Comme souvent, les publications ont un métro/train/avion de retard. Roberto Alagna, notre ténor/trésor national a fêté ses 60 ans le 7 juin… 2023, mais ce n’est que maintenant que sortent disques et coffrets qui célèbrent son passage dans la catégorie des sexygénaires !
J’invite à relire ce précédent article : Un miracle qui dure et le long portrait que Sylvain Fort avait consacré à Roberto Alagna dans Forumopera, comme le texte qu’il avait signé pour ce premier coffret paru en 2018
Aujourd’hui Warner réédite l’intégrale des opéras auxquels Alagna a prêté sa voix et son talent, souvent en compagnie de son ex-épouse Angela Gheorghiu.
Que du connu et du reconnu ! Mais quel bonheur de retrouver intact ce timbre de lumière, cette fougue juvénile, et cette diction si parfaite !
Aparté publie, de son côté, un disque au titre explicite : Roberto Alagna y révèle le secret de son éternelle jeunesse.
Sawallisch suite et fin
En mai dernier, comme pour les 60 ans d’Alagna, je regrettais le retard mis à célébrer le centenaire de l’un des grands chefs du XXe siècle, Wolfgang Sawallisch (1923-2013). Lire : Les retards d’un centenaire.
Heureusement, Decca et Warner se sont bien rattrapés et on n’attendait plus que le complément annoncé : l’intégrale – ou presque – des opéras enregistrés par Sawallisch, pour l’essentiel à Munich dont il fut le Generalmusikdirektor incontesté de 1971 à 1992. Mais Warner précise – et c’est bien de le faire – que, même parus jadis sous étiquette EMI, Arabella et Friedenstag, ne sont pas inclus dans ce coffret pour des questions de droits.
Wagner et Richard Strauss s’y taillent la part du lion, mais ce coffret contient de vraies raretés comme Weber, Schubert ou les deux brefs opéras de Carl Orff.
Mozart: La flûte enchantée Weber: Abu Hassan Schubert: Die Zwillingsbrüder Wagner: Der Ring des Nibelungen, Les Maîtres-Chanteurs de Nuremberg Richard Strauss: Capriccio, Intermezzo, Die Frau ohne Schatten, Elektra Carl Orff: Die Kluge, Der Mond
Mais je conserve une affection toute particulière pour ma toute première version de La flûte enchantée, le premier coffret d’opéra que j’ai acheté à sa sortie en 1973, avec celle qui est à jamais la plus extraordinaire Reine de la nuit, l’immense Edda Moser.
On avait adoré Le Domino noir donné au printemps 2018 à l’Opéra-Comique (voir L’esprit Auber). Ce fut pour moi la dernière occasion d’applaudir Patrick Davin, si brutalement arraché à notre affection il y a un peu plus de quatre ans déjà. Pour le compte de Bachtrack, j’ai eu la chance d’assister à la première de la reprise de cette formidable production, dirigée cette fois par le maître des lieux, Louis Langrée. Mon compte-rendu vient de paraître : La reprise triomphale du Domino noir à l’Opéra Comique.
Ses amis furent heureux, à l’issue de cette première, d’assister à la remise de la Croix de Commandeur des Arts et Lettres à celui qui a bien mérité de la culture et de la musique française.
Et voilà la suite de Igor Markevitch la collection Philips (lire Sous les pavés la musique IX). A la différence du coffret EloquencePhilips, ce nouveau coffret Eloquence ne recèle pas d’inédit ou de rareté. Tous les disques réunis ici avaient déjà été réédités séparément ou en de petits coffrets, sauf peut-être les symphonies de Beethoven (il y en a une partie ici, l’autre partie dans le coffret Philips, et l’ensemble était disponible dans un coffret DG japonais, trouvable aussi en Allemagne)
Références et raretés
Quatre grandes périodes d’enregistrement pour la marque jaune :
de 1953 à 1955 avec l’Orchestre philharmonique de Berlin, des versions bien connues de Berlioz (une première Fantastique ainsi qu’Harold en Italie), de Tchaikovski (la Pathétique), mais surtout les 3ème et 4ème symphonies de Berwald (pour les Berliner un coup unique!), et les 3ème et 4ème de Schubert, qui étaient de vraies raretés au disque.
à New York à peu près à la même époque, un orchestre constitué pour la circonstance (en fait des musiciens du Philharmonique) enregistre avec Markevitch deux symphonies de Beethoven (3 et 6) ainsi que la Première de Brahms
de 1957 à 1960, malheureusement trop souvent en mono (alors que les Américains et Decca enregistraient en stéréo depuis 1954), une série légendaire de captations avec l’orchestre des Concerts Lamoureux. Joyau de cette série, une Symphonie fantastique qui fait d’abord entendre la splendeur des vents français (ce basson !) et un chef qui fait du 4ème mouvement une véritable Marche au supplice (écoutez le terrifiant grincement du trombone basse, qui viendrait rappeler aux insouciants qu’il ne s’agit ni d’une marche triomphale ni d’une cavalerie légère !)
en 1965, les équipes de DG se transportent à Prague, pour nous offrir deux versions jamais démodées du requiem en ré mineur de Cherubini, et une étonnante Messe de Sainte-Cécile de Gounod avec un trio de chanteurs inattendus dans ce répertoire.
Un mot d’une oeuvre – Les Choéphores – de Darius Milhaud (lire l’excellent papier de Jean-Charles Hoffelé : Le chef-d’oeuvre de Darius) que j’ai toujours trouvée très.. datée. Ecrite en 1915 – c’est la mode des oeuvres avec récitant (Honegger – Le Roi David – Debussy – Le Martyre de Saint-Sébastien – Stravinsky – Oedipus Rex), elle n’a connu que deux versions au disque : celle de Markevitch en 1957 (mono), suivie de celle de Bernstein à New York en 1961 (stéréo)
CD 1 Cherubini: Requiem in D minor for male chorus & orchestra
Czech Philharmonic Chorus
Czech Philharmonic Orchestra
Igor Markevitch
Mozart: Mass in C major, K317 ‘Coronation Mass’
Maria Stader (soprano), Oralia Dominguez (mezzo-soprano), Ernst Haefliger (tenor), Michel Roux,
Choeurs Elisabeth Brasseur
Orchestre des Concerts Lamoureux
Igor Markevitch
CD 2Mozart: Symphony No. 34 in C major, K338
Berliner Philharmoniker
Igor Markevitch
Mozart: Symphony No. 38 in D major, K504 ‘Prague’
Berliner Philharmoniker
Igor Markevitch
Mozart: Symphony No. 35 in D major, K385 ‘Haffner’
Orchestre des Concerts Lamoureux
Igor Markevitch
Gluck: Sinfonia in G major
Orchestre des Concerts Lamoureux
Igor Markevitch
CD 3 Mozart: Bassoon Concerto in B flat major, K191
Maurice Allard (bassoon)
Orchestre des Concerts Lamoureux
Igor Markevitch
Haydn: Sinfonia Concertante in B flat major, Op. 84, Hob. I / 105
Georges Alès (violin), André Remond (cello), Émile Mayousse (oboe), Raymond Droulez (bassoon)
Orchestre des Concerts Lamoureux
Igor Markevitch
Cimarosa: Concerto in G major for two flutes
Aurèle Nicolet (flute), Fritz Demmler (flute)
Berliner Philharmoniker
Igor Markevitch
Schubert: Symphony No. 3 in D major, D200
Berliner Philharmoniker
Igor Markevitch
CD 4 Beethoven: Egmont Overture, Op. 84
Beethoven: Leonore Overture No. 3, Op. 72b
Beethoven: Fidelio Overture Op. 72c
Beethoven: Coriolan Overture, Op. 62
Beethoven: Zur Namensfeier overture, Op. 115
Beethoven: Consecration of the House Overture, Op. 124
Orchestre des Concerts Lamoureux
Igor Markevitch
CD 5 Beethoven: Symphony No. 3 in E flat major, Op. 55 ‘Eroica’
Symphony of the Air
Igor Markevitch
CD 6 Beethoven: Symphony No. 6 in F major, Op. 68 ‘Pastoral’
Orchestre des Concerts Lamoureux
Igor Markevitch
CD 7 Brahms: Symphony No. 1 in C minor, Op. 68
Symphony of the Air
Igor Markevitch
CD 8 Brahms: Symphony No. 4 in E minor, Op. 98
Orchestre des Concerts Lamoureux
Igor Markevitch
Berlioz: Harold en Italie, Op. 16
Heinz Kirchner (viola)
Berliner Philharmoniker
Igor Markevitch
CD 9 Berlioz: Symphonie fantastique, Op. 14
Cherubini: Anacréon Overture
Auber: La muette de Portici: Overture
Orchestre des Concerts Lamoureux
Igor Markevitch
CD 10-11Berlioz: La Damnation de Faust, Op. 24
Richard Verreau (Faust), Consuelo Rubio (Marguerite), Michel Roux (Méphistophélès), Pierre Mollet (Brander)
Chœurs Elisabeth Brasseur, Chœur d’Enfants de la RTF
Orchestre des Concerts Lamoureux
Igor Markevitch
CD 12 Gounod: Symphony No. 2 in E flat
Bizet: Jeux d’enfants (Petite Suite), Op. 22
Debussy: La Mer
Debussy: Danses sacrée et profane
Orchestre des Concerts Lamoureux
Igor Markevitch
CD 13 Rimski Korsakov: Russian Easter Festival Overture, Op. 3
Rimski Korsakov: May Night Overtur
Rimski Korsakov: Le Coq d’Or Suite
Borodin: In the Steppes of Central Asi
Liadov: From the Apocalypse, Op. 66
Glinka: Ruslan & Lyudmila Overture
Orchestre des Concerts Lamoureux
Igor Markevitch
CD 14 Tchaikovski: Symphony No. 6 in B minor, Op. 74 ‘Pathétique’
90 ans depuis septembre, cet Australien ne restera pas dans l’histoire de la musique et du disque que comme l’époux de la Stupenda – c’est ainsi qu’on surnommait sa compatriote, disparue il y a dix ans, la cantatrice Joan Sutherland, dont il a dirigé quasiment tous les enregistrements d’opéras.
Une idée pour Roselyne Bachelot : s’il y a un chef d’orchestre qui mériterait la Légion d’honneur, c’est bien Richard Bonynge.
Le superbe coffret que Decca édite en cette fin d’année en témoigne à la perfection : aucun chef n’a autant servi et enregistré la musique française que lui.
Entendons-nous, Richard Bonynge n’a jamais cherché à concurrencer Munch, Paray, Martinon et autres hérauts de Berlioz, Ravel, Debussy, mais le travail de recherche qu’il a inlassablement entrepris pour mettre au jour, réhabiliter, éditer tout un trésor de partitions oubliées du XIXème siècle français, est proprement hallucinant
Personne ne prétend, lui moins encore, que tout ce répertoire n’est fait que de chefs-d’oeuvre, l’inspiration tire souvent à la ligne, et il ne faut pas chercher autre chose que du divertissement, de l’écoute agréable et légère, dans ces ballets, connus (Delibes, Tchaikovski) ou inconnus. Mais que tout cela est fait avec un chic, une allure, magnifiées par des prises de son dans la plus pure tradition Decca.
Il faut aussi louer l’éditeur Decca : les rééditions de cette qualité se font rares, les galettes sont parées de leurs couvertures d’origine, le livret est richement documenté et permet de s’y retrouver très facilement dans les compositeurs, les oeuvres, les interprètes.
Merci Monsieur Bonynge !
Le contenu de ce coffret de 45 CD :
Adam: Le Diable à quatre; Giselle (2 versions); Le Corsaire Auber: Marco Spada; Gustave III – Ouverture & ballet; Concerto pour violoncelle Delibes: Coppelia; Sylvia (2 versions) Leoni: Prayer and the Sword Burgmüller: La Peri Chopin: Les Sylphides Thomas: Hamlet Verdi: Le trouvère, ballet Massenet: Manon (ballet); Le Carillon; Scènes Alsaciennes et Dramatiques; Fantaisie pour violoncelle et orchestre; La Cigale; Valse tres lente; Le Cid; Meditation de Thais (Nigel Kennedy) Berlioz: Les Troyens, ballet Weber/Berlioe: Aufforderung zum Tanz Lecocq: La Fille de Madame Angot Donizetti: La Favorita, ballet Messager: Les deux Pigeons Minkus / Delibes: La Source Drigo: La Flûte magique Minkus / Lanchbery: La Bayadere Gounod: Faust, ballet Offenbach: Le Papillon Popper: Concerto pour violoncelle (Silverstein) J. Strauss II: Aschenbrödel/Cendrillon; Ritter Pasman; Le beau Danube (Désormière); Die Fledermaus, Ouverture et ballet Tchaikovski: Casse-Noisette, Le lac des cygnes, La Belle au bois dormant Händel: Alcina, ballet Rossini / Respighi: La Boutique fantasque Rossini/Britten: Soirées musicales, Matinees musicales Meyerbeer: Les Patineurs Ouvertures du XVIIIème siècle Ouvertures d’opéras français L’art de la Prima ballerina Hommage à Pavlova Entractes et ballets d’opéras français
Orchestre de la Suisse Romande / London Symphony Orchestra / Covent Garden / National Philharmonic Orchestra / English Chamber Orchestra
Tous les Parisiens… et les touristes connaissent le nom de la plus grande station d’échange métropolitaine intra muros Auber voisine de l’Opéra Garnier. Mais savent-ils qui est cet Auber ? nettement moins sûr !
Daniel François Esprit Auberaurait sans doute tenu les premières places si les sondages de popularité ou de notoriété avaient existé au XIXème siècle. Né en 1782 il est mort, à 89 ans, en 1871, il incarne le genre et l’esprit de l’opéra-comique français.
On retrouvait hier soir la Salle Favart, l’Opéra-Comique, où Auber connut ses succès les plus éclatants et les plus durables, avec un spectacle déjà donné le mois dernier à l’Opéra royal de Wallonie, Le Domino noir.
On avait encore dans les yeux et les oreilles la réussite du Comte Oryde Rossini – direction de Louis Langrée, mise en scène de Denis Podalydès – fin décembre. Intéressant pour prendre la mesure de ce qu’Auber doit au compositeur italien installé à Paris depuis 1825 et de son émancipation par rapport à son prestigieux modèle.
Je vais donc répéter ce qui a été écrit à peu près partout – rare unanimité critique ! -.
Ce Domino noir est un pur régal pour les yeux comme pour les oreilles.
Dans la fosse, Patrick Davinprouve, une nouvelle fois, qu’il est aussi à l’aise dans la création (Philippe Boesmans), dans le grand répertoire symphonique – combien de belles soirées à l’Orchestre philharmonique royal de Liège ! – que dans les ouvrages lyriques plutôt rares (c’est lui qui avait redonné vie à La Jacquerie de Lalo lors du Festival Radio France 2015).
La mise en scène du Comédien-Français Christian Hecq – décidément c’est une spécialité de l’Opéra-comique ! – est brillante, virtuose, drôle, pétillante, jamais vulgaire. Et le plateau est composé à la perfection : Anne-Catherine Gillet, Cyrille Dubois, Marie Lenormand – impayable Jacinthe – Laurent Kubla, François Rougier, il faudrait tous les citer. Tous francophones.
(la Jacinthe de Marie Lenormand… qui me faisait penser, allez savoir pourquoi, à Montserrat Caballé !)
Je signale qu’on retrouvera Anne-Catherine Gillet et Cyrille Dubois le 21 juillet prochain, dans le cadre du Festival Radio France Occitanie Montpellier, pour la création – en version de concert – de l’opéra Kassyalaissé inachevé par Delibes et complété par Massenet.
Quant au Domino noir, on ne peut pas dire que la discographie soit à la mesure du succès de l’ouvrage jusqu’au début du XXème siècle.
On espère qu’une captation de ce spectacle aura été faite soit à Liège, soit à Paris, et sera bientôt disponible pour tous ceux qui n’ont pas eu la chance ou la possibilité d’y assister.
Je n’ai jamais rien autant aimé que les longues balades à pied dans Paris (Le coeur de Paris). Sans but précis, le nez en l’air, regardant devantures originales et plaques historiques.
C’est ainsi qu’un jour au bas de la rue de la Roquette, dans le XIème arrondissement, je lis ce qu’était La Descente de la Courtille, l’un des cortèges du Carnaval de Paris. Cette descente n’aurait pas duré plus de quarante ans, mais suffisamment pour que Wagner, dans ses années parisiennes, lui consacre une page chorale certes anecdotique, mais qui a immortalisé musicalement cette éphémère tradition populaire.
Et puis, rue du Sentier, au milieu des entrepôts et des grossistes, on tombe sur une Maison Mozart, celle où Wolfgang logea lors de son second séjour parisien et où mourut sa mère le 3 juillet 1778. Une plaque rappelle ce séjour, mais il n’y a rien à voir.
C’est lors de ce séjour que Mozart écrit plusieurs oeuvres dans le goût français de l’époque (la 31ème symphonie, le concerto pour flûte et harpe, et la symphonie concertante pour vents, entre autres)
Le premier séjour, en 1763, du Mozart enfant prodige (il a 7 ans !) a lieu dans un cadre plus somptueux, celui de l’hôtel de Beauvais, rue François Miron (4ème arrt) , alors propriété du comte Van Eyck, aujourd’hui siège de la Cour administrative d’appel de Paris.
Mais, aussi étrange que cela paraisse, je n’avais jamais trouvé d’ouvrage grand public qui évoque la présence de la musique et des musiciens dans la capitale ! Je m’en étais même étonné auprès de la Maire de Paris il y a trois ans.
Quand un Franz Liszt écrivait : « On ne saurait le nier, Paris est aujourd’hui le centre intellectuel du monde », on ne peut pas dire que Paris ait beaucoup honoré la mémoire de ces dizaines de compositeurs, français ou étrangers, qui y ont vécu, travaillé, aimé. On se rappelle la bien médiocre polémique, qui est devenue l’affaire Dutilleux, survenue lorsqu’un élu s’est avisé d’honorer la mémoire du compositeur français, disparu en 2013, après avoir vécu toute sa vie rue Saint-Louis en l’Île.
Voici qu’enfin paraît ce livre tant attendu, qui, sans prétendre à l’exhaustivité, évoque la présence d’une cinquantaine d’illustres compositeurs*, avec une belle documentation photographique et musicologique.
Vous y verrez Mozart enfant s’installant 68 rue François-Miron, Chopin causant avec Liszt au 23 rue Laffitte, Berlioz se disant plaisamment » fatigué » par les rossignols qui chantent dans son jardin de Montmartre, Debussy vivant une aventure 22 rue de Londres avec » Gaby aux yeux verts « … Sans compter des noms méconnus à tort, tels Auber, Cherubini ou Vierne. En tout, vous suivrez à la trace 50 musiciens ayant vécu à Paris et vous retrouverez, classés par arrondissement, les lieux où ils ont composé et fait jouer leurs partitions. Des photos de ces lieux, prises en exclusivité pour ce livre, et un choix de documents d’archives illustrent ici un texte vivant et précis. Chacun des 50 compositeurs est présenté au moyen d’une brève biographie et d’une liste de ses principales oeuvres. Dans ce monde peu ouvert aux femmes, celles-ci n’ont pas été oubliées. Vous découvrirez notamment Hélène de Montgeroult échappant à la guillotine grâce à son piano, Pauline Viardot régnant sur les compositeurs romantiques et Nadia Boulanger favorisant l’essor de la musique américaine du xxe siècle. Toutes et tous ont aimé Paris, s’en sont inspirés et ont contribué à son prestige artistique. Partons à leur rencontre en pensant à ce qu’écrivait Wagner (qui considérait Paris comme sa » seconde patrie » malgré les déboires qu’il y connut) : » La musique commence là où s’arréte le pouvoir des mots. » (Présentation de l’éditeur)
Il y a des mots piégés, le monde culturel en est friand. Exemple : radical, une lecture, une oeuvre, une interprétation radicale. Çà ne veut pas, plus, dire grand chose, mais ça fait bien dans la conversation et ça évite, dans un article, de préciser la teneur, le contenu de cette radicalité. Parlons de démarche originale, extrême, dérangeante, la langue française est riche !
Je viens de trouver, chez un éditeur anglais, regroupés en un coffret de 13 CD, tous les enregistrements réalisés entre 1959 et 1962, dans une superbe stéréo, par un personnage oublié, et vraiment radical, de la musique du XXème siècle, RenéLeibowitz.
J’ai assez vite abandonné, je l’avoue, la lecture des ouvrages théoriques de Leibowitz, mais je suis resté fasciné, depuis que je les ai découvertes, par les interprétations vraiment… radicales de Leibowitz chef d’orchestre.
Je ne vais pas redire ici combien la vision de Leibowitz de l’univers symphonique de Beethoven était à l’époque, et est restée cinquante ans après, radicale, neuve, passionnante. 30 ans avant Norrington, Harnoncourt ou Gardiner, il dégraisse, dépoussière, adopte les tempi indiqués par Beethoven. Il n’est pas loin d’un PierreMonteux qui à la même époque, grave à Londres et Vienne une intégrale inégale, mais d’une vigueur rythmique et d’une jubilation mélodique admirables (Monteux avait 85 ans !).
Mais, à la différence de son élève Pierre Boulez, Leibowitz n’a jamais été un grand chef d’orchestre, les oreilles attentives auront vite fait de le constater par exemple en écoutant le (Mas)Sacre du printemps, ou le finale de la IXème symphonie de Beethoven.
En revanche, on aura de quoi être surpris par l’association Leibowitz/ Offenbach ou Gounod ou Auber ou Puccini. Sans doute des commandes d’un éditeur de l’époque (le Reader’s Digest ?) avec les inévitables showpieces, ouvertures, suites etc. Tout ça ne cadre pas très bien avec le théoricien, le chantre du dodécaphonisme… Mais peut-être Leibowitz n’était-il pas aussi sérieux qu’on l’imagine ? C’est bien lui qui a écrit ceci :