Sur les basques de Ravel

C’est à croire que toute la touristerie s’est donné rendez-vous sur la côte basque coté français durant ce viaduc de l’Ascension. Biarritz inatteignable, Guéthary invisitable, et finalement non sans bouchons, l’accès à un nouveau parking de Saint-Jean de Luz peu avant qu’il affiche complet. Mais en sortant, la récompense : la vue directe sur la maison natale de Ravel de l’autre côté du port sur la commune de Ciboure (l’étrange façade flamande qui détonne au milieu des maisons en pur style basque.

La maison natale de Ravel à Ciboure sur le port de Saint-Jean-de-Luz

En rentrant je me replongerai dans les écrits de Ravel. Où il évoque sa « basquitude », ses fréquents retours au pays. J’ai trouvé ceci, un témoignage de Gustave Samazeuilh sur « les nombreux étés que nous avons passés ensemble en ce Pays Basque… Nous voisinions quotidiennement, soit dans les logis qu’il habita successivement à Ciboure ou dans la grande rue de Saint-Jean-de-Luz, soit sur ce coteau de Bordagain, où les miens et moi-même avions fixé nos pénates. Ravel aimait le vaste horizon de mer et de montagne qu’on y découvre. Il goûtait la douceur de l’air, la lumière affectueuse et vive. Que de fois sommes-nous montés en haut de la tour de l’ancienne abbaye de Bordagain pour voir se coucher le soleil ou monter la lune au zénith, quitte à prolonger ensuite notre soirée en la maison voisine aux volets rouges, dont l’isolement nous permettait de musiquer ou de deviser jusqu’à des heures fort avancées ? En descendant vers Saint-Jean-de-Luz le matin, je passais devant la maison de Ravel. Un siffle de ralliement bien connu de ses amis d’alors : le thème initial de la Seconde Symphonie de Borodine… Ravel se mettait à sa fenêtre, souvent  en pittoresque costume de bain.

D’autres fois, j’entendais son piano, je grimpais ses étages, et j’avais souvent de précieuses surprises. Une autre fois – beaucoup plus tard – je goûtais le savoureux spectacle de voir Ravel en peignoir jaune et en bonnet rouge écarlate, me jouant d’un doigt, avant d’aller prendre notre bain matinal, le thème du Boléro, et me disant : « Mme Rubinstein me demande un ballet. Ne trouvez-vous pas que ce thème a de l’insistance ? Je m’en vais essayer de le redire un bon nombre de fois sans aucun développement en graduant de mon mieux mon orchestre. » On sait avec quelle étourdissante virtuosité il sut réussir cette gageure.

D’autres jours, nous allions faire de longues promenades pédestres ou des randonnées automobiles en Béarn, sur la côte espagnole jusqu’à Santander, en Navarre, en Soule. Je me souviens, en particulier, de celle qui nous amena, par l’admirable route du col de Lesaca, de Pampelune à Estella, et retour par Roncevaux, Saint-Jean-Pied-de-Port et Mauléon. Ravel en avait rapporté le plan d’une œuvre basque pour piano et orchestre, « Saspiak bat », dont il m’a souvent parlé, et que seule la difficulté qu’il éprouva à trouver l’idée pour la pièce expressive du milieu, à laquelle il tenait particulièrement, lui fit abandonner. J’ai toujours pensé que les éléments des pièces vives, notamment de la première et la dernière : une fête sur la place de Mauléon, avaient été utilisées dans les pièces correspondantes du Premier Concerto de piano… »

Saint-Jean-de-Luz et Louis XIV

Saint-Jean-de-Luz est entrée dans la grande histoire de France pour avoir hébergé le mariage de Louis XIV avec l’infante d’Espagne, Marie-Thérèse d’Autriche le 9 juin 1660 en l’église Saint-Jean-Baptiste.

L’église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz

La maison, construite en 1643, où Louis XIV séjourna durant un mois en 1660, aujourd’hui appelée Maison Louis XIV

Donnant sur le port, la demeure où résida l’Infante d’Espagne avant son mariage avec Louis XIV.

L’attrait principal de Saint-Jean-de-Luz est bien entendu son bord de mer, qui n’est pas, comme d’autres de la côte basque, envahi par les terrasses et les échoppes.

Ce que j’ai découvert, en longeant l’élégant bâtiment de La Pergola, qui abrite le Casino, c’est que c’est l’oeuvre de l’architecte Robert Mallet-Stevens en 1927

Saint-Jean-Pied-de-Port et les pèlerins de Compostelle

Sans le savoir, j’ai emprunté les routes qu’aimait parcourir Ravel avec son ami Samazeuilh, dans ce pays basque pyrénéen si charmant. Ainsi cette halte à Saint-Jean-Pied-de-Port, où l’on a vu nombre de pèlerins en chemin vers Saint-Jacques-de-Compostelle.

La porte du Roy qui donne accès à la citadelle qui surplombe la ville.

On aurait pu emprunter le col de Roncevaux, se remémorer la Chanson de Roland, mais une manifestation apparemment sportive nous a privé de cet itinéraire. Pour s’en consoler, on peut écouter cet air extrait d’un opéra dont j’ignorais même jusqu’à l’existence avant que le Palazzetto Bru Zane ne l’exhume – Roland à Roncevaux – d’Auguste Mermet, un ouvrage de 1864.

Pablo de Pamplona

Il y a 25 ans, j’avais fait une brève escale dans la capitale de la Navarre, Pampelune, dont j’avais gardé un souvenir très particulier consigné dans mon blog : le Russe de l’orchestre

J’ai découvert en ce jour de l’Ascension – qui n’est pas férié dans la pourtant très catholique Espagne ! – une jolie ville moins spectaculaire que d’autres cités ibériques mais fière de son passé.. comme en témoignent les remparts et les fortifications largement dus à un disciple de Vauban, Verboom.

Plaza del Castillo

La cathédrale Santa Maria la Real

La Mairie de Pampelune et sa superbe façade du XVIIe siècle

Le roi des virtuoses

En dehors d’une belle avenue arborée du centre ville, je n’ai pas trouvé d’hommage tangible de sa ville natale à l’un de ses plus illustres enfants, le violoniste et compositeur Pablo de Sarasate, né le 10 mars 1844 à Pampelune et mort pas très loin, à Biarritz, le 20 septembre 1908.

C’est grâce à Pablo de Sarasate que la littérature concertante pour le violon s’est enrichie de plusieurs chefs-d’oeuvre à la fin du XIXe siècle. Rien moins que la Symphonie espagnole de Lalo, le 3e concerto pour violon, ainsi que l’Introduction et rondo capriccioso de Saint-Saëns, ou encore le 2e concerto de Wieniawski ou la Fantaisie écossaise de Bruch ! Lui-même est l’auteur de plusieurs pièces brillantes que les virtuoses du violon ont toujours à leur répertoire, que ce soit les redoutables variations sur des thèmes de Carmen de Bizet ou les Airs bohémiens.

J’ai souvent exprimé sur ce blog mon admiration pour Nathan Milstein (Le violon de mon coeur) qui a laissé une version jamais surpassée du 3e concerto de Saint-Saëns

Des Airs bohémiens de Sarasate, il y a bien sûr nombre de belles versions. Peu atteignent le charme et la virtuosité décomplexée d’un météore du violon, le fabuleux Michael Rabin (1936-1972)

Ascension

Je ne suis pas sûr qu’à part son fameux « pont », synonyme de long week-end et d’éventuels congés, l’on sache encore ce qu’est l’Ascension et le pourquoi d’un jour férié un jeudi !

Le calendrier chrétien

Rappelons donc que l’Ascension est une fête chrétienne célébrée le quarantième jour à partir de Pâques. Elle marque la dernière rencontre de Jésus avec ses disciples après sa résurrection et son élévation au ciel. Elle exprime un nouveau mode de présence du Christ, qui n’est plus visible dans le monde terrestre, mais demeure présent dans les sacrements. Elle annonce également la venue du Saint-Esprit dix jours plus tard et la formation de l’Église à l’occasion de la fête de la Pentecôte. Elle préfigure enfin pour les chrétiens la vie éternelle.

L’Ascension est un élément essentiel de la foi chrétienne : elle est mentionnée explicitement, tant dans le Symbole des apôtres que dans le Symbole de Nicée-Constantinople et donc partagée par les catholiques, les orthodoxes (l’Ascension du Seigneur est une des Douze grandes fêtes), les protestants et les fidèles des Églises antéchalcédoniennes.

Le jeudi de l’Ascension est jour férié dans plusieurs pays et célébré chaque année entre le 30 avril et le 3 juin pour le calendrier grégorien. Pour les catholiques et les protestants, en 2022, l’Ascension est le jeudi 26 mai et en 2023 elle aura lieu le 18 mai. Pour les orthodoxes, c’est respectivement le 2 juin et le 25 mai. (Source Wikipedia).

L’Ascension en musique

De manière certes moins abondante ou spectaculaire que Noël ou la période pascale, l’Ascension a inspiré les compositeurs.

On pense en premier lieu à Jean-Sébastien Bach et à sa cantate BWV 11 Lobet Gott in seinen Reichen, souvent nommée Oratorio de l’Ascension (17 mai 1735)

L’un des fils Bach, Carl Philip Emanuel (1714-1788), écrit un oratorio qui réunit deux épisodes : la Résurrection (à Pâques) et l’Ascension du Christ (1774)

Le prolifique Telemann (1681-1767) avait fait de même en 1770, quelques années avant C.P.E.Bach, sur le même livret de Karl Wilhelm Ramler.

et écrit plusieurs cantates pour ces fêtes religieuses du printemps.

Incontournable Messiaen

Au XXème siècle, le plus religieux des compositeurs français, Olivier Messiaen (1908-1992) consacre à l’Ascension deux recueils, en 1932 pour orchestre symphonique, puis en 1933 pour orgue, composés de quatre mouvements :

  1. Majesté du Christ demandant sa gloire à son Père
  2. Alleluias sereins d’une âme qui désire le Ciel
  3. Transports de joie d’une âme devant la gloire du Christ qui est la sienne
  4. Prière du Christ montant vers son Père
Deutsche Grammophon a eu la bonne idée de réunir en un coffret anniversaire (Olivier Latry vient de fêter ses 60 ans) les enregistrements de l’organiste à la tribune de Notre Dame de Paris, en particulier une intégrale de l’oeuvre d’orgue de Messiaen qui fait référence.

J’en profite pour rappeler qu’Olivier Latry est l’un des invités prestigieux de l’édition 2022 du Festival Radio France pour un récital sur les orgues de la Cathédrale Saint-Pierre de Montpellier le 20 juillet prochain, qui rendra, entre autres, hommage à César Franck à l’occasion de son bicentenaire : lefestival.eu.

Les raretés du confinement (fin)

Rappelez-vous, le (re)confinement de tous les lieux accueillant du public, c’était le 30 octobre 2020 ! Le 11 novembre je commençais une série : Les raretés du confinement, dont je n’imaginais pas qu’elle durerait six mois…

Quoi qu’il en soit, je ne regrette pas cette chronique musicale d’un confinement inédit, d’une période que nous mettrons du temps à analyser, digérer, dépasser.

Retour sur la dernière décade.

13 mai : l’Ascension de Gardiner

Une oeuvre qui s’impose en ce jour de l’Ascension : la cantate BWV 11 de Jean-Sébastien Bach « Lobet Gott in seinen Reichen » (Louez Dieu dans ses royaumes) est créée et dirigée par le compositeur le 19 mai 1735 à Leipzig pour l’office de l’Ascension.Ici dans une version exaltante de John Eliot Gardiner

Je reparlerai très bientôt du chef anglais qui bénéficie d’un somptueux coffret rééditant l’ensemble de ses enregistrements pour Deutsche Grammophon et Archiv Production (de Bach.. à Lehar !

14 mai : mes années disco

Tandis que je revenais sur les lieux de mon enfance et de ma famille paternelle (Retour aux sources) j’apprenais la disparition d’un homme de la nuit, Jean-Yves Bouvier, que j’avais bien connu pendant mes années disco. Ces quelques mois, au tournant des années 70/80, où l’on pouvait danser jusqu’au bout de la nuit sur les pistes de discothèques aujourd’hui disparues.

15 mai : il pleut sur Nantes

Visitant Nantes ce matin – où je n’étais pas revenu depuis 2015 – j’avais oublié le terrible incendie survenu il y a moins d’un an, le 18 juillet 2020, à la Cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul (L’incendie de la cathédrale de Nantes) qui, à la différence de l’incendie de Notre-Dame de Paris, a ravagé les grandes orgues Girardet de 1621.

Il pleuvait sur Nantes ce jour-là, les magasins étaient encore fermés. Et je ne pouvais empêcher l’entêtante et bouleversante chanson de BarbaraNantes – de se replacer dans une partie de ma mémoire dont elle n’est jamais partie.

16 mai : Martinon à Chicago

Un tube tellement ressassé, le Boléro de Ravel. Et pourtant on tend l’oreille, on est porté, transporté par l’extraordinaire version – trop peu connue – de Jean Martinon (lire : Martinon enfin. Jean Martinon fait briller le Chicago Symphony Orchestra de tous ses feux. Ravel plus sensuel que jamais

17 mai : encore un peu de Martinon

Après mon marché du week-end (Marché de printemps) quelques pépites ajoutées à ma discothèque ou redécouvertes, comme cette extraordinaire série d’enregistrements de Jean Martinon à Chicago.une version superlative (et quelle prise de son !) de la 2ème suite de Bacchus et Ariane de Roussel

18 mai : les sept instruments de Frank Martin

Dans la série Martinon à Chicago (lire : Marché de printemps) une vraie rareté, le concerto pour 7 instruments à vent du Suisse Frank Martin (1890-1974), et l’occasion d’entendre les fabuleux souffleurs du Chicago Symphony Orchestra

19 mai : Déconfinement`

Fin, je l’espère définitive, de cette rubrique #Confinement3 avec, en écho de mon billet matinal (lire: Déconfinement/) cette version de plein air, pleinement déconfinée, des Royal Fireworks de Haendel tirés par Hervé Niquet et son Concert spirituel (à retrouver cet été au Festival Radio France Occitanie Montpellier :www.lefestival.eu)

20 mai : Le musée a rouvert

Bonheur rare de pouvoir à nouveau déambuler en toute tranquillité dans les belles salles du Musée Fabre de Montpellier, d’y retrouver en particulier les Soulages qu’on aime tant et qui nous ont tant manqué…