Latino

De La Nouvelle-Orléans à Rio

Le duo de pianistes Ancelle-Berlinskaia avait inscrit à son programme mardi dernier (lire sur Bachtrack : Une heure exquise au musée d’Orsay) une rareté – La jota aragonese – du compositeur Louis-Moreau Gottschalk (né en 1829 à La Nouvelle Orléans, mort en 1869 à Rio de Janeiro).

La vie de Gottschalk est un roman, et si son oeuvre n’est pas impérissable, elle s’écoute avec plaisir : « Il est impossible de méconnaître une individualité très accusée dans ces compositions, où le charme de l’idée, l’élégance des harmonies se marient à des rythmes d’une allure toute particulière, d’une persistance opiniâtre ; ces langoureuses mélodies créoles, ces danses nègres d’une mesure cadencée donnaient aux compositions de Gottschalk un goût de terroir, un parfum spécial, un accent de couleur locale d’une authenticité incontestable[» (Marmontel, Les pianistes célèbres, 1878)

Quelques disques recommandables :

Une jota universelle

Sur les origines de la jota (prononcer khota !) on en apprendra beaucoup en lisant l’article de Wikipedia. Celle qui nous intéresse aujourd’hui est la jota aragonaise qui, outre Gottschalk, a inspiré un nombre assez intéressant de compositeurs du XIXe siècle : Glinka, Liszt, Saint-Saëns, Massenet.

On n’est pas très surpris que celui qu’on présente comme le père de la musique symphonique russe – Mikhaïl Glinka (1804-1857) ait été sensible à l’exotisme des espagnolades (comme le sera après lui Rimski-Korsakov avec son célèbre Capriccio espagnol). Glinka, d’un séjour de deux ans en Espagne, rapportera deux pièces d’orchestre, son Caprice brillant sur la Jota aragonese et son Souvenir d’une nuit d’été à Madrid

On sait l’amitié qui lia le grand violoniste Pablo de Sarasate au compositeur français Camille Saint-Saëns. Celui-ci, au cours d’un séjour à Madrid en 1880, compose sa propre Jota aragonese qu’il dédie à Paquita de Sarasate, la soeur de Pablo, romancière, écrivaine, dramaturge réputée.

Pour rester dans la musique française, Massenet ne sera pas avare d’emprunts à la culture espagnole. Ainsi de cette Aragonaise tirée du ballet de son opéra Le Cid.

Quant à Franz Liszt, on sait qu’il faisait son miel de toutes les inspirations possibles. Dans sa virtuosissime Rhapsodie espagnole la citation et les variations autour de la Jota aragonese sont époustouflantes surtout sous les doigts de l’un des pianistes français les plus remarquables de la jeune génération, Rodolphe Menguy (à partir de 4’56)

Du piano latino

Le chic, le charme, l’élégance c’est tout ce qu’il y a dans les pièces de piano du Cubain Ernesto Lecuona (1895-1963), que j’avais déjà évoquées il y a quelques mois à l’occasion d’une intégrale parue chez Bis

On écoute ici un compatriote de Lecuona, l’excellent Mauricio Vallina (que j’avais accueilli à Liège en 2001 lorsque Martha Argerich était venue jouer à l’Orchestre philharmonique de Liège avec son ami Armin Jordan)

Une musique qui ne pouvait que séduire le Hollywood Bowl Orchestra et son chef Carmen Dragon (lire Carmen était un homme)

Gabriela Montero fait mon admiration depuis des lustres, pour son talent de virtuose et d’improvisatrice et aussi pour son courage dans un combat qu’on a bien oublié en Europe, la résistance des Vénézuéliens à la dictature de Maduro succédant au catastrophique Chavez

Je ne connaissais pas ce Latin concerto créé à Leipzig par la pianiste elle-même et Kristjan Järvi

Carlos Guastavino (1912-2000) est sans doute le compositeur argentin le plus connu.. et le plus joué.

Du côté du Brésil, il faudrait bien plus d’un article pour évoquer la richesse musicale d’un pays-continent, mais quand on évoque le piano latino, il est impossible de faire l’impasse sur le plus grand pianiste brésilien du siècle, notre si cher Nelson Freire, et l’un de ses derniers disques

(On reconnaît ici l’un des thèmes utilisés par Darius Milhaud dans son Boeuf sur le toit!)

Et toujours humeurs et réactions sur mes brèves de blog

Kaija, Otto, Martha en juin

Kaija Saariaho (1952-2023)

Les dernières fois où un orchestre (en l’occurrence l’Orchestre de Paris) avait joué une de ses oeuvres, je ne l’avais pas vue dans le public ni pour saluer sur scène. J’ai compris pourquoi en apprenant son décès et en lisant l’excellent article que Vincent Agrech a consacré à Kaija Saariaho sur Forumopera : Kaija ou l’indiscipline des spectres. Je me suis rappelé maints souvenirs de la compositrice finlandaise qui avait élu domicile en France depuis tant d’années, comme le concert d’ouverture du Festival Présences en 2017.

Otto Klemperer (1885-1973)

Pour honorer le grand chef allemand Otto Klemperer, disparu le 5 juillet 1973, Warner publie, cinquante ans après sa mort, deux coffrets magnifiques, reprenant l’intégralité des enregistrements du chef de… 1927 à sa mort !

Premier de ces coffrets reçu ce 2 juin, l’héritage symphonique et concertant :

Première remarque, la remasterisation à partir des bandes originales, réalisée par le studio Art et Son d’Annecy, est aussi spectaculaire que réussie, même si les précédentes (ré)éditions restituaient correctement la qualité des prises de son londoniennes d’EMI.

J’ai écrit plusieurs articles sur Otto Klemperer, comme celui-ci : Klemperer ou la fausse lenteur. Parce que nous avons gardé l’image d’un géant marmoréen, atteint par la maladie, dirigeant assis.

Bien sûr on retrouvera dans ce coffret des Concertos brandebourgeois et des Suites de Bach ni faites ni à faire, en tout cas difficilement audibles aujourd’hui. On trouvera sans doute des menuets de symphonies de Mozart, Haydn ou Beethoven qui prennent tout leur temps. Mais la question chez Klemperer n’est pas la lenteur, voire la lourdeur, c’est toujours le rapport entre mouvement et architecture, et au sein d’une symphonie, le rapport entre les différents mouvements. Et puis il y a surtout l’extraordinaire tension, la ligne qu’il dessine et anime, là où tant de jeunes baguettes se contentent de battre – vite – la mesure, en croyant que cela suffit à faire une interprétation.

Faites le test, commencez l’écoute d’une symphonie, quelle qu’elle soit, et laissez-vous conduire, sans préjugé, vous irez jusqu’au bout et finirez convaincu de ce vers quoi Klemperer vous a entraîné. Et puis, je l’avais déjà indiqué dans de précédents articles (Klemperer ou la fausse lenteur), le vieux chef nous réserve quelques surprises : outre une 25ème symphonie de Mozart survitaminée, enlevée en moins de vingt minutes, des symphonies de Bruckner où il ne s’attarde pas dans les mouvements lents, des symphonies de Tchaikovski creusées, puissantes, mais écrasantes.

Le plus bel exemple de l’art souverain de Klemperer, c’est probablement la 9ème symphonie de Schubert, la justesse des rapports de tempo entre les mouvements et à l’intérieur même des mouvements (la perfection des mesures introductives, le phrasé du cor solo, un andante battu à 2/4).

Klemperer et Mahler

Il est assez étrange que, dans les discographies comparées consacrées à Mahler, on omet presque systématiquement de citer Otto Klemperer, comme d’ailleurs on oublie qu’il a été, comme Bruno Walter beaucoup plus souvent cité, sinon un disciple, au moins un ami du compositeur – qui avait recommandé le jeune chef pour le poste de directeur de l’opéra allemand de Prague.

Je tiens les quatre symphonies (2,4,7,9) et le Chant de la Terre (avec Ludwig et Wunderlich) que Klemperer a gravés parmi les piliers de toute discographie mahlérienne. La Septième est suffocante :

Le « Ruhevoll » de la 4ème symphonie me tire des larmes à chaque écoute. Et pourtant – nouvelle preuve de ce qu’on écrivait plus haut – c’est l’un des tempi les plus rapides de la discographie…

Le second coffret Klemperer est attendu à l’automne, il comprendra les opéras et oeuvres chorales et vocales.

Bon anniversaire Martha

Il y eut des moments, ces quinze dernières années, où tous ceux qui l’aiment et l’admirent craignaient pour sa carrière, et même pour sa vie. Mais Martha Argerich – 82 ans aujourd’hui – est increvable, tombée qu’elle est, toute petite, dans le chaudron de l’éternelle jeunesse. Rares sont les interprètes qui ont écrit leur légende de leur vivant. Elle en fait partie. Lire Les printemps de Martha A.

Diapason d’Or pour ce disque, où l’on retrouve la pianiste argentine dans des concertos qu’elle joue depuis toujours et a maintes fois enregistrés, et où sa virtuosité naturelle, cette « patte » si caractéristique sur le clavier, sont comme densifiés par l’expérience. Plus rien à prouver, juste l’essence de la musique.

Barenboim #80 : complexité, perplexité, admiration

À un homme malade, sérieusement malade selon ses propres déclarations, on doit d’abord adresser des vœux de meilleure santé, avant même de fêter son quatre-vingtième anniversaire.

Daniel Barenboim est né le 15 novembre 1942 à Buenos Aires, un an après sa compatriote Martha Argerich.

Le titre de ce billet reflète ce que l’on peut penser d’une personnalité de tout premier plan, un premier plan que Barenboim n’a pas toujours occupé ni conquis par ses seules qualités musicales.

Comme l’écrit Sylvain Fort sur Forumopera : « Le New York Times, dans un long article intitulé « Illness puts maestro on pause » rappelle l’ampleur de l’empire Barenboim. Son absence se fait d’autant plus cruellement sentir qu’il préside aux destinées de la Staatskapelle de Berlin, de l’orchestre du Divan, de la Staatsoper de Berlin – autant de formations pour lesquelles à travers le temps il a obtenu de généreuses subventions et des concours privés considérables. A la lecture de cet article, l’on comprend que Daniel Barenboim, s’il indique lui-même avoir vécu par ou pour la musique, aura aussi joué un rôle politique considérable dans l’univers culturel au sens large. »

Argentinian-born Israeli conductor Daniel Barenboim is pictured as he conducts the Vienna Philharmonic Orchestra during the New Year concert on January 1, 2009 in Vienna. AFP PHOTO/DIETER NAGL (Photo by DIETER NAGL / AFP)

Mais soyons clair: l’admiration l’emporte de loin sur la critique. Ne serait-ce que sur ce blog, les occurrences « Barenboim » se comptent par dizaines. Et ce n’est pas parce que, le 1er janvier dernier, il n’était plus que l’ombre de lui-même – un concert de Nouvel an crépusculaire – que ses derniers disques chez Deutsche Grammophon n’ajoutent vraiment rien à sa gloire (voir Le difficile art de la critique), qu’on doit oublier tout ce que le pianiste et chef d’orchestre nous a donné.

Je renvoie aux deux articles que j’avais consacrés à Daniel Barenboim… il y a cinq ans : Barenboim 75 ou l’artiste prolifique, Barenboim 75 première salve. Rien à changer dans mes choix de discophile, ni dans mes souvenirs de jeunesse. Les concertos et les sonates de Mozart, les concertos de Beethoven, les symphonies de Franck et Saint-Saëns, la 4ème symphonie de Bruckner, ce sont mes premiers disques… avec Barenboim.

Pour terminer sur un message heureux en lien avec la ville où Daniel Barenboim s’est établi depuis des lustres, j’avais aussi découvert par hasard – un CD trouvé dans un magasin d’occasions en Allemagne – l’équivalent à Berlin de la Marche de Radetzky à Vienne, le Berliner Luft du bien trop méconnu compositeur berlinois Paul Lincke… grâce à Daniel Barenboim, qui, au lieu de courir la poste comme nombre de ses confrères, adopte le tempo giusto d’une marche, dansée, chantée et sifflée.

Ici une vidéo que je ne connaissais pas, la fin d’un concert la Saint-Sylvestre 1997, dans la grande salle de la Staatsoper.

Saint-Saëns #100 : bouquet final

L’Orchestre national de France et son chef Cristian Măcelaru – ainsi que le Choeur de Radio France – ont bien fait les choses pour commémorer le centenaire de la mort de Camille Saint-Saëns : ce soir à 20h à l’auditorium de Radio France, en direct sur France Musique, ils donnent du très connu – la Troisième symphonie avec orgue – Olivier Latry étant à la console des grandes orgues de l’auditorium – et de l’inconnu, le Requiem, composé en huit jours à Berne , dédié à un généreux donateur, Albert Libon, et créé le 22 mai 1878 à l’église Saint-Sulpice de Paris.

Pour notre part, nous allons clore ici une série commencée en septembre dernier (Saint-Saëns #100) avec quelques pépites discographiques (qui s’ajoutent à toutes celles qu’on a dénombrées dans les articles précédents !)

Avec ou sans S ?

Mais d’abord une interrogation musicologique et linguistique de la plus haute importance : faut-il ou non prononcer le « s » final du nom Saint-Saëns ? Aujourd’hui tout le monde prononce « sens », et pas « cent ». Pourtant le propre père de Camille tenait, semble-t-il, à ce qu’on ne prononçât point cette finale. À cause de l’histoire !

La très jolie petite ville normande de Saint-Saëns, aujourd’hui située en Seine-Maritime, doit son nom au moine irlandais Saen (en gaélique ancien, il correspond au prénom « Jean ») qui, vers l’an 675, fonda un monastère sur les rives de la Varenne, en lisière de la forêt d’Eawy, d’où naquit le bourg qui porte depuis son nom. Le « S » final est une adjonction récente apparue au XVIIème siècle. Et malgré ladite adjonction, jusqu’au XIXème siècle, on a continué de dire « cent », et non « sens ».

Le Carnaval de Karl B.

Pour être inattendue, cette version n’en est pas moins ma préférée, et Dieu sait s’il y a d’excellentes versions du Carnaval des animaux.

Oui Karl Böhm lui-même n’a pas craint d’enregistrer avec l’Orchestre philharmonique de Vienne, la version de référence de cette plaisanterie musicale, de même qu’un fantastique Pierre et le Loup de Prokofiev.

Le récitant de la version française est Jean Richard.

Dans la monumentale réédition des enregistrements symphoniques de Karl Böhm chez Deutsche Grammophon, on a laissé deux versions, en anglais, et en allemand – c’est le fils du chef d’orchestre, l’acteur Karlheinz Böhm (1928-2014), qui en est le récitant. Mais pas de version française, ou, ce qui eût été infiniment préférable, SANS récitant !

Du violoncelle à la trompette

J’ai encore un souvenir merveilleux de ma rencontre avec le trompettiste russe prodige Sergei Nakariakov – 44 ans aujourd’hui ! -. J’avais ses disques, je savais qu’il était fabuleusement doué, mais je ne l’avais jamais entendu en concert jusqu’à ces jours d’août 2008 où il avait été pressenti par les organisateurs locaux de la tournée de l’Orchestre philharmonique royal de Liège en Amérique du Sud. Il devait jouer une fois à Rio de Janeiro, une autre fois à Rosario, la troisième ville d’Argentine au nord-ouest de Buenos Aires. Nous fîmes route ensemble de Buenos Aires à Rosario – où il devait jouer le concerto pour trompette de Hummel, un grand classique – mais Sergei ne me parla que musique contemporaine, création, nouveaux répertoires. C’est au cours de ce trajet qu’il me fit entendre un extrait d’une oeuvre nouvelle, à lui dédiée, Ad Absurdum de Jörg Widmann. Je décidai de la programmer dès que possible à Liège, j’en parlai à François-Xavier Roth qui devait prendre la direction musicale de l’orchestre à l’automne 2009, et Nakariakov offrit aux publics de Liège et Bruxelles une version… soufflante de ce petit chef-d’oeuvre du surdoué Jörg Widmann.

Mais Sergei me parla aussi beaucoup de ses transcriptions d’oeuvres, de concertos écrits pour d’autres instruments. Dans le coffret anthologie publié par Warner (lire L’indispensable anthologie), il y a une version aussi réussie qu’inattendue du 1er concerto pour violoncelle de Saint-Saëns, mais aussi joué à la trompette !

Transcriptions

Le grand pianiste américain Earl Wild (1915-2010), outre ses dons de virtuose, était un transcripteur forcené. C’est à lui qu’on doit par exemple cette version pour le piano du poème symphonique Le Rouet d’Omphale de Saint-Saëns

J’en profite pour signaler une version peu connue du très connu Deuxième concerto pour piano due à Earl Wild :

Valses

Etonnamment, le virtuose qu’était Saint-Saëns a relativement peu écrit pour le piano solo, et pas de pièces d’importance. Il est d’autant plus émouvant de le retrouver jouant sa Valse mignonne, filmé par Sacha Guitry en 1914 (Saint-Saëns avait encore de sacrés doigts sept ans avant sa mort !)

Bertrand Chamayou donne la référence moderne de la Valse nonchalante

Une valse gaie ? La voici sous les doigts de François-René Duchâble (un enregistrement qu’on a retrouvé avec bonheur dans l’anthologie Warner)

Les raretés du confinement (VII) : Cziffra, Brel, la fièvre de Lehar, le Chopin d’Askenase, le Boeuf sur le toit etc.

22 janvier 2021 : Romances latino

Warner avait publié un beau coffret récapitulatif des quinze années (2002-2016) que Martha Argerich a passées, chaque été, à Lugano : Martha Live

Une véritable malle aux trésors où le connu (le coeur de répertoire de la pianiste argentine) côtoie beaucoup d’inconnu. Ainsi ces délicieuses romances de Carlos Guastavino (1912-2000), un des compatriotes de Martha Argerich.

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Des romances jouées à Lugano par Martha Argerich et le pianiste cubain Mauricio Vallina (présent sur la photo ci-dessus prise à Liège en novembre 2001, avec Armin Jordan)

21 janvier 2021 : Le Chopin de mon enfance

Souvenir d’enfance, le premier disque Chopin vu à la maison, le cliché absolu de la musique classique. Mais un pianiste dont je n’ai jamais oublié le nom : Stefan Askenase naît polonais le 10 juillet 1896 à Lemberg/Lvov/Lviv, meurt belge à Cologne le 18 octobre 1985. Son Chopin semble venir en droite ligne du compositeur lui-même. Il a pour moi un parfum d’éternité

20 janvier 2021 : La bannière étoilée

Jour de fête aux Etats-Unis, le 46ème président, Joe Biden, est officiellement installé, la première vice-présidente de l’histoire de la démocratie amércaine, Kamala Harris, a prêté serment : Inauguration

L’hymne national américain The Star-Spangled Banner a été cité par Puccini (dans Madame Butterfly) , revu par Stravinsky (et Jimi Hendrix), et transcrit pour piano par Rachmaninov lui-même en 1918.

19 janvier 2021 : des chansons de négresses

Poursuivant sur ma lancée, illustrative de l’activité du Groupe des Six (lire Groupe de Six), je livre cette absolue rareté dans l’oeuvre surabondante de Darius Milhaud et dans la discographie de l’interprète.Un cycle de mélodies bien peu « politiquement correct », intitulé : Trois Chansons de négresse, sur des poèmes de Jules Supervielle, créé en 1936. Ici l’immense Brigitte Fassbaender en public, accompagnée par Irvin Gage.

18 janvier 2021 : la valse de Nelson et Martha

Je ne me lasse jamais d’entendre Martha Argerich (lire La reine dans ses oeuvres), de surprendre comme ici sa fabuleuse complicité avec son ami de toujours Nelson Freire. La Valse de Ravel a-t-elle jamais été plus sensuelle ?

17 janvier 2021 : un violon sur le toit

Comme promis hier, je tire de ma discothèque un disque devenu rare, enregistré en 1980 pour Philips, où Riccardo Chailly (27 ans à l’époque) accompagne Gidon Kremer (32 ans) dans un programme aussi rare d’oeuvres pour violon et orchestre, dont la version du Boeuf sur le Toit (1920) de Darius Milhaud, pour violon et orchestre.Ici une vidéo contemporaine de l’enregistrement, une captation en public avec le chef russe Woldemar Nelsson (1938-2006) passé à l’Ouest en 1976.

16 janvier 2021 : le Boeuf sur le toit

La neige, le couvre-feu à l’heure où le soleil d’hiver se couche me donnent une furieuse envie d’Amérique du Sud, celle que Darius Milhaud (1892-1974) a rapportée dans sa musique après son séjour au Brésil comme secrétaire de Paul Claudel, ambassadeur de France à Rio de Janeiro.Il compose plusieurs versions de son célèbre Boeuf sur le toit (1920), une version pour violon et orchestre (Cinéma-fantaisie) que je diffuserai demain, et puis la version purement orchestrale, la plus connue. Comment résister au swing de Leonard Bernstein dirigeant, en 1976, l’ Orchestre national de France ?

15 janvier 2021 : le cadeau du père

En 1957, Dmitri Chostakovitch écrit son 2ème concerto pour piano pour le 19ème anniversaire de son fils Maxim, qui le crée pour ses examens au Conservatoire de Moscou. Le mouvement lent est romantique en diable. Ici Leonard Bernstein dirige du piano l’Orchestre philharmonique de New York (1962)

14 janvier 2021 : les flots du Danube

Quand le tube du concert viennois de Nouvel an – Le beau Danube bleu – est confié au piano, à l’orgue ou à l’accordéon (lire Le Danube en blanc et noir/) ça donne quelques merveilles, comme cette captation en concert de l’époustouflant Mikhail Pletnev

13 janvier 2021 : la Nuit transfigurée

Zubin Mehta a tellement enregistré que, dans le flot des reparutions (lire: Felix et Zubin), on néglige de s’attarder à ce qui ne paraît pas a priori comme son coeur de répertoire. Et on a tort ! La preuve cet unique enregistrement de studio de la Nuit transfigurée (Verklärte Nacht) de Schoenberg, réalisé avec le Los Angeles Philharmonic en 1976.

12 janvier 2021 : loin de la Veuve joyeuse

Le 9 janvier, j’évoquais l’un des tubes de l’auteur comblé de La Veuve joyeuse, Franz Lehar (1870-1948), la valse L’Or et l’argent, et son interprète d’élection, Rudolf Kempe (lire L’Or et l’Argent ). Ce nouveau disque de mon cher Ed Gardner met en lumière un aspect beaucoup moins connu de l’oeuvre de Lehar, un cycle de mélodies avec orchestre écrit durant la Première Guerre mondiale, dont le titre est explicite : Aus eiserner Zeit. La cinquième de ces mélodies est intitulée Fieber (Fièvre) et écrite pour ténor. On est loin des viennoiseries légères, beaucoup plus près de Schoenberg, Korngold ou Zemlinsky. Un disque à paraître début février.

11 janvier 2021 : Hollywood en 12 CD

En 12 CD, un fabuleux voyage dans les studios de Hollywood grâce aux musiques de Korngold, Newman, Herrmann, Steiner, Waxman, Tiomkin, sous la houlette d’un exceptionnel producteur, et chef d’orchestre, Charles Gerhardt. A découvrir ici : Monsieur Cinéma

10 janvier 2021 : Liszt, Brel, Cziffra

J’ai eu la chance de voir une fois dans ma vie, à Poitiers, Cziffra en récital. Je n’ai jamais compris comment il parvenait à cette pyrotechnie digitale qui était autant musique que démonstration de virtuosité. Singulièrement dans le piano de Liszt.Ici dans la 6ème Rhapsodie hongroise de Liszt. Le thème qu’on entend à 2’12 a été emprunté par Jacques Brel dans sa célèbre chanson « Ne me quitte pas » (… » je t’offrirai des perles de pluie »…)

Barenboim 75 ou l’artiste prolifique

Daniel Barenboim fête aujourd’hui son 75ème anniversaire ! On ne sait que lui souhaiter qu’il n’ait déjà eu ou vécu. Une carrière incroyable, à nulle autre comparable. Pianiste prodige, il embrasse dès ses jeunes années tout ce que la musique peut lui offrir, l’opéra, la musique de chambre, le répertoire symphonique, la pédagogie, de Bach à Boulez. Impossible de décrire en quelques lignes cette trajectoire unique, alliée à une intelligence exceptionnelle qui le conduit à prendre des positions courageuses dans les conflits qui agitent le siècle.

La boulimie, la prolixité ont leur revers. Dans une production considérable de concerts, de représentations et de disques, il est inévitable que l’exceptionnel côtoie le médiocre ou l’inachevé.

Comme on l’écrivait dans Barenboim 75 première salve, la discographie du pianiste-chef est trop abondante et inégale pour ne pas plonger le discophile dans l’embarras. Que choisir ? que retenir d’un aussi généreux parcours ?

Mon choix vaut ce qu’il vaut, guidé sans doute par mes découvertes de jeunesse, et par l’expérience d’un passé tout récent.

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La meilleure des trois intégrales gravées par Barenboim des concertos de Mozart, dans les années 60 et 70.

A la même époque, c’est l’entente parfaite, juvénile, avec Jacqueline du Pré et Pinchas Zukermandans des sonates et trios de Beethoven qui sont une référence.

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Le pianiste Barenboim a beaucoup enregistré, sans laisser de versions incontestées. Parfois à contre-emploi (lire Le difficile art de la critique). C’est peut-être là où on ne l’attend pas qu’il se révèle à son meilleur.

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Dans le répertoire symphonique, outre les curiosités qui figurent dans le coffret Sony (voir Barenboim 75 première salve), on ne retiendra ni des Beethoven, ni des Brahms lorgnant du côté de Furtwängler sans y atteindre, mais des réussites répétées par exemple dans Schumann (deux intégrales avec Chicago et Berlin) et Bruckner (trois intégrales avec Chicago, le philharmonique de Berlin… et la Staatskapelle de la même ville!)

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https://www.youtube.com/watch?v=pLgxmKRIMXc

Samedi cinéma

Petite session de rattrapage ce week-end côté cinéma.

Un hommage un peu tardif, vendredi soir, sur France 3 à Michèle MorganRecyclage habile d’interviews, de magazines déjà souvent diffusés, mais revus avec plaisir. En revanche, malgré la touche (et les tics) Lelouchje trouve que Le Chat et la souris a mal vieilli.

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Entre deux averses de neige, cap ce samedi après-midi sur un petit complexe associatif multi-salles qui propose toujours une belle programmation. Pour voir Nerudale film du Chilien Pablo Larrainauteur par ailleurs du très attendu Jackie qui sort en France le 1er février (lire la critique des Inrocks).

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Comme l’a souligné la critique, le film ne ressortit pas vraiment au genre du biopicni hagiographie d’un grand personnage, le poète communiste Pablo Neruda, ni documentaire critique sur une personnalité complexe. Un récit parfois sinueux, à double entrée, somptueusement filmé, des images et des paysages à couper le souffle, d’excellents acteurs pour incarner notamment Neruda, sa compagne, et le petit flic qui le poursuit.

Et une bande-son absolument admirable qui comblera les plus exigeants des spectateurs mélomanes (due au jeune compositeur argentin Federico Jusidpar ses nombreux emprunts à Grieg, Penderecki, Gavin Bryars, Charles Ives et Mendelssohn.

Un film à voir absolument.

Je me promets – mais y arriverai-je ? – de me replonger dans Canto General le grand oeuvre de Neruda.

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Suite de cette cure de rattrapage cinématographique, cette fois près d’un feu de cheminée. L’embarras du choix devant un coffret de DVD très soigneusement réédités de la première période de Costa Gavras :

91xetzceq5l-_sl1500_Choix vite fait puisque je n’avais encore jamais regardé le tout premier film du cinéaste d’origine grecque Compartiment tueurs

Distribution éblouissante, la fine fleur de tout ce que le cinéma français de l’époque comptait de stars confirmées et de débutants prometteurs – et à ma connaissance le seul film où sont réunis le mari (Montand), la mère (Signoret) et la fille (Catherine Allégret). Un premier film haletant, hitchcockien par certains plans, une authentique série noire.

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La reine dans ses oeuvres

Quand on la voit sur scène, à son piano, on a peine à imaginer qu’elle a tourné les trois quarts de siècle en juin dernier (Martha A.). En classant des photos l’autre jour, je suis tombé sur celles-ci, prises en novembre 2001 à Liège, lorsque Martha Argerich avait répondu à mon invitation pour deux concerts dirigés par Armin Jordan.

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(Sur ces photos, prises au bord de la Meuse dans ce qui était le restaurant L’Héliport on aperçoit, outre Armin Jordan et Martha Argerich, le pianiste Mauricio Vallina et le chef d’orchestre Louis Langrée, alors directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Liège).

EuroArts sort un coffret de 7 DVD pour célébrer les 75 ans de la reine Martha.

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La compilation est plutôt bien faite et le minutage généreux (et le prix très raisonnable !). On retrouve le singulier documentaire, Bloody Daughter réalisé par la benjamine des filles de Martha Argerich, Stéphanie, dont le père est le pianiste américain Stephen KovacevichAinsi que le film de Georges Gachot Evening Talks, contemporain des concerts liégeois de la pianiste argentine (on y voit d’ailleurs le même jeune pianiste cubain Mauricio Vallinaqui vaut surtout pour les extraits de répétitions du concerto de Schumann.

Beaucoup d’échos de concerts récents, à Verbier, à Buenos Aires. Et deux archives tout simplement époustouflantes : le 1er concerto de Tchaikovski capté à Preston (une ville du Lancashire au nord de Liverpool) – ah la robe très seventies de Carnaby street !! – et le 3ème concerto de Prokofiev donné, la même année (1977), à Croydon. La performance de la pianiste dépasse l’entendement, l’extrême virtuosité des deux oeuvres est comme transcendée par un jeu qui semble ignorer toutes les difficultés techniques sans l’ombre d’un effort apparent. Proprement hallucinant !

En revanche, le texte de présentation aurait pu d’abord être mieux rédigé (un recopiage de la notice Wikipedia !), et surtout relu et corrigé dans ses traductions allemande et française. Le Concours international de Genève (Geneva Competition), devient ainsi soit Genua, soit Gênes.

Un généreux coffret pour tous les amoureux de la reine Martha !