D’une Adrienne l’autre

C’est une situation étrange et rare dans une vie de mélomane, a fortiori de critique, que de pouvoir assister à un mois d’intervalle à deux représentations du même opéra, qui n’est pas le plus couru du répertoire lyrique, Adriana Lecouvreur de Cilea.

Tamara Wilson

Le 5 décembre 2023, c’était au Théâtre des Champs-Élysées, en version de concert, un cast idéal comme je l’ai écrit dans Bachtrack : L’idéale Adriana Lecouvreur de l’Opéra de Lyon au TCE. Je n’ai rien à rajouter, ni a fortiori à retrancher à mon enthousiasme du moment.

Je n’ai malheureusement pas trouvé d’extrait vidéo de ce concert, ni de Tamara Wilson dans cet ouvrage.

La soprano américaine impressionne, non seulement par sa stature, mais surtout par l’ampleur, l’homogénéité d’une voix qui garde son velours sur toute sa tessiture. Elle était Turandot dans la récente reprise de Bastille.

Anna Netrebko

J’écrivais à la fin de mon billet du 8 décembre dernier : « J’irai voir et entendre ce qu’Anna Netrebko en fera en janvier prochain« . Promesse tenue, j’assistais mardi dernier à l’Opéra Bastille pour le compte de Bachtrack, à la première de la reprise de l’Adriana Lecouvreur mise en scène par David McVicar en 2015.

Compte-rendu à lire sur Bachtrack : Le triomphe d’Anna Netrebko dans Adriana Lecouvreur à l’Opéra Bastille

La star de la soirée c’est elle, et c’est pour elle que la foule se pressait jusqu’au dernier strapontin de Bastille. Comme on le lira sur Bachtrack, j’ai été plus réservé sur son partenaire à la scène comme à la ville.

Au disque, je n’ai jamais été pleinement satisfait par les propositions qui nous sont faites, souvent parce que le ténor en fait trop (Mario del Monaco avec Renata Tebaldi) ou que la mezzo sonne bien peu italien (Elena Obraztsova dans la seule version qui figure dans ma discothèque, mais Renata Scotto, disparue l’été dernier est une belle Adriana !)

On trouvera plus de bonheur dans ces deux DVD, le premier parce qu’il reprend le formidable casting du spectacle qu’on avait vu à Bastille en 1993 avec Mirella Freni dans le rôle titre, le second parce que c’est l’écho de la production de David McVicar, reprise actuellement à Paris, inaugurée en 2010 à Covent Garden avec un couple brûlant d’intensité !

Mimi è morta

On apprenait ce soir le décès de Mirella Freni à 85 ans dans sa ville natale de Modène. Douze ans après son frère de lait, Luciano Pavarotti. 

Je n’ai eu qu’une seule fois la chance de voir Mirella Freni sur scène, c’était à l’Opéra Bastille en 1994 – elle avait presque 60 ans ! – dans Adrienne Lecouvreur, l’opéra de Cilea

Elle paraissait, elle qu’on ne connaissait que par le disque – et quels disques ! – ou quelques DVD – et on n’avait soudain plus d’yeux et d’oreilles que pour elle. Sans qu’il y eût dans son apprêt et son allure la moindre arrogance, la moindre démonstration d’un statut de diva qu’elle ne revendiqua jamais. On l’applaudit à tout rompre, comme pour la remercier d’avoir été ce soir-là sur la scène de Bastille plus belle, plus grande, plus exceptionnelle que dans tous ses disques qu’on connaissait par coeur.

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Mirella Freni – ce n’est pas très original ! – c’est pour toujours la voix, l’incarnation du personnage de Mimi de La Bohème dans les deux versions qu’elle a enregistrées et que j’ai découvertes presque au même moment.

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Captée en 1964 à Rome, sous la baguette si tendre du trop tôt disparu Thomas Schippers, la première Mimi de Freni est si juste, si vraie, plus authentique peut-être que la version grand luxe – qu’on adore ! – réalisée huit ans plus tard avec l’ami d’enfance et le grand Karajan

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Entre Karajan et Freni, la relation artistique sera féconde et sans faux pas.

Autre rôle que Mirella Freni continuera d’incarner longtemps à mes oreilles, la Micaela de Carmen de Bizet. Pas moins de trois enregistrements officiels, dont l’un me semble idiomatique – chef et rôle-titre idéaux (Grace Bumbry et Rafael Frühbeck de Burgos)

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On peut éviter les deux autres versions.

On retrouve Freni en même compagnie que dans le disque Frühbeck, mais à nouveau avec Karajan qui abuse un peu trop des effluves capiteux des Wiener Philharmoniker

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Avec Karajan toujours, mais jamais sur scène à ma connaissance, pour le disque et la caméra de Jean-Pierre Ponnelle, elle est Madame Butterfly

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Dans la discographie de la chanteuse, on trouvera encore bien des réussites.

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Merci à Orfeo qui donne à entendre Mirella Freni à son meilleur dans les rôles de sa vie.

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71nXMy6DIIL._SL1200_Et plus encore à Warner qui, en 4 généreux CD, retrace le parcours d’une musicienne tout entière vouée au meilleur de son art.

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Journal 4/11/19 : Friedemann Layer, Marie Laforêt

Friedemann Layer (1941-2019)

Le chef autrichien Friedemann Layer est mort ce 3 novembre à Berlin, à l’âge de 78 ans.  C’est peu dire que son nom est attaché à Montpellier, à l’Orchestre national de Montpellier, dont il fut le directeur musical de 1994 à 2007, et bien sûr au Festival Radio France Occitanie Montpellier. 

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Dernier souvenir de lui, un extraordinaire Fantasio d’Offenbach, donné le 18 juillet 2015 à l’opéra Berlioz de Montpellier, où Friedemann Layer retrouvait « son » orchestre après une éclipse de quelques années, et une distribution éblouissante dominée par Marianne Crebassa (Le Monde titrait Fantasio prend sa revanche à Montpellier

La discographie de Friedemann Layer avec Montpellier est impressionnante et résulte évidemment de la politique audacieuse de redécouverte de répertoires menée par l’infatigable René Koering, directeur du Festival Radio France de 1985 à 2011.

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(Le 19 juillet 2015, le lendemain de Fantasio, j’avais tenu à honorer mon prédécesseur et à créer son concerto pour piano ! De gauche à droite : René Koering, Jean Pierre Rousseau, Jean-Noël Jeanneney (PDG de Radio France en 1985), Damien Alary, alors Président de la Région Languedoc-Roussillon, Mathieu Gallet, alors PDG de Radio France, Philippe Saurel, Maire de Montpellier)

 

Friedemann Layer portait bien son prénom (homme de paix). Sa vaste culture, son humanité dans ses relations avec les musiciens et les chanteurs, sa curiosité intellectuelle, en faisaient une personnalité extrêmement attachante, à part du star system. Hommage soit rendu à un authentique musicien !

Marie Laforêt (1939-2019)

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Hier aussi on apprenait la disparition de la chanteuse et actrice Marie Laforêt.

Bien sûr tout le monde se rappelle certains de ses tubes, qui nous trottent dans la tête depuis si longtemps

Comment oublier la sublime partenaire d’Alain Delon dans Plein soleil de René Clément (1960) ?

Dans mon souvenir, Marie Laforêt incarne Maria Callas dans la pièce Master Class de Terrence McNally.