Le chaos ou la beauté

Je n’y arrive pas, je n’y arrive plus. L’envie me taraude de fermer les écoutilles jusqu’à dimanche matin. Ce que je pense, dis ou écris, ne changera rien au chaos des esprits ni au choix des électeurs (relire éventuellement Tristes constats).

Comme si j’avais besoin de me conforter dans un pessimisme qui m’est d’ordinaire étranger, j’ai relu Les ingénieurs du chaos de Giuliano da Empoli, un essai qui date de 2019, tragiquement prémonitoire. Il faudrait le conseiller à tous les électeurs tentés d' »essayer » l’extrême droite :

« Un peu partout, en Europe et ailleurs, la montée des populismes se présente sous la forme d’une danse effrénée qui renverse toutes les règles établies et les transforme en leur contraire.
Aux yeux de leurs électeurs, les défauts des leaders populistes se muent en qualités. Leur inexpérience est la preuve qu’ils n’appartiennent pas au cercle corrompu des élites et leur incompétence, le gage de leur authenticité. Les tensions qu’ils produisent au niveau international sont l’illustration de leur indépendance et les fake news, qui jalonnent leur propagande, la marque de leur liberté de penser.
Dans le monde de Donald Trump, de Boris Johnson et de Matteo Salvini, chaque jour porte sa gaffe, sa polémique, son coup d’éclat. Pourtant, derrière les apparences débridées du carnaval populiste, se cache le travail acharné de dizaines de spin-doctors, d’idéologues et, de plus en plus souvent, de scientifiques et d’experts du Big Data, sans lesquels ces leaders populistes ne seraient jamais parvenus au pouvoir.
Ce sont ces ingénieurs du chaos, dont Giuliano da Empoli brosse le portrait. Du récit incroyable de la petite entreprise de web-marketing devenue le premier parti italien, en passant par les physiciens qui ont assuré la victoire du Brexit et par les communicants qui ont changé le visage de l’Europe de l’Est, jusqu’aux théoriciens de la droite américaine qui ont propulsé Donald Trump à la Maison Blanche, cette enquête passionnante et inédite dévoile les coulisses du mouvement populiste global. Il en résulte une galerie de personnages hauts en couleur, presque tous inconnus du grand public, et qui sont pourtant en train de changer les règles du jeu politique et le visage de nos sociétés.
 » (Présentation de l’éditeur)

Privatisation ?

Juste un mot sur un sujet qui ne semble pas alarmer grand monde : la privatisation de France Télévisions et de Radio France annoncée par le Rassemblement national. Oh bien sûr il y a les protestations d’usage, les appels des syndicats, mais les journalistes, y compris du service public, n’y accordent qu’un intérêt très relatif. Je n’ai encore vu aucun reportage, aucune enquête, qui décrive les conséquences d’une telle opération, si tant est qu’elle soit tout simplement réalisable. Un des acolytes de l’auto-proclamé futur Premier ministre essayait bien de rassurer son interrogateur en rappelant que les lois de la concurrence (l’Europe n’a pas que du mauvais semble-t-il) empêcheraient M. Bolloré d’accroître son empire médiatique. Mouais…

En revanche, personne ne semble se soucier du devenir des deux orchestres, du Choeur et de la Maîtrise de Radio France. Entre nous, le projet du gouvernement de fusion des entités actuelles en un seul pôle de service public avait aussi de quoi nourrir les inquiétudes.

En espérant que ces lendemains n’adviendront pas, réécoutons ce que les formations du service public peuvent produire de meilleur.Ici l’Orchestre national de France et Cristian Macelaru à Bucarest en septembre dernier

Oublier le chaos

J’ai trouvé refuge dans ma discothèque pour échapper au chaos ambiant et à venir.

Alexandre Tharaud qui a raison de manifester son inquiétude nous offre ces jours-ci le meilleur remède à la morosité, avec cette formidable compilation :

Dans le coffret Warner des enregistrements de Wolfgang Sawallisch (lire Les retards d’un centenaire), il y a deux pépites que les mélomanes chérissent depuis longtemps, les deux seuls enregistrements officiels de concertos que Youri Egorov a réalisés (lire La nostalgie des météores) : le 5e concerto de Beethoven et les 17 et 20 de Mozart.

J’ai eu envie de me replonger dans ce fabuleux coffret édité aux Pays-Bas et composé de prises de concert. Tout y est admirable.

Dans un récent article que je consacrais, entre autres, aux Etudes de Chopin, j’avais oublié de mentionner l’enregistrement exceptionnel de Yuri Egorov :

J’avais tout autant oublié Lukas Geniušas que j’avais pourtant entendu donner les deux cahiers à la fondation Vuitton en 2016, et invité à trois reprises à Montpellier.

Je trouve sur YouTube cette magnifique captation réalisée au conservatoire de Bruxelles, apparemment sans public (Covid ?)

Salut à la France

Je ne peux pas clore ce billet sans cet air de circonstance :

Croyons avec notre chère Jodie Devos que c’est cette France que nous aimons qui sortira victorieuse.

Post scriptum : Une ode à la joie

Depuis que j’ai bouclé ce papier hier soir, j’ai écouté une nouveauté qui m’a remis en joie, et qui est vraiment ce dont nous avons besoin aujourd’hui :

Encore une version de ce triple concerto de Beethoven, qui, en dehors de son ‘aspect inhabituel, l’insertion d’un trio avec piano dans une pièce d’orchestre, n’est pas le plus grand chef-d’oeuvre de son auteur ? Oui mais joué comme ça par cette équipe, on oublie toutes les réserves, on se laisse porter par l’inépuisable tendresse et la formidable énergie que dégagent ces musiciens qu’on adore : Benjamin Grosvenor au piano (comment pourrais-je oublier les 3e et 4e concertos de Beethoven joués à ma demande à Montpellier en juillet 2022 ?), Sheku Kanneh-Mason au violoncelle, qui force mon admiration chaque fois que je l’entends en concert (lire sur Bachtrack : La jeunesse triomphante de Sheku Kanneh-Mason), Nicola Benedetti que je ne connais que par le disque, et un chef, Santtu-Matias Rouvali, à qui je dois bien avoir consacré une dizaine de billets sur ce blog !

Mais il n’y a pas que le triple concerto sur ce disque. Les « compléments » sont tout sauf secondaires, ils font partie de la partie la moins connue de ‘l’œuvre de Beethoven, toutes ces mélodies, ces Songs qu’il a collectés sur les îles britanniques, arrangés pour quelques-uns pour trio autour du magnifique Gerald Finley.

Groupe de Six

Voilà des semaines que je n’ai rien dit ici de mes lectures. Six livres achetés ou reçus ces dernières semaines, cadeaux ou non. Sur la musique et la politique, deux de mes passions avouées.

Cocteau l’insupportable

Ce n’est pas le premier ouvrage sur ce que, par facilité, on a appelé Le Groupe des Six, mais c’est assurément le plus savoureux.

Sur cette toile de Jacques-Émile Blanche de1923, seuls cinq des Six sont représentés ; Louis Durey n’est pas représenté. De gauche à droite : Germaine TailleferreDarius MilhaudArthur HoneggerJean WienerMarcelle MeyerFrancis PoulencGeorges Auric (assis) et Jean Cocteau.

Le Groupe des Six ? Voilà les musiciens qui ont occupé le devant de la scène artistique parisienne dans l’immédiat après-Première Guerre mondiale. Parrainés par Erik Satie et soutenus par Jean Cocteau, à la fois leur imprésario et leur éminence grise, les Six furent les porte-drapeaux de l’Esprit Nouveau qui soufflait alors sur Paris. Voix intermittentes du néoclassicisme hexagonal pour les uns, simples farceurs embobinant dans leurs canulars un public crédule et une critique complaisante pour les autres, ils ont marqué comme peu cette période d’effervescence, où tout semblait possible. Les Six, donc : Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc et Germaine Tailleferre

C’est ainsi qu’Actes Sud présente le dernier opus de Pierre Brévignon.

Il faut lire l’excellent papier que Yann Beuvard consacre à l’ouvrage sur Forumopera : Le Groupe des Six, météorite de la musique française. Il faut évidemment surtout lire le style inimitable de Pierre Brévignon, naguère co-auteur avec Olivier Philipponnat d’un Dictionnaire superflu de la musique classique qu’on avait adoré !

Brévignon règle son compte à un personnage que je ne suis jamais parvenu à lire, ni donc à apprécier, l’ineffable Jean Cocteau. J’ai l’âge d’avoir connu des gens qui ont connu, approché – parfois de très près – celui qui s’est toujours piqué d’être l’ami des grands de ce monde, voire leur inspirateur ou leur impresario. Ainsi Le Groupe des Six serait une invention de Cocteau… une de plus ! Invention, dans toutes les acceptions du terme ! :

« De son propre aveu, Cocteau s’est toujours rêvé Paganini du violon d’Ingres. Parmi ses nombreux dons, le plus remarquable était d’imprimer sa marque dans tous les domaines où il s’aventurait, unifiés sous le même label de « poésie » (de roman, de théâtre, de journalisme, graphique, critique, cinématographique)… Son sens de la publicité et sa prolixité lui valaient autant d’admirateurs que d’adversaires, la frontière entre les deux étant souvent fluctuante comme purent l’expérimenter un Gide, un Picasso, un Stravinsky ou un Mauriac/…../ Ce désir de se trouver au coeur du mouvement et de la vie des arts constitue l’impetus coctaldien par excellence. Cocteau se défendra souvent de courir après l’avant-garde…. Si quelque chose de neuf doit voir le jour sur la scène artistique, il faut qu’il ait un rôle à y jouer. Quitte à s’y inviter par effraction. »

S’agissant de la seule femme membre du Groupe des Six, on doit à la vérité philologique de préciser que Germaine Tailleferre est née Marcelle Taillefesse!

Seul résultat collectif de la cogitation du Groupe des Six, ces Mariés de la Tour Eiffel :

Les secrets de Chopin

Le directeur artistique du Festival de Nohant, écrivain, philosophe et critique Jean-Yves Clément n’en est pas à son coup d’essai sur Chopin. Depuis cet essai paru au printemps, il a même récidivé avec ce Voyage de Majorque qui se présente comme un « faux journal » de Chopin et de son séjour dans l’île espagnole (voir Chez George et Frédéric)

L’auteur nous invite à réentendre Chopin hors des clichés répandus, à partir de sa musique seule, encore insuffisamment comprise dans sa singularité et ses audaces. Il brosse un portrait inédit de l’âme divisée du compositeur:  » Chez Chopin, seule la musique répond à la musique. Son oeuvre, à proprement parler, ne figure rien. Ni l’amour, ni la nature, ni l’humanité. Seul le vase clos et infini de la musique.  » 
Indépendante de sa vie même, l’oeuvre de Chopin se dérobe, par sa nature, aux circonstances qui la voient naître. Elle s’affirme ainsi comme l’expression la plus affirmée de la solitude absolue du créateur. 
Elle révèle la dualité de son être comme de son expression – de son génie même : français et polonais, classique et romantique, révolutionnaire et conservateur, sociable et renfermé, mondain 
et secret… Toute sa vie, le musicien restera un exilé du monde. 
Chaque chapitre du livre s’appuie sur les oeuvres les plus importantes de Chopin, liées aux périodes essentielles de son existence, de la Pologne à Nohant, en passant par Majorque et Paris, comme autant de cheminements significatifs de son évolution.
(Présentation de l’éditeur)

Lire Le piano d’Ivan Moravec

Une amitié particulière

C’est à une discussion sur Facebook à propos du pianiste Youri Egorov (La nostalgie des météores) que je dois d’avoir découvert (et acheté par correspondance) un ouvrage atypique, curieux mélange de journal intime, autobiographie, manifeste politique. Qui constitue surtout un passionnant témoignage sur la vie musicale du temps de l’ex-URSS. Celui du pianiste Andrei Gavrilov, né en 1955 à Moscou.

« Scènes de la vie d’un artiste » c’est bien de cela qu’il s’agit, sans ordre apparent. On peut prendre un chapitre au hasard, puis un autre, sans risquer de perdre le fil d’un récit qui n’en a pas. Quelque chose me dit que c’est l’auteur lui-même qui a écrit cette « présentation de l’éditeur » (précisons d’emblée que la traduction française est souvent approximative)

En 1974, à l’âge de 18 ans il remporte le cinquième Concours Tchaïkovski. La même année il fait ses débuts sur la scène internationale par un triomphe au fameux Festival de Salzbourg où il remplace Sviatoslav Richter malade. Depuis lors, il a connu une impressionnante carrière internationale et s’est produit avec les plus grands orchestres du monde. Persécuté par le KGB depuis 1979, Andrei Gavrilov échappe à quatre tentatives d’assassinat. En 1984 il parvient à fuir l’URSS, il s’établit d’abord en Angleterre, puis en Allemagne, et définitivement en Suisse en 2001. Nous publions dans ce livre les souvenirs des incroyables événements qui se sont produits au cours de sa vie entre 1973 et 1985. L’artiste partage avec nous ses analyses philosophiques sur les principaux problèmes du monde moderne qui ne se limitent pas au totalitarisme et à la décadence de notre culture. C’est un regard perçant de l’homme à travers la musique. On y trouve également de nombreuses anecdotes sur les grandes célébrités internationales, comme Malkovich, Richter, Rostropovitch et beaucoup d’autres. Gavrilov se penche sur son passé et nous livre avec bonheur et amertume un regard inédit sur la fin de l’Union sovietique, à travers un récit où la caricature la plus grotesque se mêle étroitement à la tragédie et aux épreuves que traverse un jeune homme sincère et un artiste de génie. Ce livre hors norme et bouleveversant est un témoignage historique de première importance.« 

Ce qui retient d’abord l’attention c’est l’amitié qui a lié le jeune pianiste de 23 ans à son glorieux aîné de quarante ans, Sviatoslav Richter, Fira dans l’intimité. A en juger par la violence de certains commentaires de la discussion sur Facebook (cf. supra), on ne touche pas impunément à une statue comme Richter.

« En 1978 Richter et moi avons eu un véritable coup de foudre. Ce ne fut pas une année ordinaire, mais la lune de miel de notre amitié. Se fréquenter était pour nous fascinant et captivant. Lorsqu’on se voyait, nous sautions tous les deux de joie comme des singes (sic) ».

Parmi mille anecdotes et aventures racontées ici, on relève un projet étonnant, qui a débouché sur une série d’enregistrements (en partie réalisés à la Grange de Meslay si je ne me trompe) : une intégrale des Suites pour clavier de Haendel au piano, partagée entre Richter et Gavrilov.

De Gaulle intime

Sur De Gaulle on a tout dit, tout écrit, mais pas forcément tout montré. Le cinquantenaire de sa mort (lire Le chêne abattu) a donné lieu à d’opportunes publications, comme cet ouvrage de Raphaëlle Bacqué, qui permet d’accéder à quantité de manuscrits, brouillons, notes écrites ou annotées par celui qui fut président de la République de 1959 à 1969. J’ai toujours été fasciné par le contraste entre la taille imposante du personnage (1m96) et son écriture très penchée.

L’homme qui lit

L’ancien Premier ministre d’Emmanuel Macron, remercié en juin dernier, m’a toujours paru sympathique, avec ce quelque chose de décalé dans l’allure, dans l’expression, une sorte de distinction assez british. Et dans la gestion des débuts de la crise du Covid, un sang-froid, une maîtrise, qui contrastaient heureusement avec les emballements – pour user d’un euphémisme – d’autres responsables publics. Pour autant je n’avais rien lu de lui ni sur lui. Ce n’est que récemment que j’ai découvert ce livre, paru en juillet 2017 : un essai politique de plus ? Réponse de l’auteur :

«  Lorsque je regarde ma bibliothèque, je vois ce que j’ai appris et une bonne partie de ce que j’aime. Ces livres m’ont construit. Des romans, des essais, des manuels, des bandes dessinées, le tout mélangé, muri ou oublié, redécouvert et discuté. Une bibliothèque est comme le « lieu de mémoire » de notre existence. Elle nous chuchote d’anciennes joies, murmure nos lacunes et trahit des promesses de lecture.
Les livres relient les hommes. Derrière ce qui ressemble à une formule, il y a une réalité, particulièrement évidente dans mon histoire familiale, dans ma vie. Dans ma relation avec mon père mais aussi dans le parcours de mon grand-père, dans la vie de ceux qui m’entourent et qui comptent pour moi.
  »

On a la certitude en le lisant que nul n’a tenu la plume à sa place. L’homme sait lire; et écrire. Bien écrire.

Le lion de Belfort

Dans un tout autre genre, mais d’une plume tout aussi alerte, quoique plus traditionnelle, les Mémoires de Jean-Pierre Chevènement se dégustent à petites lampées mais avec gourmandise. L’ancien ministre de Mitterrand a un art du récit, de la mise en scène des événements auxquels il participe ou qu’il engendre, doublé d’un talent d’écrivain, qui ont peu d’équivalents dans le monde politique actuel.

L’avantage d’un tel ouvrage, c’est qu’à 80 ans, le fondateur du CERES n’a plus rien à prouver, plus personne à convaincre ou à flatter, encore moins à combattre. Sans s’interdire quelques belles formules, quelques bons mots, les portraits que JPC dresse de ses contemporains, de ceux avec qui il a travaillé, qu’il a côtoyés ou combattus, la relation qu’il fait de son action et de celle des gouvernements et assemblées auxquels il a participé, ne sont suspects d’aucune exagération, d’aucune omission. Le pavé fourmille de détails, mais aucun n’est négligeable.

Un peu de nostalgie étreint le lecteur quand il referme l’ouvrage. Qui, aujourd’hui, dans le monde politique français en activité, a l’envergure, la densité, la culture, d’un Chevènement ?

Debussy : de la belle ouvrage

Les anniversaires sont les meilleurs palliatifs au manque d’imagination des organisateurs…et des éditeurs (cf. tout ce qu’ont suscité les…40 ans de la disparition de Maria Callas !)

En 2018 nous allons être gâtés : deux centenaires – la naissance de Leonard Bernstein (voir Les géants), la mort de Claude Debussyun bicentenaire – la naissance de Charles Gounod.

Dès lors que l’anniversaire est plus qu’un prétexte à une opération de recyclage, mais l’occasion d’approfondir notre connaissance de l’oeuvre et de l’interprétation d’un  compositeur, d’un artiste en général, on l’accueille plus volontiers.

Le coffret de 33 CD que Warner vient de publier – Claude Debussy, The Complete Works – mérite, de ce point de vue, tous les éloges. En tous points, de la très belle ouvrage.

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Depuis que je l’ai acheté jeudi dernier, je vais de découverte en émerveillement.

Une édition extrêmement soignée, ce qui n’est plus si fréquent : les pochettes des 33 galettes illustrées, comme la couverture du coffret, de superbes estampes d’Hokusai

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Un livret trilingue (français, anglais, allemand) érudit, mais fuyant le jargon, de Denis Herlin :

Une iconographie de même niveau, un luxe de détails sur les oeuvres, les artistes, les lieux et dates d’enregistrements.

On imagine l’embarras de ceux qui se sont attelés à la confection de ce coffret : comment choisir dans les fonds considérables des labels désormais regroupés sous l’étiquette Warner (EMI, Teldec, pour l’essentiel), les interprétations « de référence » ? S’en tenir à des versions « légendaires », qui, à force d’être tenues pour des références, finissent par ne plus susciter qu’un intérêt poli, et ne représentent plus grand chose pour l’auditeur novice ou le mélomane d’aujourd’hui ?

Je trouve que les partis qui ont été pris témoignent d’abord d’une authentique connaissance et d’une recherche très fine dans les catalogues existants, même si on pourra toujours préférer tel interprète à tel autre. Ensuite beaucoup d’enregistrements récents, empruntés à d’autres labels (Actes Sud, Palazzetto Bru Zane…), ou réalisés pour précisément compléter le catalogue des oeuvres à 4 mains ou 2 pianos, comme les transcriptions que Debussy avait faites de Schumann… ou Saint-Saëns (sa 2ème symphonie, les airs de ballet d’Etienne Marcel !). Il y a donc plusieurs premières mondiales dans ce coffret !

Pour Pelléas et Mélisandec’est le choix de la version d’Armin Jordan qui a été fait, et c’est justice ! Pour l’oeuvre symphonique, on ne s’est pas arrêté à Martinon ou Cluytens, mais on nous restitue les magnifiques lectures de La Mer et des Nocturnes par Giulini avec le Philharmonia des grandes années, ou les Images vues par Rattle à Birmingham.

Un coffret qui doit figurer dans toute discothèque, assurément !

Et puisqu’on marquait, le 5 janvier, les deux ans de la disparition de Pierre Boulezj’ai retrouvé un document qui m’avait échappé, enregistré quelques mois avant sa mort : Pierre Boulez s’exprime sur l’édition critique de Debussy, et de manière plus générale, sur les partitions, le « matériel » des compositeurs. Très émouvant.

Tous les détails des 33 CD du coffret Warner à lire ici : Debussy Complete Works