Le sujet s’impose en cette journée d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024 : quelles musiques ont été inspirées, commandées, exécutées pour les précédentes cérémonies ?
On y ajoutera un chapitre plus historique, qui a résonné récemment de manière vraiment absurde : l’histoire d’une organisation de concerts parisienne.
Olympics
France Musique a, comme d’habitude, bien fait les choses ce matin. À (ré)écouter absolument : Au tempo des JO.
Revue de détail des oeuvres spécialement composées pour les cérémonies d’ouverture des Jeux Olympiques.
Premiers jeux à Paris en 1924
C’est au clarinettiste militaire Francis Popy que revient de composer cette marche.
Les fanfares, les harmonies, n’ont pas oublié le compositeur de musique « légère » qu’était Popy (et qu’affectionnait particulièrement l’ami Benoît Duteurtre, à qui l’on pense encore tout particulièrement à la veille de son inhumation dans sa terre des Vosges).
Los Angeles 1984et John Williams
À 90 ans (!), John Williams faisait ses débuts avec l’orchestre philharmonique de Berlin. On ne peut évidemment pas comparer les prestations de 1984 et 2023 ! Voir John Williams #90
Rio 2016 : pourquoi le Brésil ?
Soyons honnête, l’oeuvre du compositeur espagnol Lucas Vidal, surtout connu pour ses musiques de film (Fast and Furious 6) ne brille pas par son originalité. En dehors de quelques rythmes brésiliens glissés ici et là, on ne voit guère de différence avec le Hollywood de John Williams
Tokyo 2020 : l’universalisme de Naoki Satō
Rien de très japonais dans cette ouverture à choeur ouvert, un peu moins martiale sans doute.
Pout ce qui est de Paris 2024, il faudra attendre ce soir pour découvrir l’oeuvre de Victor Le Masne, même si on en a déjà un avant-goût
La Loge Olympique
Qui se rappelle, à l’heure des Jeux Olympiques de Paris, l’affaire délirante qui a défrayé la chronique en 2016 ? Alors que Julien Chauvin et la nouvelle formation qu’il avait constituée autour de lui souhaitaient relever le nom de l’une des plus illustres organisations de concert du XVIIIe siècle à Paris – le Concert de la Loge olympique –, ils en furent interdits, malgré toutes les protestations et pétitions, par une décision de justice : Le Concert de la Loge Olympique vs le Comité national olympique : quand Goliath écrase David.
J’appris alors, comme tout le monde, que l’adjectif « olympique » est, depuis 1976, la « propriété » du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) ! Incroyable mais vrai !
Cela n’a heureusement pas empêché Julien Chauvin et son Concert de la Loge xxxxx de grandir et prospérer (en passant notamment par Montpellier) et d’honorer les compositeurs qui furent les hôtes et les inspirateurs de leur ancêtre du XVIIIe siècle, au premier rang desquels Haydn et ses fameuses six Symphonies Parisiennes.
Parmi les nombreuses versions des Symphonies parisiennes (N°82 à 87), j’ai une affection pour un album que je n’ai jamais vu en France, qui n’est jamais cité dans aucun guide, et qui témoigne à tout le moins de l’étendue du répertoire d’un chef infatigable, qui continue de parcourir le monde et les podiums à bientôt 89 ans, Charles Dutoit
La formule est schématique, mais elle traduit bien l’impression de statisme qu’on a éprouvée à l’écoute d’une interprétation qui ne manquait pas de qualités. Le National et son chef avaient déjà donné le triptyque debussyste en 2022 comme en témoigne cette captation :
J’ai pensé que c’était l’occasion de faire le point non pas sur la discographie de l’oeuvre – des centaines de versions ! – mais d’une part en comparant l’Orchestre national de France à lui-même sous les différentes baguettes qui l’ont dirigé, d’autre part en tirant de ma discothèque des versions qui m’accompagnent depuis longtemps
La Mer et le National
La fausse symphonie de Debussy est bien évidemment l’un des piliers du répertoire de l’orchestre radiophonique qui célèbre ses 90 ans d’existence cette année. Ce qui est doublement fascinant, c’est d’une part la constance dans les couleurs si françaises de « notre » Orchestre national, et d’autre part la marque qu’y impriment les différents directeurs musicaux, leurs tempéraments, et quelques invités prestigieux :
Je n’ai pas trouvé d’enregistrement disponible de La Mer sous la direction de Lorin Maazel et Charles Dutoit qui se sont succédé à la tête de l’Orchestre National entre 1977 et 2001.
Les chefs de La Mer
Souvent les versions citées comme des « références » perdent de leur superbe au fil des années et de l’accroissement de la discographie d’une oeuvre. En l’occurrence, pour La Mer de Debussy, ces fameuses références demeurent inchangées, voire insurpassées.
On ne sait pas toujours que le chef suisse, fondateur de l’Orchestre de la Suisse romande, a non seulement connu Debussy, mais le jeune homme qu’il était alors s’était même permis de suggérer au compositeur quelques corrections dans sa partition ! Le lien entre Ansermet et Debussy était tel que le programme inaugural de l’orchestre genevois était tout entier dédié à Debussy
J’ai beau la connaître par coeur, la version d’Ansermet de La Mer me paraît indépassable. Quand je dis à propos du dernier concert du National que les tempi sont trop lents, ce n’est pas seulement affaire de métronome, mais aussi et surtout de mouvement. Et Ansermet savait de qui et de quoi il parlait !
Avec d’autres moyens, et un luxe orchestral supérieur, qu’Ansermet, Pierre Boulez réalise avec Cleveland, deux fois pour Sony et DG, une version passionnante.
Les deux seules fois où j’ai eu le privilège d’entendre Karajan en concert, en 1974 à Lucerne et en 1985 à Genève, La Mer était au programme. C’est dire si le chef autrichien aimait l’oeuvre. Il en a laissé pas moins de trois versions officielles au disque.
Version 1.0.0Version 1.0.0
Ma liste n’est évidemment pas exhaustive, mais il y a ici pour l’amateur quelques heures passionnantes d’écoute en perspective !
Patrice Chéreau est mort le 7 octobre 2013, quelques semaines après qu’on eut applaudi longuement sa mise en scène d’Elektra au festival d’Aix-en-Provence. Sans doute le plus grand souvenir que j’ai du festival avec De la maison des morts de Janacek, dirigé par Boulez en 2007.
D’autres que moi ont exprimé, bien mieux que je ne saurais le faire, l’admiration que j’ai toujours éprouvée pour cet artiste.
Il y a quelques semaines – L’été 23 : Dutoit à Montréal – j’évoquais la fantastique vitalité du chef d’orchestre suisse, Charles Dutoit, qui a fêté ses… 87 ans ce 7 octobre ! Avec force photos sur les réseaux sociaux, où on a presque peine à le suivre, tant il continue de parcourir le monde pour diriger bien sûr, mais aussi visiter tous les continents.
Pour lui souhaiter bon anniversaire, je choisis, à dessein, l’une de ces pépites dont sa discographie regorge, l’ouverture d’une opérette de Suppé, Fatinitza, dont l’argument fait écho à une sinistre actualité, puisque l’action se déroule entre la Turquie et Odessa pendant la guerre de Crimée…Une opérette qui connut paraît-il un grand succès au théâtre des Nouveautés à Paris en 1879 !
Du côté de Liège
Comme je le rapportais dans mon dernier billet – L’inconnu de Liège – j’ai passé quelques belles heures à Liège et alentour. Et pour fêter les 2×25 ans de Pascal C. dont l’amitié a survécu à mon éloignement de la Cité ardente.
Il y avait aussi un concert de l’Orchestre philharmonique royal de Liège ce samedi.
Bonheur de retrouver l’acoustique chaleureuse de la Salle Philharmonique, de revoir aussi quelques personnes chères et des figures familières, comme l’ancien directeur musical, mon ami Christian Arming. Pour le reste… no comment !
Cet été j’ai pas mal voyagé et donc écouté beaucoup de musique. Une programmation aléatoire m’a fait entendre deux versions de la Première symphonie de Rachmaninov et m’a, du même coup, rappelé une promesse que je m’étais faite d’établir quelques discographies des oeuvres du compositeur russe, né il y a 150 ans et mort il y a 70 ans.
Les heureux Parisiens auront la chance de pouvoir l’entendre fin octobre à la Philharmonie avec l’orchestre « rachmaninovien » par excellence, celui que dirigea le compositeur lui-même et avec lequel il enregistra plusieurs de ses oeuvres, l’orchestre de Philadelphie et son actuel chef Yannick Nezet-Seguin
En attendant, revue de quelques versions -de ma discothèque- pas toujours les plus connues :
Lorin Maazel, Orchestre philharmonique de Berlin (DG)
Une fois de plus, ce n’est pas spontanément qu’on associe Rachmaninov à un chef comme Lorin Maazel. Et pourtant sa gravure des trois symphonies avec Berlin est plus qu’intéressante, elle a été heureusement rééditée dans le coffret presque complet des enregistrements DGG du chef américain disparu en 2014.
2. Walter Weller, Orchestre de la Suisse Romande (Decca)
A l’occasion du décès du violoniste et chef viennois Walter Weller (1939-2015) en juin 2015, j’avais écrit ceci :
« Quelques années plus tôt, j’avais acheté au marché aux puces de St Ouen un coffret de 3 33 tours des Symphonies de Rachmaninov et j’avais été fasciné par la 1ere symphonie (plus, à l’époque, que par les 2e ou 3emes) et par la beauté de la version de….Walter Weller et de l’Orchestre de la Suisse Romande, une captation Decca réalisée en 1971 au Victoria Hall de Genève.
Je me dis que jamais plus je n’aurais l’opportunité d’entendre « en vrai » l’oeuvre et les interprètes de ce disque, si je ne demandais pas à Walter Weller de reprendre cette 1ere symphonie de Rachmaninov vingt ans après cet enregistrement. Il fut d’abord très surpris de ma demande – peut-être n’avait il jamais plus redonné l’oeuvre en concert depuis l’enregistrement ?!, moi-même j’ai dû attendre 2007 et l’enthousiasme de Patrick Davin pour la reprogrammer à Liège ! –
Inutile de dire que ce concert genevois de Walter Weller m’est resté en mémoire (d’autant plus que le Berg donné en première partie avait pour soliste un Pierre Amoyal au sommet de ses moyens).
3. Vladimir Ashkenazy, Concertgebouw Amsterdam (Decca)
Autant je suis loin d’être convaincu par le pianiste Ashkenazy – qui a beaucoup, trop, enregistré – autant je lui reconnais pas mal de belles réussites comme chef d’orchestre, en particulier dans l’oeuvre symphonique de Rachmaninov, où il bénéficie de surcroît du somptueux Concertgebouw d’Amsterdam
4. Charles Dutoit, orchestre de Philadelphie (Decca/Newton)
Ce n’est pas – et de loin – la part la plus connue de la discographie du chef suisse, et pourtant la quasi-intégrale symphonique Rachmaninov que Charles Dutoit a enregistrée l’a été à Philadelphie et compte pour moi parmi les plus inspirées.
5. Zoltan Kocsis, Orchestre national de Hongrie (Budapest Music Center)
Lorsque j’avais rendu hommage à Zoltan Kocsis, le grand pianiste hongrois disparu en novembre 2016, j’avais évoqué, trop brièvement, son activité de chef d’orchestre. La dernière fois que je m’étais rendu à Budapest (et que j’avais encore trouvé un magasin de disques !) j’avais pu acheter ce CD, comportant… la Première symphonie de Rachmaninov !
Je n’ai malheureusement pas trouvé de vidéo de cet enregistrement… mais je le recommande très chaudement. Comme on a toujours chaleureusement recommandé Kocsis dans les concertos de Rachmaninov…
6. Mikhail Pletnev, Orchestre national de Russie (DGG)
Le pianiste Mikhail Pletnev est, de mon point de vue, aussi génial au clavier que sur le podium du chef. Il ne laisse personne indifférent, et c’est pour cela qu’on l’admire.
Il a aussi gravé les trois symphonies de Rachmaninov, et ses partis-pris dans la 1ere peuvent déconcerter autant que passionner l’auditeur.
Pour ne pas encourir le reproche que d’aucuns de mes lecteurs ne manqueraient pas de me faire, je précise que les versions que j’ai retenues ici n’excluent pas évidemment les références que sont Ormandy, Jansons, Svetlanov, et qui demeurent chères à mes oreilles !
Petite série estivale pendant que ce blog prend quelques distances avec l’actualité, quelques disques enregistrés en été, tirés de ma discothèque : épisode 7.
Il va vers ses 87 ans, et pour qui, comme moi, le suit sur les réseaux sociaux, le chef suisse Charles Dutoit semble ne jamais s’arrêter de voyager, de diriger, avec une fougue, une énergie indomptables !
C’est l’un des derniers de la génération des Abbado, Haitink, Blomstedt et Muti. J’ai eu la chance de le croiser quelquefois dans ma vie professionnelle, notamment lorsqu’il était le directeur musical de l’Orchestre national de France.
« Étrangement, l’encore très actif chef suisse Charles Dutoit n’a jamais été considéré à sa juste mesure par une partie de la critique européenne.
Comme si le fait d’avoir fait du modeste Orchestre symphonique de Montréal une phalange de niveau international, comme si le fait d’avoir construit une impressionnante discographie (chez Decca) s’inscrivant dans la filiation de son illustre aîné Ernest Ansermet, étaient somme toute qualités négligeables ».
Il y a dans ce coffret – Charles Dutoit , the Montreal years – qui est pourtant loin de couvrir toute la discographie du chef suisse, nombre de très grandes réussites, notamment dans la musique française où Dutoit s’inscrit dans la filiation d’un Ansermet avec un fini orchestral souvent supérieur.
Comme dans cette superbe intégrale de Daphnis et Chloé de Ravel enregistrée du 25 juillet au 2 août 1985 dans l’église Saint-Eustache de Montréal. Prise de son superlative !
Depuis 1990, le festival de Cannes est identifié par ce générique musical :
Il s’agit d’un extrait – Aquarium – d’une oeuvre, la plus célèbre de son auteur, qui a failli ne jamais voir le jour…
En effet, lorsque Saint-Saëns écrit son Carnaval des animaux, c’est pour une circonstance particulière, et dans son esprit c’est une pochade qui n’a surtout pas vocation à la postérité. L’oeuvre est créée en auditions privées le 9 mars 1886 à l’occasion du Mardi gras par et chez le violoncelliste Charles Lebouc, puis redonnée le 2 avril 1886 chez Pauline Viardot en présence de Franz Liszt. Puis Saint-Saëns en interdit l’exécution de son vivant (à l’exception du Cygne ) craignant sans doute d’abîmer l’image de sérieux qui s’attache à sa personne et à son oeuvre, C’est d’ailleurs la même année, 1886, le 19 mai, qu’est créée à Londres l’autre « tube » de Saint-Saëns, sa symphonie n° 3 avec orgue ! Il faudra donc attendre 1921 et la mort du compositeur pour que Le Carnaval des animaux soit donné en public dans son intégralité, les 25 et 26 février 1922 sous la direction de Gabriel Pierné.
Des trilles de piano et des montées de violons et de violoncelles. Marche très majestueuse, en do majeur pour les premiers accords, en la pour la suite, sur un rythme très strict. Quelques montées chromatiques de piano, puis d’autres aux instruments à cordes qui imitent les rugissements du lion, d’une manière qui n’est guère terrifiante, mais qui jouent un peu sur le tableau de l’inquiétude. Le mouvement finit sur une gamme chromatique ascendante puis descendante de la mineur. L’ambiance générale est celle d’un ballet.
II – Poules et Coqs
Exemple de musique purement imitative, ce caquetage concertant, auquel vient s’ajouter la clarinette, est un morceau de bravoure. Très ironique, avec des notes dont la venue est quasiment incohérente aux cordes, imitant les caquètements ; ce passage amuse toujours les plus petits par son caractère imitatif. Inspiré de La Poule de Jean-Philippe Rameau.
III – Hémiones (ou Animaux véloces)
Uniquement au piano, très rapide, à base de gammes exécutées tambour battant, cela rend la course véloce de ces ânes sauvages du Tibet.
IV – Tortues
Le thème, bien évidemment lent, est interprété par les violoncelles et les altos. Saint-Saëns met en place une opposition rythmique entre le piano en triolets et le thème binaire en croches. Ce passage s’inspire du célèbre galop d’Orphée aux Enfers, dont Saint-Saëns n’a retenu que le thème. Le ralentissement extrême du rythme (échevelé chez Offenbach) produit un effet des plus savoureux.
V – L’Éléphant
Ce mouvement est lui aussi comique de manière très directe. Le thème, lent, est tenu par la contrebasse, soutenue par des accords de piano. On note un nombre important de modulations à partir de mi bémol majeur. Ce morceau est une citation de la Danse des sylphes de La Damnation de Faust de Berlioz ; très aérien dans sa version originale, il devient pachydermique chez Saint-Saëns. Il s’est aussi inspiré du Songe d’une nuit d’été de Felix Mendelssohn.
VI – Kangourous
Le piano alterne joyeusement des accords avec appoggiatures, ascendants puis descendants, et des passages plus lents, où sans doute l’animal est au sol…
VII – Aquarium
Célèbre thème, tournoyant et scintillant, évoquant le monde des contes de fées et pays imaginaires, avec des notes de l’harmonica de verre ― souvent jouées au glockenspiel ou au célesta ― et des arpèges descendants de piano.
VIII – Personnages à longues oreilles
Très évocateur, cet épisode, joué au violon, utilise les harmoniques aiguës et des tenues basses. Dans certaines interprétations, on jurerait entendre les braiements de l’âne.
IX – Le Coucou au fond des bois
C’est un mouvement très satirique, où la clarinette a le privilège de répéter vingt-et-une fois le même motif, sur les mêmes deux notes, alors que le piano mène la mélodie seul par des accords lents…
X – Volière
Mouvement très gracieux, où le thème est tenu presque exclusivement par la flûte, soutenue par des tremolos discrets des cordes et des pizzicatos.
XI – Pianistes
Autre passage, très humoristique, qui donne lui aussi dans la caricature. Les pianistes ne font que des gammes, ascendantes et descendantes, dans les tonalités majeures à partir de do, entrecoupées par des accords des cordes. Ce morceau peut être exécuté de différentes façons, selon la manière dont les musiciens interprètent la mention portée par Saint-Saëns sur la partition : « Dans le style hésitant d’un débutant ». Ils peuvent ainsi se permettre de se décaler l’un par rapport à l’autre et de jouer des fausses notes.
Il faut rappeler que Saint-Saëns était l’un des plus grands virtuoses de son temps !
XII – Fossiles
Passage parodique évoquant, outre les animaux disparus, les vieux airs d’époque. La clarinette reprend l’air célèbre du Barbier de Séville de RossiniUna voce poco fa. Le compositeur plaisante même avec sa propre Danse macabre, rendue gaie pour l’occasion ! Le thème est joué au début par le xylophone et le piano, avec des pizzicati des cordes. On entend aussi très clairement un fragment de Au clair de la Lune, joué par la clarinette, ainsi que les notes gaies de Ah vous dirais-je maman, deux chansons enfantines, puis, enchaîné à l’air du Barbier, un passage de Partant pour la Syrie, chanson populaire d’époque napoléonienne, dont la mélodie est attribuée à la reine Hortense.Saint-Saëns parodie particulièrement les artistes sans talent, en mettant bout à bout ces airs anciens, ajoutant même un passage fugué, du « remplissage » utilisé par les compositeurs en manque d’imagination.
Peut-être le mouvement le plus connu de toute la pièce, en tout cas le seul qui a l’honneur d’être parfois joué seul, c’est un magnifique solo de violoncelle soutenu par le piano, très poétique et sans doute sans humour ni caricature d’un quelconque excès de lyrisme propre aux cordes.
XIV – Final
Ce dernier morceau équivaut à la parade des fins de revue. Entamé par la reprise des trilles des pianos du 1er mouvement, il développe lui aussi un thème maintes fois repris plus tard sur d’autres supports. Ledit thème s’appuie sur une descente de basse par figure de marche. On y voit réapparaître plus ou moins brièvement les animaux dans l’ordre suivant : les hémiones (avec des accords scandés par les cordes), les fossiles (notamment par l’utilisation plus importante du xylophone), les poules et coqs, les kangourous, les ânes et, implicitement par la tonalité, le lion.
Et comme pour prouver que ce Carnaval des animaux n’est pas 1. réservé aux enfants 2. l’apanage des musiciens français, je veux citer ici des versions dirigées par des chefs étrangers- tirées de ma discothèque – parfois surprenantes, qui toutes attestent du génie universel de son auteur.
Quand je parle de chefs, j’évoque bien sûr seulement la version pour orchestre d’une oeuvre écrite au départ pour un ensemble de 11 instrumentistes (2 violons, 1 alto, 1 violoncelle, 1 contrebasse, 1 flûte, 1 clarinette, 2 pianos, 1 xylophone, 1 harmonica de verre ou, le plus souvent, 1 célesta) et qui, dans cette formation, bénéficie de quantité de versions discographiques éminentes.
C’est évidemment Bernstein lui-même, fabuleux pédagogue, qui présente le Carnaval des Animaux
Karl Böhm, Orchestre philharmonique de Vienne (1975)
S’il y a un nom qu’on ne s’attend pas à trouver dans cette oeuvre, c’est bien celui de Karl Böhm, et c’est pourtant l’une des plus grandes versions de l’oeuvre, que je place en toute première place dans mes références (tout comme son Pierre et le Loup qui y est couplé)
Dans la version allemande, c’est le fils du chef, l’acteur Karlheinz Böhm qui fait le récitant, dans la version française devenue très difficile à trouver, c’est le comédien Jean Richard.
Le chef suisse qui fut longtemps le seul à avoir gravé les poèmes symphoniques de Saint-Saëns, donne ici une version très poétique du Carnaval
Carl Eliasberg, Orchestre philharmonique de Leningrad (1951)
Sans doute la version la plus inattendue de ma discothèque, celle conduite par le chef russe Carl Eliasberg (1907-1978), avec, excusez du peu, comme pianistes Emile Guilels et Yakov Zak, qui s’en donnent à coeur joie dans ces Hémiones. Je sais que cette version est disponible en numérique, la mienne figure dans le magnifique coffret édité par Melodia pour le centenaire de Guilels (voir tous les détails ici)
Assez étrangement, cette version est l’une des plus « sérieuses », même si les solistes de l’orchestre de Boston sont superlatifs.
Skitch Henderson, London Symphony Orchestra (1960)
Skitch Henderson (1918-2005) a un peu le même profil qu’Arthur Fiedler. Né en Angleterre de formation classique, il a fait l’essentiel de sa carrière aux Etats-Unis comme chef de « musique légère ». Ici, il a un duo de pianistes de première catégorie, rien moins que Julius Katchen et Gary Graffman !
Ion Marin, Orchestre symphonique de Hambourg (2019)
De nouveau, ici, ce n’est pas tant la personnalité du chef que celle des deux pianistes – Martha Argerich et Lilya Zilberstein – qui fait l’intérêt de cette toute récente version captée à Hambourg, où la pianiste argentine a déménagé ses pénates depuis la fin de ses années Lugano.
Aux côtés de l’épouse du chef russe, Victoria Postnikova, le pianiste français Jean-François Heisser, dans un Aquarium bien languide
Felix Slatkin, Concerts Arts Orchestra (1953)
On a déjà dit ici tout le bien qu’on pense du légendaire animateur des concerts d’été du Hollywood Bowl à Los Angeles, Felix Slatkin (1915-1963) père du chef Leonard Slatkin (lire Felix à Hollywood)
Martin Turnovsky, Orchestre symphonique de Prague (1961)
J’aime infiniment cette version pragoise qui respecte autant l’esprit que la lettre de cette « fantaisie zoologique »
Une version due à l’un des grands chefs tchèques du XXème siècle, Martin Turnovsky (1928-2021), auquel j’avais consacré un portrait – voir ici – lorsque Supraphon a eu la bonne idée de nous restituer plusieurs de ses grands enregistrements, dont ce Carnaval des animaux
Maïwenn et la Dubarry
Et puisque le film Jeanne du Barry ouvre le festival de Cannes 2023 ce mardi soir
un souvenir et une recommandation musicale.
Le souvenir, je l’ai raconté ici (lire Inattendus) : en mai 2016, je me suis retrouvé assis à côté de Maiwenn à l’occasion d’un « stage de sensibilisation routière ». Moment délicieux, vraiment inattendu.
La recommandation musicale, c’est l’opérette de Carl Millöcker, Gräfin Dubarry (La comtesse Dubarry), créée le 31 octobre 1879 à Vienne au Theater an der Wien, revue, « actualisée » par Theo Mackeben en 1931, et depuis lors plus souvent jouée sous le titre « Die Dubarry (La Dubarry)«
Étrangement, l’encore très actif chef suisse Charles Dutoit, 85 ans le 7 octobre prochain, n’a jamais été considéré à sa juste mesure par une partie de la critique européenne.
Comme si le fait d’avoir fait du modeste Orchestre symphonique de Montréal une phalange de niveau international, comme si le fait d’avoir construit une impressionnante discographie (chez Decca) s’inscrivant dans la filiation de son illustre aîné Ernest Ansermet, étaient somme toute qualités négligeables.
J’y reviendrai plus longuement.
Pour cette série d’été, dans les curiosités de la discographie de Charles Dutoit, il y aurait bien des choses à relever, à commencer par de somptueux Rachmaninov, ou, dans la légèreté, de brillantes ouvertures de Suppé. Mais dans le coffret que Decca a consacré au chef vaudois il y a quelques années – Charles Dutoit, The Montréal Years – il y a ce disque tout entier consacré à Mikis Theodorakis (96 ans!) et à son ballet écrit sur les thèmes du film Zorba.
C’était un rêve de longue date qui finalement se réalise. Mais jusqu’au bout on s’est demandé si le voyage nous serait autorisé.
Je n’ai même pas à me plaindre, ni des contrôles au départ, ni des deux vols qui nous ont permis d’atteindre Quito, la capitale de l’Équateur, ni des contrôles à l’arrivée – des équipes parfaitement organisées pour recueillir les documents exigés pour les mesures sanitaires, vérifier les passeports. On est même admiratif d’un peuple qui applique, partout et pour tous, le port du masque, qui se fait vacciner en masse depuis que le nouveau gouvernement équatorien, mis en place il y a quatre mois après l’élection d’un nouveau président, a décidé de faire du pays un modèle de lutte contre la pandémie en Amérique du Sud.
Ce dimanche, lors d’une fête des Indiens otavalienos, près de la ville d’Otavalo. Tous masqués.
Premier soir à Quito
La première impression saisissante est cette impavide régularité du lever et du coucher du soleil : 6 h du matin, 6 h du soir. On est à une petite vingtaine de kilomètres de la ligne de l’équateur !
Et dès que le soir tombe sur le centre historique de Quito, on déguste la beauté qui s’offre. Et on ne ressent pas (pas encore ?) l’altitude de la ville, 2800 mètres tout de même !
Un dimanche à la campagne
à quelques kilomètres avant d’arriver à Otavalo, à une petite cinquantaine au nord de Quito, on assiste par hasard à une sorte de foire, de fête, où se retrouvent essentiellement les Indiens quetschuas qui forment la majorité de la population. La photo ci-dessus figure le rituel de l’offrande au soleil.
Nature volcanique
Sur la route on a aperçu un des grands volcans équatoriens de la Cordillière, le Cayambe et son sommet enneigé culminant à 5780 m !
On parcourt une partie du sentier qui, à 3100 mètres, fait le tour du lac volcanique situé dans le parc naturel de Cotacachi Cayapas, et on est saisi par l’abondance et la variété de la flore à cette altitude.
Le soir en rentrant de cette longue excursion, je lis plusieurs messages sur Instagram, l’un du chef d’orchestre Charles Dutoit : « C’est à Quito qu’on parle le meilleur espagnol de toute l’Amérique latine« , un autre de mon ami photographe Ferrante Ferranti : « N’oublie pas de visiter le collège et l’église des Jésuites, ainsi que l’église San Francisco ». J’ai déjà fait le même constat que Charles Dutoit (pour le peu d’espagnol que je parle !), et j’ai suivi ce lundi le conseil de Ferrante. Suite au prochain épisode !
Il a quitté le micro, mais heureusement ni la musique ni la vie, comme auraient pu le laisser penser les tombereaux d’hommages qui ont fleuri sur les réseaux sociaux à l’annonce de sa « retraite » ! Frédéric Lodéonanimait son dernier Carrefour de Lodéon ce dimanche sur France Musique : Humeurs beethovéniennes
Je ne vais pas, à mon tour, succomber aux formules convenues de l’hommage anthume, mais plutôt évoquer l’admiration que j’ai pour le formidable passeur de savoir… et le grand musicien que la carrière radiophonique a masqué.
L’homme de radio
Tous ceux qui ont suivi l’aventure de Frédéric sur France Inter d’abord, et plus récemment sur France Musique, savent son incomparable talent de conteur, de raconteur des petites et des grandes histoires de la musique et des musiciens, sa capacité de toujours valoriser l’autre, celui qu’il recevait à son micro, celui dont il accompagnait les premiers pas dans la carrière – un disque, un concert à signaler – Et comme il appartenait à cette espèce, de plus en plus rare, de ces « animateurs » qui savent de quoi ils parlent (heureusement que Frédéric Lodéon était là pour présenter Les Victoires de la Musique classique… jusqu’à 2018), chacune de ses interventions à la radio ou à la télévision fourmillait d’anecdotes éminemment cultivées.
(à Evian, le 24 février 2018, les dernières Victoires de la Musique classique présentées par Frédéric Lodéon)
Mais je peux témoigner, pour avoir participé à quelques-unes des émissions de Frédéric, que l’apparente facilité, parfois le sentiment d’improvisation qui passaient à l’antenne reposaient, en réalité, sur une préparation extrêmement minutieuse, une organisation très serrée des séquences de son émission. Tout était écrit… à la main ! Chapeau l’artiste !
L’archet fougueux
Avant d’être l’homme de médias admiré, aujourd’hui regretté, Frédéric Lodéon a été un fameux musicien, un violoncelliste de haute volée – Premier prix à 17 ans du Conservatoire de Paris, seul Français à avoir remporté, ex-aequo avec Lluis Claret, le premier Concours Rostropovitch en 1977. La plupart des disques qu’il a gravés en soliste pour Erato sont devenus difficilement disponibles. Warner serait bien inspiré de les rassembler dans un coffret, tout comme les magnifiques moments de musique de chambre partagés avec ses compères et amis.
C’est dans les souvenirs du pianiste Jean-Philippe Collard, récemment paru, que j’ai trouvé ces lignes qui éclairent la personnalité musicale de Frédéric Lodéon et les ressorts d’une amitié au service de la musique.
« Quand, de la manière la plus naturelle qui soit, la rencontre avec Frédéric Lodéon et Augustin Dumay s’est produite, il allait de soi que nous avions tous les trois le même objectif, le même désir d’en découdre musicalement parlant. Les chemins de solistes que nous avions empruntés jusqu’alors ne suffisaient plus à satisfaire nos appétits »
« J’ai bien vite trouvé ma place centrale dans cet équipage impatient. Entre un violon royal et un archet fougueux j’agissais comme une force d’équilibre…. La force qui nous unissait n’était pas seulement celle de jeunes cavaliers qui sortaient pour aller faire prendre l’air à un trio de Schubert, c’était l’alliage de trois compagnons avides de musique. »
« Bonjour les stars ! C’est ainsi que Maurice Fleuret, alors directeur de la musique au Ministère de la Culture, nous accueillit Frédéric Lodéon, Augustin Dumay et moi, au petit matin d’un rendez-vous que nous avions obtenu de haute lutte, pour défendre un projet qui nous tenait à coeur…. Abrités par de généreux châtelains dans leur domaine de Lascours, dans le sud de la France, nous avions conçu l’idée de stages d’été pour une dizaine de jeunes sélectionnés par nos soins, afin de leur offrir ce qui nous avait cruellement manqué dans nos parcours d’étudiants….. L’orchestre de chambre de Pologne, Emmanuel Krivine et Charles Dutoit avaient accepté de partager l’aventure… Le soir nous nous exprimions lors de concerts donnés dans la cour carrée du château, générations confondues, dans le silence de ces belles nuits d’été »
Echo de ces concerts, ce précieux témoignage filmé : le trio Dumay-Collard-Lodéon et Charles Dutoit dirigeant l’Orchestre de chambre de Pologne
« Méprisé par le représentant de l’Etat, ce bel élan fit long feu et consuma notre enthousiasme et notre audace » (Jean-Philippe Collard, Chemins de musique)
Audace, enthousiasme, fougue, générosité, voilà qui dessine un portrait fidèle de l’ami Frédéric Lodéon, qui n’est pas près de déserter le monde de la musique, et qu’on espère retrouver très vite pour de nouvelles aventures !
« Je ne connais pas les faits dont on accuse le chef d’orchestre (qui les nie : James Levine nie les allégations d’abus sexuels), je ne peux m’empêcher d’être frappé par la vague de puritanisme qui semble saisir l’Amérique de Trump, et qui n’épargne aucun milieu, aucun domaine…./
Comprenons-nous bien, si les faits sont avérés, ils ne sont en rien excusables, mais pourquoi les victimes ont-elles attendu si longtemps, le retrait de Levine de la direction du Met et sa santé chancelante, pour se manifester ? Je n’aime pas ceux qui tirent sur une ambulance. Je n’aime pas cette Amérique oublieuse du talent des siens. »
Et voici qu’on apprend le licenciement sans préavis par le board de l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdamdu directeur musical que la phalange néerlandaise avait nommé en 2016 (et s’apprêtait à prolonger), le chef italien Daniele Gatti.
Le 10 juin 2016, ici même, j’écrivais :
C’était ce jeudi le dernier concert officiel de Daniele Gatti en tant que directeur musical de l’Orchestre National de France. Réussite complète sur toute la ligne. Le programme d’abord, choisi par le chef, donnant dans la gravité plus que dans la fantaisie, et d’une rareté bienvenue : la Troisième symphonie d’Honegger dite « Liturgique »et la cantate Alexandre Nevski de Prokofiev….
Si l’heure est aux hommages et aux compliments, il faut reconnaître que ni le chef ni l’orchestre n’ont été épargnés par la critique pendant leur aventure commune de huit saisons. Hier, comme en maintes autres occasions, l’ONF et Daniele Gatti ont prouvé que, dans le répertoire génétique de l’orchestre, ils sont exceptionnels. J’ai rarement entendu Honegger aussi puissant et émouvant, et dans Prokofiev un orchestre scintillant, virtuose, et un Choeur de Radio France à son meilleur dans cette exaltation de la grande Russie.
Comme directeur de la musique de Radio France – de juin 2014 à mai 2015 – j’ai été amené à travailler étroitement avec celui qui était le « patron » de l’Orchestre National de France. Après un premier contact rugueux, nous avions établi un lien de confiance qui m’a permis de constater, une fois de plus, que ces grands personnages que sont les chefs d’orchestre, craints, révérés, obéis souvent sans discussion, sont, en réalité, pétris de doutes, inquiets, et trouvent, du fait de leur position et du prestige qui lui est attaché, rarement une oreille attentive, bienveillante, compréhensive, non courtisane. Je me rappelle un Daniele Gatti blessé par certaines critiques, d’un soir où je dus insister pour l’inviter à dîner en toute liberté et où nous quittâmes le restaurant bien après l’heure de fermeture. Et, avant cela, je ne peux oublier ce coup de fil – inhabituel – du chef me demandant à me voir d’urgence dans mon bureau, fin septembre 2014 : il souhaitait m’informer en tout premier, et à travers moi, la présidence de Radio France, de la nouvelle qui allait être rendue publique début octobre, sa nomination comme directeur musical du Concertgebouw d’Amsterdam. Je lisais son bonheur sur son visage d’ordinaire fermé.
« Il semblait impossible qu’un chef italien aussi prolétaire (courant les cachets au conservatoire, jouant au foot, avec des profits loin d’être ceux d’un premier de la classe dans la Milan musicale déjà moche des années 70-80) étranger aux groupes d’influence nationaux et internationaux, sans l’appui de « sa » maison de disque, peu disert et d’un caractère plutôt bourru, mais si bosseur, et si réfléchi pour devenir le plus pur et le plus complet talent d’aujourd’hui parmi les chefs quinquagénaires, ait pu faire une telle carrière. Au point d’avoir été courtisé, engagé en 2016 et – il y a quelques semaines- officieusement couronné comme chef à vie du Royal Concertgebouw Orchestra, une des cinq meilleures phalanges au monde aujourd’hui. Oui, c’est impossible. Ou mieux, depuis hier, cette carrière a été virtuellement et brutalement annulée. Au nom d’un instant de testostérone mal dominée, il y a vingt-cinq ans – et « révélé », sans dépôt de plainte ou démarche similaire – Daniele Gatti a été lâché, injustement et sans autre forme de procès, par le board hollandais qui avait mis dans ses mains en juin son propre avenir artistique et commercial.
Les allégations ? Un très partiel (et bien peu documenté) reportage sur les « agressions sexuelles » dans le monde de la musique classique publié dans le Washington Post le 25 juillet et relancé – pur hasard ! – par un site-blog de mélomanes « proche » de quelques agences artistiques et repris un peu partout depuis. Pendant plus de huit mois d’enquête, les deux journalistes ont recueilli des témoignages nombreux, mais vagues sur la question, presque tous remontant au siècle dernier. Rien de neuf, mais par exemple, on n’y trouve pas les noms que tous dans le milieu connaissent parce qu’en professionnels sérieux, ils ne vantent pas de telles « agressions ». Et presque tous les témoignages recueillis dans ce long article sont anonymes, seules deux chanteuses (?) pratiquement du même âge que le chef répètent la même version des faits comme si elles l’avaient apprise par cœur. Et la photo mise en tête de l’article évoque malicieusement un geste de chef qui – et ce n’est pas un hasard – est celui de Gatti.
Par la suite – c’est à dire après l’article – il semble qu’aient chanté la même chanson quelques dames de l’orchestre hollandais, sans carte d’identité, parlant d’« expériences inappropriées », sans plus de précision. D’où, selon le communiqué très sec de la RCO, le licenciement sans préavis ni discussion contradictoire.
A la fin du communiqué il est précisé que les concerts seront effectués avec d’autres chefs. Est-ce pour tranquilliser les sponsors américains sur la « pertinence sexuelle » (il serait curieux de comprendre comment ils la vérifieront) du chef choisi ou sur sa valeur ? Librement évaluée par l’orchestre ou « suggérée » par le groupe d’intérêts ou par l’artiste qui pour certains « mal pensants » (mais pas trop) pourrait avoir habilement utilisé le cas en abusant des ambiguïtés puritaines et souvent pas neutres de #Metoo ? C’est vrai, c’est un signe inquiétant des temps que l’usage malfaisant qu’on fait de ces dénonciations à retardement. Et il est effrayant que l’institution culturelle la plus historique, la plus importante et la plus fameuse d’une ville archi-connue pour être la zone franche du sexe en tous genres et des substances chimiques qu’on se procure facilement et par tous moyens, use de telles procédures professionnelles sans preuves, faisant des « procès sexuels » préventifs, obscurantistes et démagogiques.