Vous les femmes…

Prendre pour titre de ce billet l’une des chansons les plus ringardes du chanteur le plus ringard du siècle passé* m’expose à des critiques et des quolibets que le contenu de cet article, je l’espère, ne justifiera pas.

L’anniversaire de Françoise P.

75 ans de mariage, ce sont des noces d’albâtre. 75 ans de vie de musique et de talent, c’est l’anniversaire que vient de fêter, sans aucunement s’en cacher, la cantatrice française Françoise Pollet. Qu’attendent les éditeurs de disques qui l’ont enregistrée au sommet de sa gloire pour rééditer ces trésors et lui rendre l’hommage qui lui est dû?

Tiens, puisque j’évoque l’albâtre, écoutez ce Spectre de la rose, la deuxième des Nuits d’été de Berlioz,

Je n’oublie évidemment pas ce grand moment du Festival Radio France 2021 : la Masterclass impériale de Françoise Pollet, si riche d’humanité, d’humour et d’expérience.

Une déclaration à Marthe K.

Je crois que j’ai toujours été secrètement amoureux de Marthe Keller, j’ai aimé tous ses films

(avec une tendresse particulière pour Fedora de Billy Wilder)

Je ne me rappelle pas l’avoir vue sur scène, mais je l’ai très souvent aperçue au concert assise dans le public. Et je n’ai jamais osé lui avouer mon admiration (qu’en aurait-elle eu à faire ?).

Je l’aime plus encore maintenant que j’ai lu ce qui ressemble à des mémoires, mais qui sont plutôt une suite d’instantanés, très bien écrits – pas de « gras », pas de circonvolutions, à la pointe sèche -. Les souvenirs de stars sont rarement passionnants, la vie de Marthe Keller est, au contraire, fascinante. Et son amour, sa connaissance de la musique et des musiciens – son travail avec Ozawa par exemple, ses mises en scène d’opéra, ses créations – ne font renforcer mon admiration. Et puis ce délicieux accent suisse allemand qui me la rend si proche…

Les sons d’Elsa

Jusqu’à jeudi dernier, je ne savais pas grand chose ni de la personnalité ni de la musique d’Elsa Barraine (1920-1999). Il a fallu que l’Orchestre national de France et son chef Cristian Măcelaru décident d’inscrire à leur programme de rentrée la 2e symphonie de la compositrice française pour que je découvre une auteure vraiment originale. Lire ma critique sur Bachtrack : L’ouverture de saison contrastée du National à Radio France

Comme me le confiait le chef à l’issue du concert, un disque d’oeuvres symphoniques d’Elsa Barraine vient d’être enregistré par l’Orchestre national, avec notamment Le fleuve rouge, un poème symphonique de 1945. Cristian Măcelaru s’amusait du caractère très « communiste » de ce nouvel enregistrement, qu’on attend avec d’autant plus d’impatience que la discographie de la compositrice est pour le moins étique.

En bis, jeudi soir, l’Orchestre national et son chef offraient un extrait du ballet Callirhoé de Cécile Chaminade.

Tout au long de la saison, le chef et l’orchestre proposeront ainsi des « bis » de compositrices, reprenant ainsi la formidable idée du Palazetto Bru Zane qui nous avait fait le cadeau d’un coffret de 8 CD d’inédits au printemps 2023.

*Julio Iglesias

L’été 69

Pour Gainsbourg et Jane Birkin l’année 1969 fut érotique, pour moi l’été 69 fut suisse (et pas vraiment érotique !).

Les souvenirs ont afflué hier lorsque je suis passé revoir les lieux de mes vacances familiales, le berceau de ma famille maternelle.

Origine

J’ai toujours été surpris que dans l’état-civil d’un citoyen suisse figure la mention de l’origine. Qui n’est pas le lieu de naissance, mais celui où la famille est établie depuis des lustres. Ainsi, sur mon passeport suisse, il est indiqué que je suis originaire d’Entlebuchun village du canton de Lucerne, à équidistance de Berne et Lucerne, situé au coeur de la vallée de l’Emme, connue universellement par le fromage qu’on y produit, l’Emmental.

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Entlebuch c’est le lieu de naissance d’un glorieux ancêtre, qui y a son buste, sa rue, Joseph Zemp (1834-1908), conseiller fédéral (ministre) durant 16 ans et deux fois président de la Confédération helvétique.

Un centenaire à Berne

Cette hérédité familiale m’a valu une amusante aventure. En 1983, je dois accompagner le député de Haute-Savoie pour qui je travaille, à une cérémonie à Berne. Le président du CDS Pierre Méhaignerie avait été convié à fêter le centenaire du groupe parlementaire démocrate-chrétien au parlement fédéral suisse. Prétextant une impossibilité, il demande en urgence à « mon » député de l’y remplacer. Une heure et demie de route pour faire le trajet Thonon-Berne, et pour moi retrouver une ville où j’avais des attaches familiales.

Au déjeuner qui précède la cérémonie qui doit se dérouler dans le Palais fédéral, je suis assis à côté d’une dame d’un certain âge et d’un charme tout aussi certain qui se présente comme la présidente du Grand Conseil genevois (le parlement local) et qui doit se demander ce qu’un jeune homme comme moi fait autour de cette table dominée par les cheveux gris. Je lui explique que ma mère m’a souvent parlé d’un de ses grands-oncles qui fut conseiller fédéral et même président de la Confédération. Lorsque je dis son nom (Joseph Zemp), ma voisine interrompt les conversations autour de la table et annonce fièrement : « Je vous présente le descendant du fondateur de notre groupe !  » Elle ouvre le Vaterland – le grand quotidien suisse germanophone – posé devant nous, et montre une double page consacrée à… Joseph Zemp !

Ainsi de chauffeur-accompagnateur de mon député, je vais devenir le temps d’une cérémonie, l’hôte d’honneur salué, sous la coupole du Palais fédéral, par tous les conseillers fédéraux et nombre de parlementaires… Le soir même, j’appellerai ma mère à Nîmes, elle mettra quelques minutes à croire que je ne lui raconte pas une blague !

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Sous le buste de l’ancêtre, le Bundesrat Joseph Zemp : il semble bien qu’il y ait un air de famille (le nez, les oreilles ?). IMG_1651

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L’été 69

Les étés de mon enfance, jusqu’au décès brutal de mon père en 1972, ont été rythmés par  une alternance, parfaitement réglée, de séjours en Angleterre et en Suisse. En Angleterre parce que, aîné de deux soeurs, j’ai, dès mes 7 ans, eu le privilège de suivre mes parents outre-Manche, où mon père – professeur d’anglais à Poitiers – accompagnait un groupe d’élèves qui se dispersait pendant trois semaines dans des familles d’accueil (les petits Anglais venaient, quant à eux, aux vacances de Pâques en France). Cela c’était une année sur deux.

Quand ce n’était pas l’Angleterre c’était la Suisse, la visite, cette fois tous ensemble, mes soeurs, mes parents et moi,  à la nombreuse famille de ma mère, oncles, tantes, cousins, et à Entlebuch en particulier. 

Mais cet été 1969, ma mère m’envoya le passer seul à Entlebuch, dans ce qui reste dans mon souvenir une merveilleuse maison, sur plusieurs étages, Brückenhaus, la « maison du pont » qui enjambe un petit torrent qui se jette plus bas dans l’Emme. Une si belle maison qui est depuis plus de vingt ans une ruine, un chancre, un squatt qui défigure le centre du village…

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Ces cinq semaines de l’été 69 restent marqués à jamais dans ma mémoire par tant de rencontres, de mini-séjours, de voyages dans toute la Suisse, grâce à ces oncles, tantes, cousins qui entreprirent de me distraire et de me montrer tant de beaux paysages. 

J’ai aussi le souvenir d’avoir veillé sur ma Grossmuetti, que nous appelions ainsi – Grand-mère – parce que c’est elle qui avait élevé ma mère, devenue orpheline à 3 ans, et placée comme la plupart de ses sept frères et soeurs, chez des oncles et tantes. J’aimais beaucoup cette grand-mère qui allait être emportée l’automne suivant par l’oedème chronique dont elle souffrait.

IMG_1650La physionomie du village a peu changé au cours des ans, même si quelques chantiers sont visibles.

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Schwyzerdütsch

Mais le principal souvenir de cet été 69 reste mon apprentissage d’une langue qu’aucune université, aucun ouvrage n’enseignent, en l’occurence ma langue vraiment maternelle, puisque celle parlée par ma mère : le Schwyzerdütsch, le suisse allemand. Cette sorte de mélange de vieil allemand et de dialectes souabes, qui connaît de multiples variantes selon les cantons et même les vallées de Suisse centrale. 

L’humoriste suisse Joseph Gorgoni, alias Marie-Thérèse Porchet, a parfaitement expliqué cette spécificité helvétique.

Plus tard, lorsque j’étudierai l’allemand à l’Université, j’aurai l’occasion de mesurer l’atout décisif que représentait cette pratique du suisse allemand, lors de cours de linguistique que la plupart de mes camarades redoutaient. Je lisais sans peine des textes en vieil haut-allemand… Ainsi en allemand « au revoir » se dit « Auf Wiedersehen« , en suisse allemand « Auf Wiederluege« , du vieil allemand « lugen » – voir – qui donnera « look » en anglais. 

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