Chicago à l’heure de la sieste

Impossible de manquer le seul concert parisien de l’orchestre symphonique de Chicago et de son actuel chef Riccardo Muti dans le cadre d’une tournée européenne considérable (pas moins de 23 concerts !).

C’était hier soir dans une Philharmonie de Paris comble.

Le programme lui-même comme une signature du chef : pas de soliste, la création française de la dernière pièce d’orchestre de Philip Glass, la symphonie « italienne » de Mendelssohn, et un poème symphonique de jeunesse de Richard Strauss, que j’avais découvert grâce au disque… de Riccardo Muti dirigeant le philharmonique de Berlin, Aus Italien.

Je ne vais pas tourner autour du pot: j’ai été déçu mais pas surpris.

Dans un article écrit pour Forumopera (Le requiem bavarois de Muti), je relevais déjà le contraste saisissant entre le fringant quadragénaire qui livrait en 1981 une fabuleuse version du Requiem de Verdi et le chef devenu octogénaire qui plombait la Missa Solemnis de Beethoven qu’il avait dirigée durant l’été 2021 à Salzbourg.

Sur mon blog (La quarantaine rugissante et Ces vieux qui rajeunissent et inversement), je notais, à propos du concert de Nouvel an 2021 à Vienne (toutes les craintes sont permises quand on sait que Riccardo Muti dirigera à nouveau celui du 1er janvier 2025, année du bicentenaire de Johann Strauss !) : « En regardant le concert de Nouvel an hier, en direct de la salle dorée du Musikverein de Vienne, vide de tout public, j’avais la confirmation d’un phénomène si souvent observé : le fringant Riccardo Muti qui dirigeait son premier concert de l’An en 1993 a laissé la place à un bientôt octogénaire (le 28 juillet prochain) qui empèse, alentit, la moindre polka, wagnérise les ouvertures de Suppé, et surcharge d’intentions, de rubato, les grandes valses dJohann Strauss. » (2 janvier 2021)

Alors bien entendu, hier soir, on admirait d’abord l’une des plus belles phalanges du monde, le Chicago Symphony Orchestra (l’autre CSO américain !), que je n’avais entendu qu’une fois en concert à domicile. C’était à l’automne 2006 comme je l’ai raconté dans mon hommage au légendaire cor solo de l’orchestre, Dale Clevenger disparu il y deux ans (Le cor merveilleux de Dale C.).

On admirait aussi l’élégance, la prestance et la précision du chef napolitain, qui, à 83 ans, semble épargné par les douleurs du grand âge.

Mais après une bien fade création française de la dernière oeuvre symphonique de Philip Glass, qui permettait au moins d’entendre la perfection et la chaleur des cordes de Chicago, on eut droit à une Symphonie « italienne » de Mendelssohn, magnifiquement confectionnée – un travail de haute précision dans chaque pupitre – mais privée de tout élan romantique, de cette « italianita » jadis si réjouissante sous la houlette impérieuse du chef. Comme dans cette captation réalisée à Salzbourg, Muti avait alors 36 ans !

Quant à la suite symphonique en quatre tableaux, Aus Italien, on n’a guère de comparaison possible qu’avec le propre disque de Muti avec Berlin en 1988.

Il semblerait que Richard Strauss, croyant citer des chansons populaires napolitaines dans le dernier volet, ait eu maille à partir avec le véritable auteur de la chanson Funiculi, Funicula, composée en 1880 par Luigi Denza, qui ne manqua pas de réclamer des droits d’auteur à son illustre confrère !

De nouveau, dans cette oeuvre, souvent à court d’inspiration et d’originalité, mais formidablement écrite pour le grand orchestre, les pupitres du Chicago Symphony furent, hier soir, en tous points conformes à leur légende. Mais l’Italie décrite par Strauss, semblait faire la sieste, bien loin des atmosphères festives et populaires qu’Aus Italien est censée évoquer.

Muti et ses musiciens de Chicago offrirent un « bis » de rêve avec l’intermezzo de Manon Lescaut de Puccini. C’était ce qui s’appelle jouer sur du velours.

Bref extrait de Aus Italien :

Un été Bernstein (I) : Mendelssohn

Leonard Bernstein est né le 25 août 1918. Le centenaire de sa naissance est abondamment et justement célébré (lire La fête à Lenny).

J’ai choisi, pendant ce mois de vacances, de distinguer quelques pépites – et quelques ratages ! – dans l’abondante discographie du chef-pianiste-compositeur-pédagogue (voir Bernstein Centenary)

Commençons par Mendelssohnun compositeur et une oeuvre auxquels on n’associe pas d’emblée le chef américain. Alors que Bernstein est, sans doute, de tous les chefs prestigieux qui ont dirigé et enregistré  Mendelssohn celui qui en a le mieux compris et restitué le romantisme fiévreux, dramatique, inquiet, celui des Troisième (l’Ecossaise) et Cinquième (la Réformation) symphonies et d’ouvertures comme Ruy Blas – phénoménale ! – ou Les Hébrides

Ce n’est pas un hasard si Ruy Blas fait partie du « best of » symphonique concocté par Diapason pour honorer Leonard Bernstein chef d’orchestre

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Pour ces ouvertures, comme pour les symphonies 3 et 5, on préfère les premières versions gravées à New York pour CBS/Sony, aujourd’hui quasi introuvables en éditions séparées

https://www.youtube.com/watch?v=NZgjk5fUQHU

Pour la 4ème symphonie « Italienne », la version gravée avec l’Orchestre philharmonique d’Israël (Deutsche Grammophon) semble plus solaire, plus fluide, élégante que son aînée new-yorkaise.

Toute la discographie Bernstein à retrouver ici : Bernstein Centenary