Le concert de l’Orchestre national de France, jeudi dernier, avait une caractéristique : l’opulence orchestrale. Comme je l’ai écrit pour Bachtrack, le menu était sans doute trop copieux, pour qu’en quelques répétitions, des musiciens, même aussi aguerris que ceux du National, et leur chef, puissent en révéler toutes les subtilités.
L’orchestre de Pierné
Quelle belle idée de programmer Gabriel Pierné, né en 1863 à Metz et mort la même année que Ravel et Roussel en 1937 ! Un personnage capital de la vie musicale parisienne, un compositeur passionnant, auquel je n’ai encore jamais consacré une ligne sur ce blog, même lorsque Warner a publié un coffret tout à fait intéressant.
En revanche, j’avais repéré de longue date le superbe enregistrement réalisé par Jean Martinon à la tête du National du ballet Cydalise et le chèvre-pied
Je suis toujours surpris que nos formations nationales n’explorent pas plus ardemment un patrimoine orchestral qui, à voir les affiches de la très grande majorité des concerts, se résumerait à Berlioz, Debussy et Ravel. Le seul XXe siècle est d’une richesse impressionnante, et Pierné fait partie de ces injustement oubliés. Or pour les amateurs d’opulence orchestrale, avec lui on est servi. Il suffit d’écouter – elles ne sont pas légion – ses quelques pièces d’orchestre.
Fantaisies symphoniques
Sauf erreur de ma part, de tous les arrangements, fantaisies et autres suites symphoniques qui ont été tirés de ses opéras, Richard Strauss n’est l’auteur que de la seule « fantaisie symphonique » sur La femme sans ombre (Die Frau ohne Schatten). C’est étonnant comme, à la fin de sa vie, le vieux compositeur s’offre une dernière luxuriance orchestrale, comme une récapitulation d’une science inouïe de l’orchestre, toujours dominé par le cor glorieux du paternel Franz Strauss.
Les autres arrangements d’opéras de Richard Strauss sont le lot de chefs d’orchestre qui ont tous connu le compositeur. Ainsi cette suite de Die Liebe der Danae, l’avant-dernier ouvrage lyrique de Strauss, créé par Clemens Krauss en 1952 à Salzbourg. C’est le même Clemens Krauss qui en tire cette suite orchestrale.
Un peu comme les suites tirées de Carmen, les quatre interludes symphoniques de l’opéra Intermezzo forment un beau tableau d’orchestre si typiquement straussien.
Ce panorama serait évidemment incomplet sans les multiples suites tirées du plus célèbre des opéras de Richard Strauss, Der Rosenkavalier (Le Chevalier à la rose). mais avant de les évoquer, je veux saluer un enregistrement exceptionnel, et jusqu’à preuve du contraire resté unique, celui de la musique du film Der Rosenkavalier (1925) pour lequel Strauss et son librettiste Hofmannsthal avaient été sollicités – ce serait pour eux des revenus supplémentaires et bienvenus ! – Marek Janowski en a réalisé un disque admirable
Il y a d’abord de vraies suites de concert, comme celle qu’a établie et enregistrée Antal Dorati
ou celle qu’en a tirée un autre grand chef d’orchestre Lorin Maazel
Et puis il y a les suites de valses, assez logiques, puisque la valse irrigue tout l’ouvrage. Beaucoup de chefs aiment les diriger, mais il en est peu d’aussi exemplaires que Karl Böhm, grand serviteur de Richard Strauss.
Tout Strauss
On ne se lasse jamais de l’orchestre straussien. On recommande le coffret le plus complet et le mieux doté.
Une édition vraiment complète qui aligne un grand nombre de références, pour l’orchestre l’intégrale insurpassée de Rudolf Kempe et de la Staatskapelle de Dresde avec de nombreuses pépites comme cette Burlesque idéale sous les doigts du formidable virtuose américain Malcolm Frager.
Et que dire des opéras et de versions signées Karajan, Böhm, Sinopoli, Keilberth !
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Nous y voilà : il y a deux cents ans, le 25 octobre 1825, naissait le plus célèbre compositeur du monde. Le plus célèbre, oui, puisque ce sont plusieurs milliards de téléspectateurs qui chaque 1er janvier entendent ses oeuvres, on veut parler de Johann Strauss, que je me refuse à appeler Strauss II – il n’est ni pape, ni roi… même de la valse – éventuellement Johann Strauss fils. Même si d’évidence il a acquis une légitime et universelle célébrité, qui surpasse celle de son père (Johann) et de ses frères (Josef et Eduard) pourtant très doués.
La célèbre statue dorée de Johann Strauss dans le parc de la ville de Vienne et un chef, pur Viennois, Christian Arming, qui dirigeait l’orchestre philharmonique royal de Liège dans sa ville natale en mai 2014 (Les soirées de Vienne) / Photo JPR
Pour célébrer ce bicentenaire à ma manière – puisque mon pays, la France, est bien timide – c’est un euphémisme – en dehors d’un beau concert de l’Orchestre national – je propose trois volets très personnels d’exploration de son oeuvre avec des versions que je recommande particulièrement.
D’abord 10 valses, celles qui me touchent le plus, et pour chacune non pas une discographie exhaustive – impossible – mais, tirées de ma discothèque personnelle, des versions qui me semblent être des références et/ou des raretés (mais je mentionne pour chaque valse toutes les versions de ma discothèque !)
La plus célèbre valse de Johann Strauss est d’abord une valse chantée, sur un texte satirique de Josef Veyl, un ami d’enfance du compositeur, qui fera scandale lors de la création le 13 février 1867 au Dianabad par le Wiener Männergesang-Verein. C’est à Paris, lors de l’Exposition universelle, le 1er avril de la même année, qu’est donnée la version orchestrale sous la direction de Johann Strauss.
La seule version avec choeur qui figure dans ma discothèque est celle de Willi Boskovsky avec le choeur de l’opéra de Vienne et bien entendu les Wiener Philharmoniker
Naguère distingué à l’aveugle par l’émission Disques en lice, Claudio Abbado, capté le 1er janvier 1988, reste une/ma référence, loin devant tant d’autres !
Parmi la quarantaine de versions de ma discothèque (avec des récidivistes comme Karajan avec 8 versions studio et « live » !), j’ai mes préférences :
Jascha Horenstein a enregistré à Vienne (avec l’orchestre de l’opéra, c’est-à-dire les Wiener Philharmoniker !) deux disques parus sous diverses étiquettes. Sa Kaiserwalzer (ici à 7’50 ») est idéale d’entrain, d’allure.
Autre version oubliée, viennoise elle aussi, mais avec les Wiener Symphoniker, Wolfgang Sawallisch
J’avais déjà consacré un long article à cette valse de 1869 assez unique dans la production de Strauss. C’est presque un poème symphonique, avec une longue introduction, souvent écourtée, voire supprimée.
Mon premier choix est toujours Willi Boskovsky, qui dirige vraiment une valse qui ne traîne pas, ne s’alanguit pas.
Mais la version de Georges Prêtre en 2010 est émouvante, en ce qu’elle révèle dans l’introduction le grand chef de théâtre qu’il fut.
Depuis des lustres, « ma » version de la valse Roses du sud (créée le 7 novembre 1880 par Eduard, le benjamin des Strauss, au Musikverein de Vienne) est celle de Karl Böhm. Indépassable !
J’intitulais un de mes (nombreux) articles consacrés à Vienne « Capitale de la nostalgie« . S’il est une valse qui exprime précisément ce sentiment diffus qui m’envahit à chaque fois que j’écoute cette musique, c’est bien Nachtfalter (1854).Zubin Mehta avec la complicité des Wiener Philharmoniker a tout compris du caractère double de cette confidence douce-amère.
Reprenant les thèmes de l’opérette Indigo et les quarante voleurs, cette valse est créée, comme Roses du sud, par Eduard Strauss au Musikverein de Vienne le 12 mars 1871.
Carlos Kleiber avait choisi cette valse, plutôt rare au concert, pour célébrer, le 1er janvier 1992, le sesquicentenaire des Wiener Philharmoniker. Le modèle absolu !
(Boskovsky, Dudamel, Fiedler, Horenstein, Kempe, Carlos Kleiber, Maazel, Ormandy, Stolz, Alfred Walter)
Celle valse de 1868 commence par un solo de cithare, pour faire plus exotique sans doute. Dans plusieurs versions des années 60, comme celle de Boskovsky, on a fait appel à un musicien resté célèbre pour un film qui a donné à l’acteur Orson Welles l’un de ses plus grands rôles, Le Troisième homme. L’auteur du thème de Harry Lime est un artiste qui jouait dans une brasserie du Prater, Anton Karas (1906-1985)
Mes deux versions préférées de ces Légendes sont du même chef, Rudolf Kempe (1910-1976), resté justement célèbre pour son intégrale symphonique de l’autre Strauss (Richard), qui a gravé quelques anthologies de la famille Strauss, d’abord à Vienne en 1959, puis dix ans plus tard à Dresde.
Rudolf Kempe / Wiener Philharmoniker
Rudolf Kempe / Staatskapelle Dresde
J’ai dans ma discothèque une unique version chantée de cette valse : Rita Streich (1920-1987) y déploie tous ses sortilèges
Cette valse suit de peu le succès du Beau Danube bleu. L’introduction orchestrale de cette valse est un pur moment de poésie. Certains s’y attardent tellement qu’ils en oublient de valser. Ce n’est pas le cas d’un chef qui, comme Fiedler à Boston, connaissait par coeur ses classiques à Hollywood, Felix Slatkin (1915-1963),
La valse créée en 1883 reprend – d’où son titre ! – une grande partie des thèmes de l’opérette Une nuit à Venise. J’en aime le début qui semble ouvrir sur tous les matins du monde et qui, contrairement à bien d’autres valses de Strauss, semble inexorablement optimiste.
Je n’avais pas beaucoup aimé le concert du 1er janvier 2025 censé ouvrir les célébrations du bicentenaire Strauss. Riccardo Muti qu’on a connu fringant et conquérant, dès son premier concert de l’An viennois en 1993, semblait ici engoncé, excessivement retenu. Finalement sa version est l’une des plus convaincantes.
Autre grand habitué des concerts de Nouvel an – Lorin Maazel – très irrégulier d’une année à l’autre :
(Boskovsky x2, Oliver Dohnanyi, Horenstein, Jansons, Maazel, Muti, Stolz)
Un petit air d’ode à la joie ? Ce sont bien les mêmes mots qu’emploient Schiller et Beethoven dans le finale de la 9e symphonie, ce sont eux qui donnent son titre à cette valse créée en 1893. Mélancolique souvent, joyeuse parfois, ce n’est pas la plus aisée à diriger. On retrouve, comme par hasard, Abbado en 1988.
(Abbado, Barenboim, Boskovsky, Harnoncourt, Maazel, Stolz, Alfred Walter)
Ce choix de dix valses est éminemment subjectif, comme le choix des interprètes. J’ai surtout voulu attirer l’attention sur des versions dignes d’intérêt, moins connues ou repérées.
Il existe une intégrale symphonique de l’oeuvre de Johann Strauss parue chez Naxos. L’ensemble est assez médiocre du côté des orchestres et des chefs, mais au moins il y a toute l’oeuvre éditée de Strauss !
* Le titre de cette série est bien sûr un clin d’oeil, Strauss voulant dire « bouquet » en allemand… et en viennois !
Demain 2e volet de cette mini-série sur les opérettes et oeuvres vocales de Johann Strauss
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C’est un nom souvent aperçu sur d’admirables disques, de qualité « audiophile », du début des années 60, parus sous des étiquettes variables (RCA, Reader’s Digest, Chesky…) comme une fabuleuse Quatrième symphonie de Brahms, enregistrée par Fritz Reiner à Londres avec le Royal Philharmonic.
Charles Gerhardt (1927-1999) est une figure emblématique de la vie musicale du XXème siècle : producteur, chef d’orchestre, arrangeur. Il grandit à Little Rock (Arkansas), étudie la musique, le piano. Entre 1951 et 1955, il travaille comme technicien pour RCA Victor. Dans un premier temps, son rôle consiste à transférer sur bande des 78 tours d’Enrico Caruso et Artur Schnabel, y compris la suppression du bruit de surface préparatoire à la réédition en 33 tours. Il participe à des séances d’enregistrement de Kirsten Flagstad, Vladimir Horowitz, William Kapell, Wanda Landowska et Zinka Milanov. En 1954, il collabore avec Leopold Stokowski et le NBC Symphony Orchestra pour des enregistrements stéréophoniques expérimentaux des suites du ballet Sebastian de Gian Carlo Menotti, ainsi que Roméo et Juliette de Prokofiev, qui ne sortiront qu’en 1978 !
Il devient également l’agent « traitant » de RCA avec Arturo Toscanini, dans les dernières années du chef d’orchestre. C’est Toscanini qui l’encourage à étudier la direction d’orchestre.
Puis Gerhardt travaille durant cinq ans pour Westminster Records à New York. Westminster étant en difficulté (la société dépose le bilan en décembre 1959), il se tourne vers l’enregistrement de chanteurs pop, dont Eddie Fisher. C’est alors que George R. Marek, le chef du département Red Sceal de RCA Victor, lui offre l’opportunité de produire des enregistrements pour Reader’s Digest en Angleterre.
A partir de 1960, il produit des disques pour RCA Victor et Reader’s Digest avec pour partenaire le légendaire ingénieur du son Kenneth Wilkinson de Decca Records (alors filiale de RCA en Europe). S’ensuivront 4 000 sessions d’enregistrement! Leur premier projet majeur est un ensemble de 12 disques pour Reader’s Digest : A Festival of Light Classical Music, publié en versions mono et stéréophoniques, se vendra à plus de deux millions d’exemplaires. En 1961, il produit pour Reader’s Digest l’intégrale des symphonies de Beethoven avec le Royal Philharmonic Orchestra dirigé par René Leibowitz.
L’une des productions préférées de Gerhardt est la série parue en 1964 Treasury of Great Music un autre jeu de 12 disques pour Reader’s Digest. À la tête du Royal Philharmonic de Londres, il convie John Barbirolli, Malcolm Sargent, Antal Doráti, Jascha Horenstein, Rudolf Kempe, Josef Krips, Charles Munch, Georges Prêtre et Fritz Reiner, à graver les chefs-d’oeuvre du répertoire symphonique. Tous ces disques (la plupart republiés par Chesky Records) sont restés des références.
Dès 1966, Charles Gerhardt manifeste son goût pour les répertoires non classiques : en témoigne une série d’albums All-Time Broadway Hit Parade, qui comprend 120 chansons de diverses productions musicales telles que Carousel, The Music Man, Guysand Dolls, My Fair Lady, Pal Joey, South Pacific et bien d’autres.
Les projets Reader’s Digest créent une telle activité d’enregistrement qu’il devient nécessaire d’avoir un orchestre et chef d’orchestre dédiés à cette entreprise. Avec le violoniste et entrepreneur Sidney Sax, Gerhardt forme en 1964 un orchestre à partir des meilleurs orchestres londoniens et de musiciens indépendants. L’orchestre prend le nom de National Philharmonic Orchestra en 1970 et Gerhardt lui-même le dirige. Leopold Stokowski réalise certains de ses derniers enregistrements avec orchestre.
Charles Gerhardt réalise de 1972 à 1978 avec le National Philharmonic 14 disques vinyles pour la série Classic Film Scores pour RCA, publiée de 1972 à 1978. Première publication en 1972 The Sea Hawk: The Classic Film Scores of Erich Wolfgang Korngold (lire Les Musiques de l’exil). Toute la série se distingue surtout par une préparation extrêmement soignée des partitions par Gerhardt lui-même.. Les enregistrements sont réalisés au Kingsway Hall à l’acoustique exceptionnelle et conçus par Kenneth Wilkinson. Le producteur de ce premier disque est George Korngold, le fils du compositeur.
La série se poursuit avec des albums consacrés à Max Steiner, Miklós Rózsa, Franz Waxman, Alfred Newman, Dimitri Tiomkin, Bernard Herrmann et John Williams ainsi que des albums consacrés à la musique dans les films de Bette Davis, Humphrey Bogart et Errol Flynn. C’est cet ensemble miraculeux que Sony a réédité il y a quelques semaines dans un coffret indispensable.
On peut suivre le conseil de Tom Deacon, un autre producteur « légendaire », collègue de Charles Gerhardt :
Le regretté Charles Gerhardt était un passionné de musique de film. Pour RCA Victor, il a enregistré des musiques de films extraordinaires des années 1930, 1940 et 1950 par Korngold, Steiner, Waxman, Newman, Rozsa, Herrmann, Tiomkin et d’autres. Ceux-ci ont d’abord été publiés sur Lp puis sur CD sur RCA Victor. Désormais, les 12 CD sont tous contenus dans un coffret Sony. C’est à ne pas manquer. Gerhardt n’était pas seulement un chef d’orchestre doué, mais aussi un fabuleux producteur de disques. Ce sont des classiques audiophiles. Comme de tels coffrets risquent de disparaître sans préavis, ce n’est pas le moment d’hésiter. Achetez-le!
C’est par un communiqué, tombé à 17h45 aujourd’hui, du théâtre de La Monnaie à Bruxelles, qu’on apprend l’impossible nouvelle :
« Nous avons l’immense tristesse de vous annoncer que le chef d’orchestre Patrick Davin est décédé cette après-midi, juste avant d’entamer une répétition de l’opéra Is this the end ? Les musiciens, les chanteurs et les collaborateurs de la Monnaie en sont profondément affligés. Les répétitions qui étaient prévues ont été immédiatement annulées. Les membres du comité de direction et le personnel de la Monnaie adressent leurs sincères condoléances et leur profond soutien à la famille de Patrick Davin ainsi qu’à ses proches«
Dans ce métier, on a peu de véritables amis. Patrick en était un, et de longue date. Sa mort soudaine m’afflige et me renvoie à de tristes souvenirs personnels
Il y a quelques jours encore il me disait sa fierté d’avoir été nommé à la direction du Conservatoire de Liège…
Les souvenirs affluent en pagaille à ma mémoire, qui peineront cependant à restituer la richesse de sa personnalité et le lien qui nous unissait.
Besançon
En 1992, je siégeais au jury du Concours international de chefs d’orchestre de Besançon. C’est la première fois que je vis et entendis Patrick Davin, et que je compris que c’était un musicien exceptionnel, même sous des dehors brouillons: sa gestique quelque peu expansive lui a alors probablement coûté le Premier prix, qui est allé à un concurrent qui imitait mieux Karajan et dont on n’a guère plus entendu parler par la suite.
Liège
Nommé à la direction de l’Orchestre philharmonique – pas encore royal – de Liège en octobre 1999, je retrouve le chef belge dès mon premier contact avec la Cité ardente et son orchestre, puisque, comme je l’ai raconté – Liège à l’unanimité – c’est Patrick Davin qui dirigeait le concert de rentrée de l’Orchestre le 24 septembre 1999.
C’était le début d’une aventure humaine, amicale et musicale qui allait durer… jusqu’à ce que le coeur de Patrick en décide autrement.
Quand de nombreux chefs et musiciens s’empressaient de se « positionner » – rien que de très normal et légitime ! – auprès du nouveau directeur de l’OPL, Patrick Davin ne me demanda jamais de rendez-vous. C’est moi qui le sollicitai, quelques mois après mon arrivée et ce concert de « rentrée ». Pour un projet, puis d’autres, il y en eut tant de magnifiques.
Il faudrait que je feuillette l’ouvrage que nous avions réalisé pour le cinquantenaire de l’orchestre. Pour ne rien oublier de tout ce que Patrick a fait avec et pour l’orchestre.
Une infinie curiosité
Patrick Davin partageait – me voici à parler déjà de lui au passé ! – avec un autre grand chef – Rudolf Kempe – une caractéristique physique qui frappait au premier contact : de petits yeux vifs curieusement enfoncés dans les orbites.
Que de déjeuners ou dîners où nous avons refait le monde, imaginé d’audacieux programmes, organisé des enregistrements.
Me reviennent ainsi les trois symphonies de Rachmaninov, une phénoménale Septième symphonie de Mahler, de la musique contemporaine – même si lui comme moi étions soucieux de ne pas l’enfermer dans une étiquette de spécialiste (qu’il était), la musique française bien sûr, les compositeurs belges
C’est le même Patrick Davin à qui je propose, pour la saison du 50ème anniversaire de l’Orchestre, de diriger le tube des tubes, Carmina Burana de Carl Orff et qui, au lieu de se récrier, accepte d’enthousiasme en glissant dans son programme Shaker Loops de John Adams. C’était tout Patrick ça !
A l’opéra
Mon ami Jean-Louis Grinda avait fait de Patrick le premier chef invité de l’Opéra royal de Wallonie. Chaque année, jusqu’au départ de Jean-Louis en 2007, ce furent de nouvelles productions, et non des moindres, comme le somptueux Mefistofele de Boito qui marqua la fin du mandat de Grinda. Ou encore un Roi d’Ys mémorable
A la Monnaie de Bruxelles, où il est mort aujourd’hui, Patrick Davin avait associé son nom et son talent en particulier à notre cher Philippe Boesmans. Impossible d’être exhaustif. On dira ailleurs et plus tard la carrière magnifique qui fut celle de Patrick Davin.
Mon dernier projet avec lui, c’était à la fois pour la saison de Radio France et le Festival Radio France – La Jacquerie de Lalo – en juillet 2015 à Montpellier et en mars 2016 à Paris.
et la dernière fois que je l’ai applaudi à l’opéra, c’était à l’Opéra Comique pour un fameux Domino Noir
Pardon si j’oublie tant de moments, de concerts, de soirées d’opéra.
L’homme qui doute
Je veux garder de Patrick, au-delà de son legs musical, le souvenir d’un homme de bien, comme on le disait au XVIIIème siècle.
A chaque étape d’une vie professionnelle et aussi personnelle, qui n’a jamais été pour lui un long fleuve tranquille, où que nous soyions lui et moi, mon téléphone sonnait, souvent tard le soir. Et nous parlions de tout, des choix devant lesquels il était placé, de programmation bien sûr, mais plus souvent du sens des choses, de la vanité de certains aspects d’une « carrière » de chef, et même assez récemment, de l’opportunité de poursuivre dans cette voie. Je n’étais pas alors le directeur d’un orchestre (ou d’un festival) susceptible de le réengager, j’étais juste – mais quelle responsabilité ! – un ami à qui on peut tout dire, confier doutes et désirs, dont il attendait écoute, conseils, réconfort.
Il y a cinquante ans, le 29 juillet 1970, disparaissait John Barbirolli, né Giovanni Battista Barbirolli le 2 décembre 1899.
J’ai toujours aimé ce chef anglais si original, singulier, comme je l’écrivais le 21 juin dernier à l’occasion de la parution de l’imposant coffret que lui consacre Warner : Sir John ou la musique en fête.
Dans les clichés les plus courants : chef anglais = musique anglaise ! Certes Barbirolli a bien servi sa musique natale, mais il a toujours refusé de se laisser enfermer dans cette « spécialité ».
Mais Vienne était sans doute son jardin secret, comme en témoigne cette étonnante captation de concert de la 36ème symphonie de Mozart avec les Wiener Philharmoniker.
Ou de trop rares enregistrements de symphonies de Haydn
Mais c’est avec la famille Strauss, Suppé, Lehar, que John Barbirolli se fait et nous fait plaisir, prenant tous les risques, toutes les libertés aussi, notamment lors de concerts publics comme cette soirée aux Prom’s
Y a-t-il plus authentiques Légendes de la forêt viennoise ?
Y a-t-il plus parfaite ouverture de La Chauve-Souris ? (Carlos Kleiber peut-être ?)
Jusqu’à ce que je réécoute cet Or et argent de Lehar, je tenais la version de Rudolf Kempe et de l’orchestre philharmonique de Vienne comme la référence de cette immense valse.
Et puis le chef anglais aimait bien, comme d’autres de ses collègues (Eugene Ormandy), arranger, tripatouiller diraient certains, certains des tubes de la dynastie Strauss. Témoin cette Annen-Polka, qui prend des proportions vraiment inattendues…
C’est peu de dire que les musiciens sont partout à Berlin, et bien entendu dans les musées. Petite galerie de portraits rassemblée au gré de mes visites à la Alte Nationalgalerie, à la Gemälde-Galerie, au Musée des instruments de musique qui jouxte la Philharmonie.
Portrait à 14 ans du pianiste Josef Hofmann (1876-1957) par Anna Bilinska, Varsovie 1890.
Josef Hofmannfut un interprète virtuose considérable, admiré, adulé même (c’est à lui que Rachmaninov a dédié son Troisième concerto), pédagogue exceptionnel (de 1924 à 1938 il dirige le département piano du Curtis Institute de Philadelphie).
Le fameux tableau d’Adolf von Menzel représentant le roi de Prusse, Frédéric II, jouant de la flûte dans son château de Sans Souci.
La cathédrale Ste Edwige(à l’arrière de la Staatsoper) : le choeur de Ste Edwige, dirigé par Karl Forster(1904-1963) a été le partenaire de tant d’enregistrements de la fin des années 50, début 60. Mes premiers disques sacrés de Mozart, Haydn, Brahms…
La toute nouvelle salle Pierre Boulez, à l’arrière du bâtiment de la Staatsoper, voulue par Daniel Barenboim, conçue par Frank Gehry, inaugurée en mars 2017.
Et puis un beau souvenir d’une soirée d’octobre 2015 à Berlin, avec mon très cher Menahem Pressler(à l’arrière-plan, on aperçoit Jonas Kaufmann et Daniel Hope qui vont venir saluer le vieux pianiste, d’autres photos à voir ici : Les échos de la fête)
Ils sont peu nombreux, dans le monde, les orchestres qui portent le nom de leur salle de concert. En général, c’est plutôt l’inverse : la salle porte le nom de l’ensemble qu’elle héberge (comme la Philharmonie de Berlin… ou la Salle Philharmonique de Liège !).
À Berlin, né de la fusion de plusieurs phalanges de l’ex-Berlin Est, l’orchestre du Konzerthausest l’un des beaux orchestres de la capitale allemande
À Zurich, l’orchestre symphonique de la ville porte aussi le nom de sa salle de concert, la Tonhalle,un bel ensemble contemporain des autres grandes salles d’Europe (Musikverein de Vienne, Concertgebouw, Victoria Hall de Genève, etc.).
J’ai plusieurs souvenirs de concerts dans cette belle salle, notamment avec l’Orchestre philharmonique royal de Liège, mais étrangement il m’a fallu attendre septembre 2014 pour entendre la phalange suisse dans ses murs. C’était la prise de fonctions du jeune chef français Lionel Bringuierdans un programme copieux : la création de Karawaned’Esa-Pekka Salonen, le 2ème concerto de Prokofiev, éblouissant sous les doigts d’or et de feu de Yuja Wang et une Symphonie fantastiqueriche de promesses mais encore inaboutie.
On lit et on dit communément que c’est le meilleur orchestre de Suisse, devant l’Orchestre de la Suisse romande (qui fête, lui, son centenaire ! on y reviendra évidemment). Ce doit être vrai, mais oserai-je avouer que je n’ai jamais trouvé une grande personnalité à ce Klangkörper ? Autant on reconnaît immédiatement l’OSR sous la baguette de son fondateur, Ernest Ansermet, et même plus tard avec Armin Jordan, autant on serait bien en peine d’associer la Tonhalle à un chef qui en serait l’incarnation dans la mémoire collective.
12 chefs en 150 ans, ce n’est pas le signe d’une grande stabilité, au moment où Ormandy, Ansermet, Mravinski, Karajan s’identifiaient pour toujours à « leur » orchestre. Certes Volkmar Andreaefait une glorieuse exception (de 1906 à 1949) mais il reste trop peu de témoignages discographiques de cette période pour en répandre la légende. Certes David Zinmany a officié presque deux décennies et laissé un important legs discographique… des enregistrements certes intéressants mais qui ne bouleversent pas la hiérarchie des références pour aucun des compositeurs abordés. Et toujours cette difficulté de percevoir la personnalité, l’identité sonore, de cette phalange.
Mais pour tant d’autres, Kempe, Rosbaud, Dutoit, Eschenbach, la Tonhalle ne fut qu’une brève étape dans des carrières bien fournies. Il n’est jusqu’au dernier arrivé, Lionel Bringuier, qui pourtant acclamé à son arrivée il y a quatre ans, s’est vu notifier quelques mois plus tard le non-renouvellement de son contrat en 2019 ! (lire ce papier de Remy Louis : Bringuier et la Tonhalle à Paris).
De quoi cette instabilité est-elle le signe ?
Peut-être une partie de la réponse dans le coffret anniversaire que publie Sony : 14 CD en boîtiers séparés regroupés dans un coffret peu pratique.
Uniquement des captations de concert. Parfois très précaires. On le comprend avec la 7ème de Bruckner de 1942 avec V. Andreae, moins déjà avec le CD 2 (le compositeur Othmar Schoeck dirigeant Schumann), et vraiment pas avec une médiocre 5ème de Beethoven en mono de 1968 (alors que Kempe la gravait au même moment pour Tudor).
L’événement de ce coffret c’est la Penthesileadu compositeur suisse Othmar Schoeck dirigée, en 1985, par Gerd Albrecht avec une distribution de premier plan (Helga Dernesch, Jane Marsh, Nadine Secunde…). Autre rareté avec l’immense concerto pour piano et choeur d’hommes de Busoni dirigé par Christoph Eschenbach. Ce qu’il faut de musique contemporaine. Le reste n’est pas exceptionnel, mais réserve quelques belles surprises : Lorin Maazel en grande forme dans une « Nouveau monde » épique et visionnaire, Jonathan Nott dans une approche très « harnoncourtienne » de Haydn, et les vétérans Blomstedt et Haitink impériaux dans Bruckner. Et c’est logiquement la captation de son concert inaugural -le 10 septembre 2014 – qu’on a choisie pour illustrer la brève ère Bringuier.
Il est mort il y a cinquante ans, à l’âge de 60 ans : le chef d’orchestre Joseph Keilberthest né en 1908, la même année que Karajan, mort prématurément d’une crise cardiaque le 20 juillet 1968, tandis qu’il dirigeait Tristan et Isoldeà l’opéra de Munich.
Je me rappelle une série d’émissions que nous avions commises avec mon complice de Disques en lice, Pierre Gorjat (lire Une naissance), pour la chaîne culturelle de la Radio suisse romande, Espace 2, série intitulée : Les cinq K. Mon ami Pierre trouvait qu’on faisait bien trop de cas (!) du seul K qui occupait alors – au mitan des années 80 – le devant de la scène musicale, Herbert von Karajan. Moins violemment critique que lui, je pensais qu’on devait, sinon réhabiliter, du moins remettre en lumière quatre autres illustres baguettes, contemporaines de Karajan, qui ne méritaient aucunement de rester dans l’ombre du patron des Berliner Philharmoniker : Rudolf Kempe(1910-1976), Hans Knappertsbusch (1888-1965), Otto Klemperer(1885-1973)… et Joseph Keilberth(1908-1968).
De ces cinq chefs (inutile de dire qu’il ne reste rien de ces émissions, qui furent effacées à peine diffusées… et qui manquèrent cruellement lorsque survint la mort de Karajan le 16 juillet 1989 !), le seul qui ait été oublié des rééditions discographiques est Keilberth. Même si je me suis laissé dire que Warner pourrait reprendre les enregistrements parus pour l’essentiel sous l’étiquette Telefunken.
J’ai longtemps délaissé les quelques disques de Keilberth que j’ai dans ma discothèque, à l’exception de son légendaire Freischütz.J’ai eu tort.
Je redécouvre des Beethoven magnifiquement chantants, mobiles, superbement articulés.
Richard Strauss s’accorde particulièrement à l’art de Keilberth. Comme une lumière et une sensualité méridionales qui éclairent l’écheveau de la trame orchestrale.
Même lumière dans Brahms (une intégrale des symphonies à rééditer), bien perceptible dans ce « live » avec la radio bavaroise
En attendant, on l’espère, de retrouver le legs symphonique de Keilberth chez Warner on retrouvera des bribes, vraiment trop chiches, de l’art de celui qui fut l’âme et le directeur musical de l’orchestre symphonique de Bamberg de 1950 à sa mort.
Mais c’est en chef d’opéra que Joseph Keilberth est resté le mieux documenté au disque, en particulier avec la réédition spectaculaire de la toute première Tétralogie captée en stéréo… en 1955 à Bayreuth, que les spécialistes tiennent pour un must.
Tempus fugit…l’âge avance, mais je ne suis blasé de rien, surtout pas dans le domaine de la musique.
Comme Jean Gabin… Il y a 60 coups qui ont sonné à l’horloge Je suis encore à ma fenêtre, je regarde, et j’m’interroge.. La vie, l’amour, l’argent, les amis et les roses…On ne sait jamais le bruit ni la couleur des choses
Bref, je n’ai pas beaucoup changé depuis mes 20 ans et mes enthousiasmes de jeunesse.
Je fréquente toujours assidûment les quelques bonnes adresses qui restent en activité, à la recherche de quelque trésor caché, d’une édition rare, d’un inédit. Chez Melomania, 38 bd St Germain à Paris – l’adresse incontournable ! – qui a le bon goût de proposer quantité d’imports japonais, je suis tombé sur une petite merveille, un CD Denon au programme apriori banal, deux concertos de Beethoven, mais avec des interprètes peu banals…
Monique de la Bruchollerie, un peu comme Yvonne Lefébure (Clavier pas tempéré), c’était pour moi un nom, entouré de mystère (privée de l’usage de ses mains à 40 ans après un grave accident de la route, morte à 47 ans). Et ici je l’entends, je la découvre plutôt, fulgurante, incandescente, passionnée dans mon concerto préféré de Beethoven (le 3eme) une captation stéréo de concert de 1966, à Budapest, avec le grand Janos Ferencsikdirigeant son orchestre d’Etat hongrois. Il y a bien quelques notes à côté, des traits un peu boulés, mais quelle ardeur, quel son, quelle autorité ! Et c’était sans doute l’un des derniers concerts de la pianiste avant son terrible accident.
Quant à Jacob Gimpel, j’avais déjà dans ma discothèque un très précieux 1er concerto de Brahms, enregistré en 1967 avec Rudolf Kempe et l’orchestre philharmonique de Berlin. Un CD prodigieux naguère éditée dans une collection éphémère Royal Classics (puisée dans le fonds EMI) aujourd’hui impossible à trouver ! Mais disponible sur Youtube :
Sur le CD Denon, il s’agit d’un enregistrement de studio – 1964 – du 4ème concerto de Beethoven réalisé à Berlin avec le vénérable Artur Rother. Du grand piano dans la grande tradition allemande.
Toujours chez Melomania, je me laisse tenter par une « occasion », même si j’ai toujours du mal avec ce type de voix (Paroles de star), et je tombe sous le charme. Surtout du récital de mélodies (Schubert, Mendelssohn, Johann Strauss !) et d’airs de soprano du répertoire sacré qui se trouve sur le 3e CD de ce coffret-compilation. Max Emanuel Cenčićne réalise pas seulement une performance, il fait de la musique, et de la très belle !
Et puis voilà qu’un long article du dernier numéro de Gramophonerevient sur l’enregistrement d’un choix de sonates de Scarlattiréalisé en 1994 par Mikhail Pletnev, et me donne envie de m’y replonger. Et de retrouver l’un des musiciens, pianiste et chef, les plus insolemment doués, l’un des plus originaux aussi, que la Russie ait produits au XXème siècle.
Cela faisait quelque temps que je voulais évoquer le dernier-né du duo Patrice Duhamel-Jacques Santamaria. Ces deux-là, mes amis, en sont à leur troisième ouvrage, bien parti comme les précédents pour devenir un bestseller. Après L’Elysée, coulisses et secrets d’un palais, et Les Flingueurs, anthologie des cruautés politiques, ils brossent d’émouvants portraits de femmes qui ont compté dans l’histoire politique du dernier siècle.
Qu’y a-t-il de commun entre Yvonne de Gaulle, Adelaïde Jaurès, Jeanne Blum, Marie-Louise Chirac, Charlotte Badinter et la princesse Mathilde Bonaparte ? Elles confirment toutes l’adage populaire qui nous dit que derrière chaque grand homme se cache une femme. Qui connaît par exemple l’influence réelle d’Yvonne de Gaulle auprès de son mari, notamment pour l’autorisation de la pilule contraceptive ? Ou encore la complicité étonnante et peu connue entre Tante Yvonne et André Malraux ? Sait-on que la femme la plus influente dans la vie de François Mitterrand, celle qui lui a appris à aimer charnellement la France, fut sa grand-mère » Maman Ninie » ? Le rôle de Claude Chirac auprès de son père est connu mais sait-on qu’Elisabeth de Gaulle a souvent influencé son Général de père ? Et que dire de Liliane Marchais, la militante communiste au soutien indéfectible ; de Denyse Seguin, à qui son fils Philippe vouait un véritable culte ; ou encore de Michelle Auriol, la première des Premières dames à avoir joué un rôle politique réel ? De Napoléon à Valls en passant par Giscard, Badinter, Juppé, Jospin, Bayrou, Sarkozy ou Hollande, quelle aurait été leur carrière politique sans leur mère, ces femmes qui les ont façonnés et épaulés dans leurs combats ? Aucun de ces hommes n’aurait franchi les étapes les conduisant au pouvoir sans ces femmes dont la vie nous est racontée ici et qui offrent un éclairage original sur l’histoire politique française.
Les deux auteurs ne se contentent pas des clichés habituels, chaque portrait est l’occasion d’un condensé d’histoire et de mises en perspective salutaires.
L’actualité discographique remet au premier plan des femmes, des musiciennes pour lesquelles je pourrais reprendre à mon compte le titre de l’ouvrage de Duhamel et Santamaria : Jamais sans elles. Anna Moffo et deux Elisabeth, Schwarzkopf et Grümmer.
L’Américaine Anna Moffo (1932-2006) – https://fr.wikipedia.org/wiki/Anna_Moffo -, a fait une carrière relativement courte mais la somptuosité et le grain unique de sa voix n’avaient d’égale que la beauté et le port d’une star italienne. J’ai découvert nombre d’opéras dans mon adolescence grâce à elle et à ses enregistrements pour RCA. On retrouve dans ce coffret les qualités exceptionnelles de cette chanteuse (notamment une parfaite diction française)
On ne peut ensuite imaginer carrières et matières plus contrastées que les deux Elisabeth, quasi contemporaines. La sophistication suprême, les grandes manières pour « la » Schwarzkopf, la pureté de diamant, les vibrations lumineuses d’une voix céleste, celle d’Elisabeth Grümmer (1911-1986) qui ne fit jamais (à cause de l’autre ?) la carrière discographique qu’elle eût méritée. Dans un coffret très bon marché, d’excellents repiquages de références parfois disparues depuis longtemps.