Musiques olympiques

Le sujet s’impose en cette journée d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024 : quelles musiques ont été inspirées, commandées, exécutées pour les précédentes cérémonies ?

On y ajoutera un chapitre plus historique, qui a résonné récemment de manière vraiment absurde : l’histoire d’une organisation de concerts parisienne.

Olympics

France Musique a, comme d’habitude, bien fait les choses ce matin. À (ré)écouter absolument : Au tempo des JO.

Revue de détail des oeuvres spécialement composées pour les cérémonies d’ouverture des Jeux Olympiques.

Premiers jeux à Paris en 1924

C’est au clarinettiste militaire Francis Popy que revient de composer cette marche.

Les fanfares, les harmonies, n’ont pas oublié le compositeur de musique « légère » qu’était Popy (et qu’affectionnait particulièrement l’ami Benoît Duteurtre, à qui l’on pense encore tout particulièrement à la veille de son inhumation dans sa terre des Vosges).

Los Angeles 1984 et John Williams

À 90 ans (!), John Williams faisait ses débuts avec l’orchestre philharmonique de Berlin. On ne peut évidemment pas comparer les prestations de 1984 et 2023 ! Voir John Williams #90

Rio 2016 : pourquoi le Brésil ?

Soyons honnête, l’oeuvre du compositeur espagnol Lucas Vidal, surtout connu pour ses musiques de film (Fast and Furious 6) ne brille pas par son originalité. En dehors de quelques rythmes brésiliens glissés ici et là, on ne voit guère de différence avec le Hollywood de John Williams

Tokyo 2020 : l’universalisme de Naoki Satō

Rien de très japonais dans cette ouverture à choeur ouvert, un peu moins martiale sans doute.

Pout ce qui est de Paris 2024, il faudra attendre ce soir pour découvrir l’oeuvre de Victor Le Masne, même si on en a déjà un avant-goût

La Loge Olympique

Qui se rappelle, à l’heure des Jeux Olympiques de Paris, l’affaire délirante qui a défrayé la chronique en 2016 ? Alors que Julien Chauvin et la nouvelle formation qu’il avait constituée autour de lui souhaitaient relever le nom de l’une des plus illustres organisations de concert du XVIIIe siècle à Paris – le Concert de la Loge olympique –, ils en furent interdits, malgré toutes les protestations et pétitions, par une décision de justice : Le Concert de la Loge Olympique vs le Comité national olympique : quand Goliath écrase David.

J’appris alors, comme tout le monde, que l’adjectif « olympique » est, depuis 1976, la « propriété » du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) ! Incroyable mais vrai !

Cela n’a heureusement pas empêché Julien Chauvin et son Concert de la Loge xxxxx de grandir et prospérer (en passant notamment par Montpellier) et d’honorer les compositeurs qui furent les hôtes et les inspirateurs de leur ancêtre du XVIIIe siècle, au premier rang desquels Haydn et ses fameuses six Symphonies Parisiennes.

Parmi les nombreuses versions des Symphonies parisiennes (N°82 à 87), j’ai une affection pour un album que je n’ai jamais vu en France, qui n’est jamais cité dans aucun guide, et qui témoigne à tout le moins de l’étendue du répertoire d’un chef infatigable, qui continue de parcourir le monde et les podiums à bientôt 89 ans, Charles Dutoit

L’effet de printemps : Ravel, Fauré, Marriner, Haydn etc.

Quand le blogueur ne se sent pas de traiter un sujet en particulier, il fait un panier fourre-tout de ce qui l’a touché, de ce qu’il va lire, écouter, de préférence sous un titre en forme de mauvais jeu de mots (cf. Faits d’hiver).

Eliminons d’emblée une actualité qui produit toujours les mêmes effets de meute (lire La dictature de l’émotion) : j’ai rencontré quelques fois dans ma vie professionnelle Frédéric Mitterrand, il m’est arrivé de le lire, de le regarder à la télévision, j’ai aimé son film sur Madame Butterfly, mais comme tout été dit, et maintenant le contraire de tout, à son sujet, je ne me suis pas cru obligé de proclamer mon hommage sur les réseaux sociaux, où l’odieux le dispute à l’excès dans l’admiration comme dans la détestation.

Encore un effort pour M. Haydn

Mercredi soir, j’assistais à un concert de l’Orchestre de chambre de Paris, dont j’ai rendu compte sur Bachtrack (voir Le génie de Haydn).

J’y ai entendu une 80e symphonie de Haydn de toute beauté, un orchestre dans une forme olympique et me suis une fois de plus interrogé sur les raisons de l’absence du plus grand symphoniste de l’histoire des programmes de concert. La dernière fois que j’avais entendu du Haydn en concert, c’était au Louvre, avec et grâce à Julien Chauvin et son Concert de la Loge, lui aussi en forme olympique !

Comme si Haydn était trop difficile, trop exigeant, pour les orchestres comme pour les chefs…

Après avoir donné les Variations Rococo de Tchaikovski, Nicolas Altstaedt a eu l’excellente idée de donner en bis – il aurait dû l’annoncer au public ! – ce faux concerto pour violoncelle qu’est l’adagio cantabile de la 13e symphonie de Haydn.

Vivement que le nouveau chef de l’Orchestre de chambre de Paris nous donne, à tout le moins, les Symphonies parisiennes : il a l’orchestre idéal pour cela !

Le Boléro d’Anne Fontaine

J’ai profité de la relative grisaille de dimanche dernier pour aller enfin voir « le » film du moment, le Boléro d’Anne Fontaine.

En dehors du papier ‘d’Ivan Alexandre dans le dernier Diapason, je n’avais lu aucune critique du film. J’en suis ressorti ni emballé ni déçu (et pourtant je ne suis pas normand !). Dans ce genre de film sur, autour de la musique, il y a presque systématiquement des erreurs que le musicien ou le mélomane averti repère immédiatement. Rien de tel ici, et c’est un point très positif : quand Ravel/Raphaël Personnaz pose ses mains sur un clavier, même si on sait qu’il est doublé, il fait illusion. Quand le même dirige un orchestre, il ne paraît pas emprunté dans sa gestique. Quant à l’incarnation des différents rôles, Raphaël Personnaz est presque à contre-emploi, dans la froideur, la timidité figées que la réalisatrice lui a demandé de composer, Dora Tillier fait une Misia Sert plutôt conforme à l’image qu’on a d’elle, Jeanne Balibar n’a aucun mal à caricaturer une Ida Rubinstein sur le retour – exigeante commanditaire d’un Boléro que Ravel a bien du mal à accoucher. Quant à Emmanuelle Devos, elle fait oublier l’ingratitude des traits de Marguerite Long !

Le film d’Anne Fontaine vaut aussi beaucoup par le fait qu’il a été en grande partie tourné dans la maison de Ravel à Montfort-l’Amaury, maison toujours difficile d’accès, puisque son exiguïté ne permet pas de l’ouvrir à la visite, sauf sur réservation à l’avance, et par tout petits groupes !

Centenaires

En dressant la liste, en début d’année, des anniversaires que 2024 allait permettre de célébrer, j’avais évoqué Gabriel Fauré, mort le 4 novembre 1924, mais oublié le chef anglais Neville Marriner, né lui il y a cent ans, le 15 avril 1924.

Je viens de recevoir deux coffrets, commandés il y a plusieurs semaines. Je vais mettre à profit quelques jours de vacances pour les découvrir (Fauré) ou les redécouvrir (Marriner).

C’est Lucas Debargue qui a voulu, conçu cette intégrale du piano de Fauré, et qui a lui-même rédigé le texte de présentation. Le peu que j’ai entendu me rend impatient d’écouter la suite.

Même en anglais, Lucas Debargue est tout à fait convaincant !

Dans le cas de Neville Marriner, on a affaire à un recordman du disque pour plusieurs grands labels (Philips, Argo/Decca, EMI). Ce coffret rassemble 80 CD (!) réalisés pour la plupart à partir des années 80 pour EMI. On y reviendra bien sûr pour détailler toutes les pépites de ce coffret, et du même coup restituer au chef anglais sa vraie place dans l’histoire de l’interprétation au XXe siècle.

Parmi les surprises de ce coffret, un disque dédié à Manuel de FallaLe Tricorne et les Nuits dans les jardins d’Espagne avec Tzimon Barto au piano !), qu’on trouvera peut-être trop élégant, pas assez rugueux !

Les nouveaux modernes (suite)

Je ne l’ai pas souligné hier (Les nouveaux modernes) mais Stéphane Denève est aussi un « moderne » dans son comportement à l’égard du public de ses concerts. Une modernité qui devrait être la règle. Pour échapper définitivement à un rituel compassé qui perpétue l’image – fausse – d’une musique classique réservée au mélomane averti, au connaisseur.

Le chef français, revenant saluer avec Jérome Pernoo et Guillaume Connesson sous des tonnerres d’applaudissements, s’adressa spontanément au public, comme il le fait toujours, pour faire partager son enthousiasme pour le compositeur, et sa collaboration avec l’Orchestre National, avant de bisser le dernier mouvement du concerto pour violoncelle de Connesson.

Ce même jeudi, je rencontrais un autre grand musicien qui partage avec son aîné la même curiosité pour le répertoire, la même envie de proposer des programmes originaux, la même capacité à dialoguer avec le public, à faire du concert un moment de bonheur et de convivialité : Julien ChauvinIl a fait, malgré lui, la une de l’actualité avec une histoire à dormir debout qui a définitivement ridiculisé les apparatchiks du Comité olympique français. Lire Une forme olympique. Julien Chauvin et ses musiciens n’ont pas le droit de relever le nom d’un ensemble phare de la vie musicale parisienne du XVIIIème siècle – le Concert de la Loge Olympique -, né, on en conviendra, quelques années avant Pierre de Coubertin et la résurrection des Jeux Olympiques…

Bref, il reste aux mélomanes la possibilité – et on ne s’en privera pas – d’admirer et de soutenir  Le Concert de la Loge bip-bip-bip. Par exemple avec ce magnifique nouveau disque.

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Une forme olympique

Après l’affaire – qui n’en est pas une – de l’accent circonflexe, voici qu’on atteint les sommets du ridicule, avec cette histoire parfaitement relatée dans cet article de l’excellent blog http://wunderkammern.fr/2016/02/09/pour-le-concert-de-la-loge-olympique-cest-bien-plus-quune-question-de-forme/. 

Une jeune formation fait revivre l’une des plus prestigieuses organisations musicales du Siècle des Lumières, le Concert de la Loge Olympique, et la voici taxée d’usurpation d’identité. Mais que disent les instances franc-maçonnes ? elles aussi sont mises en cause par l’utilisation du mot Loge… Comme l’écrit Jean-Christophe Pucek, il est vrai que les instances prétendument représentatives du sport donnent un tel exemple de désintéressement et de droiture, et j’ajouterai de culture… qu’on ne peut être étonné de l’intelligence de la réaction du CNOSF (Pierre de Coubertin réveille toi !)

S’ils écoutaient un peu de Haydn, de ces Symphonies parisiennes écrites par un compositeur en forme olympique :

Longue vie à Julien Chauvin et à ses musiciens de la Loge Olympique version 2016 !

https://www.youtube.com/watch?v=MYiKDbuqQz0

Autre lecture cette fois très réjouissante, le long article que Télérama consacre à Sofi Jeannin, qui est la formidable « dame de choeurs » de Radio France : après la Maitrise – depuis 2008 – Sofi a accepté de prendre la direction du Choeur en 2015. Les résultats artistiques sont là, l’avenir est prometteur, et la personnalité de cette musicienne est exceptionnelle : http://www.telerama.fr/musique/sofi-jeannin-directrice-de-choeurs-de-radio-france-la-musique-classique-renforce-l-estime-de-soi,137684.php#xtor=RSS-28