Question pour un champion : je suis né le 17 novembre 1925 dans l’état de New York aux Etats-Unis, je suis mort un 14 juillet (2010) à Londres, je suis Australien, j’ai étudié à Prague, je suis Commandeur de l’Ordre de l’empire britannique ? Je suis le chef d’orchestre Charles Mackerras, dont on célèbre aujourd’hui le centenaire de la naissance.
Warner a eu la très bonne idée de regrouper tous les enregistrements parus sous les différents labels de la galaxie Warner ex-EMI (Classics for Pleasure, EMInence, Virgin Classics…) de ce chef au long parcours emblématique d’une certaine tradition britannique.
J’ai déjà relevé ici la qualité exceptionnelle de son intégrale Beethoven captée à Liverpool.
En 1969, il grave un Messie de Haendel qui se démarque nettement de la pompe victorienne de ses prédécesseurs Beecham, Boult ou Sargent, mais n’atteint pas à la même réussite que son collègue ColinDavis qui trois ans plus tôt a vraiment révolutionné l’interprétation de ce chef-d’oeuvre.
Toujours chez Haendel, Mackerras a été l’un des premiers à graver la version « plein air » des Royal fireworks et de Water Music avec une grande formation de vents, cuivres et percussions. Et ces versions n’ont rien à envier aux « baroqueux » qui viendront ensuite…
Il y a plein d’autres pépites, musiques de ballet, arrangements à la sauce Mackerras, et en fait très peu de ce qui a fait la réputation du chef dans sa maturité : Haydn, Mozart et Janáček. Il faut aller chercher chez Decca, Telarc ou Supraphon, des témoignages inestimables de l’art de ce grand chef
On a appris le 7 septembre dernier la mort du grand chef allemand Christoph von Dohnányi. Decca avait publié – il était temps ! – à la veille de son 95e anniversaire, un coffret reprenant ses enregistrements à Cleveland, et avait annoncé une suite avec les disques enregistrés à Vienne.
La plupart des enregistrements ont été réalisés avec le Philharmonique de Vienne, quelques-uns, marginalement, avec le Symphonique de Vienne (deux concertos de Mozart avec Ingrid Haebler, des ouvertures de Beethoven) et on y a glissé les concertos de Grieg et Schumann avec Claudio Arrau captés.. au Concertgebouw d’Amsterdam ! Peu d’inédits, comme cette Burleske de Richard Strauss avec Rudolf Buchbinder.
Coïncidence : au moment de signaler la parution du coffret Dohnányi/Vienne, je reçois un beau. coffret hommage au chef finlandais regroupant ses enregistrements parus chez Ondine.
Le coffret est d’autant plus précieux qu’il dépasse l’oeuvre de Sibelius : 4 CD sont consacrés à d’autres compositeurs finnois.
Le 6 décembre c’est autre chose qu’un jour à jamais triste pour moi (Il y a 52 ans) ou la Saint-Nicolas fêtée dans tous les pays germaniques et nordiques (lire Saint-Nicolas en musique), c’est aussi Itsenäisyyspäivä, la fête de l’Indépendance, la fête nationale de la Finlande.
(Mon dernier voyage en Finlande en novembre 2018 – ici à Tampere – pour préparer l’édition 2019 du festival Radio France)
Le 6 décembre 1917, la Finlande conquérait enfin son indépendance après des siècles de tutelle tour à tour suédoise ou russe.
Seiji Ozawa avait enregistré tout un disque d’hymnes nationaux, dont celui de la FInlande
Mais bien avant la proclamation officielle de son indépendance, la Finlande avait trouvé son héraut, à l’occasion de la célébration de la Presse en 1899 : Sibelius compose une musique en plusieurs tableaux, dont le dernier L’Eveil de la Finlande débouchera bientôt sur ce qui est depuis considéré comme le véritable hymne national des Finnois, Finlandia. Lire toute la genèse de l’oeuvre ici : Finlandia.
La version orchestrale est la plus fréquemment donnée : ici dans la version par laquelle, adolescent, j’ai tout à la fois découvert l’oeuvre et le concerto pour violon de Sibelius (lire Sibelius m’était conté)
Mais la version avec choeur est plus impressionnante et plus… patriotique ! Hommage ici au chef finnois récemment disparu, Leif Segerstam (1944-2024)
Je m’apprêtais à évoquer la figure singulière du chef Christoph von Dohnányi et un nouveau coffret (voir ci-après) lorsque j’ai appris le décès, ce 9 octobre, d’un autre chef très singulier, le Finlandais Leif Segerstam
Le chef et compositeur finlandais Leif Segerstam est mort le 9 octobre, sans susciter de réaction notable en France où il a été plutôt rare. Mais nul discophile n’ignore son nom.
J’ai un souvenir personnel de ce chef à Genève. Je ne me rappelle plus pourquoi (ni par qui) il avait été engagé pour diriger l’Orchestre de la Suisse Romande dans le studio Ansermet de la maison de la Radio suisse romande, bd Carl Vogt. Mais c’est moi qui avais « négocié » une partie du programme, l’autre étant imposée (un concert UER ?). En première partie, une symphonie (la 21e ou 25e ?) parmi les 371 (oui 371 !) qu’a laissées le chef-compositeur, la création d’un concerto pour trompette d’un compositeur ayant remporté, je crois, le concours de composition Reine Marie-José* – le soliste étant Jouko Harjanne – et en deuxième partie les quatre Légendes de Sibelius.
Segerstam à l’époque – vers la fin des années 80 – portait déjà barbe nourrie et embonpoint certain. En le voyant se mouvoir et diriger, j’avais toujours l’image de Brahms à la fin de sa vie.
Brahms à 25 ansBrahms à 60 ans
On ne peut pas dire que la comparaison soit forcée !
Les deux ou trois fois où j’ai entendu et vu diriger Leif Segerstam comme les disques que j’ai de lui, laissent l’empreinte d’une personnalité profondément originale, d’un musicien qui n’a cure d’aucun dogme, d’aucune convenance dans sa manière d’approcher une oeuvre. Et cela donne toujours, toujours, un résultat étonnant. Surtout ne pas limiter Segerstam à la sphère scandinave, où il est bien entendu chez lui, mais pas seul. Il n’est que d’essayer de consulter sa discographie pour constater qu’il a embrassé un répertoire incroyablement vaste.
J’ai ainsi découvert l’oeuvre symphonique du Français Louis Aubert(1877-1968) grâce à lui
J’aime beaucoup, même si ce n’est pas mon premier choix, sa version de l’opéra de Korngold, Die tote Stadt
Et puisque mon premier souvenir au concert des quatre Légendes de Sibelius, c’est à lui que je le dois, je découvre avec bonheur cette récente captation de concert à Turku, dont il était le chef depuis 2012.
On ne peut d’un seul article faire le tour d’une personnalité aussi protéiforme, mais encore un mot de son oeuvre de compositeur. Le nombre de ses symphonies fait sourire : 371 achevées. Voici au hasard l’une d’elles… sans chef !
Impossible d’établir une discographie. Quelques indispensables néanmoins pris dans ma discothèque :
Je l’annonçais à l’occasion d’un billet sur Bruckner. Il a fallu attendre qu’il fête ses 95 ans le 8 septembre dernier pour que son éditeur de toujours – Decca – songe à honorer Christoph von Dohnányi ! Pourquoi n’a-t-on retenu que les enregistrements réalisés à Cleveland, alors qu’en y adjoignant ceux de Vienne (avec les Wiener Philharmoniker) on n’aurait pas vraiment alourdi le coffret ?
CD 6 BERLIOZ Symphonie fantastique WEBER/BERLIOZ L’Invitation a la valse
CDs 7 & 8 SCHUMANN Symphonies 1–4
CD 9 BRAHMS Violin Concerto SCHUMANN Violin Concerto
CDs 10–16 BRUCKNER Symphonies Nos. 3–9
CDs 17–22 WAGNER Das Rheingold Die Walküre
CD 23 R. STRAUSS Ein Heldenleben Till Eulenspiegels lustige Streiche
CDs 24–28 MAHLER Symphonies Nos. 1, 4, 5, 6 & 9
CD 29 SMETANA Dvě vdovy (The Two Widows): Overture & Polka Hubička (The Kiss): Overture Libuše: Overture Prodana nevěsta (The Bartered Bride): Overture & 3 Dances Vltava (The Moldau)
CDs 30–36 BARTÓK Concerto for Orchestra Music for strings, percussion & celesta DVOŘAK Symphonies 6, 7, 8 & 9 ・ Scherzo capriccioso Slavonic Dances Opp. 46 & 72 JANAČEK Rhapsody for Orchestra “Taras Bulba” Capriccio LUTOSŁAWSKI Concerto for Orchestra ・ Musique funebre MARTINŮ Concerto for string quartet & orchestra SHOSTAKOVICH Symphony No.10
CD 37 WEBERN Fuga (Ricercata) aus dem Musikalischen Opfer Im Sommerwind ・ Passacaglia ・ 5 Pieces Op.10 ・ 6 Pieces Op.6a Symphony Op.21 ・ Variations Op.30
CDs 38 & 39 CRAWFORD SEEGER Andante for Strings IVES Orchestral Set No.2 Symphony No.4 Three Places in New England (Orchestral Set No.1) The Unanswered Question RUGGLES Men and Mountains ・ Sun-treader VARESE Ameriques
Tous ces disques ont été à un moment ou un autre disponibles, mais plus dans les pays anglo-saxons qu’en France, où pourtant le chef allemand a officié plusieurs années à la tête de l’Orchestre de Paris. On m’a rapporté naguère que son mauvais caractère ne lui avait pas toujours attiré les sympathies des musiciens…
Je vois sur le site de la Philharmonie de Paris la captation d’un concert de 2019 – que j’ai manqué ! – où l’on remarque avec émotion la présence à la première chaise du regretté Philippe Aïche, disparu il y a deux ans déjà (lire Les morts et les jours)
Ecouter Dohnanyi c’est comme respirer une tradition venue en ligne directe d’Europe centrale, un style, une rigueur, une puissance, qui conviennent autant à Haydn ou Mozart qu’à Brahms, Schumann, Bruckner, Mahler ou à Schoenberg. On a de tout cela dans ce coffret, et bien sûr le son inimitable de Cleveland.
Cette captation de la 2e symphonie de Schumann au Carnegie Hall de New York en 2000 est d’autant plus émouvante qu’elle est introduite par celui qui fut l’inamovible président de la mythique salle, le violoniste Isaac Stern, déjà très fatigué par la maladie qui allait l’emporter quelques mois plus tard.
* Marie-José de Belgique (1906-2001), dernière reine d’Italie par son mariage avec Umberto II qui a régné 35 jours de mai à juin 1946, vit à partir de 1947, séparée de son mari, au château de Thônex dans la banlieue de Genève, et participe activement à la vie musicale et culturelle de la région. C’est ainsi qu’elle fonde en 1959 un Prix international de composition musicale.Elle est la grand-tante de Philippe, l’actuel roi des Belges,
C’est sans doute l’oeuvre la plus cèlèbre de Jean Sibelius (1865-1957) : Finlandia.
Elle ouvre ce samedi le concert de l’Orchestre du Capitole de Toulouse dirigé par Tugan Sokhiev à Montpellier dans le cadre du Festival Radio France (FestivalRF19)
Ce Finlandia a toute une histoire qu’il n’est pas inintéressant de rappeler dans le contexte politique de sa création. La version la plus jouée aujourd’hui – celle qui le sera samedi – est confiée au seul orchestre, elle a été créée le 2 juillet 1900 par le grand chef finnois Robert Kajanus (1856-1933), fondateur en 1882 de la Société orchestrale d’Helsinki qui deviendra l’Orchestre philharmonique d’Helsinki.
L’une des très grandes versions de Finlandia : Neeme Järvi dirige l’orchestre symphonique de Göteborg.
En 1899, Sibelius compose une Musique pour la célébration de la presse en plusieurs tableaux, comme un manifeste contre la censure opérée sur la presse finlandaise par le régime tsariste (la Finlande étant constituée depuis 1809 en Grand-Duché sous la tutelle de la Russie, son indépendance ne sera obtenue de haute lutte que le 6 décembre 1917 !)
Le dernier tableau s’intitule Eveil de la Finlande, ou Eveil du printemps finlandais. Il sera joué à Paris, lors de l’Exposition universelle de 1900, sous le titre explicite de La Patrie !
De fait, Finlandia est devenu très rapidement une sorte d’hymne patriotique pour les Finlandais. Sibelius l’intègre dès 1900 à ses Scènes historiques op.25.
Mais la musique originale de 1899 « pour la célébration de la presse » n’a jamais été publiée intégralement du vivant de Sibelius. Il faut attendre presque un siècle plus tard pour que la partition soit reconstituée, en sept tableaux
puis pour choeur d’hommes et orchestre en 1938, puis en 1940 pour choeur mixte sur un texte de l’écrivain et académicien Veikko Antero Koskenniemi. La puissance de cette dernière version, créée dans le contexte dramatique du début de la Seconde Guerre mondiale, n’est plus à démontrer.
J’ai aimé retrouver l’atmosphère si particulière de la Finlande (lire Au coeur de la Finlande), tout ce que j’avais découvert en décembre 2005, lorsque, à l’invitation du gouvernement finlandais, j’avais pu passer une semaine à Helsinki à l’occasion du Concours Sibelius(dont la lauréate, cette année-là, fut la jeune violoniste russe Alina Pogostkina, que j’aurais le bonheur d’inviter à trois reprises à Liège : en 2008 avec Paul Daniel, Beethoven et Vaughan Williams« The Lark ascending », en janvier 2011 pour les 50 ans de l’OPRL, et en novembre 2011 avec Domingo Hindoyan et le concerto de Korngold)
Helsinki en décembre, c’est tout au plus quatre heures de lumière du jour, nuit noire dès 15 h, dîner de très bonne heure, et plus personne dehors le soir venu. Le fonctionnaire du ministère des affaires étrangères qui me « pilotait », avait organisé mon planning de rencontres et de visites, me disait, pince-sans-rire : « Vous pouvez constater que les distractions sont rares ici : si on ne veut pas boire de la bière, il nous reste le chant choral. Dans mon bâtiment au ministère, il y a une chorale par étage ».
Il avait oublié la distraction nationale : le sauna (le seul mot finnois qui a fait florès dans toutes les langues du monde). En face de mon hôtel se trouvait la magnifique piscine art déco Yrjönkatu, plusieurs bassins entourés de plusieurs saunas et hammams à différentes températures. Après les journées chargées qu’on m’avait concoctées, et avant les concerts du soir, je visitais avec plaisir l’établissement, où j’eus la surprise de retrouver, transpirant sur le même banc de sauna, le grand danseur et chorégraphe, longtemps directeur du Ballet national de Finlande, Jorma Uotinen, rencontré vingt ans plus tôt à Thonon-les-Bainsà l’occasion d’un concours international de Danse organisé par la regrettée Roselyne Gianola, dont il était l’hôte d’honneur. Le monde est petit…
Et puis il y a la langue finnoise, sa musique si particulière, qui rappelle, en plus doux, le hongrois, les deux idiomes se rattachant au groupe dit des langues finno-ougriennes, qui ont leurs racines en Asie centrale, et qui ont très peu en commun avec les autres langues européennes. Impossible de comprendre une conversation simple, même de demander son chemin ou de commander un menu au restaurant (qui se dit ravintola). C’est un puissant stimulant pour apprendre, s’imprégner d’une langue…
Six mois après ce séjour hivernal à Helsinki, je revins dans ce pays, la capitale bien sûr mais surtout la Carélie, l’été et ses nuits blanches, la maison et les paysages de Sibelius… J’y reviendrai.
Atterrissant jeudi à Tampere, un petit aéroport aménagé avec ce goût caractéristique des designers scandinaves, je retrouvai instantanément les sensations éprouvées treize ans plus tôt à Helsinki. Nuit noire à 16 h, ciel plombé chargé de bruine, Un hôtel moderne, une tour de 25 étages.
La directrice générale de l’orchestre de Tampere s’excuse presque de cette triste météo, à cette époque de l’année c’est plutôt la neige et le manteau de lumière qui recouvre la ville. Après la répétition (voir Le Goncourt et la Finlande), nous partons dîner – il est plus de neuf heures du soir ! – dans un restaurant tournant resté ouvert tout exprès pour nous, au sommet de la tour Nasinneula, à 125 m de haut. Atmosphère irréelle, la ville en-dessous émerge par intermittences de la brume. Saumon, civet de renne, genièvre. Cuisine roborative, relevée. On a chaud au corps et au coeur.
Vendredi soir, le concert est à 19 h (18 h heure de Paris), les deux soirées du 9 et du 10 novembre sont hors abonnement, elles ont été prises d’assaut. Carmina Burana fait partie de ces oeuvres si populaires qu’elles remplissent systématiquement les salles… sur un malentendu.
Ce public nouveau, nombreux, très jeune ce soir dans la superbe salle de concert de Tampere, ne connaît de l’oeuvre de Carl Orff que le début et la fin.
Il va découvrir une oeuvre qui, sous la simplicité apparente de ses rythmes et de ses mélodies, est plus complexe et difficile qu’on ne l’imagine, en particulier pour les forces chorales – vendredi soir ils étaient près de 200 sur scène, trois choeurs et un choeur d’enfants rassemblés – et un challenge pour le chef. Avec Santtu-Matias Rouvali, j’ai eu le sentiment d’entendre d’une oreille neuve une oeuvre que le jeune chef finlandais dirigeait pour la première fois.
Autre surprise pour le public, les mélodies avec orchestre de Richard Strauss programmées en première partie, avec le baryton et la soprano solistes de CarminaBurana. Une formidable idée de Santtu-Matias Rouvali et une belle occasion d’entendre les moirures, les couleurs chaudes et la parfaite homogénéité des pupitres de l’orchestre philharmonique de Tampere. Bonheur sans mélange.
C’est un formidable petit bouquin. Une déclaration d’amour peu banale, d’un jeune compositeur français à un illustre aîné finlandais.
Oui, Eric Tanguy aime Sibelius, et avec la complicité de Nathalie Krafft, lui consacre des pages qui n’ont rien de théorique ou de musicologique, mais qui donnent furieusement envie d’emprunter des chemins peu battus et de découvrir quelques trésors méconnus du plus grand compositeur finnois.
« Pour les admirateurs de la musique de Sibelius, comme je le suis ardemment moi-même, Ecouter Sibelius, cette douce injonction paraît superflue. Et pourtant, en dépit des efforts de quelques programmateurs, son oeuvre se résume pour beaucoup à quatre pièces : le concerto pour violon, les symphonies n°2 et 5, l’immanquable Valse triste, des partitions admirables mais qui masquent une forêt de chefs-d’oeuvre méconnus. » (Eric Tanguy)
J’ajoute à cette liste Finlandia, mais le constat d’Eric Tanguy est juste.
Eric Tanguy était hier soir l’invité de Lionel Esparza sur France Musique pour parler de ce livre singulier : écouter Classic Club
En même temps qu’un parcours en neuf étapes dans l’oeuvre de SIbelius, c’est évidemment son propre itinéraire, ses enthousiasmes et des doutes, avec une sincérité touchante, que livre le compositeur français à l’approche de la cinquantaine.
Mais Eric Tanguy dit aussi son admiration – et l’écho qu’elles provoquent en lui – pour les grandes pages symphoniques ou chorales que sont Kullervo, la 5ème symphonie, la suite Karelia, le concerto pour violon…
Les références de ces oeuvres sont nombreuses, on a l’embarras du choix dans une discographie devenue considérable. Mes préférences :
Paavo Berglund c’est le côté rude, âpre, immense de la force. Son Kullervo dans cette toute récente réédition (la deuxième de ses trois intégrales symphoniques de Sibelius) es légendaire.
Karajan est le grand sibélien non finlandais du XXème siècle. Sa 5ème symphonie captée en concert le 26 mai 1957 est tout à la fois feu et glace, marbre et soie.
Karajan n’a gravé qu’une seule fois la suite de Karelia.
On ne devient pas sibélien par hasard. À part peut-être la Valse triste, Sibelius n’est pas abonné aux tubes de la musique classique. En ce qui me concerne, c’est un coffret acheté par souscription, donc à un prix que mes très modestes moyens d’étudiant me permettaient, qui m’a mis sur la route du compositeur finlandais. C’était un coffret de quatre 33 tours Deutsche Grammophon, je m’en souviens comme si c’était hier, tous dirigés par Karajan : la 2e symphonie de Brahms, les Tableaux d’une exposition de Moussorgski/Ravel, des intermezzi d’opéras… et le Concerto pour violon de Sibelius avec Christian Ferras en soliste ! Il y a pire comme initiateurs…
Mais autant l’avouer, je n’accroche pas immédiatement à ce concerto, ce n’est ni Mendelssohn ni Tchaikovski. Il faudra que j’écoute passionnément La Tribune des critiques de disques de France Musique – le trio Panigel-Bourgeois-Goléa – pour que je découvre les mille beautés de l’oeuvre et ce qui allait définitivement m’arrimer à la musique de Sibelius : la rudesse et l’infinité des espaces imaginaires qu’elle ouvre. Et comme Goléa détestait ce concerto, je n’en ai été que plus convaincu de l’aimer.
Quelques années plus tard, mon premier achat dans une véritable caverne d’Ali Baba du disque classique au marché aux puces de Saint-Ouen sera l’intégrale des symphonies dans une version dont j’ignorais alors qu’elle serait louée par les meilleurs critiques et constamment rééditée : Lorin Maazel et les Wiener Philharmoniker.
On l’aura compris, ce n’est pas d’hier que date mon histoire d’amour pour Sibelius.
Il y a dix ans, exactement à la même période, j’avais eu la chance d’assister aux épreuves du Concours Sibelius à Helsinki (la lauréate d’alors, la merveilleuse Alina Pogostkina, nous a laissé quelques beaux concerts à Liège). Souvenirs lumineux d’une semaine pourtant plongée dans la nuit (le soleil se levait timidement vers 11h du matin, pour disparaître à nouveau vers 14 h), le froid, le gel. J’étais retourné, en juillet 2006, pour visiter bien sûr Ainola, la maison de Sibelius, et la Carélie de lacs et de forêts qui a nourri toute son oeuvre.
Un conseil en cette période qui n’incite pas à l’espoir : écoutez, gavez-vous de Sibelius, d’une musique généreuse, qui respire loin et large.