avec la famille Strauss est double. Il semblerait qu’il ait joué, lorsqu’il a suivi son père à Vienne, dans l’orchestre du fils d’Eduard Strauss, le dernier des frères (1835-1919). Mais c’est surtout la présence de Johann Strauss – celui dont on célèbre cette année le bicentenaire de la naissance – à Boston en 1872 pour le World’s Peace Jubilee and International Music Festival qui est restée gravée dans la mémoire des Bostoniens.

La version d’Arthur Fiedler de la fameuse Valse des Empereurs / Kaiserwalzer (*) n’est pas loin d’être ma préférée.

(*) D’abord intitulée Hand in Hand, cette valse composée lors de la visite de Guillaume II de Prusse à Vienne change de titre, lors de la visite retour de François Joseph à Berlin le 21 octobre 1889, et devient Kaiserwalzer – qu’il faudrait donc traduire par Valse des… empereurs.

La suite tirée d’airs d’opérettes de Lehar est toute nostalgie Mitteleuropa – en dépit du titre plutôt ridicule du disque qui la contient

Et que dire de cette ouverture de SuppéCavalerie légère – dont le titre est souvent contredit par l’interprétation !

Merci à Fiedler d’avoir aussi enregistré cette ouverture de l’opérette Fatinitza du même Suppé, le seul autre enregistrement que j’en ai est celui de Charles Dutoit à Montréal

Mitteleuropa

On s’éloigne du Danube pour rejoindre le cours tumultueux de la Vltava – la Moldau est nettement plus prononçable !

Il y a surtout une somptueuse version de la Symphonie n°9 dite du Nouveau Monde de Dvořák, qu’Arthur Fiedler enregistre en 1970 avec le Boston Symphony.

Une version que j’ai découverte récemment, incluse dans un coffret censé regrouper les enregistrements de William Steinberg et du Boston Symphony pour RCA !

Exemplaire aussi cette vision de la célèbre rhapsodie roumaine n°1 d’Enesco : écoutez cette vivacité, cette liberté rhapsodique dans l’énoncé des thèmes populaires – dont l’Alouette – qui ont inspiré le compositeur roumain.

Vive la France !

Ce n’est évidemment pas à Arthur Fiedler qu’on demandait d’enregistrer le grand répertoire – rien qu’à Boston, entre Koussevitzky, Munch, Leinsdorf, Steinberg, et même Ozawa, pour ne citer que les titulaires du Boston Symphony, qui étaient aux commandes durant le mandat de Fiedler aux Pops, il y avait le choix. Mais on a laissé au roi Arthur quelques « créneaux » comme cette Gaîté Parisienne (Munch l’enregistrera aussi… mais à Londres)

Et puis il y a cet enregistrement surprenant – c’était une première aux Etats-Unis – de la suite que le compositeur russe Rodion Chtchédrine (qui s’écrit en russe avec deux fois moins de lettres : Щедрин) a réalisée pour cordes et percussions sur des thèmes de Carmen de Bizet :

Les racines irlandaises

Quand on évoque les racines européennes d’Arthur Fiedler, il est impossible – et ce serait bien dommage ! – d’oublier qu’encore aujourd’hui plus de 20% de la population de Boston se déclare d’origine irlandaise. C’est dire si les concerts monumentaux – les Irish Nights – qu’a dirigés à plusieurs reprises Fiedler sont des incontournables de sa discographie

L’éditeur a laissé tous les bruits de la fête, et on se prend à entonner tel ou tel hymne à l’écoute d’un tel événement.

Prochain épisode : Fiedler star de l’époque.

Et toujours mes https://brevesdeblog.wordpress.com/

Des disques et des critiques

Un début de mois c’est pour moi la lecture des mensuels de musique classique, ceux auxquels je continue d’être abonné à l’édition papier (BBC Music, Diapason, Classica). Dans chacun d’eux, en général, une discographie comparée, et souvent pour le lecteur, irritation ou frustration, parce qu’évidemment en cette matière il y a autant de critiques avertis que de lecteurs, comme il y autant de sélectionneurs que de spectateurs de matches de ligue 1 de football !

Chostakovitch, les oubliés

Diapason consacre tout un dossier à Chostakovitch, dont on commémorera le 9 août le cinquantenaire de la disparition. Il n’y a jamais besoin de prétexte pour évoquer le plus grand compositeur russe du XXe siècle (oui je sais, on va me rétorquer « Et Prokofiev alors? »). Ceux qui suivent depuis longtemps, c’est mon cas, l’auteur de ce dossier, Patrick Szersnovicz, connaissent ses dilections discographiques, son admiration sans réserve pour certains chefs d’orchestre (Karajan par exemple), mais sans dévoiler ses préconisations pour les symphonies de Chostakovitch, on peut regretter l’étroitesse de ses choix. Jamais un chef aussi important que Kirill Kondrachine (le créateur de la 4e symphonie notamment) n’est cité, aucun Russe en dehors de Mravinski et encore parcimonieusement. Mais c’est sa liberté.

Hautement recommandable aussi ce coffret patchwork à petit prix :

Les Anglais aiment les Français

Dans le numéro de février du concurrent de Gramophone, BBC Music Magazine, tout un papier consacré au « Lighter side of Ludwig » van Beethoven, en l’occurrence à sa 4e symphonie. Passionnante analyse, comme très souvent. Et des recommandations discographiques qui peuvent surprendre.

En numéro 1, la version de Hans Schmidt-Isserstedt à Vienne (dans le cadre d’une intégrale souvent louée).

Et la surprise vient du numéro 2, devant plusieurs illustres versions « authentiquement informées », Emmanuel Krivine et la Chambre Philharmonique ! Des disques qui manquaient à ma discothèque, sans doute disparus au cours d’un déménagement, et que j’ai retrouvés tout récemment d’occasion.

Depuis son retrait de la direction de l’Orchestre national de France, Emmanuel Krivine se fait discret, beaucoup trop discret.

Dans leurs discographies comparées, les rédacteurs de BBC Music Magazine indiquent toujours une version to avoid/à éviter. Ici la dernière version de Karajan avec Berlin pour DGG au début de l’ère digitale « en pilotage automatique »

Il aurait fallu tout de même ajouter que la version de 1962 est au contraire un concentré d’énergie.

Les Anglais toujours

Un passage chez Melomania et ce sont encore quelques trouvailles… venues d’Outre Manche

Rien d’inédit ni d’inconnu mais le vieux chef anglais surprend toujours en concert. On pourrait s’amuser à le comparer à lui-même…

Falling in love with Joan

Dieu sait que je ne suis pas un inconditionnel de celle que ses fans appelaient  » la stupenda« , mais quand Joan Sutherland s’amuse, ça vaut le coup d’oreille, surtout dans des viennoiseries chantées en anglais !

PS Deux enregistrements à rajouter à cette liste, et beaucoup d’émotion. A lire sur brevesdeblog

Les perles du 1er janvier

Je verrai et j’entendrai – peut-être – le concert du Nouvel an avec un différé de quelques jours.

En attendant, sorties de ma discothèque, quelques perles parfois rares.

Les frères Krips

Les mélomanes connaissent bien Josef Krips (lire Krips le Viennois), né à Vienne en 1902 et mort à Genève en 1974. En revanche, son petit frère, né Heinrich Josef dix ans plus tard, en 1912 toujours à Vienne, En 1938 Heinrich émigre en Australie, anglicise son prénom – Henry – et développe son activité de chef d’orchestre dans l’hémisphère sud

Les deux frères laissent des interprétations d’anthologie des valses de Strauss, l’aîné Josef mélange de rigueur et de douceur, le cadet Henry osant parfois sortit du cadre avec un talent fou.

Comparer leurs deux versions de la Kaiser-Walzer, mal traduite en Valse de l’Empereur

La libellule de Carlos K.

Une fois qu’on aura répété que nul n’a jamais égalé Carlos Kleiber à la tête des concerts de Nouvel an en 1989 et 1992, se laisser à nouveau éblouir par cette pure merveille : la polka Mazur de Johann Strauss, Die Libelle (La libellule).

L’or et l’argent de Sir John

Jusqu’à ce que je découvre cette version dans le gros coffret Warner consacré au chef britannique le plus emblématique du XXème siècle, je pensais que Rudolf Kempe avait signé la version définitive de la valse L’Or et l’Argent de Lehar. John Barbirolli rejoint le chef saxon sur les sommets.

Le Prêtre viennois

Les Wiener Philharmonie avaient fait le cadeau au vieux chef français Georges Prêtre – qui fut de 1986 à 1991 le chef de l’autre phalange viennoise, les Wiener Symphoniker – de l’inviter à diriger les concerts de l’An en 2008 et 2010. Par-delà quelques cabotinages, Prêtre se fait plus Viennois que nature.

Même si on peut le trouver trop pressé dans cette Napoleon Marsch (allusion à Napoléon III et non à Bonaparte !)

Sur la lagune

J’ai salué comme il fallait la publication d’un formidable coffret consacré à Willi Boskovsky, l’incontournable maître des 1er janvier viennois mais aussi violon solo des Wiener Philharmoniker. Parmi tous ces trésors, j’ai une tendresse particulière pour une valse, la Lagunen-Walzer, qui reprend des thèmes de l’opérette Une nuit à Venise. Parce que ce fut l’un de mes premiers coffrets en 33 tours, et qu’immédiatement j’ai entendu l’élégance, la sensualité, des mélodies de Strauss et de la baguette de Boskovsky.

Une première pour Dudamel

Il m’est arrivé d’être prisonnier de quelques clichés, comme celui qui consiste à enfermer un artiste dans un répertoire ou à penser que tel chef n’est pas fait pour telle musique. Lorsque j’ai appris que Gustavo Dudamel allait diriger le concert du Nouvel an 2017, j’ai douté… et j’ai eu tort. Le chef vénézuélien a administré la preuve que la musique des Strauss n’était pas enfermée dans les traditions de la capitale autrichienne.

Rappelons que Sony qui avait déjà sorti une édition prétendument complète des concerts de Nouvel an, a publié l’an dernier une « extended edition » qui comprend des extraits des tout derniers concerts (Dudamel, Thielemann, Muti)

Un chef russe Mikhail Jurowski (1945-2022)

Un grand chef russe est mort le 19 mars dernier, mais on en a peu parlé, puisque tout ce qui, de près ou de (très)loin rappelle la guerre menée par la Russie en Ukraine, est sujet à caution. Il est vrai aussi que Mikhail JurowskiМихаил Владимирович Юровский -(prononcer You-rov-ski) n’a jamais occupé le devant de la scène. Et pourtant c’est un nom que les mélomanes, les discophiles curieux, ont souvent vu à l’affiche d’enregistrements qui révèlent l’originalité et l’importance du répertoire que le chef russo-allemand a abordé tout au long de sa carrière.

C’est peu de dire que la famille Jurowski est musicienne. Commençons par le père de Mikhaïl, le compositeur…ukrainien Vladimir Mikhailovitch Jurowski (1915-1972), surtout connu comme compositeur de musiques de film, mais pas que… comme en témoigne ce disque :

Mais la descendance du chef récemment décédé est aussi spectaculaire : deux fils, Vladimir (né en 1972), à la carrière éblouissante, patron du London Philharmonic de 2007 à 2020, aujourd’hui directeur de l’Opéra de Bavière, et Dmitri (né en 1979), que j’ai invité naguère à Liège et qui a été, entre autres, directeur musical de l’opéra des Flandres en Belgique.

Mikhaïl Jurowski étudie au Conservatoire de Moscou, travaille ensuite au théâtre Stanislavski et au Bolchoi, il est notamment l’assistant de Guennadi Rojdestvenski. Son père est un proche de Chostakovitch, le jeune Mikhaïl va ainsi côtoyer un compositeur qu’il ne cessera de servir. Créant notamment l’opéra inachevé Les Joueurs d’après Gogol, complété par Krzysztof Meyer en 1981.

Mikhail Jurowski et sa famille quittent l’URSS en 1989 pour s’installer en Allemagne orientale, où le chef qui sera naturalisé allemand, fera l’essentiel de sa carrière, occupant des fonctions de direction musicale pour de brèves périodes, mais laissant une discographie et de nombreux témoignages de concert qui méritent une écoute attentive.

Pour ceux qui comprennent le russe et lisent l’anglais, une interview passionnante de Mikhail Jurowski, ses souvenirs d’enfance et de jeunesse :

On a l’embarras du choix dans une discographie très vaste et ouverte, où les Russes ne sont pas en reste.

Les inattendus (X) : Rudolf Kempe, Respighi et Chopin

J’ai souvent évoqué ici la figure et l’art du chef allemand Rudolf Kempe (1910-1976), auteur d’une intégrale inégalée de la musique symphonique et concertante de Richard Strauss avec la Staatskapelle de Dresde, d’une exceptionnelle série de valses viennoises, dont L’Or et l’Argent de Lehar (avec Dresde et d’abord avec les Wiener Philharmoniker, que Kempe considérait comme son plus bel enregistrement), et de bien d’autres réussites dans le répertoire germanique.

Kempe fut notamment le directeur musical du Royal Philharmonic Orchestra de Londres (de 1962 à 1975) et réalisa alors quelques enregistrements pour le Reader’s Digest, réédités de manière dispersée par différents labels. Certains sont dans un coffret Scribendum (lire le détail ici), comme le rare Respighi qu’on évoque ci-après.

Hänssler a édité un CD au couplage étrange, Chopin et Respighi, dont le point commun est la présence de Rudolf Kempe au pupitre du Royal Philharmonic.

Respighi est une absolue rareté dans le répertoire enregistré du chef allemand : il n’a gravé que Les Pins de Rome et il nous fait vraiment regretter de ne pas nous avoir donné d’autres poèmes symphoniques du compositeur italien. Je ne suis pas loin de penser que c’est la version idéale, emportée et contemplative, colorée et transparente, du chef-d’oeuvre de l’un des plus grands maîtres de l’orchestre (à l’égal d’un Rimski-Korsakov ou d’un Ravel)


On ne se privera pas d’écouter le 2ème concerto de Chopin, surtout sous les doigts si originaux et poétiques du grand Shura Cherkassky, et tout autant pour la direction puissamment romantique de Rudolf Kempe, qui oppose le meilleur démenti qui soit au Chopin piètre orchestrateur.

Régime de fête (I): un duo à Vienne

Chaque année, je crois, j’écris ici que je n’aime pas cette période de l’année, où la fête devient obligatoire, sans que plus personne ne sache ce que sont, ce qu’étaient, l’Avent, la Saint-Nicolas, Noël, la Saint-Sylvestre, a fortiori la légende du père Noël. Même dans la matinale de France 2, on ouvre chaque jour un volet d’un calendrier de l’Avent : qui, parmi les téléspectateurs, en connaît l’origine ?

Pas plus cette année que les précédentes, je n’aurai à me forcer pour adopter un régime alimentaire raisonnable, même si de récentes circonstances (Une expérience singulière) m’obligent à une prudence plus grande encore.

Des cadeaux

Puisque cadeaux il doit y avoir, je vais proposer, dans les jours qui viennent, quelques idées, peut-être originales, inattendues.

Il y a des dizaines de compilations, de best of, d’airs d’opéras, d’opérettes, de crooners, parmi lesquelles on est bien embarrassé de choisir, ou qui parfois échappent à la vigilance du collectionneur.

En revisitant ma discothèque, je suis tombé sur ce CD qui n’avait pas spécialement retenu mon attention. Un chef, Anton Paulik, deux chanteurs, Werner Krenn, Renate Holm, qui ne font pas partie des stars multi-rééditées, et pourtant un modèle absolu ce que peuvent être le charme, le raffinement, le bon goût de l’opérette viennoise.

La couverture du double CD est muette sur les chanteurs – inhabituel oubli dans cette collection d’excellence – et pourtant leurs noms ne sont pas inconnus des discophiles.

Renate Holm, 90 ans, a commencé sa carrière comme actrice chanteuse, il faut reconnaître qu’elle en avait tous les atouts. Sa célébrité, sa notoriété, n’ont jamais vraiment franchi les limites de la sphère germanique. Sa discographie n’est pas pléthorique, à la différence d’autres de ses contemporaines, comme Anneliese Rothenberger (1924-2010) qui a littéralement phagocyté la branche allemande d’EMI, Electrola.

Ce qu’on aime chez Renate Holm, c’est qu’elle n’est pas simplement un rossignol virtuose, une de ces petites voix pointues et agiles, qui foisonnent dans les enregistrements viennois de l’époque. Elle a du corps, de la chair, et par dessus tout une classe, une élégance, qui la distinguent de ses concurrentes. Ainsi dans le rôle d’Adèle de La Chauve-Souris de Johann Strauss, elle ne surjoue pas la soubrette nunuche, elle pourrait presque tenir la dragée haute à la Rosalinde de Gundula Janowitz, surtout quand la troupe est tenue par Karl Böhm.

Werner Krenn est né en 1943 à Vienne. Il a commencé sa carrière de musicien comme basson solo de l’Orchestre symphonique de Vienne de 1962 à 1966, mais il a reçu son éducation musicale comme membre des Petits Chanteurs de Vienne (Wiener Sängerknaben). De nouveau, comme pour sa partenaire sur ce double album, Werner Krenn est resté dans l’ombre d’autres stars de l’époque, comme Fritz Wunderlich, repéré toutefois par les grands chefs des années 60 et 70. C’est d’ailleurs à lui que Karajan fit appel pour « compléter » son premier enregistrement de la Création de Haydn, Fritz Wunderlich étant mort (accidentellement) au cours de la période d’enregistrement !

On retrouve Werner Krenn dans pas mal de disques, mais on cherchera en vain un disque portrait ou monographique. Pas assez star pour y avoir droit ?

Quant au chef, Anton Paulik (1901-1975) on cherchera en vain une notice biographique, sauf une fiche Wikipedia en néerlandais ! On dira, faute de mieux, que c’était un honnête spécialiste de l’opérette et de la valse viennoise. Et on dira beaucoup mieux de son art lorsqu’on aura entendu ce double album où le chic, la classe le disputent à l’élégance. Une bonne dose de Paulik semble bien nécessaire avant d’affronter le concert viennois du Nouvel an 2022 qui ne promet rien de bon sous la baguette octogénaire d’un chef qui n’a jamais compris l’essence ni le sens de cette musique.

Le jardinier de la Musique

Le chef britannique, natif du Dorset, John Eliot Gardiner n’aura 80 ans que dans deux ans, mais l’un de ses éditeurs historiques, Deutsche Grammophon, lui consacre, dès ce printemps, un coffret de 104 CD, censé comprendre l’intégrale de ses enregistrements pour le label jaune et sa sous-marque baroque Archiv Produktion.

Si on veut pinailler – et on le peut avec une somme d’une telle importance, et pour ce prix – on relèvera une documentation plutôt fruste (il manque par exemple un index des oeuvres ! l’iconographie est chiche), et surtout la présence de quelques enregistrements Philips/Decca – qui font partie du même groupe Universal – et l’absence de beaucoup d’autres. Un coffret Philips/Decca viendra-t-il compléter ce pavé ? Rien n’est moins sûr.

En réalité, ce pavé compile d’autres coffrets parus précédemment : un cinquième du coffret est consacré à Bach, les grands oratorios, une petite quarantaine de cantates. On sait les affinités… familiales de Gardiner avec le cantor de Leipzig (lire : Le mystère Jean-Sébastien Bach ). j’ai encore en mémoire ce concert du festival Berlioz fin août 2018 (lire Les Nuits de La Côte)

Il y a, bien sûr, un grand corpus beethovénien, qui se bonifie avec les années à mes oreilles.

Monteverdi, les grands opéras de Mozart, les oratorios de Haydn (mais pourquoi pas les quatre messes naguère captées pour Philips ?) et puis tout ce qui fait le charme de ce chef, un électisme, un goût pour des chemins de traverse (Chabrier, Dvorak, Weill) jusqu’à une Veuve joyeuse de très belle venue et cette compilation de viennoiseries.

CD 1,2: Bach: Oratorio de Noël (1987) Anthony Rolfe-Johnson, Anne-Sofie von Otter, Olaf Bär, Hans-Peter Blochwitz, Lisa Beznosiuk, Nancy Argenta, English Baroque Soloists, Monteverdi Choir

CD 3,4: Bach: Passion selon St Matthieu (1988) Anthony Rolfe-Johnson, Andreas Schmidt, Anne-Sofie von Otter, Barbara Bonney, Howard Crook, Olaf Bär, English Baroque Soloists, Monteverdi Choir

CD 5,6: Bach: Passion selon St Jean (1986) Anthony Rolfe-Johnson, Michael Chance, Ruth Holton English Baroque Soloists, Monteverdi Choir

CD 7,8: Bach: Messe en si (1985) Lynne Dawson, Carol Hall, Nancy Argenta, English Baroque Soloists, Monteverdi Choir

CD 9: Bach: Magnificat BWV 243 (1985) Patrizia Kwella, David Thomas, Anthony Rolfe-Johnson, Cantate 51 „Jauchzet Gott in allen Landen“ Emma Kirkby, English Baroque Soloists, Monteverdi Choir

CD 10-21 Bach: Cantates 6, 11, 16, 34, 36, 37, 43, 59, 61-64, 66, 72-74, 82, 83, 94, 98, 105, 106, 111, 113, 121, 125, 128, 133, 139, 140, 147, 156, 168, 172, 179, 198, 199

CD 22-26 Beethoven: Symphonies Orchestre Révolutionaire et Romantique, Luba Orgonasova, Anne-Sofie von Otter, Anthony Rolfe-Johnson, Gilles Cachemaille, Monteverdi Choir

CD 27-29 Beethoven Concertos clavier, Robert Levin, Orchestre Révolutionaire et Romantique

CD 30 Beethoven Concerto 4 et Symphonie 2 versions chambre Robert Levin, Peter Hanson, David Watkin , Lucy Howard & Annette Isserlis

CD 32: Beethoven: Missa Solemnis (1989) Charlotte Margiono, Catherine Robbin, William Kendall, Alastair Miles, Elizabeth Wilcock, Alastair Ross, Monteverdi Choir Orchestre Revolutionaire et Romantique

CD 33: Beethoven: Ah! Perfido! Charlotte Margiono, Meeresstille und glückliche Fahrt Op. 112 Messe Op. 86 Monteverdi Choir Orchestre Revolutionaire et Romantique

CD 34, 35: Beethoven: Leonore / Christiane Oelze, Christoph Bantzer, Michael Schade, Franz Hawlata, Matthew Best, Hillevi Martinpelto, Monteverdi Choir Orchestre Revolutionaire et Romantique

CD 36: Gardiner évoque Beethoven

CD 37: Benjamin Britten: War Requiem / Anthony Rolfe-Johnson, Boje Skovhus, Luba Orgonosova NDR Sinfonieorchester Chor des Norddeutschen Rundfunks Tölzer Knabenchor

CD 38: Benjamin Britten: Spring Symphony, Hymn to St. Cecilia, Five Flower Songs / John Mark Ainsley, Alison Hagley, Catherine Robbins, Philharmonia Orchestra Monteverdi Choir

CD 39: Bruckner: Messe 1 + motets / Luba Orgonosova, Bernarda Fink, Christoph Pregardien, Eike Wim Schulte, Monterverdi Choir Wiener Philharmoniker

CD 40: Schütz: „O bone Jesu, fili Mariae / Ruth Holton, Ashley Stafford, Nicolas Robertson, English Baroque Soloists; Buxtehude: Membra Jesu Nostri Monteverdi Choir English Baroque Soloists

CD 41: Chabrier: Suite Pastorale; Habanera, Espana, Larghetto für Horn und Orchester, Gwendoline Ouverture, -Prelude Pastoral, Joyeuse Marche, Fête Polonaise extra. de Le Roi Malgré lui / Wiener Philharmoniker

CD 42: Dvorak: Variations symph.Op. 78 Suite tchèque Op. 39 / Brahms Danses hongroises 1, 3, 5, 10, 16, 18, 19-21 NDR Sinfonieorchester

CD 43: Elgar: In the South (Alassio), Introduction and Allegro for Strings, Sospiri, Enigma-Variations / Wiener Philharmoniker

CD 44, 45: Haendel: Acis und Galatea / Norma Burrowes, Paul Elliott, Willard White, Anthony Rolfe-Johnson, Martin Hill, Monteverdi Choir English Baroque Soloists

CD 46, 47: Haendel: Hercules / Catherine Denley, Sarah Walker, Anthony Rolfe-Johnson, Monteverdi Choir English Baroque Soloists

CD 48, 49: Haydn: Die Schöpfung / Sylvia McNair, Gerald Finley, Michael Schade, Monteverdi Choir English Baroque Soloists

CDs 50, 51: Haydn: Die Jahreszeiten / Andreas Schmidt, Anthony Rolfe-Johnson, Barbara Bonney, Monteverdi Choir English Baroque Soloists

CD 52: Percy Grainger: The Warriors; Gustav Holst: The Planets / Philharmonia Orchestra

CD 53: Léhar: Die lustige Witwe / Bryn Terfel, Barbara Bonney, Karl Magnus Frederikson, Uwe Peper, Constanze Backes, Heinz Zednik, Monteverdi Choir Wiener Philharmoniker

CD 54: Mahler: Lieder eines fahrenden Gesellen, Rückert-Lieder; Zemlinsky: 6 Lieder Op. 13 / Anne Sofie von Otter NDR Sinfonieorchester

CD 55: Mendelssohn: Symphonie 4 „Italienische“ (2 versions), 5 „Reformation“ / Wiener Philharmoniker

CD 56, 57: Monteverdi: Vêpres de la Vierge 1610 Magnificat (1989 San Marco, Venise) Ann Monoyios, Mark Tucker, Marinella Pennicchi, Nigel Robson, Alastair Miles, Bryn Terfel, His Majesties Sagbutts, Monteverdi Choir English Baroque Soloists

CD 58, 59: Monteverdi: L’Orfeo / Mark Tucker, Nancy Argenta, Michael Chance, Anthony Rolfe-Johnson, Anne Sofie von Otter, Monteverdi Choir English Baroque Soloists

CD 60-62: Monteverdi: L’incoronazione di Popea / Anne Sofie von Otter, Catherine Bott, Marinella Pennicchi, Mark Tucker, Michael Chance, Nigel Robson, Sylvia McNair, Bernarda Fink English Baroque Soloists

CD 63-71: Mozart Klavierkonzerte 5-27 / Malcolm Bilson English Baroque Soloists

CD 72-74: Mozart: Idomeneo, re di Creta / Sylvia McNair, Anne Sofie von Otter, Anthony Rolfe-Johnson, Nigel Robson, Hillevi Martinpelto, Monteverdi Choir English Baroque Soloists

CD 75, 76: Mozart: Die Entführung aus dem Serail / Stanford Olsen, Cornelius Hauptmann, Uwe Peper, Hans-Peter Mineti, Luba Orgonosova, Monteverdi Choir English Baroque Soloists

CD 77-79: Mozart: Le Nozze di Figaro Bryn Terfel, Alison Hagley, Carlos Feller, Susan McCulloch, Pamela Helen Stephen, Rod Gilfry, Monteverdi Choir English Baroque Soloists

CD 80-82: Mozart: Don Giovanni / Luba Orgonosova, Ildebrando d’Arcangelo, Rod Gilfry, Christoph Prégardien, Charlotte Margiono, Monteverdi Choir English Baroque Soloists

CD 83-85: Mozart: Cosi fan tutte / Rainer Trost, Rod Gilfry, Carlos Feller, Amanda Roocroft, Rosa Mannion, Monteverdi Choir English Baroque Soloists

CD 86, 87: Mozart: La Clemenza di Tito Anne Sofie von Otter, Julia Varady, Catherine Robbin, Cornelius Hauptmann, Sylvia McNair, Monteverdi Choir English Baroque Soloists

CD 88,89: Mozart: Die Zauberflöte / Gerald Finley, Susan Roberts, Michael Schade, Christiane Oelze English Baroque Soloists Monteverdi Choir

CD 90, 91: Purcell: The Fairy Queen / Judith Nelson, Eiddwen Harrhy, Stephen Varcoe, Elisabeth Priday, David Thomas, Wynford Evans, Martyn Hill, Monteverdi Choir English Baroque Soloists

CD 92: Rachmaninov: Danses symphoniques Op. 45; Janacek: Taras Bulba NDR Sinfonieorchester

CD 93: Schubert: Gesang der Geister über den Wassern, Symphonie 9 „Die Große“ Wiener Philharmoniker

CD 94: Schütz: „Freue dich des Weibes deiner Jugend“, „Ist nicht Ephraim mein teurer Sohn“, „Saul, Saul, was verfolgst du mich?“, „Auf dem Gebirg hat man Geschrei gehört“, Musikalische Exequien SWV 279/281

CD 95-97: Symphonies Robert Schumann (Zwickauer Fragment, 2 versions Quatrième, Ouverture, Scherzo et Finale, Konzertstück pour 4 cors / Orchestre Revolutionaire et Romantique

CD 98, 99: Robert Schumann: Requiem für Mignon; Nachtlied Op. 108; Le Paradis et la Peri / William Dazeley,, Bernarda Fink, Barbara Bonney, Christoph Prégardien, Alexandra Coku, Monteverdi Choir Orchestre Revolutionaire et Romantique

CD 100: Lilli Boulanger Psaumes; Stravinsky Symphonie de psaumes / Monteverdi Choir London Symphony Orchestra

CD 101, 102: Stravinsky: The Rake’s Progress / Anne Sofie von Otter, Ian Bostridge, Bryn Terfel, Deborah York, Peter Bronder, Monterverdi Choir London Symphony Orchestra

CD 103: Kurt Weill / Anne-Sofie von Otter

CD 104: Ouvertures et valses de Suppé, Ziehrer, Lehar, Lanner, Heuberger / Wiener Philharmoniker

Les raretés du confinement (XV) : Déconfinement, Thomas Pesquet, Milva, Christa Ludwig, André Previn, Svetlanov

Déconfinement

Dans Le Figaro du 22 avril, ceci : Beaucoup de directeurs de festival poussent au pass sanitaire ou au QR code sur l’application Anti-Covid: « «Je ne trouve pas ça plus attentatoire aux libertés que l’attitude irresponsable de quelques-uns, qui empêche tous les autres de travailler ou de vivre. Et je suis sûr que le public comprendrait», dit Jean-Pierre Rousseau (lire Les festivals de l’été).

Il arrive – parfois – qu’on soit entendu, et que l’optimisme raisonnable que je manifestais le 7 avril dernier en annonçant l’édition 2021 du Festival Radio France Occitanie Montpellier se traduise désormais en certitude.

Le président de la République, ce matin dans la presse régionale (voir Le Midi Libre), donne enfin des perspectives, un calendrier précis. Oui l’été sera festif !

Cette chronique est peut-être une des dernières !

19 avril : Veronica la cheffe russe

Du compositeur arménien Aram Khatchaturian (1903-1978) on connaît surtout ses ballets Gayaneh et Spartacus ou Mascarade, une musique de scène pour une pièce de Liermontov. J’ai redécouvert dans ma discothèque une oeuvre beaucoup plus rare… dirigée par une cheffe d’orchestre russe ! La Veuve de Valence est une musique de scène écrite par Khatchaturian, en 1939/40, pour la pièce éponyme de Lope de la Vega, qui devient une brillante suite d’orchestre en 1953. Espagnolades garanties, revues à la manière arménienne !

Quant à Veronica Dudarova (1916-2009) c’est la première femme cheffe d’orchestre au monde à diriger un orchestre permanent au XXème siècle. Elle prend la direction de l’orchestre symphonique d’Etat de Moscou en 1947 et dirigera jusqu’en 2007 !

Aram Khatchaturian : La Veuve de Valence, suite d’orchestre

Orchestre symphonique d’Etat de Moscou

dir. Veronica Dudarova

20 avril : La Veuve de Gardiner

John Eliot Gardiner fête aujourd’hui ses 78 ans.Dans son abondante discographie, où dominent Bach, Haendel, les baroques, les premiers romantiques, la Veuve joyeuse enregistrée il y a 25 ans à Vienne fait figure de glorieuse exception. On n’a pas refait mieux depuis…

21 avril : Elizabeth a 95 ans

Nul ne peut ignorer que la reine Elizabeth fête aujourd’hui ses 95 ans, cinq jours après les funérailles de celui qu’elle épousa en 1947. C’est pour le couronnement du roi George II en 1727 que George Friedrich Haendel écrit Zadok the Priest. Depuis lors, ce Coronation Anthem est joué à chaque couronnement.

Il le fut donc en 1953 lors de celui d’Elizabeth II.

Neville Marriner (1924-2016) dirige le choeur et l’ Academy of St Martin in the Fields

22 avril : Julia Varady, bientôt 80 ans

J’ai depuis longtemps une admiration infinie pour la cantatrice d’origine roumaine, Julia Varady (lire mes souvenirs de ses débuts à Carnegie Hall : Julia Varady à Carnegie Hall)

Je me rappelle, entre bien d’autres prestations incomparables, sa formidable incarnation d’Abigaille dans le Nabucco de Verdi qui a ouvert l’ère Gall à l’Opéra Bastille en septembre 1995.

Julia Varady a gravé, pour Orfeo, plusieurs disques d’airs d’opéra, de Verdi notamment, avec le plus aimant et le plus aimé des chefs d’orchestre, son mari Dietrich Fischer-Dieskau (1925-2012)

23 avril : Thomas Pesquet, de la Terre aux étoiles

Au moment où Thomas Pesquet se confine pour six mois dans la station spatiale internationale, revue – non exhaustive – de quelques musiques des sphères (De la terre aux étoiles) et pour moi la plus ardente, et pourtant méconnue, des versions des Planètes de Holst. Et quelle prise de son !

James Levine dirige le Chicago Symphony Orchestra

24 avril : Le roi des étoiles

Thomas Pesquet est le nouveau roi des étoiles. En 1911, Stravinsky écrit « Le roi des étoiles » une brève cantate (moins de 6′) sur un poème de Constantin Balmont, pour choeur d’hommes et grand orchestre.

Au début de sa carrière, Michael Tilson Thomas en donne une très belle version.

Stravinsky : Le roi des étoiles / The King of Stars (Zvezdoliki)

New England Conservatory Chorus · Lorna Cooke De Varon

Boston Symphony Orchestra

dir. Michael Tilson Thomas (1972)

25 avril : Christa Ludwig… et Milva

La disparition de Christa Ludwig ce 24 avril a occulté celle d’une autre chanteuse, la veille, Maria Ilva Biolcati, plus connue sous le pseudonyme de Milva.

Christa Ludwig est morte hier à 93 ans.

Carrière immense, personnalité rayonnante, voix admirable, tous les hommages seront rendus à la cantatrice disparue (Eternelle Christa Ludwig)

Elle n’était pas que l’inoubliable interprète de Beethoven, Schubert, Schumann, Mahler, Wagner, elle pouvait aussi être la facétieuse Old Lady du Candide d’un Leonard Bernstein qu’elle adorait :

26 avril : Christa en Adalgise

Hommage à Christa Ludwig (suite): (Eternelle Christa Ludwig).

Cette fois, dans un répertoire où elle n’a fait que de rares incursions, mais un duo inoubliable avec Maria Callas dans l’enregistrement de Norma de Bellini dirigé par Tullio Serafin en 1961;

Bellini: Norma (duo Mira o Norma)

Maria Callas

Christa Ludwig

Orchestre du Teatro alla Scala Milan

dir. Tullio Serafin

27 avril : Christa en Orlofsky

Christa Ludwig était plutôt Richard que Johann Strauss. Elle a tout de même interprété – au disque en tout cas – le rôle travesti du prince Orlofsky dans La Chauve-souris / Die Fledermaus de Johann Strauss, dans une version injustement méconnue de 1959 – Elisabeth Schwarzkopf avait été remplacée au dernier moment par Gerda Schreyer – dirigée par le chef suisse, d’origine roumaine, Otto Ackermann, trop tôt disparu en 1960.

Christa Ludwig n’en rajoute pas dans l’exotisme de pacotille, ni dans la caricature.

28 avril : la valse des empereurs

Warner Classics & Erato publie un coffret de 96 CD avec la totalité des enregistrements réalisés par André Previn (1929-2019) pour HMV et Teldec (lire :Réévaluation).

Du très connu, et du très rare, comme l’unique valse de Johann Strauss que Previn ait jamais enregistrée.

D’abord intitulée Hand in Hand, cette valse composée lors de la visite de Guillaume II de Prusse à Vienne change de titre, lors de la visite retour de François Joseph à Berlin le 21 octobre 1889, et devient Kaiserwalzer – qu’il faudrait donc traduire par Valse des… empereurs.

Sans doute cette valse rappelait-elle à André Previn ses origines berlinoises…

29 avril : Svetlanov au piano

Le grand chef russe Evgueni Svetlanov (1928-2002) – lire Le génie de Genia – était aussi un excellent pianiste et un compositeur qui s’est soigneusement tenu à l’écart de la modernité.

Dans son unique concerto pour piano, il est le soliste, dirigé par Maxime Chostakovitch à la tête de l’Orchestre de la radio-télévision d’URSS.

Evgueni Svetlanov: concerto pour piano en do m

Evgueni Svetlanov, piano

Orchestre symphonique de la Radio-Télévision d’URSS dir. Maxime Chostakovitch

Les raretés du confinement (XI) : tristes Césars, Gainsbourg, Doria, Milhaud et la veuve de Karajan

Tristes Césars

Heureusement qu’il y eut Catherine Ringier, Alain Souchon, Benjamin Biolay – que des jeunes pousses de la chanson ! – pour donner un peu d’allure à une cérémonie qui n’en eut aucune : la 46ème édition des Césars était un ratage, une caricature, le comble de l’entre-soi, rien ni personne qui donne envie au public de retrouver le chemin des salles obscures. Lire ce texte de Nathalie Bianco (Un presque sans-faute)

En ce 13 mars, la culture n’est donc toujours pas déconfinée, et Roselyne Bachelot continue de croiser les doigts pour que les lieux de culture rouvrent…. dans le courant du deuxième trimestre !

2 mars : Gainsbourg et Brahms

Serge Gainsbourg (1928-1991) disparu il y a 30 ans a beaucoup emprunté à la musique classique. En particulier à Brahms, le 3ème mouvement de sa Troisième symphonie (pour Baby alone in Babylon). Lire : Les classiques de Gainsbourg) John Barbirolli dirige en 1967 les Vienna Philharmonic / Wiener Philharmoniker

3 mars : La Veuve de Karajan

Je considère depuis longtemps Die lustige Witwe / La Veuve joyeuse comme un absolu chef-d’oeuvre. En ces temps si incertains, on ne se lasse pas d’écouter cette valse si érotique, si bienfaisante, par des interprètes aussi exceptionnels.: Elizabeth Harwood, René Kollo, Herbert von Karajan et les Berliner Philharmoniker

4 mars : Nelson et Martha dansent

Quand deux géants s’amusent avec le troisième mouvement – « Brasileira » – de Scaramouche de Darius Milhaud. Ça danse et ça chaloupe – et c’est d’une mise en place périlleuse. Et ça nous fait un bien fou sous les doigts complices du Brésilien Nelson Freire et de l’Argentine Martha Argerich :

5 mars : Verdi revisité

Quand les musiciens se prêtent aux petits et aux grands arrangements (lire Petits et grands arrangements) cela peut donner des résultats étonnants. Honneur aux Britanniques ou quand Charles Mackerras revisite Verdi avec le ballet The Lady and the Fool (1954) :

6 mars : Les matinées et les soirées de Benjamin B.

Quand Benjamin Britten « arrange » Rossini (lire Petits et grands arrangements) cela donne deux suites d’orchestre, l’une pour le matin, l’autre pour le soir ! Richard Bonynge dirige les Matinées et les Soirées musicales de Rossini/Britten :

7 mars : Capriol suite

Dans mon article (Petits et grands arrangements) j’aurais pu ajouter le nom du compositeur anglais Peter Warlock, de son vrai nom Philip Heseltine, né en 1897, mort prématurément à 36 ans en 1930 (suicide ou accident ?), auteur d’une Capriol Suite (1926) inspirée de l’Orchésographie du compositeur français Thoinot Arbeau (1520-1595).

Neville Marriner dirige « son » Academy of St Martin in the Fields

8 mars : atout cheffes

Ce n’est pas parce que les cheffes d’orchestre sont moins nombreuses que les hommes qu’elles ont moins de talent ! Revue non exhaustive dans ce billet : Atout cheffes/ Un disque redécouvert dans ma discothèque, Tchaikovski dirigé par la cheffe britannique Sian Edwards, la fougue romantique de Roméo et Juliette :

9 mars : hommage à Renée Doria

J’ai toujours aimé cette voix si française. Renée Doria. Telle une ombre légère, est partie rejoindre les étoiles, quelques semaines seulement après avoir fêté ses 100 ans.

10 mars : La Grande Duchesse

L’une des plus impérissables incarnations de La Grande Duchesse de Gérolstein d’Offenbach, Dame Felicity Lott. Marc Minkowski dirige Les Musiciens du Louvre

11 mars : Astor Piazzolla et Liège

Astor Piazzolla est né il y a cent ans le 11 mars 1921 à Mar Del Plata (Argentine).En mars 1985, il crée à Liège avec l’ Orchestre Philharmonique Royal de Liège son célèbre concerto pour bandonéon et guitare.

Les raretés du confinement (VII) : Cziffra, Brel, la fièvre de Lehar, le Chopin d’Askenase, le Boeuf sur le toit etc.

22 janvier 2021 : Romances latino

Warner avait publié un beau coffret récapitulatif des quinze années (2002-2016) que Martha Argerich a passées, chaque été, à Lugano : Martha Live

Une véritable malle aux trésors où le connu (le coeur de répertoire de la pianiste argentine) côtoie beaucoup d’inconnu. Ainsi ces délicieuses romances de Carlos Guastavino (1912-2000), un des compatriotes de Martha Argerich.

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Des romances jouées à Lugano par Martha Argerich et le pianiste cubain Mauricio Vallina (présent sur la photo ci-dessus prise à Liège en novembre 2001, avec Armin Jordan)

21 janvier 2021 : Le Chopin de mon enfance

Souvenir d’enfance, le premier disque Chopin vu à la maison, le cliché absolu de la musique classique. Mais un pianiste dont je n’ai jamais oublié le nom : Stefan Askenase naît polonais le 10 juillet 1896 à Lemberg/Lvov/Lviv, meurt belge à Cologne le 18 octobre 1985. Son Chopin semble venir en droite ligne du compositeur lui-même. Il a pour moi un parfum d’éternité

20 janvier 2021 : La bannière étoilée

Jour de fête aux Etats-Unis, le 46ème président, Joe Biden, est officiellement installé, la première vice-présidente de l’histoire de la démocratie amércaine, Kamala Harris, a prêté serment : Inauguration

L’hymne national américain The Star-Spangled Banner a été cité par Puccini (dans Madame Butterfly) , revu par Stravinsky (et Jimi Hendrix), et transcrit pour piano par Rachmaninov lui-même en 1918.

19 janvier 2021 : des chansons de négresses

Poursuivant sur ma lancée, illustrative de l’activité du Groupe des Six (lire Groupe de Six), je livre cette absolue rareté dans l’oeuvre surabondante de Darius Milhaud et dans la discographie de l’interprète.Un cycle de mélodies bien peu « politiquement correct », intitulé : Trois Chansons de négresse, sur des poèmes de Jules Supervielle, créé en 1936. Ici l’immense Brigitte Fassbaender en public, accompagnée par Irvin Gage.

18 janvier 2021 : la valse de Nelson et Martha

Je ne me lasse jamais d’entendre Martha Argerich (lire La reine dans ses oeuvres), de surprendre comme ici sa fabuleuse complicité avec son ami de toujours Nelson Freire. La Valse de Ravel a-t-elle jamais été plus sensuelle ?

17 janvier 2021 : un violon sur le toit

Comme promis hier, je tire de ma discothèque un disque devenu rare, enregistré en 1980 pour Philips, où Riccardo Chailly (27 ans à l’époque) accompagne Gidon Kremer (32 ans) dans un programme aussi rare d’oeuvres pour violon et orchestre, dont la version du Boeuf sur le Toit (1920) de Darius Milhaud, pour violon et orchestre.Ici une vidéo contemporaine de l’enregistrement, une captation en public avec le chef russe Woldemar Nelsson (1938-2006) passé à l’Ouest en 1976.

16 janvier 2021 : le Boeuf sur le toit

La neige, le couvre-feu à l’heure où le soleil d’hiver se couche me donnent une furieuse envie d’Amérique du Sud, celle que Darius Milhaud (1892-1974) a rapportée dans sa musique après son séjour au Brésil comme secrétaire de Paul Claudel, ambassadeur de France à Rio de Janeiro.Il compose plusieurs versions de son célèbre Boeuf sur le toit (1920), une version pour violon et orchestre (Cinéma-fantaisie) que je diffuserai demain, et puis la version purement orchestrale, la plus connue. Comment résister au swing de Leonard Bernstein dirigeant, en 1976, l’ Orchestre national de France ?

15 janvier 2021 : le cadeau du père

En 1957, Dmitri Chostakovitch écrit son 2ème concerto pour piano pour le 19ème anniversaire de son fils Maxim, qui le crée pour ses examens au Conservatoire de Moscou. Le mouvement lent est romantique en diable. Ici Leonard Bernstein dirige du piano l’Orchestre philharmonique de New York (1962)

14 janvier 2021 : les flots du Danube

Quand le tube du concert viennois de Nouvel an – Le beau Danube bleu – est confié au piano, à l’orgue ou à l’accordéon (lire Le Danube en blanc et noir/) ça donne quelques merveilles, comme cette captation en concert de l’époustouflant Mikhail Pletnev

13 janvier 2021 : la Nuit transfigurée

Zubin Mehta a tellement enregistré que, dans le flot des reparutions (lire: Felix et Zubin), on néglige de s’attarder à ce qui ne paraît pas a priori comme son coeur de répertoire. Et on a tort ! La preuve cet unique enregistrement de studio de la Nuit transfigurée (Verklärte Nacht) de Schoenberg, réalisé avec le Los Angeles Philharmonic en 1976.

12 janvier 2021 : loin de la Veuve joyeuse

Le 9 janvier, j’évoquais l’un des tubes de l’auteur comblé de La Veuve joyeuse, Franz Lehar (1870-1948), la valse L’Or et l’argent, et son interprète d’élection, Rudolf Kempe (lire L’Or et l’Argent ). Ce nouveau disque de mon cher Ed Gardner met en lumière un aspect beaucoup moins connu de l’oeuvre de Lehar, un cycle de mélodies avec orchestre écrit durant la Première Guerre mondiale, dont le titre est explicite : Aus eiserner Zeit. La cinquième de ces mélodies est intitulée Fieber (Fièvre) et écrite pour ténor. On est loin des viennoiseries légères, beaucoup plus près de Schoenberg, Korngold ou Zemlinsky. Un disque à paraître début février.

11 janvier 2021 : Hollywood en 12 CD

En 12 CD, un fabuleux voyage dans les studios de Hollywood grâce aux musiques de Korngold, Newman, Herrmann, Steiner, Waxman, Tiomkin, sous la houlette d’un exceptionnel producteur, et chef d’orchestre, Charles Gerhardt. A découvrir ici : Monsieur Cinéma

10 janvier 2021 : Liszt, Brel, Cziffra

J’ai eu la chance de voir une fois dans ma vie, à Poitiers, Cziffra en récital. Je n’ai jamais compris comment il parvenait à cette pyrotechnie digitale qui était autant musique que démonstration de virtuosité. Singulièrement dans le piano de Liszt.Ici dans la 6ème Rhapsodie hongroise de Liszt. Le thème qu’on entend à 2’12 a été emprunté par Jacques Brel dans sa célèbre chanson « Ne me quitte pas » (… » je t’offrirai des perles de pluie »…)