Crise du disque ? crise du classique ? pas pour le piano semble-t-il.
Quelques pépites repérées dans les dernières sorties, des pianistes, des amis que j’admire depuis longtemps.
Benjamin et Chopin
Faut-il que je redise ici tout le bien que j’entends, pense et écris de Benjamin Grosvenor ? Le pianiste anglais, qui fête ses 30 ans le 8 juillet, revient à Montpellier les 28 et 29 juillet, dans le cadre du #FestivalRF22, jouer les 3ème et 4ème concertos de Beethoven (il est recommandé de réserver au plus vite : lefestival.eu) avec ses complices du Scottish Chamber Orchestra.
J’ai profité du week-end dernier pour écouter un disque remarqué évidemment dès sa sortie il y a un an, dont je remettais l’écoute à des moments plus favorables. Et, comme toujours, avec ce diable d’artiste, le choc. Ces deux concertos de Chopin qu’on croit connaître par coeur, sous les doigts de Rubinstein, Clara Haskil (pour le second), Martha Argerich, et tant d’autres illustres, je les ai redécouverts avec Benjamin Grosvenor.

Foin d’un romantisme de jeune fille phtisique, du piano puissant, charnel, éloquent, virtuose mais une liberté souveraine dans le choix des tempi, des phrasés, un nuancier sans limite, une jeunesse enivrante.
Et puis la découverte, pour moi, d’une jeune cheffe d’orchestre chinoise, Elim Chan, qui ne se contente pas du service minimum, loin de là, pour accompagner son génial soliste.
Cédric et Ravel
Gramophone en a fait son « disque du mois » de juin. Alain Lompech ne tarit pas d’éloges sur les réseaux sociaux. C’est le dernier disque de Cédric Tiberghien et de François-Xavier Roth (je n’oublie pas la présence de Stéphane Degout, j’y reviendrai plus loin) :

Ceci dit, le Pleyel joué par Cédric Tiberghien est une merveille et joué par lui une splendeur dont bénéficient les mélodies qu’il accompagne de façon magistrale, et je pèse mes mots, à Stéphane Degout qui chante d’une façon directe, sans apprêt, d’une façon qui vise juste en chaque mot, chaque accent…
Les deux concertos se hissent tout en haut de mon panthéon en raison de la façon si précise, si fulgurante parfois dont Thibergien les joue, en raison aussi de la sensibilité sans la moindre sollicitation dont il fait preuve: le deuxième mouvement du concerto en sol est à couper le souffle tant il sait le tenir en apesanteur, comme sa joie conquérante dans le finale et son allant si swinguant dans le premier mouvement. Le même pianiste réussit le Concerto de la main gauche au-delà de toute espérance, car il n’est pas si fréquent que le même pianiste réussisse les deux de façon également convaincante. Tiberghien joue dents serrées, taille dans le vif du clavier et chante sa cadence finale admirablement sur un piano qui tient le choc et rend les textures plus transparentes… François Xavier Roth et les Siècles sont vraiment exemplaires : la saveur des couleurs des instruments d’hier et le caractère précis, analytique et inspiré de la direction apportent vraiment beaucoup à ces deux oeuvres… (Alain Lompech sur Facebook, 27 juin 2022).
L’une des merveilles de ce disque est la présence de plusieurs mélodies de Ravel, où l’on retrouve Stéphane Degout et Cédric Tiberghien.
J’en profite pour rappeler que Stéphane Degout est l’un des invités de choix du prochain Festival Radio France (lefestival.eu), d’abord parce qu’il donne le 25 juillet le cycle La Belle Maguelone de Brahms, quasiment sur les lieux mêmes de la légende (lire La légende de la belle Maguelone) mais aussi parce qu’il anime une Masterclass les 26,27 et 28 juillet.
Eric et Mozart
L’ami et compagnon de tant d’aventures Eric Le Sage se lance au disque dans Mozart.
Une surprise ? Pas pour ceux qui suivent le pianiste français depuis longtemps (souvenir personnel d’un concerto de Mozart avec Armin Jordan à Liège !) Celui qui a été unanimement reconnu, et souvent récompensé, pour ses Schumann, Poulenc en solo, ses Fauré et Brahms en musique de chambre, trouve pour ces deux concertos un partenaire de choix en la personne de François Leleux et de son orchestre suédois.
Je n’ai pas encore pu entendre tout le disque – le mouvement lent du 24ème sur Idagio – et ce matin une partie du 17ème concerto sur France Musique (à réécouter ici). J’aime l’allégresse, le mouvement allant, voire très allant, qu’adoptent Eric Le Sage et François Leleux. Et la grande et belle allure de ce Mozart franco-suédois.
