Après un week-end plutôt agité (La réponse de la musique), on s’attendait à un début de semaine plus serein. C’était sans compter avec un…camion. Sans rapport avec celui qui a fait la macabre actualité du 14 juillet. Mais chargé d’une cargaison indispensable.
Tous les musiciens étaient pourtant présents dès les premières heures de ce lundi : Martin Grubinger père et fils, AlexGeorgiev, trois percussionnistes de haut vol, ainsi que Ferhan et Ferzan Önder, les pianistes jumelles turques.
Mais tout le dispositif considérable de percussions nécessaire au concert du soir ? Pas arrivé à Montpellier. La raison ? le patron de l’entreprise de transport qui devait convoyer les instruments de Vienne à Montpellier avait décalé d’un jour le départ de ses chauffeurs, sans prévenir personne. Le camion, à la mi-journée, était encore dans les environs de Gênes en Italie. Il fallut donc envisager toutes les hypothèses, dont celle de ne pas jouer les oeuvres (en création française) de Tan Dun (Tears of Nature) et de Fazil Say (Gezi Park I). On passe sur les sentiments des uns et des autres… Dans ce genre de situations, indispensable de garder son sang-froid et de réduire le stress ambiant !
Et pour compliquer la donne, France Musique et d’autres radios de l’UER diffusaient le concert en direct. D’où balance son préalable !
Bref, le fameux camion finit par accoster au Corum à 18h30, soit 90 minutes avant le début du concert. Nos trois percussionnistes, aidés d’une armada impressionnante de techniciens, avaient achevé de disposer leurs instruments à 19h15, vingt minutes de répétition et de balance son du Tan Dun.
Mais impossible de répéter l’oeuvre de Fazil Say et de prendre le risque de la diffuser en direct. France Musique devrait la proposer en podcast. Le public nombreux de Montpellier a, lui, été envoûté par la puissance évocatrice de la pièce du pianiste/compositeur turc qui relate la répression qui s’était abattue sur de paisibles manifestants dans Gezi Park à Istanbul en 2013. Trois ans plus tard, le faux coup d’Etat manigancé par Erdogan résonnait tragiquement à nos oreilles.
Bref, jusqu’à la dernière minute, tous ont essayé de sauver l’essentiel de ce concert-fleuve, même si la Sonate de Bartok pour deux pianos et percussions, annoncée dans les programmes, a dû passer à la trappe.
Et sans doute à cause de l’extrême tension de la journée, la soirée fut de celles qui s’inscrivent dans la mémoire des mélomanes et d’un festival.
(Ferhan et Ferzan Önder, Alex Georgiev, Martin Grubinger junior et senior)
Entre deux démonstrations de virtuosité, l’ensemble Canticum Novum nous avait ramenés aux sources de la musique ottomane des XVIème et XVIIème siècles…L’actualité nous rattrapait aussi au dîner qui suivit le concert. Tandis que les trois percussionnistes rempaquetaient tout le matériel, les deux soeurs pianistes profitèrent de la douceur de la nuit montpelliéraine pour reprendre des forces. Ferzan me racontait qu’elle et son mari (Martin Grubinger) hébergeaient depuis plusieurs mois dans leur maison des environs de Vienne, un réfugié syrien, qui s’était parfaitement intégré, était devenu en peu de temps un fameux cuisinier, mais demeurait séparé de sa femme et de ses enfants qui étaient toujours bloqués en Turquie. Cet homme charmant, devenu un ami du couple, ne convenant pas à la femme de ménage (autrichienne) de Ferzan, celle-ci refuse de le voir, de nettoyer sa chambre et ses affaires, parce que « vous comprenez Madame, mon mari est au chômage et je ne vois pas pourquoi on accueille des étrangers qui nous coûtent cher »…. C’est bien l’Autriche en effet qui a failli élire un président de la République d’extrême droite il y a quelques semaines…