Martha live

Pour célébrer les 75 ans de la pianiste argentine – en 2016 – les hommages discographiques n’avaient pas manqué, ni en qualité, ni en quantité : Deutsche Grammophon, Warner avaient publié d’imposants coffrets (voir la discographie complète sur bestofclassic). 

Manquait à l’édifice à la gloire de Martha Argerichce qui constitue peut-être l’essentiel, l’essence de son art, la collection des « live » enregistrés durant les 15 ans (2002-2016) qu’a duré le Martha Argerich Progetto à Lugano, en Suisse italienne.

61W8D9I4aYL._SL1500_En réalité, ce coffret n’est pas une nouveauté, puisqu’il compile ceux qui paraissaient chaque année, reflétant les éditions successives de ces rassemblements « Martha & Friends »

Il compile, mais il élimine les enregistrements dans lesquels Martha Argerich n’apparaissait pas directement, et qui constituent pourtant des témoignages précieux des débuts de bien des jeunes artistes (les frères Capuçon par exemple), souvent dans des répertoires peu fréquentés.

Mais ces 22 CD n’en sont pas moins précieux, parce qu’ils montrent la pianiste à son acmé, non seulement dans les oeuvres qu’elle parcourt depuis ses débuts, mais aussi dans des répertoires moins familiers. Il y a une « patte » Argerich reconnaissable entre toutes, et lorsqu’elle est entourée de jeunes collègues, on ne se pas demande pas qui est le plus ardent, le plus juvénile du groupe !

Détails du coffret à voir sur bestofclassic

Le parcours d’une vie

Le 13 septembre dernier avait lieu, à Londres, la cérémonie des Gramophone Classical Music Awards 2018, sans doute les récompenses les plus attendues dans le milieu de la musique classique, une quinzaine, cette année, qui ont honoré plusieurs artistes et labels français (voir le palmarès ici : Gramophone Awards 2018). 

C’est au grand chef estonien, Neeme Järvi, 81 ans, qu’a été décerné une sorte de Grammy d’honneur, a Lifetime Achievement Award.

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J’ai déjà raconté comment et quand j’ai rencontré Neeme Järvi et travaillé avec lui (lire : Dans la famille Järvi, le père)

Je pense qu’il détient le record absolu, sinon du nombre de disques, en tous cas de la variété des répertoires et des compositeurs enregistrés, pour trois labels qui l’ont suivi dans son insatiable appétit de découverte.

lifetimeachievement_specialawards2018_gramophone« Je me demande parfois si Neeme Järvi n’est pas plus intéressé par le studio d’enregistrement que par la salle de concert. Par curiosité, j’ai passé une heure à lister les compositeurs dont Järvi a enregistré la musique, un total de 111 ! Le décompte est extraordinaire, plus de 400 CD (Karajan ne doit pas être loin en nombre de disques, Svetlanov non plus en nombre de compositeurs russes et soviétiques) mais personne n’a jamais embrassé un répertoire aussi vaste.

Neeme Järvi est apparu sur la scène musicale à peu près en même temps que le CD. Avec BIS et Chandos, il trouvait des maisons de disques qui étaient prêtes à sortir des sentiers battus. Plutôt que d’imiter les Karajan et Solti dans le coeur du répertoire symphonique, ils ont choisi d’explorer des répertoires peu, voire pas du tout abordés par les majors. Ce furent donc les symphonies de Sibelius et de Prokofiev plutôt que Beethoven et Brahms, Stenhammar plutôt que Schumann. Et avec Järvi, ils avaient un chef d’orchestre qui s’épanouissait dans le studio d’enregistrement. Son modus operandi consistait à dire à ses musiciens, alors qu’ils affrontaient une musique inconnue, «Regardez-moi. Suivez-moi – et ils l’ont fait, jouant souvent mieux qu’ils ne le pensaient. Comme l’indique le fils de Neeme, Paavo, «ses musiciens lui font confiance parce qu’il est un chef d’orchestre fiable, jamais ennuyeux. S’il a besoin changer quelque chose dans la minute, il peut le faire plus rapidement que quiconque, car il a la technique. Une autre chose est que je ne connais pas un seul musicien qui veut simplement faire le travail aussi efficacement que possible. Ils veulent faire de la musique et se sentir au milieu d’un processus créatif.

Revenons à 1985 et à son enregistrement avec l’Orchestre National Écossais de la Sixième Symphonie de Prokofiev pour Chandos, et vous êtes confronté à la plus grande perfection musicale (emblématique des valeurs de production de Chandos). Les cordes ont de l’intensité et de la puissance, mais elles ont aussi une souplesse qui donne l’impression d’être sculptée dans l’instant par le chef d’orchestre. Comme Robert Layton l’a écrit lors de la distinction de l’Orchestral Award en 1985, «un orchestre de second rang jouant avec un engagement total peut souvent être plus passionnant qu’un pilote de luxe à bord d’une phalange en roue libre». Neeme Järvi deviendrait un acteur clé de ce Brave New World, défendant le rare et l’inconnu et livrant toujours d’excellentes performances (un jeune chef d’orchestre m’a récemment demandé s’il était vrai que Neeme Järvi pouvait ouvrir une partition et, plus ou moins à première vue, en donner une bonne lecture. Je pense que la réponse est «oui»!).

Que ce soit en Écosse, en Suède, aux Pays-Bas, en Suisse, aux États-Unis ou dans son pays natal, l’Estonie – tous des pays dans lesquels il a été directeur musical – Järvi a continué à explorer et à défendre les plus vastes répertoires.. Sa série de BIS consacrée aux 10 symphonies d’Eduard Tubin, a été une formidable découverte pour beaucoup d’entre nous, une des premières sources de l’extraordinaire richesse musicale de l’Estonie

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À 81 ans, Neeme Järvi reste une source d’inspiration. Les orchestres adorent travailler avec lui car il fait ressortir le meilleur de chaque joueur. Les jeunes musiciens l’aiment parce qu’il connaît parfaitement son métier; ce n’est pas pour rien qu’il a appris son métier à Leningrad, observant et absorbant le talent de chefs d’orchestre comme Sanderling et Mravinski. Pour ses deux fils chefs d’orchestre, Paavo et Kristjan, il est le père dont tout musicien en herbe doit rêver » (James Jolly, in Gramophone)

Chandos chez qui Järvi a constitué l’essentiel de sa considérable discographie publie un coffret de 25 CD, qui certes témoigne de l’incroyable variété des répertoires abordés par le chef estonien, mais ne donne qu’une image très partielle d’un corpus discographique unique au monde…

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Détails du coffret à voir sur Bestofclassic

(On trouve ce coffret à prix réduit sur : Presto Classical)

 

La rigueur et la fantaisie

Après Charles Munch, Fritz Reiner, Pierre Monteux, qui avaient fait l’objet de copieuses rééditions, sans parler de Leonard Bernsteinc’est – enfin ! – au tour d’un autre grand chef qui a fait les heures de gloire de CBS devenu Sony, George Szell (1897-1970) de bénéficier d’une réédition à sa mesure.

Il y a quelques années, La Boite à musique à Bruxelles avait proposé un coffret remarquable, édité en Corée, comportant tous les enregistrements symphoniques de Szell, y compris des concerts « live » au Japon.

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Le coffret proposé par Sony, reprend tous les enregistrements réalisés pour Columbia, les premiers en mono, et les concertos où Szell accompagne Isaac Stern, Zino Francescatti, Robert Casadesus, Rudolf Serkin, Leon Fleisher ou Gary Graffman. Dans les pochettes originales, ce qui nous vaut souvent des minutages très chiches. Beau livre, belle iconographie.

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Et – comment dire ? – à l’arrivée comme une sorte de déception. Le remastering est très inégalement apprécié, parfois il assèche une acoustique déjà très rêche, parfois il redonne, au contraire, un peu d’air à des prises qu’on trouvait étriquées, mais sans éliminer un bruit de fond gênant, comme dans les concertos de Mozart avec Casadesus. Mais surtout, la légendaire rigueur de George Szell confine souvent à la raideur, dans Haydn ou Mozart – L’oreille, la mienne, s’est habituée, au fil des ans, à tellement plus de souplesse, d’inventivité, de rebond – merci Nikolaus Harnoncourt ! – que, pour ne prendre qu’un exemple, la Posthorn Serenade de Mozart m’est devenue inécoutable sous la baguette si sévère du patron de Cleveland.

Je ne vais cependant pas me priver de réécouter les Beethoven, Brahms, Schumann, tout un répertoire romantique où précisément la baguette de Szell contrastait avec ses voisins   Munch, Bernstein et même Reiner.

Détails du coffret Szell à voir ici : bestofclassic

C’est un peu l’exact contraire du chef d’origine hongroise qui a disparu le 6 septembre dernier, l’Italien Claudio Scimonela fantaisie faite musique !

Sous la pression de toute une jeune génération de violonistes et chefs italiens, les Biondi, Alessandrini et autres, on a un peu oublié le rôle pionnier de Scimone dans l’interprétation de Vivaldi, et, dans le domaine lyrique, de Rossini. Avec ses Solisti Veneti, il avait poursuivi le travail de redécouverte vivaldienne d’Ephrikian ou des Musici, mais surtout ouvert de nouvelles perpectives à l’interprétation du Prete Rosso. Je me rappelle, il y a dix ou quinze ans, sur Musiq3, avoir entendu Scimone pester contre des interprètes de Vivaldi qui voulaient, à toute force, se rendre originaux, en adoptant des tempi infernaux, en hachant le discours au point de le défigurer, Scimone rappelant une évidence : tout ce que Vivaldi écrivait pour un ensemble instrumental devait pouvoir être chanté par la voix humaine.

C’est vrai qu’en réécoutant la somme assez prodigieuse qu’Erato avait captée, on est parfois surpris par le legato, une articulation qui fait passer la ligne de chant avant les contrastes rythmiques, et on continue d’admirer, même si d’autres visions, d’autres éclairages plus récents ont enrichi notre connaissance de ces répertoires.

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On reviendra plus longuement sur la carrière et la discographie de Claudio Scimone. Hommage !

 

L’hommage à Svetlanov

Tandis que se déroulent les épreuves du 4ème Concours international de Chefs d’orchestre Evgueni Svetlanov, Radio France s’apprête à célébrer les 90 ans du chef russe, né le 6 septembre 1928, disparu en 2002.

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Un programme, comme on les aime, parce qu’il reflète idéalement la personnalité d’un musicien hors norme, pianiste, chambriste, compositeur et chef immense.

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Nikolaï Medtner
Sonate pour piano « Réminiscence »

Sergueï Rachmaninov
Trio élégiaque n°2

Evgeny Svetlanov
Poème pour violon et orchestre

Piotr Ilyitch Tchaïkovski
Roméo et Juliette

et la crème des interprètes russes : Vadim Repin, Dmitri Makhtin, Alexandre KniazevBoris Berezovsky, Andrei Korobeinikov, qu’on a souvent vus au Festival Radio France tout comme le jeune chef Andris Pogalauréat du 1er concours Svetlanov à Montpellier en 2010.

J’ai déjà raconté mon admiration pour Evgueni Svetlanov, et mon unique rencontre avec lui, à Montpellier. Lire : Le génie de Genia

Son legs discographique (de la période soviétique) a été magnifiquement réédité, ou plus précisément, la considérable anthologie de la musique russe entreprise au mitan des années 60.

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Un premier coffret centré sur la musique symphonique, par ordre chronologique de Glinka à Kalinnikov, avec une pépite : Svetlanov jouant au piano des pièces de Medtner (d’où la présence d’une sonate de Medtner ce soir au concert) : détails du coffret à voir ici  Le monument Svetlanov (I)

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Un deuxième coffret achevait la partie symphonique de cette anthologie (mais omettait, malheureusement, les gravures de l’après-URSS, comme une intégrale des symphonies de Miaskovski, heureusement rééditée par ailleurs). Voir les détails ici : Le monument Sveltanov (II).

Et voici que paraît le troisième et dernier coffret de cette anthologie, 11 CD seulement, consacré aux oeuvres chorales, avec plusieurs raretés, des compositeurs et des oeuvres inconnus en dehors de Russie, et bien sûr des Rachmaninov (Les Cloches) ou Prokofiev (Alexandre Nevski) de référence.

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(Comme les précédents, ce coffret n’est pas vraiment bon marché, le meilleur prix est sur amazon.it)

Svetlanov au piano dans le Trio élégiaque de Rachmaninov, joué ce soir au concert-hommage à Radio France.

Un été Bernstein (V) : America, America

Je suis impatient de disposer d’une connexion internet correcte – les Pouilles sont une région superbe, mais en dehors des villes principales, la couverture numérique du territoire reste très aléatoire ! – pour pouvoir écouter les séries d’émissions que France Musique consacre à Leonard Bernstein, après la modeste contribution que le Festival Radio France a apportée à la commémoration du centenaire de sa naissance.

Indépendamment de ses propres œuvres, Bernstein a été un formidable passeur de la musique de son temps et de son pays. Plus qu’aucun autre chef américain, il aura dirigé et enregistré à peu près tous ses contemporains, comme en témoignent nombre de disques pour l’essentiel parus chez Sony (malheureusement plus guère disponibles en CD séparés) : Elliott Carter, Roger Sessions, William Schuman, Walter Piston, Roy Harris, Lukas Foss, Mark Blitzstein, Gunther Schuller, etc. Voir la discographie de Bernstein ici : Bernstein Centenary

On a une tendresse particulière pour ses portraits de son maître Copland et son exploration – certes modeste – des Latino-Américains (Chavez – pas le dictateur vénézuélien ! – Revueltas, etc…). Bien sûr son disque Gershwin est depuis longtemps une référence (quoiqu’il ait rarement passé l’épreuve de l’écoute à l’aveugle des Tribune et autres Disques en lice !)

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Les délices d’Alicia

J’ai un seul souvenir de concert avec elle : une toute petite dame, élégante, qui fascinait l’auditoire dès qu’elle se mettait à jouer. La pianiste espagnole Alicia de Larrocha (1923-2009) a fait l’objet de plusieurs rééditions chez ses éditeurs successifs – ou parfois simultanés.

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Mais voici que Decca édite un fort coffret de 41 CD, l’intégrale des enregistrements de la pianiste espagnole pour le label britannique.  Je ne peux que redire ce que j’écrivais en mars 2016 : lire Les merveilles d’Alicia.

Tout le détail de ces 41 CD (y compris les tout premiers enregistrements de Larrocha pour la branche américaine de Decca, et une série réalisée au début des années 60 pour Hispavox, à voir ici : Bestofclassic

Un été Bernstein (I) : Mendelssohn

Leonard Bernstein est né le 25 août 1918. Le centenaire de sa naissance est abondamment et justement célébré (lire La fête à Lenny).

J’ai choisi, pendant ce mois de vacances, de distinguer quelques pépites – et quelques ratages ! – dans l’abondante discographie du chef-pianiste-compositeur-pédagogue (voir Bernstein Centenary)

Commençons par Mendelssohnun compositeur et une oeuvre auxquels on n’associe pas d’emblée le chef américain. Alors que Bernstein est, sans doute, de tous les chefs prestigieux qui ont dirigé et enregistré  Mendelssohn celui qui en a le mieux compris et restitué le romantisme fiévreux, dramatique, inquiet, celui des Troisième (l’Ecossaise) et Cinquième (la Réformation) symphonies et d’ouvertures comme Ruy Blas – phénoménale ! – ou Les Hébrides

Ce n’est pas un hasard si Ruy Blas fait partie du « best of » symphonique concocté par Diapason pour honorer Leonard Bernstein chef d’orchestre

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Pour ces ouvertures, comme pour les symphonies 3 et 5, on préfère les premières versions gravées à New York pour CBS/Sony, aujourd’hui quasi introuvables en éditions séparées

https://www.youtube.com/watch?v=NZgjk5fUQHU

Pour la 4ème symphonie « Italienne », la version gravée avec l’Orchestre philharmonique d’Israël (Deutsche Grammophon) semble plus solaire, plus fluide, élégante que son aînée new-yorkaise.

Toute la discographie Bernstein à retrouver ici : Bernstein Centenary

Visegrád ou Vyšehrad ?

Lors d’un récent sommet européen consacré à la question de l’accueil des migrants, il a beaucoup été question du Groupe de Visegrádun groupe informel réunissant quatre pays d’Europe centrale, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie, du nom de la petite ville, aujourd’hui hongroise, de VisegrádCe « groupe » n’est pas récent puis dès 1335 les rois de Bohème, de Pologne et de Hongrie s’y rencontraient pour créer une alliance anti-Habsbourg, alliance renouvelée en 1991 pour accélérer le processus d’intégration européenne des trois mêmes pays (la Bohème étant devenue la Tchécoslovaquie qui allait se scinder en 1993)

Les prononciations les plus fantaisistes ont cours dès lors qu’il s’agit de noms slaves (les journalistes et les dirigeants européens s’en sont donné à coeur joie… Viz-grade, Ouaille-z-grad !) La meilleure approche, pour un non slavophile, serait : Voui-chê-grade. 

Voilà pour la cité-forteresse aujourd’hui située en Hongrie, dont l’étymologie est simple : Vise = haut, grad = ville. Visegrad = la ville haute.

Les mélomanes connaissent un autre Vyšehradle premier volet du cycle de six poèmes symphoniques Ma Patrie du compositeur tchèque Bedřich SmetanaVyšehrad est le quartier le plus ancien de Prague, le plus élevé aussi, où avait été édifié le premier château-fort au Xème siècle.

1024px-Vysehrad_as_seen_over_the_Vltava_from_Cisarska_louka_732(Vue sur Vysehrad de la MoldauVltava en tchèque = prononcer Veul-tava, et non Vi-ta-va, comme je l’entendis un jour, répété plusieurs fois, sur France Musique !!)

https://www.youtube.com/watch?v=ECCWGJ1QvZ8

Le festival Le Printemps de Prague s’ouvre chaque année le 12 mai (date anniversaire de la mort de Smetana) par l’exécution du cycle Ma Patrie. Au terme de la Révolution de Velours, qui mit fin à la dictature communiste, l’édition 1990 du Printemps de Prague fut un événement considérable, puisqu’elle marqua le retour de Rafael Kubelik sur sa terre natale, après 41 ans d’exil. La version du cycle de Smetana que donnèrent ce 12 mai 1990 le vieux chef, déjà atteint par la maladie et sa chère Philharmonie tchèque est portée par un souffle, une vision, véritablement historiques.

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Voir la discographie de Rafael Kubelik ici : Rafael Kubelik, un chef en liberté

Je connais une autre belle gravure de ce premier volet de Ma Patrie de Smetana, assez inattendue, mais très réussie (comme les poèmes symphoniques de Liszt qui figurent sur le disque), celle de Karajan

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La fête à Lenny

Je ne reviendrai pas sur la Fête de la MusiqueJe n’ai rien à changer à ce que j’écrivais il y a deux ans : Fête ou défaite de la musique.

C’est à une tout autre fête que nous convie le numéro de juin-juillet de Diapason : la célébration d’un génie du XXème siècle, dont on commémorera le centenaire de la naissance le 25 août prochain, Leonard Bernstein.

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La une du magazine n’est, en l’occurrence, ni racoleuse, ni mensongère. Le dossier constitué sous l’égide – inattendue – d’Ivan Alexandre, dont on ne savait pas qu’il fût un spécialiste voire un fan de Bernstein, est un must. Pour embrasser toutes les facettes d’un génie protéiforme : pianiste, chef d’orchestre, compositeur qui s’est essayé à tous les genres, pédagogue, une vie personnelle au diapason de ses passions multiples.

Le Festival Radio France propose, cet été, du 16 au 27 juillet, de redécouvrir plusieurs aspects de la personnalité de Bernstein : des extraits de la série légendaire, jamais égalée,  parfois imitée, des Young People’s Concerts, des vidéos de répétitions et de concerts dirigés par Leonard Bernstein.

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Les éditeurs historiques (Sony ex-CBS, Deutsche Grammophon) ont mis le paquet pour célébrer ce centenaire pas comme les autres.

Il y a quelques mois, Sony proposait un coffret de 100 CD – avec pochettes originales, donc minutages chiches – « remastérisés » (voir : Bernstein remastered

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après avoir réédité déjà deux coffrets format 33 tours, comportant, pour le premier, la totalité des symphonies gravées pour l’essentiel à New York (voir Bernstein forever), pour le deuxième les oeuvres orchestrales et concertantes (voir Bernstein Centenary), un troisième et dernier est annoncé pour septembre avec les oeuvres vocales et chorales. Un fabuleux legs !

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Quant à DGG, après avoir imité Sony, en reprenant en 2 coffrets format 33 t. la totalité des CD parus sous l’étiquette jaune (voir Leonard Bernstein Collection), nous est proposé – à un prix relativement modéré pour un objet de cette qualité – un gros coffret reprenant l’intégralité des CD et des DVD – ainsi qu’un DVD Blu-ray audio des symphonies de Beethoven – parus sous étiquette DGG et Decca (y compris les premiers enregistrements Decca américains) :

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Chez Warner, on nous annonce pour septembre un coffret particulièrement bienvenu pour rappeler la collaboration du chef américain avec l’Orchestre National de France 

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(Voir tous les détails de la discographie de Bernstein iciBernstein Centenary)

Les livres aussi – en plus des magnifiques ouvrages contenus dans les gros coffrets DGG et Sony – nous dévoilent les facettes, parfois cachées, d’un personnage unique en son temps.

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Renaud Machart avait déjà consacré une belle monographie à Bernstein dans la collection Actes Sud / Classica. Il annonce pour la rentrée un second opus, qui nous restitue, longuement préfacées par ses soins, les six conférences données par le chef compositeur à Harvard en 1973. Fondamentales pour comprendre en quoi Bernstein fut le plus grand et le meilleur « vulgarisateur » de la musique.

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Intéressant aussi ce petit ouvrage de souvenirs du journaliste Jonathan Cott.

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Parmi les centaines de vidéos, heureusement disponibles sur les réseaux sociaux, il y a l’embarras du choix.

Cette Neuvième de Beethoven, captée quelques mois avant la mort de Bernstein, quelques semaines après la chute du Mur de Berlin :

https://www.youtube.com/watch?v=IInG5nY_wrU

Et celle-ci, vue des millions de fois, montrant le showman, le cabotin que Bernstein ne répugnait pas à être (et quelle leçon de direction !)

https://www.youtube.com/watch?v=oU0Ubs2KYUI

Et encore cette prodigieuse version de la Symphonie de Franck, avec l’Orchestre National en 1982 :

https://www.youtube.com/watch?v=uosj6PZLKKE

 

Rojdestvenski, l’impossible discographie

Comme promis, quelques mots encore sur le chef russe disparu hier, Guennadi Rojdestvenski.

Le chef a régulièrement dirigé à Paris. Avec l’Orchestre de Paris d’abord, avec l’Orchestre National et l’Orchestre Philharmonique de Radio France également. Mais la chronique retentit encore des sautes d’humeur d’un personnage fantasque, qui pouvait se fâcher sur une simple contrariété. Ainsi au printemps 2016, deux concerts annulés avec l’Orchestre de Paris, au prétexte d’abord de raisons de santé, en réalité parce que les billets de la Philharmonie ne mentionnaient pas son nom !

Ainsi aussi, dans les années 90, une série qui aurait dû être mémorable des symphonies et des concertos de Prokofiev, concoctée par Claude Samuel, alors directeur de la Musique de Radio France (et premier biographe français du compositeur !). Je me rappelle comme si c’était hier, le vent de panique qui avait soufflé dans les bureaux de la direction de la musique lorsqu’un responsable de l’Orchestre National de France avait annoncé qu’en pleine répétition générale au Théâtre des Champs-Elysées, Guennadi Rojdestvenski et son épouse de pianiste Viktoria Postnikova avaient prétexté une remarque d’un musicien pour quitter le plateau et rejoindre leur appartement parisien. Evidemment impossible de les joindre au téléphone. Et le tout était diffusé en direct sur France Musique !

Le problème du chef, sa singularité aussi – c’est un peu le cas aujourd’hui de Valery Gergiev ! – c’était son peu de goût pour les répétitions, ou plus exactement ce qui relevait de la mise en place technique. Avec des orchestres français, habitués à répéter beaucoup plus que leurs collègues anglo-saxons, c’était souvent sujet à conflits, alors que, on le sait de bonne source, les musiciens ne demandaient qu’à épouser les vues, souvent originales, du chef.

En 2009, c’est au contraire lui qui remplaçait son tout jeune confrère, Mikko Franck, qui avait annulé pour raisons de santé, à la tête de l’Orchestre philharmonique de Radio France (lire la critique… édifiante de l’époque : Remplaçant de luxe !)

https://www.youtube.com/watch?v=pq76OOsUXXQ

Mais on pardonne tout à une personnalité aussi originale, unique même dans le paysage musical soviétique et russe. En rien comparable à ses contemporains Mravinsky, Kondrachine ou Svetlanov. Anti-conformiste, libre, très personnel dans son approche du grand répertoire, infiniment curieux de toutes les marges.

Autant dire qu’établir une discographie de Rojdestvenski relève de la mission impossible. Il a tellement enregistré, et de toutes sortes d’oeuvres, de répertoires, de compositeurs, qu’on ne peut que conseiller quelques indispensables. Voir : Gennady Rozhdestvensky : une discographie

Je n’ai pas fait figurer dans cette discothèque, deux disques vraiment anecdotiques, qui témoignent aussi du plaisir qu’avait G.R. à aborder la musique légère, comme celle du Strauss danois, Hans Christian Lumbye

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C’est aussi par un 33 tours dirigé par G.R. que j’ai découvert les marches que Prokofiev avait commises pour des Spartakiades, ces grandes fêtes soviétiques de la jeunesse mondiale. Comme cet opus 99, aujourd’hui au répertoire de tous les orchestres d’harmonie du monde !

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