Les raretés de l’été (V) : Béatrice Uria-Monzon et Montpellier

Un triste hasard a voulu qu’on apprenne le décès, à 61 ans, de la cantatrice Béatrice Uria-Monzon le jour de la clôture de la 40e édition du Festival Radio France Occitanie Montpellier. Et que le titre de cette rubrique porte particulièrement bien son nom, puisqu’il rend un double hommage à l’artiste disparue et à un festival qui l’accueillit jadis pour ce qui a longtemps fait son originalité absolue – la recréation d’un opéra oublié.

C’est en effet en 2006 que le Festival, alors animé par son fondateur René Koering (à qui j’eus l’honneur et le bonheur de succéder de 2014 à 2022), recréa, avec une distribution de grand luxe, l’opéra mal-aimé de LaloFiesque – qui fut en effet un fiasco. Béatrice Uria-Monzon y chantait aux côtés de Roberto Alagna.

Ils se retrouveront deux ans plus tard à Orange pour une Carmen restée dans toutes les mémoires, que France 4 rediffuse ce mardi 22 juillet.

Si, heureusement, l’inoubliable Carmen qu’a été Béatrice Uria-Monzon sur toutes les scènes du monde a été largement documentée, on ne peut que regretter la rareté de la présence discographique de la chanteuse. Heureusement que des chefs comme les fidèles Jean-Claude Casadesus et Michel Plasson l’ont invitée pour les raretés que sont les cantates de Berlioz ou Ravel, ou l’oratorio Rédemption de César Franck.

Les plus chanceux peuvent essayer de trouver la seule Carmen au disque de Béatrice Uria Monzon, dirigée par Alain Lombard.

Rendez-vous, en tout cas, ce mardi 22 juillet pour une soirée bienvenue d’hommage à une belle personnalité sur France 4

Montpellier

« Depuis 2023, le Festival de Radio France Occitanie Montpellier présente un visage différent. La programmation demeure de grande qualité, les concerts du soir au Corum en constituent toujours la colonne vertébrale, mais le choix des œuvres paraît moins aventureux. Le souvenir de soirées montpelliéraines durant lesquelles nous découvrîmes de véritables raretés, qui justifiaient le déplacement, même de loin, et contribuaient à sa réputation, reste bien présent, non sans nostalgie » (Sébastien Foucart, ConcertoNet, 17 juillet 2025).

Je ne me livrerai pas – je m’y suis toujours refusé dans toutes les fonctions que j’ai occupées – à des comparaisons oiseuses, à des regrets aigris (« c’était mieux avant »!). Le Festival Radio France n’est plus en 2025 ce qu’il était à sa création en 1985. Il a failli, plus d’une fois, perdre l’un de ses piliers fondateurs, Radio France. Aujourd’hui le service public est plus présent que jamais, avec les moyens dont il dispose et qui sont chaque année plus « contraints » – pour reprendre le terme consacré par l’administration de l’Etat. De cela on doit se réjouir.

Mais pour reprendre la dernière décennie, il est vrai, comme le note Sébastien Foucart, qu’on est venu au festival, parfois de très loin, pour des résurrections d’ouvrages rares (17 opéras de 2015 à 2022) parmi lesquels Fantasio d’Offenbach (2015) avec Marianne Crébassa, Iris de Mascagni (2016) et Siberia de Giordano (2017) avec Sonya Yoncheva, Kassya de Delibes (2018) avec Véronique Gens, l’immense Fervaal de d’Indy (2019) avec Michael Spyres et en 2022 la version originale d’Hamlet pour ténor avec John Osborn et l’inoubliable Ophélie de la si regrettée Jodie Devos.

Le projet d’édition discographique de Fervaal n’ayant pas abouti, on peut heureusement retrouver l’écho de sa diffusion sur France Musique sur YouTube

Heureusement en effet, France Musique conserve une mine de trésors captés au Festival depuis 1985 (il y a eu beaucoup de rediffusions cet été). Pourquoi pas une chaîne thématique numérique de plus avec ces formidables archives ? Suggestion à Laurent Frisch et Marc Voinchet !

C’était le premier concert de « ma » programmation, le 10 juillet 2015

Avec un chef que je suis très heureux d’avoir invité plusieurs fois à Montpellier, Domingo Hindoyan, qui fait aujourd’hui l’une des plus intéressantes carrières qui soient, à Liverpool d’abord, et bientôt à l’opéra de Los Angeles. Je découvre dans le tout dernier numéro de BBC Music Magazine, un article dont le ton et le titre sont sans équivoque : Tchaikovsky 6 with passion and power

Et toujours mes humeurs et réactions à l’actualité sur mes brèves de blog

Crème fouettée

Les opéras de Smetana

Connaissez-vous Frédéric Triplecrème ? Je vous en ai parlé en début d’année, et j’ai oublié depuis de célébrer le bicentenaire de sa naissance, le 8 mars 1824. Il s’agit bien sûr du Tchèque Bedřich Smetana, au prénom imprononçable (voir Comment prononcer les noms de musiciens ?), Bedřich étant la variante tchèque de Frédéric, et Smetana étant le nom usuel en Europe centrale d’une spécialité laitière qui ressemble beaucoup à notre crème fraîche, en plus épais !

On ne peut pas dire que le bicentenaire du compositeur tchèque ait suscité une vague de publications discographiques. On est d’autant plus reconnaissant à Supraphon d’avoir regroupé, dans un coffret très soigné, l’intégrale des opéras de Smetana (présentation complète sur le site de l’éditeur : Smetana l’intégrale des opéras)

On recommande ce site pour l’achat de ce coffret à petit prix.

Pour beaucoup d’entre nous, ce coffret est largement terra incognita. Si La Fiancée vendue est un tube dans tous les théâtres d’Allemagne et d’Europe centrale, elle est si rare en France qu’elle n’a fait son entrée au répertoire de l’Opéra de Paris… qu’en 2008 (lire sur Forumopera). Certes on joue plus souvent l’ouverture et quelques pièces d’orchestre spectaculaires.

Dans ce coffret, c’est la version idiomatique de Zdeněk Košler, l’un des grands chefs tchèques du XXe siècle (on lui consacrera bientôt un billet)

Pour tout le reste, il faut se laisser emporter par le flot d’une musique d’un romantisme exacerbé, la langue tchèque n’étant pas plus un obstacle à la compréhension que ne l’est le russe dans les opéras de Moussorgski ou Tchaikovski !

On recommande l’écoute dans l’ordre chronologique, et on aura une très belle surprise avec le premier ouvrage lyrique de Smetana, Les Brandebourgeois de Bohême :

Crème fouettée parisienne

Il y a plusieurs mois, fouillant dans le rayon classique de Gibert Joseph, boulevard St Michel à Paris, j’entendais une version en français de La Chauve souris que je ne connaissais pas. Je demandai à la vendeuse si je pouvais acheter le CD d’occasion qu’elle était en train de diffuser. Elle refusa de me le céder en raison de son mauvais état, mais j’avais oublié qu’elle avait pris mes coordonnées lorsque je reçus il y a quelques jours un appel m’informant que ma commande était prête…. Quelle surprise de découvrir ce double CD et ses interprètes ! Surprise accrue en lisant un remarquable texte de présentation (Strauss, de Vienne à Paris) signé de l’ami Benoît Duteurtre (lire Le dernier étonnement de Benoît Duteurtre).

Contrairement à ce qui est indiqué, les larges extraits de La Chauve-Souris et du Baron Tzigane sont dans une excellente stéréo, Valses de Vienne ayant été enregistrées en mono en 1956.

C’est le cas de dire qu’on entend ici la crème des chanteurs français du tournant des années 50/60, ainsi que deux chefs dont j’ignorais ces enregistrements et qu’on n’attendait pas forcément dans ce répertoire.

Franck Pourcel (1913-2000) c’est une sorte de précurseur d’André Rieu, dans mon souvenir les grands classiques joués comme de la variété. Ici il n’a absolument rien à envier aux maîtres de l’opérette viennoise. Sa Chauve-Souris est un pur régal.

Quant à Alain Lombard, il traite cette opérette avec une profondeur (trop ?) qu’on n’imaginait pas. Et quel cast ! Janine Micheau compose une bohémienne (Czipra, ou Saffi en français) grand luxe.

Et pour le plaisir Mado Robin… comme à Vienne !