La découverte de Bologne (III) : Rossini, Respighi, Pasolini et tutti quanti…

Pour prolonger la visite du Musée international et bibliothèque de la Musique de Bologne, et de quelques autres lieux chargés de musique de la capitale de l’Emilie-Romagne – avant une grande surprise demain pour le dernier jour de l’année – évoquons quelques célébrités locales ou assimilées.

La salle du Stabat Mater

Pour les fétichistes de Rossini, cette robe de chambre et ces objets pieusement conservés au musée de la musique valent le détour.

Ils pourront être plus surpris encore en visitant l’Archiginnasio, siège de l’Université de Bologne depuis le XVIe siècle, et la salle dite Stabat Mater parce qu’y fut donnée la création italienne de l’oeuvre éponyme de Rossini en 1842 sous la direction de Donizetti, un an après la première parisienne. Le succès est tel qu’on raconte que plus de 500 personnes envahirent les rues de Bologne pour raccompagner Rossini à son hôtel.

Je n’ai pas une passion dévorante pour l’oeuvre, mais je ne déteste pas la seule version que j’ai dans ma discothèque : Pavarotti ça ne se refuse pas !

Natifs de Bologne

Il paraît qu’on peut voir une plaque sur la maison natale de Pier-Paolo Pasolini – je ne l’ai pas cherchée – tandis que j’ai fait le détour pour voir celle d’Ottorino Respighi (lire L’axe Rome-Rio)

A quelques mètres, une autre plaque rappelant la mémoire d’un grand chef d’opéra italien, Francesco Molinari-Pradelli, né en 1911 et mort en 1996 à Bologne !

Je trouve sur YouTube cette absolue rareté qu’est l’opéra La Fiamma de Respighi, dirigée en 1955 par son voisin de rue !

Les souvenirs de Martucci

Dans la dernière – petite -salle du Musée de la musique, à côté de quelques photos de Respighi, un portrait moustachu intrigue :

Je connais bien le compositeur, mais je n’en avais jamais vu de portrait : Giuseppe Martucci (1856-1909) a été le professeur de Respighi, le directeur du Liceo Musicale de Bologne de 1886 à 1902, et présente la particularité rare pour un Italien de n’avoir jamais composé d’opéra alors qu’il en a souvent dirigé – c’est lui la création italienne de Tristan et Isolde en 1888 ! – mais il a écrit de la musique d’orchestre et de chambre d’un raffinement inouï. Des artistes comme Riccardo Muti ou Mirella Freni n’ont pas été les derniers à le promouvoir !

Vacances 2022 : retour à Ambronay

Sur la route des vacances halte ce week-end dans l’Ain, et retour en des lieux jadis familiers où je n’avais plus eu l’occasion de remettre les pieds depuis presque trente ans !

Ambronay

Ambronay, c’est cette ancienne abbaye bénédictine dans l’Ain, où en 1980, un fou de musique – Alain Brunet – décida de créer un festival de musique baroque et une académie. Quarante-deux après, il en a abandonné la direction mais en préside toujours ce qui est devenu, en 2003, un Centre Culturel de Rencontres. J’ai rarement rencontré personnage plus passionné, obstiné, déterminé, qui a toujours fini par convaincre les meilleurs musiciens de le suivre dans son aventure.

Mes premiers souvenirs d’Ambronay sont des émissions de radio – la Radio Suisse romande n’est pas loin, et Disques en Lice, l’émission de critique de disques, aujourd’hui disparue, de la RSR, était venue au moins deux fois dans mon souvenir. Une fois, c’était Jordi Savall autour des suites de Bach. Une autre fois, avant un concert où nous devions entendre le Stabat Mater de Vivaldi, j’étais assis à la tribune à côté de Gérard Lesne. Dans l’écoute comparative à l’aveugle, le jeu consistait évidemment à essayer de reconnaître les interprètes. Ecoutant la version que nous ne savions pas être celle de Nathalie Stutzmann, Gérard Lesne comme moi étions incapables de discerner le sexe de l’interprète, homme ou femme, tant la voix de Nathalie portait une superbe ambiguïté.

Autre souvenir, cette fois comme directeur de France Musique, et dans le cadre d’un partenariat qu’Alain Brunet avait obtenu sans problème de ma part, mais avec les réticences d’usage de la technique de Radio France, j’étais revenu en 1994 notamment pour un concert de l’académie animée alors par William Christie, David et Jonathas de Marc-Antoine Charpentier, qui révéla une jeune soprano qui allait faire son chemin : Patricia Petibon.

Je n’ai pu m’empêcher, revenant en ces lieux, de penser à l’ami Jacques Merlet, qui n’avait pas été le dernier à croire à l’aventure d’Ambronay et qui y installait ses quartiers d’automne. Il y a ainsi des ombres heureuses qui peuplent les mémoires et les pierres.

Pérouges

C’est pendant ce bref séjour de l’automne 1994 que je découvris Pérouges, à une vingtaine de kilomètres d’Ambronay, cette cité médiévale bien préservée. Un déjeuner à l’Hostellerie de Pérouges me fit côtoyer William Christie et son commensal. Quelques amabilités échangées. Ce fut le seul et dernier contact sympathique que j’eus avec ce personnage qu’il m’est arrivé d’apprécier comme musicien.

L’Hostellerie de Pérouges
Pérouges la porte Sud

Les raretés du confinement (IV)

S’il y a bien un terme tout à fait abusif pour décrire ce qui s’est passé ce 15 décembre en France, c’est bien celui de « déconfinement ». Certes, les autorisations pour se déplacer ont disparu, mais comment peut-on oser parler de déconfinement, lorsque la vie culturelle – et sportive – reste interdite, lorsque les lieux de vie et de convivialité essentiels que sont les cafés et les restaurants sont fermés pour plusieurs semaines encore ?

Cette série n’est donc pas près de s’arrêter !

Résultat peut-être du premier confinement ? la naissance hier de mon troisième petit-enfant, une jolie princesse prénommée Adèle. Ses grands frère (7 ans) et soeur (5 ans et demi) sont déjà impatients de jouer les nounous.

6 décembre

Le 6 décembre 1917 le parlement finlandais votait l’indépendance de la Finlande, durant des siècles tantôt rattachée au royaume de Suède tantôt dominée par la Russie tsariste. Le 6 décembre marque la fête nationale finlandaise.Une curiosité – peu connue – dans l’abondante discographie du chef japonais Seiji Ozawa (85 ans) : tout un disque d’hymnes nationaux du monde entier enregistré avec le NEW JAPAN PHILHARMONIC, orchestre qu’il fonda en 1972 et que Christian Arming dirigea de 2003 à 2013. Dans ce disque évidemment l’hymne national finlandais !

7 décembre

L’Orchestre Philharmonique Royal Liège fête ses 60 ans. On se rappelle les concerts exceptionnels donnés le 7 décembre 2000 pour ses 40 ans et surtout le 7 décembre 2010 pour ses 50 ans (lire: Anniversaires privé/public). Dans le coffret de 50 CD publié pour les 50 ans de l’Orchestre, il y a plusieurs raretés : comme ce 2ème concerto pour piano d’Erwin Schulhoff (1894-1942), ici sous les doigts de Claire-Marie Le Guay et sous la baguette de #LouisLangrée

8 décembre

Formidable nouvelle que cette nomination de mon amie Nathalie Stutzmann comme « Principal Guest Conductor » du Philadelphia Orchestra.

Souvenir du tout premier disque acheté de Nathalie Stutzmann chanteuse, après une écoute comparée d’un Disques en Lice, la défunte émission de critique de disques de la RADIO TELEVISION SUISSE (RTS), à laquelle participait Gérard Lesne : lui comme moi étions envoûtés par la beauté et le mystère de cette voix androgyne.

9 décembre

Envie d’évoquer aujourd’hui l’une des grandes chanteuses françaises, la soprano Andréa Guiot (née en 1928), originaire de Nîmes; qui n’a pas la notoriété, la célébrité même, que mériteraient son talent et la splendeur de sa voix. J’avais eu la chance de la rencontrer au début des années 90 dans une émission – Disques en Lice – de la Radio Suisse romande, à laquelle l’avait conviée François Hudry. Nous avions passé un merveilleux moment et beaucoup sympathisé. Quelques mois plus tard, je me trouve au festival d’Aix-en-Provence dans la cour de l’Archevêché, assis juste derrière elle. Nous nous saluons comme des amis qui se seraient quittés la veille, et me voilà incapable, de toute la soirée, de me rappeler son nom et de la présenter à la personne qui m’accompagnait ce soir-là… Ici, c’est peut-être la meilleure Micaela de toute la discographie au côté de l’impérial Don José de Nicolai Gedda : la Carmen de Maria Callas était décidément bien entourée !

10 décembre

Je ne me suis jamais rangé dans la catégorie des admirateurs absolus de celle qu’on appelle « la » Callas J’ai même souvent été agacé par la surexploitation médiatique, discographique, d’une légende qui a fini par occulter la vraie personnalité et l’art singulier de la chanteuse » C’est ce que j’écrivais – lire Callas intime – à l’occasion des 40 ans de la disparition de la cantatrice. J’évoquais hier Andréa Guiot (et Nicolai Gedda) partenaires de Maria Callas dans l’enregistrement de Carmen dirigé par Georges Prêtre

Je (re)découvre pas à pas l’artiste exceptionnelle, la voix si singulière, l’incroyable charisme qui se dégage de sa présence sur scène, comme dans cet extrait de Médée de Cherubini, capté le 10 décembre 1953 à la Scala, avec un Leonard Bernstein de 35 ans dans la fosse ! Inouï !

11 décembre

Cette rubrique est malheureusement appelée à se prolonger, si l’on en croit les dernières annonces gouvernementales ! Une si longue, trop longue, attente pour la musique vivante,qu’aucune vidéo, aucun disque, ne remplacera jamais.Soutien et solidarité avec tous les artistes, tous ceux qui font vivre la culture !

Puisque nous sommes encore dans l’année Beethoven, une découverte pour moi, une rareté de ma discothèque :

#Beethoven250 C’est par hasard que j’ai redécouvert quelques symphonies de Beethoven, enregistrés par Karl Münchinger à la tête de l’orchestre de la radio (et non de son orchestre de chambre) de Stuttgart. Depuis que j’ai pu acquérir les symphonies 2, 3, 6, 7 (en attendant d’en trouver d’autres ?), je vais de bonne surprise en émerveillement. Lire la suite : Beethoven 250 : Karl Münchinger, la grandeur classique.

12 décembre

Ne pas désespérer malgré tout…Cette célèbre chanson de LeoncavalloMattinata – écrite en 1904 pour la Gramophone Company, ancêtre d’EMI, dédiée à Caruso, qui en fait le premier enregistrement avec le compositeur au piano, fait partie d’un disque du ténor Franco Bonisolli (1938-2003) dont les frasques firent autant que sa voir d’or pour sa réputation. Un disque réédité dans un coffret Orfeo intitulé : Legendary Voices (lire Légendaires)

13 décembre

La Sainte-Lucie (Sankta Lucia en suédois, Lucia en raccourci) est célébrée le 13 décembre en l’honneur de sainte Lucie de Syracuse. Elle marque, avec l’Avent, le début de la saison de Noël. Traditionnellement une fête importante dans toute la Chrétienté occidentale, elle est aujourd’hui célébrée en Scandinavie et en Europe méridionale, particulièrement en Suède, au Danemark, en Norvège, en Finlande, en Italie, en Islande et en Croatie.La fête correspond au premier jour à partir duquel le soleil se couche plus tard que la veille dans l’hémisphère nord. Le dicton « à la sainte-Luce, le jour avance du saut d’une puce » correspond à cette observation (la forme Luce est employée pour la rime).La fête de Sainte-Lucie est attendue par les petits et les grands au coeur de l’hiver scandinave (lire Etoiles du Nord )

Santa Lucia c’est aussi l’une des plus célèbres chansons napolitaines, écrite en 1849 par Teodoro Cottrau – elle évoque la vue sur le golfe de Naples du haut du Borgo Santa Lucia. Il est assez savoureux de l’entendre ici chantée en suédois !

14 décembre

Le jour où l’on devient grand-père pour la troisième fois et qu’on pense déjà à ce qu’on chantera doucement pour endormir la petite princesse née cet après-midi, on se remémore un disque précieux de sa discothèque et cette sublime Berceuse de Brahms chantée par Victoria de Los Angeles, accompagnée par Rafael Frühbeck de Burgos et le Sinfonia of London (EMI, 1964)

15 décembre

On célèbre en ce mois de décembre les 60 ans de l’Orchestre philharmonique royal de Liège. L’un de mes meilleurs souvenirs, et une fierté aussi, de mes années passées à la direction de l’orchestre, est incontestablement la discographie construite au fil des ans, comme par exemple cette intégrale de l’oeuvre concertante d’Edouard Lalo (ce compositeur que j’avais décrit jadis, dans une pochette de disque, comme L’éternel second).

De Lalo on ne connaît vraiment que sa populaire Symphonie espagnole ou son concerto pour violoncelle. Ce beau coffret est l’occasion de redécouvrir le charme de son Concerto russe, ici sous l’archet sensible d’Elina Buksha, tout juste 30 ans, passée par la Chapelle musicale Reine Elisabeth et la direction idiomatique de Jean-Jacques Kantorow.

Obituaries

Je ne sais pourquoi, j’ai toujours préféré l’anglais Obituary au français Nécrologie  (qui m’évoque trop la nécrose ?) 

C’est l’une des rubriques que je consulte avec intérêt lorsque je reçois le mensuel britannique Gramophone

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Dans le numéro de juin reçu hier, ce n’est pourtant pas cette rubrique qui a attiré mon attention mais des photos récentes et la métamorphose d’un chef d’orchestre qui n’annonçaient rien de bon.

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Pressentiment confirmé aujourd’hui par le même magazine : Jiří Bělohlávek* est mort ce matin des suites d’un cancer qui l’avait conduit à renoncer à ses engagements ces derniers mois.

Jean-Charles Hoffelé s’enthousiasmait pour le tout dernier enregistrement du chef tchèque disparu à 71 ans, sa troisième version du Stabat Mater de Dvořák.

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Je dois à l’honnêteté de dire que je n’ai jamais été très emballé par les (rares) concerts auxquels j’ai assisté ni par les enregistrements les plus récents de ce chef. Tout est bien fait, bien dirigé, mais – encore une fois c’est un sentiment personnel – je trouve que Bělohlávek est en-deça de ses illustres aînés dans leur répertoire natal (Ancerl, Talich, Neumann mais aussi Šejna ou Košler), moins intéressant que la génération montante (Jakub Hrůša, Tomáš Netopil).

Ce coffret Dvořák n’est pas indispensable.

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et si l’on veut se rappeler l’indéniable talent de ce chef, on trouvera de bien meilleures versions (par exemple le Stabat Mater) dans ces belles anthologies Supraphon

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Autre disparition cette semaine, celle de la claveciniste Elisabeth Chojnacka*

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La musicienne avait un peu disparu des scènes et des écrans depuis une vingtaine d’années, mais elle les avait occupés avec un panache, une ardeur irrésistibles dès son installation en France (lire Une longue série de créations). Je me rappelle sa visite à mon bureau de France Musique il y a au moins vingt ans : rien dans son allure, sa tenue, sa coiffure ne pouvait laisser indifférent. Je l’avais sentie un peu triste de ne plus être la star de la musique contemporaine qu’elle avait été à juste titre. Je l’avais découverte, et du coup aimé sa manière de toucher un instrument qui ne m’a jamais beaucoup séduit, le clavecin, lors de concerts des Jeunesses Musicales de France dans ma bonne ville de Poitiers.

 

*Comment prononcer ces noms imprononçables ? Jiří Bělohlávek = Yirji Bé-lokh (comme Loch en allemand)-la-vièk  et Elisabeth Chojnacka = H (aspiré)-oï-na-ts-ka

 

Le sens du monde

Lundi soir j’espérais que toute la semaine serait marquée du sceau du bonheur éprouvé à l’écoute des deux voix mêlées de Sonya Yoncheva et Karine Deshayes.

13516558_10154610974329796_3279155323797290830_n(Photo J.Ph.Raibaud/TCE)

Celle qui va ouvrir le 11 juillet le Festival de Radio France Montpellier LRMP (lefestival.eu) – Karine Deshayes – retrouvait celle qui va clore en beauté le même Festival le 26 juillet avec Iris de Mascagni – Sonya Yoncheva. Pour un Stabat Mater de Pergolese (La jeunesse interrompue) très attendu par un théâtre des Champs-Elysées archi-comble, capté « live » par Sony qui devrait le publier à l’automne.

Ce mardi Radio Clapas diffusait une interview réalisée il y a quelques jours, dans laquelle j’évoque l’Orient fascinant, inspirant, qui trace le fil rouge de l’édition 2016 du Festival, en souhaitant qu’on oublie, le temps de quelques concerts, cet Orient guerrier, menaçant, mortifère !  A écouter ici : https://soundcloud.com/radio-clapas/interview-festival-radio-france-montpellier.

Le soir même j’étais sévèrement démenti, une fois encore la terreur aveugle frappait à Istanbul...

Et puis j’ai trouvé ceci sur Facebook, un discours pas comme les autres, qui vient à point pour redonner foi dans notre pauvre humanité, et du sens à notre présence dans ce monde.

 

 

La jeunesse interrompue

Passionnante discussion vendredi soir au dîner offert à l’occasion du vernissage de la grande exposition de l’été à Montpellier Frédéric Bazille, la jeunesse de l’Impressionnisme13501970_10153740623067602_129978165241598949_n(Le Musée Fabre à Montpellier).

Le dîner avait été organisé dans la demeure familiale du peintre, le domaine de Méric, vendu dans les années 1990 à la Ville de Montpellier à l’instigation du maire d’alors, Georges Frêche. J’avais la chance d’avoir à ma table l’une des descendantes de la famille Bazille, une vieille dame aussi charmante que cultivée, ainsi que l’un des commissaires de l’exposition, un jeune conservateur du Musée d’Orsay, Paul Perrin.

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Entre les souvenirs de ma voisine qui me racontait ses années d’enfance et d’adolescence dans cette maison et ce domaine situés sur les hauteurs de Montpellier et les bords du Lez, et les spécialistes qui évoquaient les rapports de Bazille avec ses  contemporains, c’était une fête de l’intelligence ! Nous avons cependant tous buté sur la question de savoir pourquoi un jeune homme qui commençait à être comblé, reconnu, en tout cas aimé de sa famille, décida brusquement de partir pour la guerre et le front de l’Est, où la mort l’attendra à Beaune-la-Rolande le 28 novembre 1870, à quelques jours de son 29ème anniversaire. Le mystère demeure.

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(Réunion de famille, l’un des grands tableaux de Frédéric Bazille, peint précisément sur les terrasses du domaine de Méric, et visible dans le cadre de l’exposition du Musée Fabre).

La jeunesse interrompue c’est évidemment le sujet qui met la Grande-Bretagne en colère après le vote de jeudi dernier. On comprend, on partage la révolte de la très grande majorité des jeunes électeurs anglais qui a aujourd’hui le sentiment que leurs aînés leur ont confisqué leur avenir européen. L’onde de choc du Brexit (Refonder l’Europe) n’a pas encore produit tous ses effets, mais il est désormais certain qu’il n’entraîne pas simplement un divorce entre l’Angleterre et l’Europe, mais de sévères divisions au sein du Royaume-Uni et de ses populations.

La jeunesse abrégée, comme celle de Bazille, c’est aussi plusieurs destins de compositeurs, Mendelssohn, Mozart disparus avant leurs 40 ans,  Schubert à 31 ans, Arriaga à 20, Lekeu à 24, ou Pergolese à 26 ans. C’est son chef-d’oeuvre, son Stabat Mater qu’on se réjouit d’entendre demain soir au Théâtre des Champs-Elysées avec les deux belles voix de Sonya Yoncheva et Karine DeshayesOn en reparlera !

Paroles de star

C’est quand même étrange que même ceux qui vivent de et pour la musique classique – je veux dire les organisateurs, les agents, les éditeurs de disques – passent leur temps à s’excuser de leur activité coupable et à courir après ce qu’ils croient être trendy ou hype ou in !

Puisque le public du concert classique est vieillissant, élitiste et conservateur, essayons d’attraper un autre public, plus jeune, plus populaire, avec les bonnes vieilles recettes de la télé, du cross over, de la variété ! Patrick Sébastien présentant la Grande Battle sur France 2 avec Roberto Alagna, œil de braise et voix de stentor, susurrant O sole mio aux ménagères de moins de cinquante ans…ce serait le nec plus ultra du « classique » à la télé non ?

Trève de plaisanterie, partout, dans les maisons d’opéra, dans les orchestres, on est sorti – même si on a mis du temps – de ce faux débat. Je ne voudrais pas qu’on me reproche de l’auto-satisfaction, mais quand je vois ce qui a été fait à Liège depuis plus de dix ans, j’ai plutôt un sentiment de fierté. C’est bien en assumant clairement ce que nous sommes, un orchestre symphonique, dans une salle de concert, en jouant le répertoire – immense – qui est écrit pour nous, que nous avons gagné et continué de gagner de nouveaux publics.

J’en étais là de mes vitupérations, lorsque je suis tombé, un peu par hasard, sur la page 100 du Nouvel Observateur de cette semaine. Une interview, une de plus, de la star des contre-ténors, Philippe Jaroussky…Pas vraiment ma tasse de thé, j’ai toujours eu un problème avec ce type de voix (allô Docteur Freud ?), au mieux je supporte, au pire cela m’insupporte presque physiquement. Mais quand je vois que l’interviewer est Jacques Drillon, je me dis que l’échange entre les deux mérite lecture.

Florilège :

Complexe de supériorité : « Les chanteurs lyriques, à un certain point de leur carrière, font un complexe de supériorité »

Cecilia Bartoli et moi : « Pour le marché du disque classique, il y a un avant, et un après Bartoli…Elle a prouvé qu’on pouvait faire des succès faramineux avec des inédits…En somme, ma carrière est à l’inverse de celle de Cecilia : elle a fait ce qui était connu au début et s’est tournée vers les raretés ensuite, j’ai procédé dans l’autre sens… »

Le modèle Edith Piaf : « Pendant des années, j’ai plus pensé en notes qu’en mots… Depuis cinq ans, je réussis à partir du ressenti du texte, que je retrouve chez Ella Fitzgerald qui ne surarticule jamais ou Edith Piaf : elles pensent tellement ce qu’elles disent que le mot sort comme il faut. Elles ne chantent jamais « amour » de la même manière, tout dépend de la phrase où il est placé »

En lisant cela de la part de Philippe Jaroussky, je pense immanquablement à une chanson de PiafLa foule, où l’auditeur ressent physiquement l’arrachement, la séparation exprimés par l’étirement de ces simples mots  « Emportés par la foule qui nous traîne et nous entraîne.. »

Le contact direct avec la musique : « En musique classique, un artiste est toujours un peu militant. Il doit entraîner les autres, lutter contre les a priori, les clichés. …Rien ne vaut le contact direct : la radio, la télévision, c’est bien, mais entrer dans le bâtiment (l’opéra, la salle de concert), voir de ses yeux la scène, les coulisses… Le spectacle vivant se porte bien, c’est enthousiasmant ».

Renouvellement : « Je n’aime pas ce mot de renouveler (le public). Il ne faut pas dresser une génération contre une autre… Lors d’un débat devant une assistance plutôt du 3e âge, on parlait forcément « renouvellement du public » et je trouvais cela insultant…Privilégier les jeunes, c’est agaçant à la fin. J’ai demandé à ces gens s’ils allaient  à l’opéra ou au concert quand ils avaient 30 ans. Evidemment non. Pas le temps, pas l’argent.. Il faut attendre un peu, attendons-les ! »

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Dernière parution en date, le célèbre Stabat Mater de Pergolese :

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Aussi talentueux et intelligent que soit Philippe Jaroussky – je me reconnais dans pas mal de ses propos – je préfère les voix de femmes, au risque même de l’ambiguïté, dans Pergolese justement, plutôt Nathalie Stutzmann ou Cecilia Bartoli

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