L’hymne britannique figurait évidemment en première place des musiques jouées pour le couronnement de Charles III (lire Coronation Music), pour la plupart composées spécialement pour l’occasion
Une légende versaillaise
J’ai longtemps cru et propagé ce qui semble n’être qu’une légende : l’hymne britannique serait d’origine française, un motet composé par Lully pour saluer le « sauvetage » de Louis XIV opéré d’une fistule anale. La réalité semble un peu plus complexe, et peut-être moins scabreuse comme l’a démontré l’excellent Jean Lebrun dans un podcast (Le Vif de l’histoire), à lire et/ou écouter ici.
Avant sa mort en 1727, le roi George Ier signe l’acte de naturalisation d’un compositeur allemand né en 1685 à Halle, installé depuis 1712 en Grande-Bretagne, George Frideric Haendel. C’est donc à un compositeur anglais qu’on doit les quatre hymnes écrits pour le couronnement, le 11 octobre 1727, du roi George II et de la reine Caroline, les fameux Coronation Anthems, et en particulier le plus spectaculaire d’entre eux, Zadok the Priest :
« Zadok, the Priest, and Nathan, the Prophet, anointed Solomon King;and all the people rejoic’d, and said:God save the King, long live the King, may the King live for ever!Amen! Alleluja!«
La construction musicale de cette pièce reste toujours aussi impressionnante : ce lent crescendo sur un tapis de cordes en ‘arpèges qui semble venir de loin, comme une procession qui s’annonce, et qui débouche sur une explosion jubilatoire du choeur, j’en éprouve des frissons à chaque écoute, et bien sûr en situation comme à Westminster le 6 mai.
La version qui m’a fait découvrir ces quatre Anthems est celle de Neville Marriner et son Academy of St Martin in the Fields.
William le royal
On ne va pas ici de nouveau se lamenter sur l’ignorance dans laquelle on tient, sur le continent, la musique anglaise du XXème siècle (un festival – lire Festival d’inconnus – est loin d’avoir suffi à corriger cette désastreuse situation). Qui, chez nous, en dehors peut-être de deux ou trois oeuvres, connaît la personnalité originale, singulière de William Walton (1901-1983) ?
Walton a été sollicité à deux reprises, pour les couronnements de George VI en 1937 – Crown Imperial March -et d’Elizabeth en 1953 – Orb and Sceptre
Mais il faut bien sûr écouter, découvrir, une oeuvre protéiforme, souvent audacieuse, non conformiste, qui se distingue de ses contemporains Vaughan Williams ou Britten par exemple.
Dans l’excellente série British Composers de Warner (ex-EMI), on retient deux coffrets passionnants :
André Previn fut un ardent promoteur de la Première symphonie (1932)
Pomp and Circumstance
Tout le monde connaît la première des cinq marches intitulées Pomp and Circumstance d’Edward Elgar, qui, sur des paroles d’Arthur Christopher Benson devient Land of Hope and Glory pour le couronnement en 1902 d’Edouard VII qui, comme Charles, mais un peu moins longtemps que lui, aura attendu 60 ans pour succéder à sa mère la reine Victoria.
Lors du couronnement de Charles III, c’est la quatrième de ces marches qui fut jouée pour la sortie du cortège royal.
Parry dans l’ombre
I was gladle 6 mai c’était lui : Hubert Parry (1848-1918), Jerusalem, cet incontournable de chaque Last night of the Prom’s, c’est encore lui.
Hubert Parry est inhumé dans la crypte de la cathédrale St Paul de Londres.
Hubert Parry c’est un peu le chainon manquant entre Purcell, Haendel et le XXème siècle anglais. Pas le génie d’un Elgar ou d’un Vaughan Williams, mais une oeuvre chorale et symphonique qui mérite l’écoute et qu’a si bien illustrée Adrian Boult.
C’était annoncé depuis l’été (lire Igor Markevitch et la zarzuela), attendu avec impatience. Deux coffrets reprenant les disques gravés par Igor Markevitch (1912-1983) pour Philips et pour Deutsche Grammophon.
C’est peu dire qu’on est comblé par le travail, une fois de plus remarquable, que le responsable de la collection Eloquence, Cyrus Meher-Homji a effectué d’abord pour rassembler l’intégralité des enregistrements réalisés par le chef d’origine russe pour le label hollandais Philips, et restaurer (« remasteriser » dit-on maintenant) les bandes d’origine, le plus spectaculaire étant la véritable résurrection des captations moscovites de 1962 (cf.ci-dessous)
Le « nettoyage » des bandes a aussi pour effet secondaire de rendre plus audibles les sonorités parfois crues de certaines phalanges – on a tant perdu l’habitude des saveurs parfois acidulées des bois français dans l’orchestre Lamoureux du début des années 60 ! – et, pour ce qui est des troupes espagnoles, chanteurs et orchestre, de défauts d’intonation et de justesse qui ne doivent pas cependant nous faire regretter de disposer enfin de ce patrimoine inattendu de la part de Markevitch.
CD 1 FRANZ JOSEPH HAYDN (1732–1809) 1–4 Symphony No. 103 in E flat major, H.I:103 ‘Drum Roll’* 5–8 Symphony No. 104 in D major, H.I:104 ‘London’* Orchestre des Concerts Lamoureux
CARL MARIA VON WEBER (1786–1826) 9 Preciosa – Overture, Op. 78, J.279 Orquesta Sinfónica de la RTV Española
*FIRST INTERNATIONAL CD RELEASE ON DECCA
CD 2 WOLFGANG AMADEUS MOZART (1756–1791) 1–3 Piano Concerto No. 20 in D minor, KV 466 4–6 Piano Concerto No. 24 in C minor, KV 491 Clara Haskil, piano Orchestre des Concerts Lamoureux
CD 3 LUDWIG VAN BEETHOVEN (1770–1827) 1–4 Symphony No. 1 in C major, Op. 21* 5–8 Symphony No. 5 in C minor, Op. 67* 9–12 Symphony No. 8 in F major, Op. 93* Orchestre des Concerts Lamoureux *FIRST INTERNATIONAL CD RELEASE ON DECCA
CD 4 LUDWIG VAN BEETHOVEN (1770–1827) 1–4 Symphony No. 9 in D minor, Op. 125 ‘Choral’* Hilde Gueden, soprano Aafje Heynis, contralto Fritz Uhl, tenor Heinz Rehfuss, baritone Oratorienchor Karlsruhe Orchestre des Concerts Lamoureux
*FIRST INTERNATIONAL CD RELEASE ON DECCA
CD 5 LUDWIG VAN BEETHOVEN (1770–1827) 1–3 Piano Concerto No. 3 in C minor, Op. 37 FRÉDÉRIC CHOPIN (1810–1849) 4–6 Piano Concerto No. 2 in F minor, Op. 21 Clara Haskil, piano Orchestre des Concerts Lamoureux
CD 6 ALBAN BERG (1885–1935) 1–2 Violin Concerto ‘To the Memory of an Angel’ Arthur Grumiaux, violin Concertgebouworkest
ZOLTÁN KODÁLY (1882–1967) 5 Psalmus Hungaricus, Op. 13 Irina Arkhipova, contralto (Alto Rhapsody) Róbert Ilosfalvy, tenor (Psalmus Hungaricus) Russian State Academy Choir USSR State Symphony Orchestra
CD 7 GEORGES BIZET (1838–1875) 1–5 Carmen – Suite No. 1 6–10 Carmen – Suite No. 2 11–14 L’Arlésienne – Suite No. 1 15–17 L’Arlésienne – Suite No. 2 Orchestre des Concerts Lamoureux
CD 8 PYOTR ILYICH TCHAIKOVSKY (1840–1893) 1–4 Symphony No. 1 in G minor, Op. 13, TH.24 ‘Winter Daydreams’ 5–8 Symphony No. 2 in C minor, Op. 17, TH.25 ‘Little Russian’ London Symphony Orchestra
CD 9 PYOTR ILYICH TCHAIKOVSKY (1840–1893) 1–5 Symphony No. 3 in D major, Op. 29, TH.26 ‘Polish’ London Symphony Orchestra 6 Francesca da Rimini, Op. 32, TH.46 New Philharmonia Orchestra
CD 10 PYOTR ILYICH TCHAIKOVSKY (1840–1893) 1–4 Symphony No. 4 in F minor, Op. 36, TH.27 5 Hamlet, Op. 67 London Symphony Orchestra New Philharmonia Orchestra
CD 11 PYOTR ILYICH TCHAIKOVSKY (1840–1893) 1–4 Symphony No. 5 in E minor, Op. 64, TH.29 London Symphony Orchestra
CD 12 PYOTR ILYICH TCHAIKOVSKY (1840–1893) 1–4 Symphony No. 6 in B minor, Op. 74, TH.30 ‘Pathétique’ London Symphony Orchestra
CD 13 PYOTR ILYICH TCHAIKOVSKY (1840–1893) 1–4 Manfred Symphony, Op. 58, TH.28 London Symphony Orchestra
CD 14 NIKOLAI RIMSKY-KORSAKOV (1844–1908) 1–5 Capriccio Espagnol, Op. 34 6–9 Scheherazade, Op. 35 Erich Gruenberg, soloviolin London Symphony Orchestra
NIKOLAI RIMSKY-KORSAKOV (1844–1908) 2 Russian Easter Festival, Overture, Op. 36
ALEXANDER BORODIN (1833–1887) 3 Polovtsian Dances (from Prince Igor) Netherlands Radio Chorus (Borodin) Concertgebouworkest
CD 16 IGOR STRAVINSKY (1882–1971) 1–10 Apollon musagète (1947 version) 11–14 Suite No. 1 for Small Orchestra 15–18 Suite No. 2 for Small Orchestra 19–22 Four Norwegian Moods 23 Circus Polka for a Young Elephant London Symphony Orchestra
CD 17 IGOR STRAVINSKY (1882–1971) 1–24 L’Histoire du Soldat Jean Cocteau, Jean-Marie Fertey, Peter Ustinov, narrators Manoug Parikian, violin Joachim Gut, double bass Ulysse Delécluse, clarinet · Henri Helaerts, bassoon Maurice André, trumpet · Roland Schnorkh, trombone Charles Peschier, percussion
25–27 Symphonie de Psaumes Boys’ and Male Voices of the Russian State Academic Choir Russian State Academy Orchestra
CD 18 MODEST MUSSORGSKY (1839–1881) Orch. Markevitch 1 Cradle Song 2 The Magpie 3 Night 4 Where art thou, little star? 5 The Ragamuffin 6 On The Dnieper Galina Vishnevskaya, soprano
NIKOLAI TCHEREPNIN (1873–1945) 7–13 Tàti-Tàti* Olga Rostropovich, piano
LEOPOLD MOZART (1719–1787) 14–16 Toy Symphony (Cassation in G major for Orchestra and Toys)°
GEORGES BIZET (1838–1875) 17–21 Jeux d’enfants – Petite Suite, Op. 22° Children’s Ensemble of the Moscow School of Music (Toy Symphony) USSR State Symphony Orchestra
*FIRST CD RELEASE ON DECCA °FIRST INTERNATIONAL CD RELEASE ON DECCA
CD 19 GIUSEPPE VERDI (1813–1901) 1 La forza del destino – Sinfonia 2 Macbeth – Ballet Music (Act III) 3 La traviata – Prelude (Act I) 4 Luisa Miller – Overture 5 Aida – Overture 6 Giovanna d’Arco – Overture 7 La traviata – Prelude (Act III) 8 I vespri siciliani – Overture New Philharmonia Orchestra
Messa da Requiem* beginning 9–10 Requiem et Kyrie
CD 20 GIUSEPPE VERDI (1813–1901) 1–19 Messa da Requiem* conclusion Galina Vishnevskaya, soprano Nina Isakova, mezzo-soprano Vladimir Ivanovsky, tenor Ivan Petrov, bass Russian State Academy Choir Moscow Philharmonic Orchestra
*FIRST STEREO CD RELEASE ON CD
CD 21 FEDERICO MOMPOU (1893–1987) 1–8 Los Improperios Peter Christoph Runge, baritone Orquesta Sinfónica y Coros de la RTV Española Alberto Blancafort, chorus master
TOMÁS LUIS DE VICTORIA (c. 1548–1611) 9 Ave Maria 10 Vexilla regis Escolania de nuestra Señora del Buen Retiro César Sanchez, Maestro de la Escolanía Coro de la RTV Española Alberto Blancafort, chorus master
PADRE JAIME FERRER (1762–1824) 11–16 Lamentación 1a Ángeles Chamorro, soprano Norma Lerer, contralto Julian Molina, tenor Orquesta Sinfónica y Coros de la RTV Española
CD 22 TOMÁS LUIS DE VICTORIA (c. 1548–1611) 1–8 Magnificat primi toni Coro de la RTV Española Alberto Blancafort, chorus master
ÓSCAR ESPLÁ Y TRIAY (1886–1976) 9–12 De Profundis Ángeles Chamorro, soprano Ines Rivadeneyra, mezzo-soprano Carlo del Monte, tenor Antonio Blancas, baritone Orquesta Sinfónica y Coros de la RTV Española Alberto Blancafort, chorus master
ERNESTO HALFFTER (1905–1989) 13 Canticum in P.P. Johannem XXIII*
IGNACIO RAMONEDA (1735–1781) 14 Veni Creator* Ángeles Chamorro, soprano Antonio Blancas, baritone Orquesta Sinfónica y Coros de la RTV Española Alberto Blancafort, chorus master
*FIRST CD RELEASE ON DECCA
CD 23 MANUEL DE FALLA (1876–1946) 1–7 Siete Canciones populares españolas* Orchestrated by Igor Markevitch
ISAAC ALBÉNIZ (1860–1909) 8 Catalonia°
ERNESTO HALFFTER (1905–1989) 9 Fanfare (a la memoria de Enrique Granados)*
ENRIQUE GRANADOS (1867–1916) 10 Spanish Dance, Op. 37 No. 9 ‘Romantica’° 11 Spanish Dance, Op. 37 No. 4 ‘Villanesca’° 12 Intermezzo (from Goyescas)° 13 Zapateado (from Six Pieces on Spanish Folksongs)° 14 Spanish Dance, Op. 37 No. 8 ‘Asturiana’° Ángeles Chamorro, soprano (Falla) Orquesta Sinfónica de la RTV Española
*FIRST CD RELEASE ON DECCA °FIRST INTERNATIONAL CD RELEASE ON DECCA
CD 24 MANUEL DE FALLA (1876–1946) 1–3 Noches en los jardines de España Clara Haskil, piano Orchestre des Concerts Lamoureux
4–16 El amor brujo
EMMANUEL CHABRIER (1841–1894) 17 España – rapsodie pour orchestre
MAURICE RAVEL (1875–1937) 18 Boléro Ines Rivadeneyra, contralto (El amor brujo) Orquesta Sinfónica de la RTV Española
CD 25 ANTOLOGIA DE LA ZARZUELA* GERÓNIMO GIMÉNEZ (1854–1923) 1–3 La Tempranica (excerpts)
GERÓNIMO GIMÉNEZ (1854–1923) 6 El baile de Luis Alonso: Intermedio
VICENTELLEÓ BALBASTRE (1870–1922) 7 La corte de Faraón: Son las mujeres de Babilonia – ¡Ay ba!
PABLOLUNA (1879–1942) 8–10 El Niño Judio (excerpts)
TOMÁSBRETÓN (1850–1923) 11–13 La Verbena de la Paloma (excerpts) Ángeles Chamorro, Alicia de la Victoria, sopranos · Norma Lerer, contralto Angel Custodio, Gregorio Gil, Carlo del Monte, tenors Rafael Enderis, baritone Julio Catania, Jesus Coiras, José Granados, Antonio Lagar, José Le Matt, basses Coro y Orquesta Sinfónica de la RTV Española Alberto Blancafort, chorus master
CD 26 MANUEL PENELLA (1880–1939) 1 El Gato Montés: Pasadoble
FRANCISCOALONSO (1887–1948) 2 La Calesera: Dice el Rey que le debe guardar
RUPERTO CHAPÍ Y LORENTE (1851–1909) 3–4 La Revoltosa (excerpts)
FEDERICO CHUECA (1846–1908) 5 Agua, Azucarillos y Aguardiente: Vivimos en la Ronda de Embajadores
GERÓNIMO GIMÉNEZ (1854–1923) 6 La Tempranica: Zapateado 7 La boda de Luis Alonso: Intermedio
RUPERTO CHAPÍ Y LORENTE (1851–1909) 8 El tambor de Granaderos: Preludio
FRANCISCO ASENJOBARBIERI (1823–1894) 9–11 El barberillo de Lavapiés (excerpts)
RUPERTO CHAPI Y LORENTE (1851–1909) 12 El Rey que Rabio: Coro de doctores
MANUEL FERNANDEZ-CABALLERO (1835–1906) 14 Gigantes y Cabezudos: Jota Ángeles Chamorro, Alicia de la Victoria, sopranos · Norma Lerer, contralto Carlo del Monte, José Antonio Viñe, tenors · Antonio Lagar, bass Orquesta Sinfónica y Coros de la RTV Española Alberto Blancafort, chorus master
IGOR MARKEVITCH *FIRST COMPLETE RELEASE ON CD OF ‘ANTOLOGIA DE LA ZARZUELA’
STEREO RECORDINGS
On attend maintenant avec autant d’impatience le coffret Eloquence Deutsche Grammophon !
Un souvenir direct de l’homme et de l’oeuvre qui lui a assuré une renommée internationale : la première suisse, au Victoria Hall de Genève, en 1993, de son Requiem polonais.
Penderecki dirigeait lui-même les forces instrumentales et chorales d’une oeuvre monumentale née dans les premières révoltes de Solidarność
Les spécialistes diront mieux que moi l’importance de la figure de Penderecki dans la musique du XXème siècle. Le Polonais s’est toujours tenu à l’écart des écoles et des dogmes, même s’il a suivi un parcours finalement assez classique : anti-conformiste, voire extrême, dans sa jeunesse, devenu quasiment « officiel » une fois la reconnaissance internationale venue, pour finir comme un monument historique.
Le critique musical Renaud Machart en dresse un juste portrait ce matin sur Twitter :
Mort du compositeur polonais Krzysztof Penderecki, 86 ans, dont la musique a largement dépassé le cadre de la musique contemporaine savante. Son opéra Les Diables de Loudun (1968) et celui de Bernd Alois Zimmermann, Die Soldaten (1965), étaient les deux références hérissées et hérissantes de l’avant-garde des années soixante. Sa musique aura beaucoup été utilisée au cinéma, notamment par Friedkin (L’Exorciste) et Kubrick (Shining)…Le goût de #Penderecki pour le monumental frelaté me fâchait souvent, comme dans ce papier après un concert à New York, en 1998 :
« Durant les années 60 et 70, Penderecki était connu pour son écriture d’avant-garde extrêmement agressive, caractérisée par l’usage de masses sonores en forme de clusters. Agé de soixante-cinq ans, il a considérablement arrondi sa manière, reste, certes, un adepte du genre noble et glorieux, des machines à grand spectacle, mais pratique une écriture consensuellement atonalo-modalo-tonale.
Les Sept Portes de Jérusalem, oeuvre commandée par la ville de Jérusalem pour sa célébration « Jérusalem-3000 ans », furent créées en janvier 1997 par Lorin Maazel. Kurt Masur reprend l’ouvrage à la tête de l’Orchestre philharmonique de New York. Il dirige Les Sept Portes fermement et assez rudement. Les trois choeurs répartis en face de lui et sur les balcons des deux côtés de la salle, l’orchestre principal et les formations instrumentales satellisées répondent précisément à sa battue.
De toute évidence, il connaît la partition (d’une durée d’une heure environ). Elle s’offre d’ailleurs à la compréhension du premier venu tant ses ficelles sont grosses : pédales harmoniques, jeux de chromatisme, effets rythmiques (solos de basses d’archet, déflagrations spatialisées de percussions), emphases référentielles (un solo de trombone qui semble rappeler celui du plus célèbre des requiem, ponctuant un long et pompeux récit parlé en hébreu). Le larcin est copieux : souvenirs des Carmina Burana de Carl Orff mâtinés de lambeaux de Stravinsky volés dans la Symphonie de psaumes ou dans OEdipus Rex, un soupçon du Poulenc du Gloria, un peu d’Arvo Pärt planant et néo-médiéval, deux ou trois ensembles de solistes dans le genre du Requiem de Verdi ou de la Missa solemnis de Beethoven, etc.
On peut qualifier cela d’« oeuvre de synthèse », si l’on n’a rien contre la musique de seconde zone pour films dans le goût péplum. Pour notre part, l’air conditionné de l’Avery Fisher Hall n’a pas suffi à masquer la redoutable odeur de renfermé de ce que nous pouvons, au mieux, considérer comme un salmis musical oecuménique et fin de siècle. (Renaud MachartLe Monde, 23 juillet 1998)
Je voudrais conseiller à ceux qui ne sont pas familiers de l’oeuvre du compositeur disparu – ou qui n’ont suivi que de loin son évolution artistique (ce qui est mon cas), ce double CD qui donne un bon aperçu de ses premières étapes créatrices.
Clin d’oeil à l’ami Emmanuel Pahud qui a enregistré le concerto pour flûte (1992) de Penderecki dans ce disque tout récemment paru.
Etant peu versé dans les têtes couronnées et très peu assidu aux Secrets d’histoire et autres portraits royaux dont Stéphane Bern s’est fait une spécialité, j’avais certes noté que l’hôtel que j’avais réservé dans cette petite station balnéaire de la Mer Noire était tout proche du Palais de la Reine Marie, mais j’ignorais tout de cette reine et de sa résidence de bord de mer… Et ce n’est pas grâce à un guide du Routard plus lacunaire et imprécis que jamais que je m’en serais débrouillé.
Une matinée nuageuse et ventée – la première depuis le début de ces vacances – et ce fut l’occasion de combler mes lacunes sur les royautés des Balkans et de découvrir, entourant sur huit hectares ce palais d’été, l’un des plus beaux jardins botaniques d’Europe.
Je suis désormais incollable sur cette reine Marie de Roumanie(1875-1938) petite-fille de la reine Victoriapar son père et du tsar Alexandre IIpar sa mère. Lorsque son mari Ferdinandaccède au trône de Roumanie en 1914, la princesse britannique devient reine consort. C’est au lendemain de la première Guerre mondiale, que Marie jette son dévolu sur Baltchik/Balčik, un petit port au pied de falaises de craie et entreprend d’y édifier un vaste ensemble de jardins et de petites maisons.
C’est une reine écolo avant la lettre puisque l’électricité et le chauffage sont produits par une station alimentée par deux sources.
La villa de la reine Marie est de style ottoman, le minaret étant purement décoratif, et d’une simplicité extrême quant à son aménagement intérieur.
Si l’on en croit certaines sources, la reine Marie a été très liée à la danseuse et chorégraphe Loïe Fuller.
Plusieurs autres villas ont été construites dans l’enceinte du »Palais », accueillant les hôtes ou les membres de la famille.
Le jardin botanique s’enorgueillit d’héberger la plus belle collection de cactées au monde.
Mais inutile de jouer au jeu des superlatifs, le lieu est beau, harmonieux, sans tape-à-l’oeil.
Une modeste chapelle, et dans tous les jardins, plusieurs signes rappellent que Marie de Roumanie n’était pas une dévote au sens habituel du terme, une femme que révoltait l’injustice, mais qui tenait son rang quoi qu’il advienne
Et pour les amateurs de destins extraordinaires, le récit de sa propre vie par Marie de Roumanie est à lire, si l’on en juge par la critique enthousiaste qu’en fit Virginia Woolfà sa sortie.