Coda

« A “coda” is a musical element at the end of a composition that brings the whole piece to a conclusion. A coda can vary greatly in length. My life’s coda is generous and rich. Life is precious ». / En musique, la coda est l’élément qui marque la fin d’une composition, la conclusion de la pièce. La longueur d’une coda peut varier considérablement. La « coda » de ma vie est généreuse et riche. La vie est précieuse » (Michael Tilson Thomas, 24 février 2025)

Hier Michael Tilson Thomas postait un message bouleversant sur sa page Facebook, où il annonce que la tumeur qui le touche depuis trois ans a repris de la vigueur et que ses chances de s’en sortir sont incertaines (« the odds are uncertain« ).

Nous sommes tous confrontés, un jour ou l’autre, avec la fin de vie, la fin d »une vie. Nos sociétés contemporaines refusent la mort, ou sans aller si loin, la retraite, le retrait, la mise à l’écart de l’activité sociale, quelles qu’en soient les raisons.

Je disais, dans un précédent billet (Complexité, perplexité), que l’obstination que mettent certains musiciens, les chefs surtout, à durer au-delà du raisonnable, était souvent incompréhensible. Pourquoi, par exemple, publier (ou laisser publier) cet enregistrement récent de la Symphonie de Franck par un Daniel Barenboim qui n’est plus que l’ombre de lui-même (le 6 février dernier il reconnaissait lui-même être atteint de la maladie de Parkinson depuis plus de trois ans), alors qu’il a livré avec l’Orchestre de Paris il y a quarante ans une version qui avait fait date.

Il y a, heureusement, des contre-exemples, des miracles parfois : les pianistes Horszowski, Pressler… ou Rubinstein !

Et comme on le relevait dans un précédent article (Nelson et Martha), la pianiste argentine, 84 ans dans trois mois, semble être atteinte, elle, du syndrome de l’éternelle jeunesse

Témoin ce document étonnant et récent (capté au Japon ?) où Martha Argerich fait d’un mauvais piano droit l’instrument d’une ineffable poésie dans les Jeux d’eau de Ravel…

et ce merveilleux trio de Mendelssohn capté le 20 décembre dernier à Toulouse !

Paris 2024 : les classiques de l’ouverture

Retour sur la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris : tous, même les grincheux et coincés que je brocardais dans mon dernier billet (Hymnes à l’amour), ont noté que Thomas Jolly n’avait pas oublié de faire une place à la musique et aux musiciens classiques. Comment aurait-il pu négliger ce qui fait une part essentielle de son activité de metteur en scène (Macbeth Underworld de Pascal Dusapin, Fantasio d’Offenbach – les deux donnés à l’Opéra-ComiqueRoméo et Juliette de Gounod à l’Opéra de Paris, pour ne citer que les plus récentes productions, et bien sûr Starmania à la Seine musicale) !

Mais le plus remarquable, et c’est une vraie différence avec les quelques très rares émissions de télévision dévolues à la musique classique, Thomas Jolly a respecté les artistes, les compositeurs et les oeuvres, même dans la contrainte d’un spectacle d’une telle ampleur qui n’avait certes pas prévu le déluge qui a arrosé la cérémonie ! Il a aussi évité d’inviter les stars habituelles des plateaux télé, on ne citera pas de noms (l’un d’eux, sans doute vexé de ne pas être de la fête, a ostensiblement posté vendredi une photo de lui avec ses deux filles à la plage !). Il a ainsi fait découvrir à des millions de téléspectateurs, en France et dans le monde, des talents qui n’étaient souvent connus que d’un cercle restreint de mélomanes.

Reprenons le fil de la cérémonie

Félicien Brut

Félicien a été un abonné du Festival Radio France, où je n’oublie pas qu’il avait accepté de relever le défi d’un « Festival autrement » à l’été 2020 après que nous avions dû annuler l’édition prévue pour cause de pandémie (voir Demandez le programme) :

Il avait remis cela en 2021 – La fête continue – avec une belle bande de copains, Jordan Victoria, Thomas Enhco, Thibaut Garcia, Édouard Macarez pour un hommage survolté à Piazzolla !

Mais l’image de Félicien Brut (on ne prononce pas le « t » final) juché sur le pont d’Austerlitz, apparaissant après l’écran de fumée tricolore, au tout début de la cérémonie, restera, pour lui, pour les Auvergnats (lire dans La Montagne : Félicien Brut a illuminé la cérémonie d’ouverture), pour nous tous, un moment de grâce poétique.

Marina Viotti

La grande soeur de Lorenzo Viotti, la fille chérie du chef Marcello Viotti (1954-2005) a fait le bonheur des mélomanes parisiens ces deux dernières saisons, après sa nomination aux Victoires de la musique classique en 2023. Dans la cérémonie d’ouverture, elle a fait partie de l’un des tableaux les plus puissants, en interprétant la chanson révolutionnaire Ah ça ira avec le groupe de heavy metal Gojira, et surtout un extrait de Carmen

Jakub Jozef Orlinski

L’apparition de Jakub Józef Orliński, en breakdancer puis chanteur, fut un peu décousue et mal filmée.

Mais cela m’a rappelé combien l’artiste est aussi doué que très sympathique. Souvenir d’une belle soirée au Festival Radio France en juillet 2021.

Alexandre Kantorow ou le piano englouti

On se rappellera longtemps cette image d’Alexandre Kantorow (maintes fois célébré sur ce blog) jouant les Jeux d’eau de Ravel sous le déluge…

La nouvelle Marseillaise

Quelle idée géniale d’avoir confié à l’une des jeunes chanteuses françaises les plus prometteuses, lauréate du concours Voix d’Outre Mer 2023, Axelle Saint-Cirel, le soin de chanter La Marseillaise !

On se souviendra d’elle comme d’une autre de ses illustres aînées, Jessye Norman, sur la place de la Concorde pour le bicentenaire de la Révolution, en 1989.

Il faut évidemment aussi mentionner la Maîtrise, le Choeur de Radio France et l’Orchestre national de France, leur chef Cristian Macelaru… qui n’ont pas non plus échappé à la pluie et qu’on a à peine aperçus…

Clavier pas tempéré

Je connaissais le nom bien sûr, j’avais dû l’écouter distraitement une ou deux fois mais cette pianiste ne faisait pas partie de mon univers discophilique. Pas d’explication à cette ignorance.

Il a fallu qu’à nouveau Jean-Charles Hoffelé signale une très belle parution pour que je m’intéresse à Yvonne Lefébure et que je sois captivé d’emblée par un art et une personnalité qui ne donnent pas dans la tiédeur. Un clavier tout sauf tempéré !

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Il faut d’abord saluer le magnifique travail éditorial du label Solstice/FY fondé en 1972 par François et Yvette Carbou. Certes c’est l’éditeur historique de la pianiste française, mais le coffret, le livret, et surtout le contenu de ces 24 CD sont impressionnants. Nombre d’inédits puisés dans les archives de l’INAEt le tout pour un prix très modeste.

La musique française se taille la part du lion, et on a du bonheur à écouter ce son franc et direct, d’une puissance qui n’est jamais brutale (passionnante comparaison entre trois versions du Concerto en sol de Ravel, dirigées par Auberson, Ansermet et Paray). En concert, Yvonne Lefébure n’est jamais à l’abri de quelques dérapages, mais qu’importe quand l’esprit souffle à ce point.

Ses Bach, ses Mozart ne sont jamais corsetés, tandis que les romantiques, Brahms, Chopin, Schumann, Schubert (comme une jolie suite de valses et de danses allemandes arrangée par la pianiste) évitent les minauderies. Quant à ses Beethoven – les derniers opus – ils appartiennent depuis longtemps à la légende.

Contenu du coffret (les inédits sont indiqués en italiques)

CD 1 MOZART Concerto 20 (Casals), 21 (Oubradous), Sonate 457

CD 2 SCHUMANN Concerto (Dervaux), Papillons, Fantaisie

CD 3 BACH Prélude et fugue 543, Fantaisie et fugue 542, 2 chorals / MOZART Concerto 20 (Furtwängler)

CD 4 BEETHOVEN Sonates op.109 & 110, Variations Diabelli

CD 5 RAVEL Concerto sol (Auberson), Le tombeau de Couperin, DEBUSSY La boîte à joujoux

CD 6 BACH Fantaisie et fugue 542, Concerto 1052 (Oubradous), Prélude et fugue 848, Partita 830

CD 7 MOZART Concerto 466 (Dervaux), Sonate violon 379 (J.Gautier), Fantaisies 396 & 475, Variations 265 / HAYDN Variations fa m

CD 8 BEETHOVEN Sonates op.2 & 111, Concerto 4 (Skrowaczewski), Bagatelles op.119 extr.

CD 9 BEETHOVEN Sonate op.106, Variations Diabelli

CD 10 BEETHOVEN Sonates op.109,110,111, Bagatelles op.126, Lettre à Elise

CD 11 DEBUSSY Préludes (II) / RAVEL Valses nobles et sentimentales / FAURE Nocturnes 6,13, Barcarolle 6 / SCHUBERT 15 valses

CD 12 DEBUSSY Préludes (I), Etudes / RAMEAU Gavotte et six doubles / COUPERIN Les barricades mystérieuses / DUKAS Variations, Interlude et Finale

CD 13 RAVEL Concerto sol (Ansermet), Valses nobles et sentimentales, Le tombeau de Couperin, Jeux d’eau / FAURE Thème et variations op.73, Nocturne 13

CD 14 SCHUBERT Sonate D 958, 15 Valses / SCHUMANN Concerto (Sebastian) / WEBER Konzertstück

CD 15 BRAHMS Intermezzi / LISZT Ballade, chant des fileuses, la gondole funèbre / CHOPIN Barcarolle, Scherzo 2, Ballade 3, 5 Mazurkas

CD 16 BEETHOVEN Sonates violon op.12/3, op.23, op.96 (Vegh, violon)

CD 17 RAVEL Concerto sol (Paray) / SCHUMANN Concerto (Paray), Scènes d’enfants

CD 18 FAURE Thème et variations op.73, Nocturnes 1,6,7,12,13, Impromptus 2,5 / DUKAS Variations, interlude et finale, Prélude élégiaque

CD 19 EMMANUEL Sonatines op.19,20 &23 / DEBUSSY Images, Masques, L’Isle joyeuse

CD 20 RAVEL Le tombeau de Couperin, Valses nobles et sentimentales, Jeux d’eau, Ma Mère l’Oye (+G.de Sabran)

CD 21 SCHUBERT Sonate D 960 / SCHUMANN Davidsbündlertänze, Variations op.13 posthumes

CD 22 BARTOK 6 Danses / BARRAUD Concerto (Rosenthal) / MARTELLI 5 Danses / EMMANUEL Sonatines op.11 & 20 / ROUSSEL 3 pièces op.49

CD 23 BACH Prélude et fugue 543, Fantaisie chromatique, Toccata 912, Partita 825, 3 chorals, Clavier bien tempéré extr.

CD 24 Entretiens avec Bernard Deutsch (1981), Laurent Asselineau (1978), Radioscopie avec Jacques Chancel (1976)

PS Qui pourrait oublier ce qui s’est passé il y a tout juste un an ? Ces lignes nous le rappellent : Le chagrin et la raison

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