Sur les rives de l’Ohio

Il y a exactement une semaine j’étais à Cincinnati, Ohio, Midwest, au coeur de cette Amérique industrielle jadis triomphante, aujourd’hui se rétablissant à peine d’années de crise économique et sociale. Le plus ardent défenseur de ce renouveau n’est autre que le directeur musical du Cincinnati Symphony depuis 2013, le Français Louis Langrée (lire Sur les ailes de la musique), qui, lui, a vu Cincinnati renaître par la volonté farouche d’une communauté locale.

Je dois bien avouer – mais je ne suis resté que 48 h sur place ! – que j’ai été moins sensible à ce renouveau. Je n’avais pas gardé un grand souvenir de mon précédent passage en 1989, à l’exception du joli musée Taft (lire Les peintres de chez moi).

Comme dans la plupart des villes américaines de moyenne importance, le commerce de centre-ville a purement et simplement disparu: les grandes enseignes Saks et Macy’s qui occupaient les beaux immeubles de la Fifth Street ou de Fountain Square ont fermé. Je cherchais ce samedi une boutique de vêtements pour homme. Lorsqu’après avoir tourné à pied dans une ville déserte, je demandai au concierge de l’hôtel où je pourrais trouver ce qu’il me fallait, il me répondit : « À 15 minutes d’ici »… mais en voiture bien sûr!

La fontaine Tyler Davidson, monument emblématique de la ville.

Contrastes

Une balade à pied dans le centre offre au visiteur tous les paradoxes.

Temple protestant, synagogue et cathédrale côte à côte !

Cet écureuil n’est pas effarouché par la foule… absente !

Quelques jolies maisons dans le quartier de Over-the-Rine sur Vine Street.

L’imposante façade du Music Hall, siège du Cincinnati Symphony

Le Cincinnati Symphony, des racines européennes

Comme me le faisait remarquer Louis Langrée, l’orchestre, qui est l’un des plus anciens des Etats-Unis, a connu 14 chefs (voir la liste ici), dont 3 Américains seulement – Frank van der Stucken, Thor Johnson, Thomas Schippers – une continuité faite de personnalités opposées.

La discographie, même parcellaire, de l’orchestre, témoigne de la variété des répertoires abordés au fil des décennies (la seule liste des commandes et des créations du Cincinnati Symphony est édifiante, le rythme s’étant accéléré sous le mandat de Louis Langrée) et de la marque qu’ont laissée ses chefs successifs.

Thomas Schippers (1970-1977)

Le chef américain, disparu prématurément à 47 ans, était à la direction d’orchestre ce que J.F.Kennedy était à la politique, la beauté, le talent et le charisme réunis. Cincinnati fut son seul poste fixe. Les enregistrements de « sa » période sont malheureusement peu nombreux, mais ils sont tous à écouter.

Walter Susskind (1977-1980)

Le chef d’origine tchèque devenu britannique n’aura pas le temps de marquer son bref mandat, puisqu’il décèdera à son tour trois ans plus tard.

Michael Gielen (1980-1986)

Peut-on imaginer plus grand contraste entre Schippers, Susskind et l’austère Michael Gielen, qui a lui laissé une empreinte importante à Cincinnati ne serait-ce que par ses choix de répertoire.

Jesús López Cobos (1986-2001)

De nouveau total contraste entre l’austère Autrichien et le solaire Espagnol qui va rester 15 ans à Cincinnati, explorant autant le répertoire franco-ibérique dans lequel il était attendu que les symphonies de Bruckner et Mahler dont il a laissé pour Telarc de très beaux enregistrements.

Paavo Järvi (2001-2011)

Après le Sud, un grand vent d’Est souffle sur Cincinnati avec l’arrivée d’un jeune chef estonien qui va se faire un prénom et une réputation sur les rives de l’Ohio, Paavo Jârvi.

Le coffret publié par Telarc à l’issue de son mandat témoigne de la variété de ses intérêts.

Louis Langrée (2013-2024)

L’industrie du disque classique étant ce qu’elle est devenue, il ne faudra pas s’étonner du petit nombre de CD publiés sous l’ère Langrée. Il faut donc privilégier les captations de concerts (cf. le concert du 14 octobre intégralement diffusé : Sur les ailes de la musique)

Teresa et Narcisse

Berganza l’unique

La disparition, à l’âge respectable de 89 ans, de Teresa Berganza, a suscité un légitime flot de louanges. La presse spécialisée rappelle les grands rôles qui ont marqué sa carrière sur scène et au disque. Pour ma part, j’ai un seul souvenir d’elle au concert. C’était l’été, au début des années 90, un concert au Victoria Hall, avec l’Orchestre de la Suisse romande dirigé par le regretté Jesus Lopez-Cobos. J’ai le souvenir d’un programme original – y avais-je contribué ? ma mémoire est floue. En première partie la symphonie n°60 « Il Distratto » de Haydn, en seconde partie des airs de zarzuelas chantés par… Teresa Berganza.

Teresa Berganza n’avait plus chanté depuis longtemps à Genève. A la sortie du concert, les terrasses autour du Victoria Hall étaient pleines. Lorsque nous passâmes devant pour aller dîner avec le chef et la chanteuse, nombre de gens se levèrent et l’applaudirent. Elle en fut bouleversée, pensant que les gens l’avaient oubliée…

Narcisse en son miroir

Il y a exactement huit ans Mathieu Gallet, qui avait pris ses fonctions de PDG de Radio France le 12 mai 2014, me nommait directeur de la musique de Radio France avant de m’en écarter un an plus tard parmi une quinzaine de hauts cadres de la Maison ronde qui devaient, semble-t-il, payer la longue grève du printemps 2015.

C’est dire si j’étais impatient de lire ce qui était annoncé comme un recueil de souvenirs de l’ex-PDG limogé par le CSA en janvier 2018, un an avant le terme normal de son mandat.

Les années passées par Mathieu Gallet à la tête de Radio France, de 2014 à 2018, semblent avoir été écrites pour un scénario de série. Coups tordus, trahisons : tous les ingrédients d’une intrigue qui s’est jouée dans le monde impitoyable des médias et de la politique se trouvent ici réunis. À quoi s’est ajoutée, pour pimenter le tout, la rumeur tenace d’une liaison cachée entre le futur chef de l’État, Emmanuel Macron, et le président du premier groupe radiophonique de France. Après s’être imposé une longue période de silence, Mathieu Gallet évoque pour la première fois publiquement cette histoire retentissante dans laquelle divers protagonistes ont essayé de l’impliquer en l’instrumentalisant à ses dépens. 
Des ors de la République jusqu’aux bancs du palais de Justice en passant par la Maison de la radio, ce livre retrace le parcours d’un jeune provincial qui réussit son ascension dans la société parisienne en accédant à de hautes fonctions dans le domaine de l’audiovisuel, avant de payer le prix d’un succès qui a heurté les intérêts de certains et dérangé les calculs des autres. 
Mathieu Gallet rappelle son action à la tête de Radio France, marquée par un profond mouvement de transformation qui, après des débuts chahutés, a permis à l’entreprise de se mettre en ordre de marche pour se trouver aujourd’hui dans la situa tion enviable de leader. À l’heure où les médias publics sont mis en cause et fragilisés, il dessine des perspectives pour que ce bien commun soit préservé et renforcé. 
Cette période de sa vie a correspondu au temps d’une relation amoureuse, étrangère à celle que la rumeur lui prê tait. Elle aura beaucoup compté dans la prise de conscience de ce qu’il doit à ses origines sociales et à sa vie personnelle : la capacité de tout affronter dans un univers où règne trop souvent la violence des jeux de pouvoir.
(Présentation de l’éditeur)

En ce qui concerne le domaine dont j’étais chargé, l’ex-PDG de Radio France se met à son avantage et révèle à tout le moins une naïveté, d’autres diront candeur (Lire : Ma part de vérité).

« Forcément autocentrées, pleines de détails intimes dont l’auteur aurait pu se passer, ces Illusions perdues à la première personne décrivent avec un certain cran un petit monde politico-médiatique, dont le jeune provincial fut un temps un des rois éblouis pour en devenir, selon lui, une victime expiatoire » (Le Point, 12 mai 2022)

Dans un livre de 324 pages qui aurait pu aisément tenir en cent, si l’auteur avait évité de très longues et inutiles digressions sur sa famille, ses parents, ses grands-mères, et nous avait épargné les voyages et week-ends en amoureux qui rythment son récit, on en apprend finalement peu sur la réalité et le contenu des missions dont Mathieu Gallet avait été chargé à la tête de l’INA et bien sûr de Radio France. En revanche, l’auteur s’y entend en name dropping, et les people avec qui il dînait ou festoyait ne seront peut-être pas très heureux de retrouver tant de détails personnels.

Et bien sûr le livre tourne et retourne autour de la fameuse « rumeur » de sa liaison supposée avec le futur (et l’actuel) président de la République. Tout a été dit depuis 2017 sur le sujet, le seul reproche que MG puisse se faire c’est d’avoir alors traité le sujet avec la désinvolture qui fait une partie de son charme.

Le livre a un mérite : celui de prouver qu’un provincial, peu diplômé, qui n’est passé par aucune grande école ni la fonction publique, peut accéder à des postes importants – les quatre années qu’il a passées à la tête de Radio France peuvent vraiment être mises à son crédit -, de prouver aussi que, faute d’appartenir aux grands corps, aux réseaux puissants qui tiennent les lieux de pouvoir, on peut se retrouver du jour au lendemain déchu de tout.

Transatlantique : Paris-Cincinnati

Je me suis promis de retourner à Cincinnati – la première et la dernière fois c’était il y a 30 ans, en 1989, lors d’une tournée de l’Orchestre de la Suisse romande avec Armin Jordan.

Après Jesus Lopez-Cobos, Paavo Järvi, c’est le Français Louis Langrée qui est aux commandes de l’orchestre symphonique de Cincinnati depuis 2013. À défaut de pouvoir aller entendre la phalange américaine dans ses murs (et tenir ma promesse), j’ai pu assister, il y a déjà deux ans, le 8 septembre 2017, à la Seine Musicaleà un mémorable concert (La fête de l’orchestre):

…. »Une salle qui confirme ses qualités acoustiques, précision, chaleur, malgré l’effectif orchestral imposant du programme choisi par Louis Langrée et le Cincinnati Symphony Orchestrapour l’avant-dernier concert de leur triomphale tournée européenne : On the Waterfront de Bernstein, le Lincoln Portrait de Copland (une oeuvre créée par l’orchestre de Cincinnati et donnée ici dans sa version française avec Lambert Wilson comme récitant) et la Cinquième symphonie de Tchaikovski/…./

Bonheur évidemment de retrouver Louis Langrée avec « ses » musiciens américains, curiosité aussi. Comment cette phalange si typiquement chaleureuse, dense et ronde, moins brillante – d’autres diraient moins clinquante – que certaines de ses concurrentes, allait sonner sous la houlette d’un chef qu’on a tant fréquenté et entendu avec des formations européennes (Liège, Paris, Berlin, Vienne, Londres, etc.) ? Comme toujours avec Louis Langrée, la partition même la plus connue (Tchaikovski) semble (re)naître, des traits, des lignes mélodiques, des détails rythmiques nous sont révélés, mais insérés dans une grande arche, un mouvement inépuisable, irrésistible. »

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L’orchestre américain et son directeur musical viennent de sortir un disque, disponible sur les sites de téléchargement, qu’on ne trouvera pas dans les bacs des disquaires. Un programme comme les a toujours aimés Louis Langrée, un « couplage » qu’on s’étonne de n’avoir jamais vu auparavant :  Un Américain à Paris de Gershwin (1928), Amériques de Varèse (1922) et la symphonie en do Majeur de Stravinsky (1939-1940)

Trois oeuvres qui ont en commun un lien… transatlantique : Gershwin découvrant Paris en 1928, Varèse émigrant à New York en 1915, et Stravinsky composant en 1939 les deux premiers mouvements de sa Symphonie en do en France, les deux derniers aux Etats-Unis. Mais c’est à peu près le seul lien entre ces trois géants du XXème siècle. Leurs racines, leurs esthétiques, leurs destinées, tout les oppose. Et c’est une très belle idée que de les réunir et de les confronter sur cet album.

D’autant que le propos de Louis Langrée et du Cincinnati Symphony est aussi musicologique, puisque sont présentées ici la version originale (1922) d’Amériques de Varèse, écrite pour un orchestre gigantesque de plus de 150 musiciens, version qui avait été révisée… à la baisse à la demande de Stokowski, et deux versions, longue et abrégée de la nouvelle édition critique d’Un Américain à Paris.

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Ici Lausanne

L’événement est passé inaperçu en France : c’est la saison du 75ème anniversaire de la fondation de l’Orchestre de chambre de LausanneLe label suisse Claves a eu la bonne idée de publier un coffret de 7 CD composé de beaucoup d’inédits, avec quelques pépites, un coffret que je n’ai pas encore vu chroniqué dans la presse spécialisée, hormis la notable exception de Jean-Charles Hoffelé sur son site Artamag.

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Avant de détailler le contenu de ce coffret, quelques souvenirs personnels d’une période de ma vie (1986-1993) qui m’a fait côtoyer les protagonistes de cette publication.

D’abord toutes les blagues qui courent sur les Vaudois – Lausanne étant le chef-lieu du canton de Vaud, riverain du lac Léman –

IMG_4583(Le joli musée de l’Elysée à Lausanne, dédié à l’art photographique)

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Parmi les plus connues et répétées, en Suisse romande et évidemment en France voisine:

Qu’entend un voyageur arrivant en gare de Lausanne ? Le chef de gare au début du quai annonce : « Ici Lausanne, ici Lausanne » ! Son adjoint au bout du quai : « Ici aussi, ici aussi »

Comment trinquent les Vaudois ? alors que les autres Suisses lancent un « Santé ! » sonore et chaleureux, eux se souhaitent « Intelligence…. parce que la santé on l’a déjà » !

Il faut aussi ajouter que l’accent vaudois est très prononcé… et savoureux !

Plus sérieusement, un mot du label Claves et de sa fondatrice que j’ai bien connue, Marguerite Dütschler (1931-2006). Il nous arrivait parfois de nous parler en schwzyzerdütsch, mais elle mettait un point d’honneur à parler un français parfait.

Marguerite Dütschler était une passionnée, une amoureuse de la musique et des musiciens, de cette espèce, devenue rare, de producteurs qui ont tout construit par eux-mêmes, une maison de disques, un catalogue, une famille d’artistes, je pense à un Michel Garcin pour Erato ou à Bernard Coutaz pour Harmonia Mundi. 

Marguerite travaillait artisanalement, pas d’attaché de presse, pas d’administrateur. Lorsqu’un de ses disques sortait, elle faisait elle-même la tournée des antennes et des producteurs de radio ou de télévision qui pouvaient en parler. Elle emballait elle-même les « services de presse » avec toujours un petit mot gentil pour celui ou celle à qui elle envoyait ses nouveautés. Comme ses collègues déjà cités, combien d’artistes a-t-elle révélés, à qui elle a offert leurs premières gravures – je pense à ce cher Marcello Viotti, ce merveilleux chef vaudois trop tôt disparu (mais son fils Lorenzo, 28 ans, marche à grandes enjambées sur les traces du père) !  On est heureux que Patrick Peikert  ait repris le flambeau, après avoir administré magistralement… l’Orchestre de chambre de Lausanne de 1991 à 2010.

Quant à l’OCL – comme on dit familièrement – j’ai toujours eu intérêt et affection pour cette phalange qui n’a pas toujours vogué sur des eaux tranquilles. Déjà à « mon » époque – il y a trente ans donc – certains technocrates ou des élus en mal de mauvaises bonnes idées imaginaient regrouper, voire fusionner les deux ensembles romands : l’Orchestre de la Suisse Romande, installé historiquement à Genève, et l’Orchestre de chambre de Lausanne – il n’y a que 70 kilomètres entre les deux villes ! Je me souviens, dans le cadre d’une mission qui m’avait été confiée par la Radio Suisse romande, alors fortement impliquée dans les deux orchestres, avoir planché sur cette hypothèse…. et avoir pu en démontrer l’inanité.

Alors ce coffret  ? – ma seule réserve porte sur la photo de couverture qui m’évoque plus une couronne mortuaire qu’un bel anniversaire ! – Il porte témoignage d’une belle lignée de chefs, entre le fondateur Victor Desarzens (1908-1986) et l’actuel titulaire Joshua Weilerstein, en passant par les figures si chères à mon coeur, Armin Jordan, Jesus Lopez CobosChristian Zacharias

Il faut insister sur la figure fondatrice : Victor Desarzens n’a jamais eu, hors des frontières helvétiques, la notoriété de son illustre collègue genevois, Ernest Ansermet, et pourtant les deux personnages se ressemblent à plus d’un titre : l’incroyable ténacité des bâtisseurs, qui, envers et contre tout et tous, ont construit leurs phalanges et les ont portées, supportées, développées jusqu’à leur mort, l’ouverture à tous les répertoires, le soutien et la promotion de la création contemporaine.

Dans ces rééditions, on relèvera un inédit absolu : un 23ème concerto de Mozart sous les doigts, inattendus dans ce répertoire, de Samson François. Ce « live » n’est pas exempt de scories, mais il est diablement émouvant justement à cause de ces défauts..

CD 1-2 Victor Desarzens Mozart Concerto piano 23 (Samson François), Concerto flûte 1 (Peter-Lukas Graf), Haydn Symphonie 54, Malipiero Hommage à l’OCL, Frank Martin Ballade pour flûte (Edmond Defrancesco), Zbinden Concerto da camera piano (Karl Engel), Hindemith Kammersinfonie 4

CD 3 Armin Jordan Haydn Symphonie 22 « Le philosophe »,  Berenice che fai, Britten Les Illuminations (Felicity Lott), Brahms Neue Liebesliederwaltzer (Choeur de la radio suisse romande)

CD 4 Lawrence Foster Enesco Symphonie de chambre, Deux intermèdes, Dixtuor pour vents

CD 5 Jesus Lopez Cobos Arriaga ouv. Los esclavos felices, Schubert Polonaise pour violon, Rondo pour violon (Gidon Kremer), Falla Sept chansons populaires espagnoles (Teresa Berganza), Stravinsky Suites pour petit orchestre, Ravel Ma Mère l’oye

CD 6 Christian Zacharias Haydn Symphonie 80, Chopin concerto piano 2, Schubert Symphonie 8 « inachevée »

CD 7 Joshua Weilerstein Haydn Symphonie 60 « Le distrait », Osvaldo Golijov Night of the flying horses, Beethoven Symphonie 4

L’Espagnol de Cincinnati

On a appris ce matin le décès, à l’âge de 78 ans, du chef d’orchestre Jesús López Cobos né à Toro (Espagne) en 1940, mort à Berlin des suites de ce qu’on appelle encore – pudeur déplacée – une « longue maladie ».

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J’ai un peu connu et travaillé avec Jesús López Cobos  pendant ma période suisse (entre 1986 et 1993) : après avoir été premier chef invité de l’Orchestre de la Suisse romande, il avait pris la direction de l’Orchestre de chambre de Lausanne (de 1990 à 2000).

L’homme était charmant. Je me rappelle en particulier une soirée avec son épouse qui était d’origine cubaine, et pour moi qui parle l’espagnol de manière plus qu’approximative, au milieu de fous rires généreux, ils se sont disputés sur la question de savoir qui des deux parlait le meilleur espagnol. Lui roulait les « r » et raclait les « j » (comme jota ou Guadalajara) avec juste ce qu’il faut d’exagération, elle trouvait cela extraordinairement vulgaire, et mettait en avant la pureté de l’espagnol parlé par les Centre- et Sud-Américains.

Le chef n’a jamais eu – ni cherché – la notoriété des grandes baguettes de sa génération. Et pourtant il est l’un des seuls chefs espagnols, avec Rafael Frühbeck de Burgos, à avoir refusé d’être cantonné au répertoire natal, et au contraire à avoir abordé, tant à l’opéra que dans la sphère symphonique, le grand répertoire germanique, classique et romantique, où il a laissé d’excellents enregistrements qui méritent d’être réécoutés et réévalués.

Je n’oublie pas que Jesús López Cobos a été l’un des brillants prédécesseurs de Louis Langrée à la tête de l’orchestre symphonique de Cincinnati de 1986 à 2000qu’il a beaucoup donné à l’Orchestre français des jeunes. Qu’il avait dirigé à deux reprises dans les saisons récentes l’Opéra royal de Wallonie à Liège… et qu’il avait été annoncé dans la saison de l’Orchestre Philharmonique royal de Liège le 23 mars prochain !

Petite revue de disques, non exhaustive, mais emblématique de l’art du chef disparu.

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