La victoire de la musique

Je me suis souvent exprimé ici sur les Victoires de la musique classique, avec d’autant plus de liberté que c’est moi qui avais jadis décidé d’associer France Musique à cette manifestation. Je note d’ailleurs qu’aujourd’hui le président de ces Victoires n’est autre que le directeur de France Musique, Marc Voinchet . CQFD !

Victoires 2024

Je n’ai pu suivre que la fin de la cérémonie d’hier – j’avais une bonne excuse, un concert à la Maison de la radio (critique à suivre sur Bachtrack) – mais ce que j’en ai vu et les récompenses attribuées m’ont fait bonne impression. Juste une remarque quant à la présentation : quand Frédéric Lodéon tenait la barre de ces soirées (il l’a fait jusqu’en 2018), peu importait le ou la comparse qu’on lui adjoignait, il dominait le sujet sans conteste possible. Depuis lors, comme pour toutes les manifestations musicales, on nous impose un Stéphane Bern plus guindé que jamais dans un style qui n’est plus supportable pour parler de musique et de musiciens classiques. Quel contraste hier soir avec Clément Rochefort, l’un des meilleurs producteurs que France Musique ait recrutés et formés depuis longtemps ! Que n’a-t-on laissé ce dernier piloter seul la soirée !

(Avec Clément Rochefort dans les studios de France Bleu Hérault à Montpellier en 2019)

Joie de revoir ma chère Karine Deshayes, plus éblouissante que jamais en ce 29 février – jour anniversaire de Rossini ! – avec son complice Florian Sempey. Dommage qu’il y ait eu quelques soucis de micro dans cet extrait, mais cela ne gâche pas notre plaisir… et notre admiration pour ces chanteurs.

Pas beaucoup de surprise à l’annonce des lauréats comme soliste instrumental – Alexandre Kantorow ne quitte guère les sommets qu’il a atteints depuis sa m&daille d’or au Concours Tchaikovski 2019 – ou soliste vocal – le ténor Benjamin Bernheim qui doit chanter Roméo et Juliette au Metropolitan Opera de New York dans quelques jours. Heureux que Marie Jacquot soit distinguée comme « révélation chef d’orchestre », quoique cet intitulé me paraisse à la limite du ridicule s’agissant d’une musicienne à qui sont déjà confiées d’importantes responsabilités.

Comme le public, je découvre les talents de la compositrice Florentine Mulsant, de la gambiste Salomé Gasselin ou encore de la jeune mezzo-soprano Juliette Mey.

Plus étrange est la nomination dans la catégorie « Enregistrement » du coffret d’hommage à Nicholas Angelich. On se demande d’ailleurs si cette récompense attribuée à un seul disque classique est pertinente : il y a une telle production qui n’est plus et de loin l’apanage du seul CD qu’il est illusoire de prétendre distinguer « le meilleur enregistrement . Ici, il eût été ô combien plus pertinent que ce coffret soit placé hors catégorie.

Le génie de Moussorgski

Mercredi soir, j’assistais à la première de la série de représentations de Boris Godounov proposées jusqu’au 7 mars par le théâtre des Champs-Elysées. J’ai rendu compte pour Bachtrack de cette production créée à Toulouse en décembre dernier : Les grosses ficelles d’Olivier Py dans Boris Godounov au théâtre des Champs-Elysées.

Mais si l’on fait abstraction de ces trucs de mise en scène, et de la relative déception d’une direction assez banale, il faut louer sans réserve tous les chanteurs de cette production (ce sont les mêmes à Toulouse et à Paris), dont la star aurait dû être Mathias Goerne dans une prise de rôle pour lui. Le baryton allemand ayant déclaré forfait, il a été, très avantageusement, remplacé par Alexander Roslavets dans le rôle-titre

Au cas où on n’aurait pas compris la fine allusion au tsar Boris (Poutine) recevant au Kremlin le prince Chouiski (Macron)

Comme je l’écris dans Bachtrack, je songeais en écoutant Roslavets à ce qui s’était passé, il y a 111 ans, sur cette même scène : pour la saison inaugurale du théâtre construit par Auguste Perret, c’est le grand Fiodor Chaliapine qui reprenait le rôle-titre du chef-d’oeuvre de Moussorgski, qu’il avait chanté cinq ans plus tôt au Châtelet.

Des livres de prix

Le Goncourt

J’ai le réflexe, assez idiot finalement, de ne jamais me précipiter sur le disque qu’il faut avoir écouté, le livre qu’il faut avoir lu, le film qu’il faut avoir vu.

Il y a des exceptions à toute règle, surtout à celles qu’on se fixe soi-même! Sans doute ai-je été amusé par le choix de l’Académie Goncourt, qui a révélé qu’il avait fallu 14 tours – c’est pire qu’un président de la République sous la IVe ! – et un vote prépondérant du président pour désigner Brigitte Giraud comme lauréate du Prix Goncourt 2022. Le prix aurait tout aussi bien été à Giuliano da Empoli pour son Mage du Kremlin, qui a par ailleurs obtenu le Grand Prix de l’Académie française.

Ce dernier est, depuis plusieurs semaines, sur ma table de chevet, dans les « à lire en priorité ». En revanche, je n’ai jamais lu ni même su de Brigitte Giraud. Le seul fait que certains « commentateurs » la comparent à Annie Ernaux, m’aurait plutôt dissuadé de m’intéresser à elle.

J’ai finalement téléchargé d’abord un extrait puis le livre tout entier et je l’avoue, j’ai été happé par Vivre vite.

« En un récit tendu qui agit comme un véritable compte à rebours, Brigitte Giraud tente de comprendre ce qui a conduit à l’accident de moto qui a coûté la vie à son mari le 22 juin 1999. Vingt ans après, elle fait pour ainsi dire le tour du propriétaire et sonde une dernière fois les questions restées sans réponse. Hasard, destin, coïncidences ? Elle revient sur ces journées qui s’étaient emballées en une suite de dérèglements imprévisibles jusqu’à produire l’inéluctable. À ce point électrisé par la perspective du déménagement, à ce point pressé de commencer les travaux de rénovation, le couple en avait oublié que vivre était dangereux. Brigitte Giraud mène l’enquête et met en scène la vie de Claude, et la leur, miraculeusement ranimées » (Présentation de l’éditeur).

A la différence, à l’inverse même, de ces auteures, Annie Ernaux, Christine Angot, qui tournent autour de leur nombril et mettent en scène leur petite personne, non sans talent parfois, Brigitte Giraud raconte, dans un style sans manière, fluide, et élégant, une part de sa vie, l’événement qui a failli rendre impossible la poursuite de sa propre vie, puisque la vie de Claude son mari s’est brutalement interrompue. Tout sonne juste, sans rien de larmoyant, ni d’héroïque. Ceux qui ont connu pareil drame – la mort brutale d’un mari, d’un père, d’un proche – et qui, comme Brigitte Giraud, ont dû survivre, vivre sans, vivre autrement, sont évidemment plus touchés encore par ce récit. J’entendais l’auteure dire, dans une interview, que ce drame « intime touche à l’universel ». Ecouter ce qu’elle répondait à Anne-Sophie Lapix sur France 2 : Tenter d’expliquer l’inexplicable.

JMS Arsène Lupin ?

Je connais Joseph Macé-Scaron depuis neuf lustres (à vous de faire le calcul !). On s’est toujours suivis, de loin en loin, comme si le fil d’une amitié initiale ne s’était jamais rompu, quelques chemins de vie que nous ayons pu emprunter. JMS auteur de polar ? c’était un rôle qu’il n’avait encore pas endossé. Je viens d’acheter son dernier ouvrage, qui ne peut manquer de nous rappeler Maurice Leblanc, L’Aiguille creuse, Arsène Lupin. La rumeur en dit du bien. Je ne devrais pas être déçu…

Étretat, ses falaises, ses lecteurs d’Arsène Lupin, sa mer aux couleurs du temps et ses couples romantiques enlacés sous la bruine. Attention à ne pas vous approcher trop près du bord, ce thriller glaçant risque de vous donner le vertige. 

Derrière la carte postale de la petite station balnéaire, belle endormie de la Côte d’Albâtre réveillée chaque week-end par des nuées de touristes, se cache un monde de passions, de secrets et de dangers. Car le Mal rôde, satisfait d’avoir pu y commettre, depuis des décennies, des crimes parfaits. 
Revenue une nuit sur les lieux de son enfance pour mettre fin à ses jours, Paule Nirsen en est empêchée par une rixe au bord de la falaise. Le lendemain, une femme, Rose, est retrouvée sur les galets. 
Autour de Paule, les victimes s’accumulent. S’agit-il d’un tueur en série ou d’une mécanique diabolique actionnée par une confrérie ivre de revanche sociale ? 
Furieuse qu’on lui ait volé son suicide, Paule va mener l’enquête avec le capitaine de gendarmerie Lassire. Ils ne seront pas trop de deux pour s’enfoncer dans les brumes épaisses de la cruauté humaine et montrer que la victoire du Mal n’est jamais inéluctable. Mais à quel prix ? 
(Présentation de l’éditeur)

Vanessa, Raphaëlle et les riches

Ce n’est pas la première fois qu’on loue le talent d’écriture de la journaliste Raphaëlle Bacqué (voir Les dames du Monde). Cette fois, elle s’est associée à sa consoeur du Monde, Vanessa Schneider, pour croquer une savoureuse galerie de portraits sur les grandes familles qui règnent sur l’économie, les médias, les secteurs-clé de notre vie. Pas de parti pris, mais beaucoup d’informations, si ce n’est des révélations, sur des personnages aussi redoutables que redoutés.

Un père, des enfants, une entreprise à transmettre. Balzac en a fait le terreau de nombreux romans, les Américains des séries à succès, mais la réalité dépasse la fiction. Cette enquête riche en révélations plonge dans les coulisses et les secrets de famille du capitalisme français.

Vincent Bolloré a rebâti son empire pour le rendre désirable aux yeux de ses enfants. Mais il ne lâche rien. 
Bernard Arnault élève les siens comme on entraîne des chevaux de course. 
Jérôme Seydoux ne juge personne à sa hauteur. Dans la tribu Bouygues, c’est l’outsider qui a finalement gagné. 
Arnaud Lagardère, lui, a réduit méthodiquement l’héritage de son père, comme une vengeance oedipienne… 
Méconnues jusqu’à présent, les histoires de succession des Pinault, Decaux, Hermès, Mulliez, Peugeot, Gallimard ou 
Bettencourt racontent les privilèges, les haines et les trahisons qui empoisonnent les liens du sang.
Sujet tabou, dossiers explosifs. Histoire universelle.

Au fil d’un récit haletant, deux journalistes réputées nous dévoilent pour la premières fois la véritable nature du pouvoir en France. (Présentation de l’éditeur)

Emportés par la foule

« Day off » ce mardi, comme on dit en bon français, pour permettre à l’orchestre (https://jeanpierrerousseaublog.com/2016/04/27/les-premiers-jours-de-pekin/) de récupérer d’un long voyage et de se préparer dans les meilleures conditions à des concerts devant des publics inconnus.

Et pour beaucoup, la découverte des quelques trésors – finalement assez rares – de la capitale chinoise, comme la Cité interdite, où ont été tournées des scènes du Dernier Empereur et d’un Turandot de Puccini dirigé par Zubin Mehta

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En moins de douze ans, l’évolution est impressionnante, certes la première fois c’était au coeur de l’hiver et la gigantesque place Tian’anmen était déserte, l’immense complexe de palais, de demeures et de jardins que forme la Cité interdite comptait de rares touristes qui pouvaient encore pénétrer dans les différents bâtiments admirer mobilier, trônes, objets décoratifs, etc.

Aujourd’hui, la plus grande place de Pékin – qui est aussi l’une des plus vastes au monde – est soigneusement quadrillée, barrières et forces de police partout, interdiction de la traverser pour les non-Chinois, et aux abords de la Cité, puis dans toutes les cours intérieures, une foule incroyable, des dizaines de groupes, d’écoliers et de lycéens revêtus de survêtements (leurs uniformes sans doute) d’un goût exquis. Inutile d’attendre le moindre geste de politesse, de courtoisie de ces hordes qui bousculent, heurtent sans complexe le pauvre touriste qui se risquerait à se mettre en travers de leur chemin. Tous sont vissés à leur perche à selfie et dès que quelque chose semble photographiable, tous se piétinent, se cognent, se pressent sans pitié. C’est la loi du plus fort… Triste et bruyant spectacle !

IMG_2485D’un côté le musée national d’histoire, de l’autre le Palais du Peuple !IMG_2486IMG_2487IMG_2488

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D’autres photos de la Cité interdite à voir ici : (https://lemondenimages.me/2016/04/28/cite-interdite/)