Comme promis (lire Couronnement), et puisque c’est tout de même une spécialité typiquement britannique – nulle part ailleurs les cérémonies, mariages, obsèques, couronnements, ne revêtent un tel faste musical – je reviens sur les musiques jouées avant et pendant le couronnement de Charles III à Westminster ce 6 mai.

Je ne sais pas ce que les téléspectateurs français en ont vu et entendu, j’ai cru lire ici et là que les commentateurs faisaient bien peu de cas de la musique, quand ils ne se trompaient pas lourdement sur les interprètes (Bryn Terfel présenté comme le plus célèbre « ténor gallois’ !). Sur les chaînes britanniques, BBC ou ITV, rien de tel sauf à brièvement expliquer ce qui se passait, mais sans avoir besoin de faire du remplissage bavard.
En attendant le roi
En prélude à la cérémonie, c’est l’octogénaire John Eliot Gardiner qui officiait avec son Monteverdi Choir and Orchestra :
- Bach: ‘Magnificat anima mea’ extrait du Magnificat BWV 243
- Bach: ‘Ehre sei dir, Gott, gesungen’ extrait de l’ Oratorio de Noël
- Bach: ‘Singet dem Herrn ein neues Lied » extrait de la Cantate BWV 190
- Bruckner: ‘Ecce sacerdos magnus«
Puis l’un des organistes de Westminster, Matthew Joryses, joue l’Alla breve BWV 589 de Bach
Pour la cérémonie elle-même, c’est une formation de circonstance – le Coronation Orchestra – composée de musiciens de plusieurs orchestres londoniens, le Philharmonia, le Royal Philharmonic et Covent Garden notamment, sous la houlette d’Antonio Pappano, qui prend le relais. Avec, en ouverture, l’une des douze pièces commandées par le roi Charles à des compositeurs contemporains, ‘Brighter Visions Shine Afar » de la compositrice Judith Weir (1954), première femme à avoir été nommée Maître de Musique.. de la reine en 2016.
Suivent un extrait des célèbres Planètes – Jupiter – de Gustav Holst puis un intermède symphonique avec harpe (celtique) obligée : un chant populaire gallois arrangé par Karl Jenkins, Tros y Garreg’ (‘Crossing the Stone’), avec la harpiste Alis Huws et l’orchestre du Couronnement toujours dirigé par Antonio Pappano
C’est alors que la délicieuse Pretty Yende (Sud-Africaine de naissance) chante une nouvelle oeuvre de la compositrice anglaise Sarah Class : Sacred Fire. Comme on l’entend, rien de vraiment révolutionnaire dans ces « créations » de circonstance !
Vont suivre deux célèbres pièces d’orchestre typiquement « British », d’abord Crown Imperial de William Walton, écrite pour le couronnement de George VI en 1937, et le tube de Ralph Vaughan Williams, sa Fantasia on Greensleeves
L’orchestre entamera ensuite un triptyque ‘Be Thou my Vision » dû à trois compositeurs irlandais Nigel Hess, Roderick Williams, Shirley J Thompson.
La pièce d’orgue de Iain Farrington ‘Voices of the World » – l’une des douze commandes – reflète les rythmes, les couleurs de plusieurs pays du Commonwealth.
C’est à Patrick Doyle, compositeur plutôt spécialisé dans le cinéma, le théâtre ou la télévision, qu’on doit la King Charles III Coronation March
Avant que le couple royal ne fasse son entrée dans Westminster, le Coronation Orchestra et Antonio Pappano auront encore le temps de jouer :
- Purcell: Trumpet Tune arr. John Rutter (solistes Jason Edward et Matthew Williams)
- Haendel: Arrival of the Queen of Sheba, extrait de Solomon
- Haendel: ‘Oh, had I Jubal’s lyre’ extrait de Joshua (soloist: Pretty Yende)
- Haendel: ‘Care selve’ extrait de Atalanta (avec Pretty Yende)
- Elgar: Nimrod arr. Farrington
Et l’organiste Peter Holder jouera encore :
- Harris: Flourish for an Occasion
- Vaughan Williams: Prelude on ‘Rhosymedre’ (inspiré d’un chant populaire gallois)
Pendant le couronnement
Durant la cérémonie du couronnement elle-même, c’est l’ensemble choral formé de plusieurs ensembles londoniens (Westminster, St James, Chapel Royal…) qui va intervenir, a capella, ou avec l’orchestre, en commençant par l’hymne d’Hubert Parry « I was glad »
En visitant le lendemain la crypte de la cathédrale St Paul (qui est un peu à Londres ce qu’est le Panthéon à Paris, à la grande différence près que les offices religieux s’y déroulent toujours), j’ai pu voir la tombe du compositeur, bien trop méconnu en France.

Le baryton (et non le « ténor » annoncé par les chaînes françaises) gallois Bryn Terfel entame ensuite le Kyrie du couronnement tout exprès composé, en langue galloise – une première pour un office à Westminster – par Paul Mealor .
Le choeur enchaînera avec deux pièces de William Byrd : ‘Prevent Us, O Lord’ et le Gloria de sa Messe à quatre voix
Suit l’Alleluia ,un gospel de Debbie Wiseman
Après le Veni Creator Spiritus attribué à Maurus, c’est au moment de l’onction du nouveau roi, le très attendu Zadok the Priest, l’un des célèbres Coronation Anthems composés par Haendel pour le couronnement de George II en 1727.
Un ensemble grec chante ensuite un psaume byzantin, puis, très étrangement, retentit la fanfare… des Wiener Philharmoniker, arrangée par Paul Mealor !
Puis du compositeur de la Renaissance Thomas Weelkes : ‘O Lord, grant the king a long life’ (Psalm 61), tandis qu’après que Camilla a été couronnée, c’est ‘Make a Joyful Noise’ du célèbre auteur de comédies musicales, Andrew Lloyd-Webber qui résonne dans la nef de Westminster
C’est ensuite un traditionnel des grands offices religieux qui est entonné : Purcell: Christ is made the sure Foundation
Le Sanctus est l »‘oeuvre de Roxana Panufnik, fille du compositeur d’origine polonaise Andrzej Panufnik (1914-1991) qui a longtemps vécu à Londres, où il est inhumé.
L’Agnus Dei est le fruit d’une commande à l’Anglo-Américain Tarik O’Regan..
Après l’hymne ‘Praise, my soul, the King of Heaven« , c’est de William Boyce, ‘The King shall rejoice’ » composé pour le couronnement de George III en 1761.
Autre couronnement plus récent, celui d’Elizabeth en 1953, et le Te Deum que William Walton composa pour l’occasion
Et bien sûr la cérémonie se conclut par un God Save the King repris par la famille royale et tous les invités
Pour accompagner la sortie du couple royal, on entendra successivement joués :
- Elgar: Pomp and Circumstance March No.4
- Parry: March The Birds