Les Ex écrivent

Peut-être plus que des romans, j’aime lire essais, mémoires, témoignages de ceux qui pensent, analysent ou, mieux encore, ont été ou sont encore dans l’action publique.

Surtout quand ce sont des personnalités dont je ne partage pas les tendances, a fortiori l’idéologie.

J’ai été gâté ces dernières semaines avec trois ouvrages de très inégal intérêt.

Commençons par celui qu’un vieil et stupide a priori m’eût normalement empêché de lire, le définitivement « droit dans ses bottes » Alain Juppé.

C’est d’abord – et de loin – le mieux écrit des trois livres en question (de beaux restes du normalien qu’il fut !) et c’est surtout le plus intéressant pour comprendre les quarante dernières années de la politique française. A quelques paragraphes près – où l’on sent un peu trop les contributions extérieures – c’est du Juppé dans le texte, moins « techno » que l’image qu’il a donnée tout au long de sa carrière active, plus personnel, et d’une hauteur de vues qui est devenue rare, très rare, dans le paysage politique français. Je n’ai jamais voté pour Juppé ni pour Chirac, même si j’ai pu avoir de l’estime, voire de l’amitié pour tel ou tel de leurs ministres ou successeurs (je pense à Jean-Pierre Raffarin). Mais cette « histoire française » vaut vraiment d’être lue.

Ensuite Edouard Philippe, ex-Premier ministre lui aussi, dont il se murmure qu’il a 2027 en ligne de mire. Lui aussi sait écrire, mais les chantournements dont il use et abuse dans l’expression de sa pensée finissent par lasser et par noyer son message. Les premiers chapitres de son dernier-né, dont tout le monde aura perçu l’aimable contrepèterie du titre – qu’on peut aussi lire comme « Des dieux qui lisent » ! mélangent de longs, trop longs souvenirs personnels et familiaux (parents enseignants), et, comme s’il y avait rapport de cause à effet, de longs développements sur la nécessité de réformer l’école et le système d’enseignement français.

Je préférais de loin l’auteur de romans faussement policiers, ou les confessions sur ses goûts de lecteur écrits en duo avec son complice Gilles Boyer. Mais ce nouvel ouvrage doit s’inscrire dans la stratégie de communication pré-présidentielle de l’homme politique préféré des électeurs de droite…

Je n’avais jamais lu Nicolas Sarkozy, mais j’ai pensé que les souvenirs d’un ancien président de la République, portant sur la deuxième partie de son unique quinquennat, pouvaient avoir de l’intérêt.

C’est amusant, ici je n’ai aucune hésitation quant au véritable auteur du livre. C’est tellement mal écrit, gauche (!), autosatisfait, que c’est vraiment N.S. qui l’a écrit. Il écrit comme il parle, et là où quelques pages serrées pourraient utilement nous éclairer sur les décisions qu’il a dû prendre, les rencontres à haut niveau qu’il a vécues ou organisées, on a droit, systématiquement, à des confidences, délayées jusqu’au ridicule, sur ses sentiments, ses impressions, ses sensations. Et il s’étonne tout du long d’être la cible favorite des médias, de ses adversaires comme de ses amis politiques, et bientôt d’une écrasante majorité de Français… Le contraste avec Juppé est sidérant : là où l’ancien Premier ministre lâche parfois une flèche non pas sur les personnes mais sur les idées ou les comportements de ceux qu’il côtoie ou affronte, Sarkozy n’est que fiel et vinaigre. Personne n’y échappe…

Au moment de clore ce billet, j’entame la lecture du Journal d’Agnès Buzyn.

J’ai toujours eu du respect, et même de l’admiration pour Agnès Buzyn. La manière dont elle a été traitée pendant et après la crise du COVID m’a toujours scandalisé. Et encore maintenant qu’elle fait le tour des plateaux télé pour la promotion de son livre, j’entends et je lis des choses ahurissantes, y compris de la part de journalistes qui n’ont pas lu le bouquin.

Elle le dit elle-même, il s’agit d’un journal qui comprend toutes les pièces, tous les documents, déjà versés à la Cour de justice de la République, mais aussi et surtout non pas d’une auto-justification, encore moins d’une revanche, mais d’un récit passionnant, palpitant même, de ce qui s’est passé au sommet de l’Etat au début de la pandémie. Mais c’est aussi le récit de tous les autres sujets – la réforme des retraites, tiens déjà ! – les déserts médicaux, la crise hospitalière, la loi sur la bioéthique, la fin de vie – que devait gérer simultanément la ministre de la Santé. C’est souvent cash – comme l’était celle qui fut la belle-mère d’Agnès Buzyn, Simone Veil – c’est parfois touchant lorsque le grand médecin qu’elle est toujours restée dans l’âme s’oppose au politique qu’elle est devenue.

Personnellement, ce livre m’a vraiment aidé à mieux comprendre les enjeux de notre système de santé, la crise qui secoue tout le secteur médical et hospitalier. Il révélera à ses lecteurs la complexité de l’action politique, à l’heure des réseaux sociaux, et, comme les mémoires d’Alain Juppé, les vertus de la modération et de la réflexion.

Boulez cinq ans après

Pierre Boulez est mort il y a cinq ans, le 5 janvier 2016. Des manifestations sont prévues à Paris, à Berlin, ailleurs peut-être, mais auront-elles lieu ?

J’ai déjà raconté le Pierre Boulez que j’ai connu : lire Pierre Boulez vintage et Un certain Pierre Boulez

J’évoquais dans mon dernier billet Ces vieux qui rajeunissent et inversement, je n’y ai pas mentionné Pierre Boulez parce que, de ses débuts comme chef d’orchestre à ses dernières apparitions sur scène ou dans la fosse d’opéra, il a échappé aux syndromes que je décrivais. Si l’on devait noter une évolution, c’est sans doute, dans les dernières années notamment au concert, l’abandon à une sensualité sonore que la rigueur de la battue pouvait parfois obérer.

J’ai profité des derniers mois – confinement 1 et 2 ! – pour revisiter ma discothèque boulezienne, en particulier les symphonies de Mahler, que j’avais étrangement tenues à distance, comme si je me refusais à associer Mahler et Boulez. Et je dois avouer que j’ai souvent succombé d’abord à la pure beauté de lectures orchestrales somptueusement enregistrées (et quels orchestres !), ensuite ou en même temps à la tenue des lignes, qui n’est jamais sécheresse, au respect scrupuleux des indications – si nombreuses – de Mahler sur ses partitions.

Je ne connaissais pas cette interview – en anglais – de Pierre Boulez sur Mahler. Emouvant !

Exemplaires, pour moi, les deux Nachtmusik de la 7ème symphonie (à l’opposé en effet de ce que produit un Bernstein, que j’adore par ailleurs!), ou comment naît l’émotion de l’absence d’exagération (comme le dir très bien Pierre Boulez dans l’interview) et du respect des indications du compositeur :

Et que dire du plus foncièrement viennois des mouvements de la 5ème symphonie, le scherzo qui s’abandonne dans l’infinie nostalgie de valses improbables ? Quand on entend, on voit Boulez suivre à la lettre la partition, et ainsi lui restituer cet inimitable parfum (par exemple à 2’25 ») on craque, je craque…

La démonstration pourrait valoir pour toutes les autres symphonies.

Cette captation réalisée à Berlin en 2005 de la Deuxième symphonie me bouleverse à chaque écoute :

J’ai aussi réécouté le tout premier Sacre du printemps gravé par Boulez en 1963 avec l’Orchestre National pour Adès (reparu depuis sous d’autres étiquettes). Je ne suis pas loin de préférer cette version aux deux qui suivront avec Cleveland, d’abord dans les années 70 pour CBS/Sony, puis au début des années 90 pour Deutsche Grammophon, ne serait-ce que parce qu’on y entend le basson français (et non le Fagott allemand que quasiment tous les orchestres au monde ont adopté), le basson français qui était évidemment l’instrument que Stravinsky avait en tête en écrivant ce solo initial. Et quels bois dans l’Orchestre national de ces années-là !

Même la Huitième symphonie de Bruckner -ici enregistrée à St Florian – passe l’épreuve de la rigueur d’une battue qui ne renonce jamais à l’éloquence (même si Boulez n’est pas mon premier choix pour cette oeuvre)

Je voudrais en profiter pour rappeler l’indispensable Boulez de Christian Merlin. Je redis ce que j’écrivais : non seulement c’est une mine d’informations sur Pierre Boulez, compositeur et chef, mais aussi sur tout le siècle qu’il a traversé, et ça se lit comme un roman policier !

On attendait Boulez

 

Pour paraphraser le titre d’un (pas très bon) roman supposé à clés (En attendant Boulez), on attendait vraiment cette somme magistrale, ces plus de 600 pages, consacrées à Pierre Boulez.

71K12lz8PeL

Non, cher Christian Merlininutile de t’excuser (on se tutoie dans la vie, pardon de ne pas recourir au vouvoiement d’usage !) comme tu le fais longuement dans le prologue de cet ouvrage : « C’est de la folie !…Je n’avais jamais écrit de biographie, je n’étais pas spécialiste de Boulez, je n’avais jamais fait partie du cercle rapproché de ce que le milieu musical appelle « la Boulézie ». Je ne me sentais pas la compétence musicologique pour analyser ses oeuvres….Boulez lui-même avait répété qu’il serait un compositeur sans biographie, exprimant souvent sa méfiance envers cette approche. Enfin, peu de personnalités polarisaient ainsi les esprits, entre adulation et détestation, sans qu’un juste milieu semble possible. En un mot, je ne me sentais pas légitime ».

C’est vrai, je n’étais pas dans le secret d’un travail qui a dû prendre des années, c’est vrai j’ai été surpris de voir paraître ce pavé, venant d’un critique musical, doublé d’un pédagogue, dont j’ai toujours apprécié la plume affûtée, éloignée de tout jargon, comme les émissions sur France Musique (comme chaque dimanche matin Au coeur de l’orchestre).

Mais dès que j’ai acheté ce Boulez, je me suis engouffré dans ces pages serrées, comme on entre dans un polar qui vous tient en haleine jusqu’au bout de la nuit.

La présentation de l’éditeur – une fois n’est pas coutume – dit exactement ce qu’est ce livre : Trois ans après sa mort, il était temps de revenir sereinement sur les neuf décennies de cette existence multiple : le compositeur, le chef d’orchestre, le penseur, le fondateur d’institutions, sont passés au crible dans cette biographie pour laquelle ont été exploitées des archives souvent inédites. On y pénètre les coulisses de ses combats (le Domaine Musical, l’IRCAM, l’Ensemble Intercontemporain, l’Opéra Bastille, la Cité de la musique, la Philharmonie de Paris). On le voit renouveler la technique et la fonction du chef d’orchestre tout en étendant son influence sur la politique culturelle. On le suit sur tous les continents… On tente aussi de donner des clés d’accès à sa musique, qui ne se livre pas en une seule écoute. Mais surtout cet ouvrage s’est fixé pour but de mieux comprendre la personnalité complexe et secrète de celui qui s’est ingénié à brouiller les pistes, en maintenant résolument un décalage rare entre son image publique de sectaire cérébral et l’homme privé, généreux, affectif et hypersensible »

Je suis loin d’avoir terminé ce pavé, et je ne le ferai sans doute pas avant longtemps. Je vais d’un chapitre à l’autre, et j’y puise d’abord une somme d’informations hallucinante, d’une précision que peu de journalistes pratiquent encore. C’est écrit sans lourdeur ni surcharge. Les témoignages abondent, le sujet est toujours traité avec la distance de l’enquêteur et l’empathie du biographe. Impressionnant ! Chapeau l’artiste !

Beaucoup plus qu’une biographie classique de compositeur, c’est un panorama extraordinaire du monde musical de la seconde partie du XXème siècle en même temps qu’une radiographie de la France politique et culturelle des années 1950 à 2010.

J’ai bien sûr retrouvé le Pierre Boulez que j’ai un peu connu, en 1995 à l’occasion de la journée que nous lui avions consacrée sur France Musique pour ses 70 ans (lire Boulez vintage), puis à Lucerne début septembre 2008 (lire Un certain Pierre Boulez)

Sur la discographie de Boulez, je ne peux que renvoyer à ces deux articles : Pierre Boulez la marque jaune et Pierre Boulez une intégrale.

Souvenir de l’été 1992 : Boulez dirigeait les Wiener Philharmoniker aux Prom’s à Londres. J’étais à la Radio suisse romande, au lieu des traditionnelles et encombrantes bandes que s’échangeaient les radios publiques, j’avais reçu ce concert capté par la BBC sur deux CD pour le diffuser sur les ondes de la RSR. J’ai gardé précieusement ce double CD..

Rentrée

J’aime ces soirs de rentrée, le premier concert d’une saison. Comme hier soir à la Maison de la Radio à Paris, autour de l’Orchestre National de France (à réécouter sur France Musique)

IMG_9091

Un an après ses débuts comme directeur musical de la phalange, deux mois après une mémorable soirée Gershwin au Festival Radio Francec’est évidemment Emmanuel Krivine (voir La fête de l’orchestre) qui officiait. Avec un soliste attendu – Bertrand Chamayou avait déjà joué le 5ème concerto de Saint-Saëns en juillet 2016 au Festival Radio France – 

719kSVOTyUL._SL1200_

Mais un programme intéressant, des musiciens de haut vol, ne font pas, à eux seuls, une rentrée réussie. Il y faut cette effervescence particulière qui caractérisait nos rentrées à l’école, au lycée ou à l’université, le plaisir de retrouver des visages amis dans le public ou parmi les personnalités invitées, mais aussi d’en découvrir de nouveaux, d’observer habitués ou novices, d’assister à des rencontres insolites. Bref, tout sauf un truc mondain, où il faut se montrer…

Et la soirée d’hier ne manquait d’aucun de ces ingrédients.

djjst26waaavtbsCertes, la ministre de la Culture – présente l’an dernier (comme le montre cette photo prise en septembre 2017)- manquait, de même que Mathieu Gallet, l’ex-PDG de Radio France, remplacé, comme on le sait, par Sibyle Veil, qui s’est acquittée parfaitement de l’exercice ingrat du mot d’accueil au public et aux auditeurs.

36957947_2114791482093176_3005064303477784576_n(Le 11 juillet dernier, Sibyle Veil, en sa qualité de co-présidente du Festival Radio France, assistait au concert d’ouverture du Festival 2018).

Au moment d’entrer dans la salle, j’apercevais une silhouette qui me semblait familière, même si une barbe fournie me faisait hésiter.

A l’entracte je n’eus plus de doute, c’était bien Daniele Gattile prédécesseur d’Emmanuel Krivine à la direction de l’Orchestre National, que je n’avais plus revu depuis son concert d’adieu en 2016 (lire Bravo Maestro), qui se trouve pris dans le tourbillon d’une « affaire » qui l’a privé, sans procès, sans explication, de son poste à la tête du Concertgebouw d’Amsterdam

Face à moi, un homme visiblement éprouvé, mais aussi touché par les témoignages qui n’ont pas manqué de la part de ses anciens musiciens et de ses amis parisiens, à qui j’ai répété ce que j’avais écrit et dit, et qui lui avait été transmis (lire Stupéfaction). On aimerait que les accusateurs, les procureurs auto-proclamés sur les réseaux sociaux et dans les médias se trouvent confrontés à ceux qu’ils clouent au pilori… et mesurent les conséquences (in)humaines de leurs dénonciations (cf. le suicide de l’époux d’Anne-Sofie von Otter). Chaleureuse embrassade avec Daniele Gatti, qu’on souhaite ardemment revoir très vite à Paris…

4324.0.282715241-kT3B-U3010207937467duC-1224x916@Corriere-Web-Sezioni-593x443

Une autre figure que je ne m’attendais pas à croiser à ce concert, l’ancienne ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, aujourd’hui retirée de la politique active, auteur d’un roman à clés très remarqué en cette rentrée littéraire, Les Idéaux :

71bufJWBBEL

Une femme, un homme, une histoire d’amour et d’engagement.
Tout les oppose, leurs idées, leurs milieux, et pourtant ils sont unis par une conception semblable de la démocratie.
Au cœur de l’Assemblée, ces deux orgueilleux se retrouvent face aux mensonges, à la mainmise des intérêts privés, et au mépris des Princes à l’égard de ceux qu’ils sont censés représenter.
Leurs vies et leurs destins se croisent et se décroisent au fil des soubresauts du pays.
Lorsque le pouvoir devient l’ennemi de la politique, que peut l’amour ? 
(Présentation de l’éditeur).

L’agrégée de lettres classiques retrouve une langue et un style qu’on avait déjà admirés dans Les derniers jours de la classe ouvrière

Nous nous reverrons à Montpellier en octobre pour la 40ème édition de Cinémed, ce beau festival de cinéma tourné vers la Méditerranée, qu’Aurélie Filippetti préside depuis deux ans.

Moins inattendue, la présence du toujours fringant Ivan Levaidont l’épouse, Catherine, travaille à Radio France. Avec Ivan, c’est inévitablement – et pour mon plus grand bonheur – un livre ouvert de souvenirs, d’anecdotes, de témoignages de première main. Et je le crois, une amitié réciproque. À trois mètres de la présidente de Radio France – mariée à l’un de ses petits-fils – la conversation roula presque naturellement sur Simone Veil (lire La vie de Simoneet son mari Antoine, entrés au Panthéon le 1er juillet dernier, un couple étonnant dont le journaliste a été l’un des plus proches.

 51zjzbnodml

Confidences très émouvantes sur les dernières années de Simone Veil…

La veille, mercredi après-midi, une autre circonstance m’avait conduit au 22ème étage de la tour de la Maison de la Radio, d’où l’on a l’une des plus belles vues sur Paris. Une sorte de pré-rentrée. La remise des insignes de chevalier des Arts et Lettres à François-Xavier Szymczak, aujourd’hui l’une des voix emblématiques de France MusiqueFrançois-Xavier tenait à ma présence à cette réunion plutôt intime, il se rappelait qu’un jour de 1996 – il avait 22 ans – je lui avais fait confiance pour travailler sur la chaîne (lire L’aventure France Musiqueet – ce que j’avais oublié – j’avais organisé ses interventions à l’antenne pour qu’elles soient compatibles avec ses obligations militaires ! .

IMG_9082

IMG_9085

Je raconterai sûrement, en dévidant le fil de mes souvenirs (L’aventure France Musique : l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarettes), quand et comment François-Xavier Szymczak et ceux qui l’entouraient mercredi, Lionel Esparza, Laurent Valéro, Arnaud Merlin, et d’autres comme Anne-Charlotte Rémond, Anne Montaron, Bruno Letort, j’en oublie, ont rejoint l’équipe de France Musique

 

 

 

 

Musique balnéaire

Deauville n’est pas ma tasse de thé. La petite cité normande est prise d’assaut certains week-ends comme celui de Pâques, les encombrements de Paris transposés en bord de mer. Mais depuis qu’une poignée d’inconscients – de vrais amoureux de musique – a décidé, il y a vingt-deux ans, d’y montrer quelques-uns des meilleurs talents en devenir de la scène classique, j’y reviens par intermittences et toujours pour mon bonheur.

C’était le premier week–end du festival Pâques à Deauville (photos). Programmes originaux comme toujours. On aime… ou pas. Peu importe, les nouveaux talents trouvent à s’éclore devant un public qui ne redoute pas d’être bousculé. Maxime Pascal et Le Balcon sont passés maîtres dans l’exercice.

IMG_8466(La merveilleuse Julie Fuchs et Maxime Pascal)

A1uoDGHf-eL._SL1500_Le dimanche de Pâques, d’abord un formidable hommage à Ligeti par la crème des chambristes français, animé par le compositeur Karol Beffa,

81Zuv+MtSnL

Et le soir deux chefs-d’oeuvre de la musique de chambre, plutôt rares au concert. L’énigmatique 2ème quintette avec piano de Fauré, qui refuse le confort harmonique et mélodique. L’air et le feu.

IMG_8526

En attendant le « live » de Deauville, c’est à l’intégrale de la musique de chambre avec piano – en partie enregistrée à Liège – qu’on reste fidèle. D’autant qu’une partie de la fine équipe rassemblée par Eric Le Sage était à la salle Elie de Brignac : François Salque et Lise Berthaud.

IMG_8528(Pierre Fouchenneret, Guillaume Bellom, Guillaume Chilemme; François Salque, Lise Berthaud)

81fIAUJnmML._SL1400_

Et comme en écho, le dense et intense 2ème sextuor à cordes de Brahms.

51HSscNgLiL

Le Festival de Pâques à Deauville se poursuit les deux prochains week-ends !

Photos : lemondeninmages.me

Immigrés polonais

Dans le récent « grand débat » la Pologne, qui s’était déjà illustrée de manière spectaculaire en 2005 lors du référendum sur le traité constitutionnel européen, avec son plombier polonaiss’est à nouveau invitée dans la campagne présidentielle française.

201607051432-full

(Détournement réussi de la fameuse affiche du faux plombier polonais par l’Office du Tourisme polonais)

Imaginons que les arguments utilisés par certain(e)s pour interdire l’immigration de citoyens européens en France aient été en vigueur dans la France romantique du XIXème siècle ou un siècle plus tard au début du XXème, deux des plus grands Polonais de l’histoire n’auraient jamais enrichi le patrimoine culturel français, notre culture commune. Je veux parler du compositeur Frédéric Chopin (1810-1849) et du pianiste Arthur Rubinstein (1887-1982)… En l’occurrence, pour Chopin, c’était peut-être un retour aux sources, puisque son père était d’origine lorraine !

Ce détour par l’actualité pour évoquer la part la moins spectaculaire, la plus secrète, de l’oeuvre de Chopin, ses Mazurkas.

Lorsque j’ai un peu de temps pour me remettre devant mon piano, c’est toujours vers ce corpus que je reviens, au hasard des humeurs du moment, tant il y a de coins et de recoins de l’âme à explorer, beaucoup plus que l’aspect « national », voire folklorique, de danses stylisées à l’extrême.

IMG_8366

Je suis incapable – et je n’ai pas envie – de faire un classement parmi cette cinquantaine de condensés de poésie, de dire mes préférences, d’en trouver certaines plus « faibles » que d’autres. Je ne me lasse pas de les écouter et réécouter dans les visions aussi différentes qu’Arthur Rubinstein, Jean-Marc Luisada, Nikita Magaloff, Pietro di Maria.81M0ErXoddL._SL1500_71Ib+2cVR4L._SL1050_71iWYSIQz-L._SL1417_718wrcxG9GL._SL1500_

Et pourquoi ne pas se replonger dans les belles pages que le regretté Dominique Jameux  et le cher Jean-Jacques Eigeldinger ont consacrées à notre immigré polonais préféré ?

41ccqSGg7EL41yFOCwIqzL

Parisien

Peu de compositeurs peuvent se dire aussi parisiens que Francis Poulenc.

1024px-Plaque_Francis_Poulenc_-_Place_des_Saussaies_à_Paris1920px-PoulencCommemorativePlaque

Souvenir d’enfance : des cousins côté paternel habitaient le même immeuble que Poulenc, rue Guynemer face au Jardin du Luxembourg et s’étaient plaints de leur bruyant voisin !

On a à peu près tout dit, tout écrit sur ce compositeur atypique (http://fr.wikipedia.org/wiki/Francis_Poulenc). Atypique parce qu’unique dans le paysage musical du XXème siècle, ni disciples, ni successeurs. Moine ou voyou, selon l’expression consacrée, Poulenc est immédiatement reconnaissable, très français d’esprit et de ton.

Jessye Norman – qui avait étudié la mélodie française avec Pierre Bernac – donne un poids inhabituel à une mélodie – Les chemins de l’amour – dédiée et créée par Yvonne Printemps

Il faut écouter Poulenc – les bonnes intégrales ne manquent pas – il faut aussi le lire :

41R3ftwAdxL

61N3v-KLyWL71rLrVfDIHL._SL1500_

Dans la discographie récente, deux disques me touchent particulièrement :

81J5CjHM7yL._SL1500_Et la réédition d’un grand succès public et critique depuis sa parution en 2004 : à l’oeuvre le chef Stéphane Denève, les pianistes Eric Le Sage et Frank Braley qui donnent justement le concerto pour deux pianos ce soir avec l’Orchestre National de France à l’Auditorium de la Maison de la radio.

714a5ij3ibL._SL1429_