Kremer l’insatiable

C’était lundi dernier, le concert du trio Kremer à la salle Gaveau. J’en ai rendu compte pour Bachtrack : L’insatiable curiosité de Gidon Kremer.

Extrait : « L’homme qui pénètre, seul avec son violon, sur la scène de la Salle Gaveau a aujourd’hui 76 ans. N’était le grisonnant de la chevelure, on a l’impression de retrouver le Gidon Kremer qu’on a pu longuement écouter et fréquenter en 1987 au cours d’une tournée au Japon. Et son air d’éternel adolescent, toujours un peu gauche, presque timide quand il salue le public. Déjà à l’époque – sept ans après avoir fui l’Union Soviétique et son pays natal, la Lettonie, qui en faisait partie – le violoniste jouait systématiquement ses contemporains aux noms imprononçables, en bis des concertos ou sonates du répertoire inscrits à ses programmes. »


Le Japon en 1987

Avant la tournée au Japon et en Californie, à l’automne 1987, de l’Orchestre de la Suisse Romande, que j’avais été invité à suivre comme jeune producteur de la Radio suisse romande, je ne connaissais Gidon Kremer que par le disque (je me rappelle des pochettes Eurodisc !). Le violoniste letton était l’un des solistes, l’autre étant Martha Argerich, embarqués par Armin Jordan dans cette tournée de plus de 5 semaines ! Et ce fut pour moi, cela reste encore aujourd’hui, une somme inoubliable de souvenirs.

J’ai retrouvé sur YouTube l’un des deux concerts que l’OSR avait donnés à Tokyo : je me rappelle avoir préparé la captation avec les équipes de la NHK, la télé publique japonaise, qui n’avaient eu besoin de rien d’autre qu’une minutieuse préparation sur plans, pas de répétition générale, et dont je pense tous les cameramen étaient eux-mêmes musiciens. La preuve ? dans la bande mère que j’avais récupérée, il y avait des plans du public, et une caméra s’était attardée sur… Gidon Kremer présent dans la salle pour écouter sa camarade Martha Argerich ! Ce plan n’a évidemment pas été conservé mais le témoignage de ce concert tokyoite garde toute sa force :

Je n’ai malheureusement pas retrouvé de trace filmée des concerts où Gidon Kremer jouait le concerto de Sibelius. Je me rappelle très bien, comme je l’ai raconté dans mon article pour Bachtrack, que Kremer prenait un malin plaisir à jouer des bis complètement inconnus comme ce finale de la partita pour violon du Lituanien Vitautas Barkauskas (1931-2020)

Montpellier 2019

Du temps où le Festival Radio France Occitanie Montpellier faisait confiance à la curiosité du public et répondait en cela à sa vocation première, j’avais convié, le 15 juillet 2019, Gidon Kremer et sa Kremerata Baltica pour un concert à tous égards exceptionnel : Grâce à France Musique, on peut le réécouter intégralement ici.

Il y avait notamment ce soir-là, un véritable événement, puisque les deux créateurs du chef-d’oeuvre d’Arvo Pärt en 1977, Tabula Rasa, Gidon Kremer et sa partenaire d’alors Tatiana Grindenko, redonnaient ce double concerto devant le public de Montpellier et pour les auditeurs de la radio.

Tous ceux que je croisai ce soir-là à l’entr’acte – et il y avait pas mal d’officiels locaux – me dirent, le souffle encore court, l’intense émotion qui les avait saisis, alors même que, le plus souvent, ils ne connaissaient ni l’oeuvre ni le compositeur ni même les interprètes.

Tout Kremer sans réserve

J’ai déjà consacré pas mal d’articles à Gidon Kremer. J’y renvoie pour plus de détails. Plus je cherche, moins je trouve d’enregistrements, de disques qui seraient négligeables ou moins réussis.

On l’aura compris, moi qui n’aime pas les classements ni les superlatifs, je tiens Gidon Kremer pour le plus grand violoniste de notre temps. D’abord par la qualité exceptionnelle de son jeu, mais surtout par le charisme inépuisable d’une personnalité qui n’a cessé d’inspirer chacun(e) de ses partenaires. Il est, dans tout ce qu’il joue, comme la vibration de l’âme humaine.

Et comme il est d’une infatigable curiosité, il continue de jouer et d’enregistrer de nouveaux répertoires, comme le compositeur Mieczyslaw Weinberg

Des nuances de noir et blanc

#Confinement Jour 45

Le flou continue

Rien de neuf depuis mon dernier billet Déconfinementle flou, l’incertitude, l’absence comme seules perspectives…

Dans Le Monde du week-end, un appel – peu de musiciens parmi les signataires – : Monsieur le Président, cet oubli de l’art et de la culture, réparez-le !Je le signe. Sans illusion.

Le violoncelle en deuil

Je ne les connaissais ni l’un ni l’autre autrement que par le disque. Mais la pluie d’hommages de leurs collègues, disciples, partenaires, dit assez la place que Lynn Harrell et Martin Lovett tenaient dans nos coeurs de mélomanes.

Le dernier survivant, le pilier du légendaire quatuor Amadeus, Martin Lovett, est mort hier à 93 ans.

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Mais nous n’aurons jamais fini d’écouter et réécouter Martin Lovett et ses compagnons.

https://www.youtube.com/watch?v=WKY43du5xSo

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Ses amis en ont dit tellement de bien, sa figure est si sympathique, qu’on regrettera longtemps de ne pas avoir connu personnellement le violoncelliste américain Lynn Harrell disparu lundi dernier.

Deux témoignages émouvants de ce bel artiste : le premier lorsqu’à 16 ans, il est invité par Leonard Bernstein dans cette fantastique série de concerts – les Young People’s concerts – du New York Philharmonic, un extrait trop court du concerto pour violoncelle de Dvorak…

Et en 2012, à Santa Fe, une rencontre qui a durablement marqué la pianiste chinoise Yuja Wang, 25 ans à l’époque, et une leçon de style dans la sonate pour violoncelle et piano de Rachmaninov.

 

Embarras du choix dans l’abondante discographie de Lynn Harrell. Une tendresse pour ce double album des trios à cordes de Beethoven, et quels partenaires !

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Deux coffrets de piano

Le confinement laisse du temps pour redécouvrir les rayons d’une discothèque où sont rangés des disques qu’on a écoutés trop vite, ou parfois pas eu le temps d’approfondir. Alpha a eu la bonne idée de mettre en deux coffrets des enregistrements pourtant récents de son catalogue.

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Beaucoup de merveilles dans ce boîtier sorti il y a quelques mois ! On n’avait pas tout de suite compris ce que Schumann, Liszt, Chopin et même Schubert et Beethoven venaient faire dans une compilation intitulée Early Piano. Le titre s’applique évidemment aux instruments utilisés ici, superbement captés.

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Un autre coffret, tout récent, au titre plus banal, Les Maîtres du piano, nous propose un contenu qui, une fois n’est pas toujours coutume, correspond à l’annonce. 71iK3YxTdaL._SL1200_

Qu’on est heureux de retrouver François-Frédéric Guy dans Beethoven et Liszt, Eric Le Sage dans des Schumann plutôt rares, Edna Stern dans Bach, Nelson Goerner impérial dans Chopin et Debussy – des disques justement primés à leur parution – et ma chère Anna Vinnitskaia dans Brahms et surtout Chostakovitch et Rachmaninov. Et de découvrir une magnifique ultime sonate de Schubert sous les doigts d’Alexander Lonquich. Une aubaine.

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Un peu de douceur, de romantisme même, à la veille d’une fête du travail.. confinée :