Emmanuel Macron en avait fait un thème de sa campagne : l’ouverture des bibliothèques publiques le soir et le dimanche. Une idée pas très « moderne », à rebours de l’air du temps tout numérique.
Le président de la République l’a redit l’autre jour aux Mureaux. Erik Orsenna conclut son rapport Voyage au pays des bibliothèques ainsi :
« Faisons un rêve. Il était une fois un pays de lecteurs […] où chacun, chacune, dispose d’un lieu, pas loin de chez lui, de chez elle […] où il, où elle puisse se rendre pour découvrir et se découvrir, apprendre, imaginer, échanger, voyager. Ce pays, c’est le nôtre, c’est la France. Il dépend de nous qu’il existe. »
Moi je me rappelle, enfant, dans mon quartier excentré de Poitiers, le plaisir que j’éprouvais à aller chaque jeudi au bibliobus qui stationnait à quelques centaines de mètres de notre maison, plein de cette odeur irremplaçable des livres usagés, lus et relus. J’emportais toujours deux livres (c’était le maximum autorisé), des romans, de l’histoire, parfois des BD, je ne lisais pas tout, mais j’ai découvert le bonheur de lire, et appris le goût de la lecture.
Quand je vois la passion de mes petits-enfants (5 et 3 ans) pour l’objet livre – alors qu’ils sont environnés comme tous les gosses de leur âge de tablettes et autres objets connectés – qu’à chaque fois que je les vois, ils aiment feuilleter, lire, et m’entendre leur raconter précisément les histoires de ces livres, je pense que la cause de la lecture non seulement n’est pas perdue ni obsolète, mais plus noble et nécessaire que jamais.
Conseils de lecture du jour :
(Un indispensable ce bouquin de Laurent Nunez : lire Petites phrases)
Ce recueil inédit réunit plus de 150 lettres d’écrivains et de monarques, de simples soldats et d’anonymes, d’hommes et de femmes, parmi les plus belles de la langue française. Classées en sept parties (« Lettres d’amour », « Lettres de rupture », « Lettres politiques », « Lettres sur la mort », « Lettres de guerre », « Lettres d’artistes », « Lettres d’injures »), elles ont été écrites entre le XVe et le XXIe siècle.
On y trouvera des extraits des plus fameuses correspondances, comme celles d’Henri IV à Gabrielle d’Estrées, de George Sand à Musset, de Chateaubriand à Mme de Récamier, de Baudelaire à sa mère, d’Apollinaire à Lou ou encore de Verlaine à Rimbaud. Mais aussi des lettres d’artistes et d’écrivains rarement reproduites, La Rochefoucauld, La Fontaine, Poussin, Degas, Van Gogh, Cézanne… Lettres d’enthousiasme, lettres de rage, lettres nobles, lettres comiques, lettres insolentes, tous les types de missives se retrouvent dans ce Cahier rouge inédit. Celle où Racine tient tête à ses parents qui veulent lui faire arrêter le théâtre, par exemple, ou celle où Maurice Ravel s’insurge, pendant la Première Guerre mondiale, contre l’interdiction de jouer de la musique allemande. Lettres émouvantes aussi : Mme de Sévigné appréhende sa mort ; Voltaire, effrayé par sa laideur en vieillissant, interdit à Pigalle de sculpter son visage ; Lucile Desmoulins, la veille de son exécution, clame son innocence à sa mère.
Caustiques, mordantes, ironiques, enflammées, tendres, perspicaces, spirituelles, ces lettres nous feront-elles avoir des regrets quand nous enverrons des SMS ?