Longueur d’ondes

Aujourd’hui prend fin le festival Présences organisé par Radio France, une 32ème édition en grande part consacrée à l’un des compositeurs français les plus originaux, Tristan Murail, né en 1947. Je n’ai malheureusement pas pu y prendre part.

J’ai déjà dit et écrit ici combien il fallait faire litière des craintes que peuvent inspirer les termes de « musique contemporaine« , et rappelé quelques-uns de mes souvenirs de ce festival Présences. J’avais ouvert l’édition 2015 aux côtés de son fondateur, Claude Samuel, disparu en 2020 (lire mon hommage).

La maison de la radio et de la musique consacre à Claude Samuel une belle exposition, presque frustrante quand on sait la quantité et la qualité des documents que l’ancien directeur de la musique avait accumulés au fil des années, une incroyable mémoire vive de la seconde moitié du XXème siècle.

Histoire d’ondes

Puisque Présences, cette année, était consacré à Tristan Murail, je mentionne cette pochette d’un disque d’Yves Montand, où le compositeur septuagénaire figure en très bonne compagnie dans l’équipe qui accompagnait l’acteur/chanteur :

Il y joue des ondes Martenot, un « instrument » aujourd’hui un peu tombé en désuétude, pourtant popularisé durablement par Olivier Messiaen avec sa Turangâlila Symphonie qui associe deux solistes – piano et ondes Martenot (souvent tenus par Yvonne et Jeanne Loriod) à un vaste orchestre. On retrouve Tristan Murail dans la très belle version d’Esa-Pekka Salonen, avec le pianiste Paul Crossley.

Toujours à propos d’ondes Martenot, sait-on que le père de Jean-Michel Jarre, le célébrissime compositeur des musiques de Docteur Jivago, Lawrence d’Arabie et quelques autres blockbusters du cinéma mondial, Maurice Jarre (1924-2009) avait débuté en 1946 dans la compagnie Renaud-Barrault avec un autre musicien appelé, comme lui, à une célébrité internationale, Pierre Boulez (lire Un certain Pierre Boulez). Maurice Jarre avait même commis, pour son instrument d’alors, quelques oeuvres dédiées à la belle-soeur d’Olivier Messiaen, comme ces Trois danses (1951) pour ondes Martenot, percussions et orchestre, créées par Jeanne Loriod, l’Orchestre national et Serge Baudo.

Seiji 80

On a à peine eu le temps de souffler les 70 bougies d’Itzhak Perlman qu’on doit fêter les quatre fois vingt ans d’un chef d’orchestre qui suscite une admiration unanime : Seiji Ozawa, né le 1er septembre 1935 dans une province chinoise sous domination japonaise (https://fr.wikipedia.org/wiki/Seiji_Ozawa)

D’abord on a envie de lui souhaiter un rétablissement durable, la maladie n’a pas épargné le vieux maître. Ensuite on veut lui dire combien on l’aime, pour son charisme, son rayonnement, sa manière unique d’inviter à la musique ceux qui jouent comme ceux qui écoutent. Les rééditions considérables qui paraissent à l’occasion de ce 80ème anniversaire démontrent l’immensité de son répertoire et de sa curiosité. On pourra toujours ergoter sur ses Bach, ses Beethoven ou même ses Mahler, où d’autres sont plus idiomatiques ou inspirés.

Mais dès ses premiers enregistrements (pour RCA), Seiji Ozawa est un maître de la couleur, des alliages de timbres, de la sensualité : ce n’est pas pour rien qu’il est resté 25 ans à la tête de l’orchestre symphonique de Boston, déjà forgé par Charles Munch, et qu’il y a excellé dans la musique française et russe.

J’ai découvert Shéhérazade de Rimski-Korsakov avec Seiji Ozawa et son premier enregistrement de l’oeuvre avec Chicago (à l’époque pour EMI).

Pas seulement parce qu’il avait gagné le Concours de jeunes chefs d’orchestre de Besançon en 1959, Seiji Ozawa a toujours aimé la France, la musique française, et heureusement l’Orchestre National de France l’a quelquefois invité. Cela ne met que mieux en évidence l’occasion manquée pour Paris de s’attacher durablement les services de ce grand chef : à la fin des années 90, les grands orchestres parisiens    et l’Opéra de Paris étaient tous en quête de directeurs musicaux. Au Philharmonique de Radio France, l’après-Janowski, à l’Orchestre National de France, la succession de Dutoit, à l’Orchestre de Paris après Bychkov. Le pire, et j’étais bien placé alors pour le savoir, c’est qu’on n’avait même pas posé la question à Seiji Ozawa, alors qu’il ne faisait pas mystère de son souhait de renforcer ce lien particulier avec la France et Paris.

Au lieu de quoi, il a pris en 2002 la direction de l’opéra de Vienne (jusqu’en 2010) où il n’avait rien à apporter et où il n’a guère laissé de trace. Il est vrai qu’en parallèle il s’était investi très fortement au Japon, avec le New Japan Philharmonic, le festival Saito Kinen à Matsumoto.

Il laisse donc une quantité impressionnante d’enregistrements, tout n’est pas de la même importance, mais outre la musique française et russe qu’il magnifie, on trouvera son bonheur dans des répertoires moins attendus, surtout quand il dirige Vienne et ses sonorités pulpeuses. Beaucoup de doublons bien sûr, puisque Ozawa a enregistré plusieurs fois certaines oeuvres un peu fétiches (comme cette Shéhérazade de Rimski). Mais EMI/Warner, Deutsche Grammophon, Philips/Decca ont bien fait les choses et l’éternel jeune homme bondissant le mérite bien (Tous ces coffrets ne sont pas tous disponibles en France actuellement, mais en jonglant entre les différents sites d’Amazon, on les trouve aisément à petit prix).

Il n’est pas anodin que l’un des tout premiers enregistrements d’Ozawa, qui avait fait sensation à l’époque, ait été consacré à la Turangalila de Messiaen en 1967 :

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Le coffret Warner comprend en réalité d’une part les enregistrements parus sous label EMI dans les années 70, et d’autre part les disques plus tardifs enregistrés pour Erato.

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Plus fort encore, le coffret des années Philips (50 CD)

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Et, chez Deutsche Grammophon, deux offres concurrentes, qui se recoupent en partie.

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Le détail de ces quatre coffrets est à découvrir sur le site : http://bestofclassic.skynetblogs.be/archive/2015/09/01/ozawa-80-8493127.html