Arrivages de printemps

Après ceux de l’automne (Arrivages), les arrivages du printemps, ou plus exactement la somme de mes courses et commandes. Au gré de mes envies, de mes découvertes.

Les bonnes affaires

Toujours suivre sur le site allemand jpc.de les bonnes affaires, les déstockages qui réservent souvent d’étonnantes surprises à prix très doux, comme ce coffret de 10 CD qui est beaucoup plus et mieux qu’une habituelle compilation de tubes et de stars (à 9,99 €)

Exemples, le tout premier enregistrement de Joan Sutherland sous la direction du compositeur Arthur Bliss

ou cet air vraiment magique de l’opéra de Goldmark, La Reine de Saba, par Nicolai Gedda

Même en France, on compare toujours les prix : la FNAC ou Gibert ne sont pas toujours la garantie du meilleur prix. Cette belle réédition des enregistrements réalisés pour Supraphon par le chef croate Lovro von Matačić (1899-1985) est à commander directement sur le site du distributeur clicmusique.com.

Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie n° 3 en mi bémol majeur, op. 55 « Eroica »

Richard Wagner (1813-1883)
Suite orchestrale « Le Crépuscule des Dieux » (arr. de L. von Matacic)

Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-1893)
Symphonie n° 5 en mi mineur, op. 64
Symphonie n° 6 en si mineur, op. 74

Oldrich Korte (1926-2014)
Flutes Story

Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie n° 5 en si bémol majeur, WAB 105
Symphonie n° 7 en mi majeur, WAB 107 « Symphonie des trémolos »
Symphonie n° 9 en ré mineur, WAB 109 « Inachevée

Géza Novák, flûte
František Cech, flûtes
Czech Philharmonic Orchestra
Lovro von Matacic, direction

On ne se lasse jamais du son d’ensemble de la Philharmonie Tchèque – l’orchestre légendaire de Talich, Ancerl puis Neumann – surtout dans la « rumeur » du Rudolfinum de Prague.

Toujours chez Clicmusique, cette réédition par le label italien Urania d’une version jadis parue sous étiquette Decca du Don Giovanni de Mozart capté en 1956 à Vienne avec une équipe de légende sous la houlette d’Erich Leinsdorf : Siepi, Corena, Valletti, Leontyne Price, Birgit Nilsson, excusez du peu

Ce n’est pas ma référence, mais on ne peut être insensible au côté si vintage de cette version.

Maazel à Pigalle

Je me rappelle très bien cette émission de télévision – ce n’était pas un Grand Echiquier je pense, mais plutôt une variété signée Gilbert et Maritie Carpentier autour de Serge Lama

Quelle ne fut pas ma surprise d’y voir le grand chef – il était alors le premier chef invité de l’Orchestre national de France – Lorin Maazel débarquer avec son violon ! Et encore plus lorsque quelques mois plus tard sortira un 33 tours vraiment improbable d’arrangements signés Maazel des grandes chansons de Serge Lama… enregistré non pas à Paris, mais à Cleveland.

J’ai précieusement gardé ce disque, doutant de jamais le voir édité en CD. Il aura fallu un nouveau coffret regroupant les enregistrements réalisés pour CBS par le couple Maazel/Cleveland pour y retrouver cette étonnante rareté.

Ce Lama/Maazel est le seul inédit d’une boîte qui regroupe une intégrale des symphonies de Beethoven – assez curieusement enregistrées, comme dans une boîte à chaussures – les 4, 5, 6 de Tchaikovski, quelques Richard Strauss.

Le coin des amis

Pierre Génisson joue – très bien – Mozart (lire Leur Mozart), mais avec la complicité de Bruno Fontaine et de quelques amis choisis, il marche sur les traces d’un Benny Goodman ou d’un Michel Portal, comme j’ai pu le constater mercredi soir au Bal Blomet (brevesdeblog)

Benoît Dunoyer de Segonzac (contrebasse), Bruno Fontaine (piano), Pierre Genisson (clarinette) @JPR

Je ne suis pas sûr d’avoir évoqué l’un des derniers disques d’Eric Le Sage – pas tout à fait une nouveauté puisque paru il y a plus de deux ans ! – Retard rattrapé pour un album intemporel joliment intitulé Jardins suspendus, avec de petits trésors de musique française

Gabriel Dupont Après-midi de dimanche from Les Heures dolentes; Clair d’étoiles from La Maison dans les dunes
Jean Cras Maritime from Paysages
Lili Boulanger D’un Vieux jardin from 3 Morceaux
Reynaldo Hahn Hivernale from Le Rossignol éperdu; Valse “A l’Ombre reveuse de Chopin”
Erik Satie Gnossiennes Nos. 1-3
Jacques Ibert Matin sur l’eau
Camille Saint-Saëns Valse nonchalante in D flat major op. 110
Vincent D’Indy Lac vert from Tableaux de Voyage op. 33
Louis Vierne Impression d’Automne op. 7 No. 2
Gabriel Pierné Prélude op. 3 No. 6
Louis Aubert Nocturne op. 7 No. 2
Germaine Tailleferre Valse lente
Gustave Samazeuilh Prélude from Le Chant de la Mer
Florent Schmitt Doux et calme from Musiques intimes Livre 1 op. 16
Cecile Chaminade Souvenance from Romances sans paroles op. 76
Arthur Honegger Souvenir de Chopin
Ernest Chausson Paysage op. 38
Francis Poulenc Valse des Musiques de Soie
Jehan Alain Comme une Barcarolle from Suite facile
Deodat De Severac Valse romantique
Nadia Boulanger Vers la Vie nouvelle
Cesar Franck Prélude op. 18

Et toujours : brevesdeblog

Pourquoi la Neuvième ?

Je n’ai pas eu, retrouvé, d’explication convaincante au pullulement de Neuvièmes de Beethoven en ce début d’année… Traditions nordique ? germanique ? japonaise ? Un anniversaire ? pas celui de l’oeuvre en tout cas, créée le 7 mai 1824 !

Le fait est que le Finnois Mikko Franck a introduit cette supposée tradition à Radio France en 2018, en faisant jouer chaque début janvier par l’Orchestre philharmonique de Radio France. Et c’est un autre Finlandais, le tout jeune Tarmo Peltokoski, à l’aube de son mandat à la tête de l’Orchestre du Capitole de Toulouse, qui vient de faire de même.

Les résultats cette année sont tout sauf probants. Qu’on en juge :

– ma propre critique pour Bachtrack : La Neuvième sans joie de Jaap von Zweden au Philhar’

– celle d’Erwan Gentric pour Diapason du même concert : Une symphonie n° 9 de Beethoven taillée à coups de serpe.

– pour Bachtrack toujours, la critique de Thibault d’Hauthuille du concert de Toulouse : La joie forcée de Tarmo Peltokoski.

Pas brillant tout ça !

Pour me rassurer, j’ai relu le papier que j’avais écrit à la fin du marathon Beethoven qu’avait dirigé Dinis Sousa à la Philharmonie de Paris en mai dernier : Le triomphe de la fraternité.

Extr. finale 9e symphonie Beethoven / Dinis Sousa dir. Monteverdi Choir & Orchestra

Quelques Neuvièmes inattendues

Ces déceptions de début d’année m’ont donné envie de fouiller dans ma discothèque non pas en quête de versions dites « de référence » connues et reconnues, mais de raretés ou du moins de chefs qu’on ne cite pas souvent – à tort – comme « beethovéniens »

Arvid Jansons / Berlin 1973

Dans la famille Jansons, il y a d’abord eu le père Arvid (1914-1984) et ce disque est – comme par hasard ! – le « live » d’un concert du 31 décembre 1973 !

Erich Leinsdorf / Boston et Berlin

On a trop négligé Erich Leinsdorf (1912-1993), né Viennois, mort Américain. Il a fait une somptueuse intégrale à Boston

Et j’ai ce « live » du 18 septembre 1978 capté à Berlin.

Rafael Kubelik / Munich 1982

La grandeur, le souffle… Magnifique Rafael Kubelik avec son Orchestre de la radio bavaroise !

Yehudi Menuhin / Strasbourg juin 1994

J’ai consacré tout un article à Yehudi Menuhin (1916-1999) … chef d’orchestre. On a beaucoup célébré le violoniste, à l’occasion du centenaire de sa naissance, et complètement oublié l’excellent chef qu’il a été. Ses symphonies de Beethoven mériteraient amplement une réédition.

Leopold Stokowski / Londres 1967

Eh oui Stokowski était aussi un immense beethovénien…

Chacun des « live » de ce coffret est prodigieux.

Kurt Sanderling / Berlin 1987

J’ai eu la chance d’entendre Kurt Sanderling (1912-2011) diriger l’Orchestre de la Suisse Romande à la fin des années 80 à Genève dans deux Neuvièmes : celle de Mahler, puis celle de Beethoven.

J’ai toujours aussi gardé en mémoire la façon extraordinaire qu’il avait de doser les interventions des différents pupitres de l’orchestre pour que la ligne mélodique soit toujours nettement dessinée. C’est un des problèmes auxquels les chefs se trouvent confrontés notamment dans le 1er mouvement de la 9e symphonie (et c’est tout ce que n’a pas fait Jaap van Zweden samedi dernier à Radio France).

Michael Tilson Thomas / Londres 1987

L’intégrale « allégée » des symphonies de Beethoven qu’avait gravée Michael Tilson Thomas à Londres en 1986 avec l’English Chamber Orchestra avait été accueillie au mieux avec une certaine curiosité, le plus souvent avec une condescendance certaine par une critique prompte à ranger les gens dans des cases. MTT dans Beethoven quelle idée ! Encore un préjugé à bannir (MTT Le chef sans âge)

Je ne peux refermer cet article qui évoque l’Ode à la joie et à la fraternité de Beethoven/Schiller sans rappeler les tragiques événements d’il y a dix ans, que j’ai vécus de si près : Le silence des larmes

La collection St-Laurent : les bons plans (I)

J’ai d’abord cru à une blague quand j’ai vu, sur le profil Facebook d’un ami critique, le nom d’Yves Saint-Laurent associé à des disques ! Je ne savais pas le grand couturier (1936-2008) mélomane ou collectionneur ! Il s’agit en réalité d’un presque homonyme canadien qui s’orthographie à la mode américaine : Yves St-Laurent. Le Devoir avait consacré à ce passionné tout un papier : Haute couture pour vieilles cires.

J’ai commencé, il y a peu, à devenir un client régulier de ce « couturier » du disque, depuis qu’il a élargi son catalogue à des périodes plus récentes. Je ne suis pas amateur, sauf rares exceptions, de vieilles cires même restaurées, je n’appartiens résolument pas aux nostalgiques d’un passé qui s’arrête à Furtwängler ou Toscanini, même si à titre documentaire ou historique, il peut m’être utile de prêter une oreille à certaines interprétations.

La présentation du site est spartiate : www.78experience.com mais, pour ce qui me concerne, le regard a été immédiatement attiré par les noms de grands chefs d’orchestre, et surtout par les enregistrements « live » qui sont proposés. Par quels moyens, plus ou moins légaux, sont-ils parvenus chez l’éditeur canadien, surtout quand il s’agit de captations européennes, françaises notamment ?

Le fait est qu’on dispose maintenant de deux événements de la vie musicale parisienne des années 70, Karajan avec Berlin dans une prodigieuse 6ème symphonie de Mahler et une intégrale des symphonies de Brahms

Quand on a vu un disque Schubert/Schumann dirigé par… Pierre Boulez, on a été piqué par la curiosité évidemment. Le résultat : une amère déception – certains diront qu’elle était prévisible ! – Ni l’interprétation – des semelles de plomb pour Schubert, un sérieux granitique pour Schumann – ni la prise de son (1971 pourtant) ni la gravure ne sont à sauver..

Mais quand Pierre Boulez aborde les classiques, Haydn une symphonie concertante lumineuse et insouciante, Beethoven une 2ème symphonie vive et joyeuse, et surtout un Mazeppa de Liszt enfiévré, emporté, on écoute et on déguste :

En revanche, que de belles surprises du côté de Chicago, Boston ou Pittsburgh avec des hérauts qui ont pour noms Jean Martinon, William Steinberg, Erich Leinsdorf ou Charles Munch. Les prises de concert de l’époque, mitan des années 60, n’ont rien à envier aux fabuleuses prises de son des disques RCA ou Columbia contemporains.

Etonnant de retrouver le timbre si sombre de Maureen Forrester, si magnifiquement épousé par la direction vibrante de Martinon dans le Poème de l’amour et de la mer de Chausson.

J’ai trouvé ce document sur Youtube, mais je dois préciser que le disque de St Laurent est d’une qualité supérieure.

Erich Leinsdorf* est particulièrement bien servi à Boston: pas moins de 14 galettes, et de vraies raretés par rapport à la discographie « officielle » du chef : Haydn (la Création), Bach (Messe en si), Schumann (Scènes de Faust).

Je recommande ce double CD, d’abord pour la qualité des prises de son et de leur restitution. Une exceptionnelle sélection du ballet de Prokofiev, arrêtes vives, modernité exacerbée, l’immense Gina Bachauer impériale dans un Deuxième de Rachmaninov qui fuit – merci Leinsdorf – les épanchements, une étonnante Beverly Sills dans l’opéra mal aimé de Richard Strauss et des vitraux respighiens multicolores.

Charles Munch, avec 39 galettes, est sans doute le chef le mieux documenté de la collection St.Laurent ! J’ai déjà tant de disques du chef alsacien que je n’ai pas encore cherché de ce côté-là, mais l’offre est alléchante !

L’autre star de ce catalogue est incontestablement William Steinberg, à qui j’avais déjà consacré plusieurs chroniques, notamment pour son intégrale des symphonies de Beethoven. 15 galettes, beaucoup d’introuvables dans la discographie de studio. Si j’ai bien compté, trois versions « live » différentes de la Septième symphonie de Bruckner !

Il est très aisé de commander ces précieux disques sur le site : www.78experience.com. Les prix indiqués sont en dollars canadiens, ce qui met un double album à 25 CAD à 16 € ! L’éditeur propose, pour réduire les frais de port, de n’envoyer que les CD dans leur pochette papier. Délai très court entre la commande et la réception (quand la poste française ne procrastine pas !).

Prochaines chroniques : Mravinski, Kondrachine et quelques autres Russes…

*Je n’ai encore jamais consacré de billet à ce chef que j’admire pourtant et que j’ai eu la chance de voir diriger peu avant sa mort, avec qui j’avais partagé un dîner, où le temps fut trop court pour que je lui pose toutes les questions qui me venaient. Oubli qui sera bientôt réparé !