Chez Maxim

Il est de ces jeunes chefs que les grandes phalanges symphoniques s’arrachent, mais il est loin d’être (encore) aussi médiatisé que ses trois collègues finlandais Klaus Mäkelä, Santtu-Matias Rouvali ou Tarmo Peltokoski. Il est russe, originaire de la région de Nijni-Novgorod, au confluent de la Volga et de l’Oka, et il est temps que je lui consacre tout un billet, après l’avoir ici et là mentionné et salué sur ce blog : Maxim Emelyanychev.

Comme on le chante dans La Veuve joyeuse de Lehar – Da geh ich zu Maxim – j’aurais pu dire jeudi dernier au théâtre des Champs-Elysées : Da hör ich zu Maxim ! Et ce que j’ai entendu, je l’ai écrit pour Bachtrack : L’exultation de Maxim Emelyanychev et Sabine Devieilhe au TCE.

Maxim Emelyanychev je le connais d’abord par la rumeur – qui se répand vite dans le milieu professionnel quand on a le sentiment d’être tombé sur l’oiseau rare. Je crois bien que c’est à Toulouse que j’en ai entendu parler pour la première fois.

J’ai d’abord acheté ses premiers disques.

Ce qui m’a immédiatement frappé, en écoutant ses disques, en le regardant diriger, c’est l’absence totale de dogmatisme dans la manière d’aborder les oeuvres et les répertoires, c’est aussi et surtout l’humilité, la modestie de l’approche – il ne bombe pas le torse, ne cherche pas à épater la galerie, à prendre la pose – à la différence de tant de ses jeunes confrères. J’ai eu la chance, plus tard, de mieux le connaitre, de dîner avec lui. Comme avec un autre chef que j’adore – Santtu-Matias Rouvali – on a l’impression qu’il est en permanence branché sur le courant alternatif, non pas qu’il soit agité, mais traversé par une énergie irrésistible.

Ce qui frappe tout autant, c’est ce qu’on a remarqué jeudi soir avec l’Orchestre national de France, c’est l’éventail de ses curiosités, de ses répertoires, et cette capacité, assez unique dans le paysage musical, d’être aussi convaincant dans le baroque – c’est un formidable claveciniste et pianofortiste ! – que dans le grand répertoire romantique. Parce qu’il semble redécouvrir les oeuvres, sans posture ni excès.

À l’automne 2019, je m’étais rendu en Ecosse notamment pour rencontrer les responsables du Scottish Chamber Orchestra en prévision d’une édition 2021 du Festival Radio France que je souhaitais vouer à la musique anglaise. Finalement pour cause de pandémie, l’édition sera retardée à 2022, mais le Scottish Chamber et Maxim Emelyanychev sont bien venus à Montpellier clore une fabuleuse édition avec deux concerts, avec un soliste exceptionnel, Benjamin Grosvenor, qui avait joué deux concertos de Beethoven ! Je râle encore de l’absence des micros de France Musique…

La même joie contagieuse se retrouve dans son clavecin :

Emelyanychev a entrepris une intégrale des symphonies de Mozart. A en juger par les deux premiers volumes, on pourrait tenir là la grande version moderne de ce corpus.

Ouverture de saison

La mort d’une reine

Hier, à l’heure où paraissait le communiqué annonçant la mort d’Elizabeth II, je prenais cette photo de la grande fontaine du parc de la Villette. Sans encore connaître la nouvelle, je me disais que le ciel de Paris, l’or du couchant qui illuminait la fontaine, étaient de circonstance.

Puisque nous allons être, nous sommes déjà, saturés d’informations, d’images, de témoignages sur la reine défunte, juste un souvenir. Il y a près de trois ans j’étais à Edimbourg et j’avais visité le palais de Holyrood, résidence officielle de la reine en Ecosse (Balmoral étant une résidence privée). Et j’avais pris cette photo de la salle à manger avec ce grand portrait de la souveraine, avant d’être interrompu par une employée, offusquée que j’aie osé photographier la reine, de surcroît dans sa demeure…

La rentrée de l’Orchestre de Paris

Du beau monde hier soir à la Philharmonie de Paris qui, à l’initiative de son nouveau directeur, Olivier Mantei, a décidé d’avancer les concerts à 20 h. Heureuse idée.

Un programme des plus copieux, et même audacieux. La marque du directeur musical de l’Orchestre de Paris, Klaus Mäkelä ? Sûrement, pas moins de deux créations et une brève pièce de Kaija Saariaho, à côté de deux mastodontes (on parle ici de l’effectif orchestral !).

Concert donné en hommage à Lars Vogt, disparu lundi. À l’issue du concert, le directeur général Nicolas Droin, et la présidente de l’Orchestre de Chambre de Paris, Brigitte Lefèvre, me raconteront les derniers souvenirs, les derniers instants du pianiste et chef, l’émotion unanime que sa mort a suscitée (Ce qu’il nous reste d’eux)

Le fringant chef finlandais ouvrait le concert par une brève pièce de Kaija Saariaho Asteroid 4179, qu’il enchaînait immédiatement, et très naturellement, au célébrissime portique d’ouverture du poème symphonique de Richard Strauss Also sprach Zarathustra. J’admire le travail d’orchestre, la cohésion des pupitres, l’art du jeune chef de dégager des lignes claires dans une partition touffue, que je ne suis jamais parvenu à vraiment aimer (est-ce grave docteur ?). Puis arrive Aino, une création du compositeur péruvien Jimmy Lopez Bellido qui a fait ses études.. à Helsinki, dédiée à Klaus Mäkelä, directement inspirée d’un personnage essentiel du Kalevala, qui paie son tribut à Sibelius et à la musique de film (le compositeur Alexandre Desplat était assis devant moi !). Partition bien troussée, très consensuelle et consonante.

Jimmy Lopez chaleureusement applaudi à la fin de la première partie du concert.

En début de seconde partie, il faut dire que c’est beaucoup pour cela qu’on était venu à la Philharmonie, la création de A-Linea de Pascal Dusapin. Ce blog peut témoigner de la relation que j’ai avec le compositeur français, mon quasi-contemporain (il est mon aîné de quelques mois) : lire Présence de Pascal Dusapin. C’est le propre des grands créateurs que d’être immédiatement identifiés, reconnaissables. Cette nouvelle pièce d’orchestre d’une quinzaine de minutes est du pur Dusapin (les grands unissons, brièvement troublés de déflagrations des cuivres ou des percussions) et j’ai trouvé hier soir (les circonstances ?) teintée d’une nostalgie, d’ombres fugitives, comme une sonate d’automne.

Le concert se concluait par le Poème de l’extase de Scriabine. Etait-ce le menu trop copieux ? L’orchestre très beau, la trompette solo magnifique, le geste toujours élégant du chef, mais quelque chose qui manquait à cette montée vers l’orgasme musical ?

Après le concert, on fut heureux de retrouver quelques amis, collègues, et parmi eux une pianiste venue en groupie du chef…

From Scotland

J’ai salué la qualité exceptionnelle des musiciens que j’ai entendus durant mon récent séjour en Ecosse, ceux du Scottish Chamber Orchestra (Journal d’Ecosse Icomme ceux du Scottish Opera (Journal d’Ecosse II). 

Il faut ajouter deux grandes phalanges symphoniques, le Royal National Scottish Orchestra et le BBC Scottish Symphony Orchestra l’un et l’autre basés à Glasgow.

Petit tour d’horizon – non exhaustif – d’une discographie impressionnante.

Avec le Scottish Chamber, des disques qu’on aime particulièrement :

61lrLUj11nL._AC_SL1050_Clin d’oeil à trois artistes amis, dont ce fut l’unique enregistrement réalisé en Ecosse.

La période la plus faste, la plus intéressante aussi, du SCO en matière de disques, est sans conteste la décennie 90, avec la personnalité charismatique de Charles Mackerras (1925-2010)

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Dans Mozart, le vieux chef australien opère un retour aux sources, donne une énergie et des couleurs « historiquement informées » à un orchestre dont il allège les textures. Même métamorphose dans d’idéales symphonies de Brahms. Des gravures qui ont été peu remarquées par la critique continentale, et qui, pour certaines, ont longtemps été indisponibles à la suite de la faillite du label américain Telarc.

Son successeur, Robin Ticciati (2009-2018), laisse quelques enregistrements de belle venue, même si, dans Berlioz ou Brahms, on ne retrouve pas toujours l’inspiration de son aîné.

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71AUG7if8-L._AC_SL1200_On attend avec impatience la sortie, le 15 novembre, de la 9ème symphonie de Schubert, sous la houlette du tout jeune et nouveau directeur musical du Scottish Chamber Orchestra, le Russe Maxime Emelyanychev

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La discographie du Royal Scottish National Orchestra s’est considérablement développée lorsque Neeme Järvi en a tenu les rênes de 1984 à 1988.

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Une intégrale des poèmes symphoniques et des Lieder de Richard Strauss (avec Felicity Lott) que Chandos serait bien inspiré de nous proposer en coffrets.

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Autre période féconde pour l’orchestre, avec quelques disques remarquables, le mandat de Stéphane Denève (2005-2012).

https://www.youtube.com/watch?v=Jk4deaTrvb8

La meilleure intégrale symphonique Roussel (lire Le marin musicienrécente

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81q6Ojw1jEL._SL1429_L’attachement du chef français au compositeur Guillaume Connesson est connu et le début d’une aventure discographique commune a eu lieu à Glasgow.

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La discographie du BBC Scottish est plus hétéroclite, plus orientée vers des répertoires moins courus (missions de service public des orchestres de la BBC !).

C’est à cet orchestre, conduit par le chef français Jean-Yves Ossonce, qu’on doit l’une des rares intégrales des symphonies de Magnard

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Journal d’Ecosse : Édimbourg, trois décès

La loi des séries se vérifie ces jours-ci avec la disparition coup sur coup de trois vétérans, les chefs d’orchestre Raymond Leppard, Hans Zender et du baryton Rolando Panerai.

Que dire des uns et des autres, hors des souvenirs d’antan ?

Le premier coffret des oeuvres pour orchestre de Haendel que je reçus – c’était un « service de presse » adressé au très jeune « animateur » du Conservatoire de Poitiers que j’étais ! – c’était un coffret Philips dont Raymond Leppard était le héraut. J’ai appris les Royal Fireworks, Water Music et autres concerti a due cori avec lui. Il est ensuite passé de mode, tout le monde a oublié Raymond Leppard. Et c’est bien dommage, parce que, comme ses contemporains Colin Davis et Neville Marriner, il n’a pas peu contribué à « rénover » la musique baroque. Grâces lui en soient rendues au moment de son décès !

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Hans Zender (1936-2019), peu l’ont connu de ce côté-ci du Rhin. La rigueur, au risque de la sécheresse, sans la liberté créatrice d’un Michael Gielen, voire d’un Pierre Boulez. Je n’ai jamais été très convaincu par ses « réécritures » des cycles de Lieder de Schubert.

La longévité exceptionnelle du baryton Rolando Panerai(1924-2019) est en soi un exploit. La voix, le timbre, tout en vibrations contenues, rayonnant de mille lumières, restent gravés dans les mémoires.

D’autres feront le bilan discographique de cette voix magnifique. Pour moi, il est le Ford des deux Falstaff de Karajan. À jamais.

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Edimbourgc’est une première fois. Comme l’Ecosse. Et pourtant il y avait si longtemps que je le souhaitais. Les récits de mes amis, ou de ma mère partie découvrir les Highlands au début des années 50 avec son futur, mon père.

IMG_6496(La statue d’Adam Smith à côté de la cathédrale Saint-Gilles)

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IMG_6596Le château et la vieille ville

IMG_6537Le château d’Edimbourg où est née Marie Stuart

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IMG_6598Le palais royal d’Holyroodhouse, la résidence officielle de la reine en Ecosse.

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Séjour professionnel aussi. Ce soir un concert du Scottish Chamber orchestra.

 

En terres inconnues

Les abonnés aux éphémérides auront appris que, ce 4 décembre, on commémore les quarante ans de la disparition de Benjamin Britten (1913-1976), le plus célèbre… ou le moins inconnu faut-il plutôt dire, des compositeurs britanniques du siècle passé.

Je n’ai jamais compris le désintérêt, quand ce n’est pas mépris ou condescendance, de la part des Français, voire des Européens du continent, à l’égard des compositeurs britanniques, à quelques exceptions près – et encore d’Elgar, Britten, plus rarement Vaughan-Williams ou Walton ne programme-t-on qu’un nombre très restreint d’oeuvres lorsque, par miracle, ils sont à l’affiche d’un concert !

Alors, qui voudrait s’intéresser à deux amis, aussi talentueux qu’inconnus, sauf des seuls amateurs un peu curieux (comme Jean-Charles Hoffelé qui les honore régulièrement dans sa rubrique L’illustre inconnu qu’on a failli oublier dans Diapason) : Granville Bantock (1868-1946) et Havergal Brian (1876-1972) ?

Certes ce sont des musiques qui n’épousent pas les combats doctrinaux qui ont secoué le XXème siècle musical, elles ne tracent aucune voie nouvelle, elles ne renient pas l’influence de Wagner ou Elgar, et pourtant elles ne laissent découvrir, écouter avec plaisir, et même de l’intérêt : une veine mélodique évidente, largement inspirée du fonds populaire, une orchestration brillante, luxuriante même, des longueurs adaptées aux longues siestes dominicales…

Sans doute la prolixité d’Havergal Brian a-t-elle découragé chefs et programmateurs – qui  sont, de toute façon, rarement aventureux – 32 symphonies ! Un peu comme Miaskovski ou Milhaud. Naxos semble d’être lancé dans ce qui ressemble à une intégrale

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Sinon, on doit se fier à quelques disques isolés, en particulier un double album dû à l’infatigable Charles Mackerras.

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Granville Bantock a été, me semble-t-il, mieux servi grâce au remarquable travail éditorial du label Hyperion et au talent de l’immense et regretté chef Vernon Handley

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Croyez m’en, vous ne regretterez pas ce voyage en terres inconnues, dans d’aussi belles musiques.