Les chants du voyageur

#RVW 150 (IV) : Songs of Travel

Le sesquicentenaire de Ralph Vaughan Williams – le 12 octobre dernier – étant passé inaperçu en France, comme c’était prévisible, attardons-nous sur des aspects de son oeuvre encore moins connus que les méconnus ! Comme son cycle déjà signalé (Happy 150 Sir Ralph), Songs of Travel.

Ces Chants de voyage sont d’abord des poèmes du grand écrivain écossais Robert Louis Stevenson (1850-1894), l’auteur des célèbres L’ïle au trésor et surtout L’étrange cas du Docteur Jekyll et Mr Hyde.

C’est en 1904 que Ralph Vaughan Williams met en musique les neuf poèmes de ce cycle.

  1. The Vagabond
  2. Let Beauty Awake
  3. The Roadside Fire
  4. Youth and Love
  5. In Dreams
  6. The Infinite Shining Heavens
  7. Whither Must I Wander
  8. Bright is the Ring of Words
  9. I Have Trod the Upward and the Downward Slope

On avoue une préférence pour la version orchestrale de ces Songs (où RVW s’est fait aider par Roy Douglas) Deux disques à signaler qui figurent en bonne place dans ma discothèque :

Le grand baryton Thomas Allen (1944) est accompagné par le jeune Simon Rattle.

Sur Forumopera on avait dit tout le bien qu’on pense de cette version parue il y a deux ans : Les chants d’un voyageur déconfiné.

Le grand voyage

Le testament musical de Lars Vogt, disparu le 5 septembre dernier à 51 ans, c’est le Schwanengesang de Schubert qu’il a enregistré à l’automne 2021 avec Ian Bostridge, et qui nous bouleverse (lire Un chant du cygne)

On a l’habitude, en musique, des adieux déchirants (cf. Abschied du Chant de la Terre de Mahler) et dans la production de Lieder de Schubert il n’en manque pas non plus. Et pourtant dans le cycle Le Chant du cygne / Schwanengesang, l’adieu est étrangement joyeux.

Ade, Du muntre, Du fröhliche Stadt, Ade!

Schon scharret mein Rösslein mit lustigem Fuss; 

Jetzt nimm noch den letzten, den scheidenden Gruss.

Du hast mich wohl niemals noch traurig gesehn, 

So kann es auch jetzt nicht beim Abschied geschehn. 

Ade …

Un disque qui ne plaira pas à tout le monde, mais qui exerce une fascination durable sur ses auditeurs

Le voyage de Shéhérazade

Je me réjouis toujours d’entendre Shéhérazade, le cycle de trois mélodies composé par Ravel sur des poèmes de Tristan Klingsor. C’était le cas la semaine dernière. Impressions mitigées (voir Pâle Shéhérazade).

Les très bonnes versions ne manquent pas au disque. Elles sont souvent le fait de chanteuses non francophones !

Magnifique Marylin Horne au théâtre des Champs-Elysées en 1976 avec Leonard Bernstein et l’Orchestre national de France (et la flûte enchanteresse d’Alain Marion !)

Pour la direction de Pierre Boulez – la plus fidèle à la partition, d’une sensualité si française – mais aussi pour l’incarnation d’Anne Sofie von Otter :

Mais une tendresse infinie pour un couple si souvent entendu en concert : Felicity Lott et Armin Jordan

#RVW 150 (III) : Happy 150 Sir Ralph

Aucune chance que l’événement fasse les gros titres, sauf peut-être au Royaume-Uni. C’est aujourd’hui le sesquicentenaire (le mot chic pour dire 150ème anniversaire !) de Ralph Vaughan Williams, le grand compositeur britannique du XXème siècle, né le 12 octobre 1872 à Down Ampney, ravissant village des Cotswolds dans le Gloucestershire (prononcer : Glôôst-cheure).

EMI avait édité en 2008 (pour le cinquantenaire de la mort de RVW) un coffret généreux de 30 CD. Warner vient de le « rhabiller » et on le conseille tout autant. Tous les détails du coffret ici.

On ne va pas de nouveau se lamenter que, sur le continent, on ignore quasiment l’oeuvre du plus grand symphoniste anglais – neuf symphonies – l’équivalent au XXème siècle d’un Chostakovitch ou d’un Prokofiev (lire Royal Ralph)

Si seulement cet anniversaire pouvait aussi faire connaître un aspect essentiel de l’oeuvre de RVW, le vocal, le choral, qui plongent leurs racines dans la tradition populaire des nations qui forment le Royaume-Uni.

Lors de l’hommage à Lars Vogt, le 4 octobre dernier, Ian Bostridge, accompagné par le violon de Christian Tetzlaff, en avait donné une illustration éloquente – une découverte pour le public de la Philharmonie et les auditeurs de France Musique. Quatre extraits du cycle de mélodies Along the Field.

Il y a tant à aimer et découvrir dans l’œuvre d’un compositeur finalement assez inclassable, à qui les tenants de l’avant-garde autoproclamée ont reproché de se tenir à l’écart des dogmes de la musique contemporaine post-Seconde école de Vienne. On s’aperçoit vite, dans ses œuvres vocales, que les sources populaires ne sont jamais loin. Et c’est ce qu’on aime chez Ralph Vaughan Williams non ?

Dans l’imposante discographie de Leonard Bernstein à New York, il y a « live » cette version à très grand effectif – on croirait la 8ème symphonie de Mahler ! de Serenade to Music.

Et puis, chez Vaughan Williams, comme chez Mahler, il y a ces cycles de mélodies magnifiques, qui puisent dans les sources populaires, ou les imitent. Les Songs of Travel de RVW font évidemment penser aux Lieder eines fahrenden Gesellen

Impossible d’être exhaustif sur Ralph Vaughan Williams en un seul article. On poursuivra d’ailleurs la série.

Souvenir simplement d’une intense émotion à l’écoute de ce qui est peut-être l’un des chefs-d’oeuvre de Vaughan Williams, sa Fantaisie sur un thème de Thomas Tallis. Les seules fois où j’ai pu programmer un peu de RVW à l’Orchestre philharmonique royal de Liège, ce fut grâce à mon ami; l’excellent Paul Daniel, l’un des très grands chefs britanniques de notre temps.dont il faut chérir et rechercher les trop rares disques, notamment une intégrale des symphonies parues chez Naxos

Petits et grands arrangements

Messieurs les Anglais...

A l’occasion d’une critique pour Forumopera (lire Les Chants d’un voyageur déconfiné) j’ai découvert un personnage dont le nom ne m’était pas inconnu – Roy Douglas (1907-2015 !), mais dont je n’avais pas mesuré l’importance dans la vie musicale britannique du XXème siècle.

Roy Douglas c’est celui qui a composé, en 1936, la musique du ballet Les Sylphides à partir de pièces de Chopin. Ballet dont Karajan a gravé, en 1961, avec Berlin, une version définitive.

Mais Douglas – mort à 107 ans ! – a bien d’autres faits d’armes à son actif, comme arrangeur, assistant, et parfois compositeur à la place d’un autre !

Roy Douglas collabore d’abord, dès 1937, avec Richard Addinsell (1904-1977), compositeur de musiques de film, resté célèbre pour son Concerto de Varsovie, une brève oeuvre concertante pour piano et orchestre alla Rachmaninov, écrite pour le film Dangerous Moonlight (1941) de Brian Desmond Hurst qui traite de la lutte des Polonais face à l’envahisseur nazi.

Il semble bien que Roy Douglas – qui est rarement crédité de ce « tube »- soit non seulement l’orchestrateur mais aussi le véritable créateur de cette pièce. On conseille vivement ce disque, pour le fantastique pianiste Philip Fowke, malheureusement peu connu en dehors du Royaume-Uni

Après Addinsell, Roy Douglas va « assister » William Walton (1902-1983) puis Ralph Vaughan Williams (1872-1958), pas moins !

Ainsi c’est Roy Douglas qui va orchestrer six des neufs mélodies du cycle des Songs of Travel que Vaughan Williams a écrits pour voix et piano en 1914, c’est lui qui va mettre en forme, préparer nombre de partitions d’orchestre de RVW qui passait pour être difficile à déchiffrer, et dont les dernières années (Vaughan Williams est mort en 1958) ont été compliquées par des problèmes de santé.

Charles Mackerras et Sullivan

Les « opérettes » de Gilbert et Sullivan sont au Royaume-Uni ce que Johann Strauss et Lehar sont à Vienne ou la Zarzuela à Madrid.

Comme nombre de ses confrères, le grand chef australien Charles Mackerras a réalisé des suites d’orchestres à partir d’ouvrages lyriques. C’est ainsi qu’il produit un prodigieux pot-pourri des thèmes des ouvrages de Sullivan, un feu d’artifice orchestral

Mackerras récidive en 1954 pour un ballet – The Lady and the Fool – composé d’airs peu connus de Verdi.

Un disque à conseiller chaleureusement :

Britten et Rossini

Parmi les « arrangeurs » britanniques de grand luxe, il faut évidemment citer Benjamin Britten qui s’est livré à de petits bijoux d’orchestration d’oeuvres tardives de Rossini, en 1936 les Soirées musicales et en 1941 les Matinées musicales

PS. J’apprends, au moment de boucler ce billet, la disparition de Patrick Dupond, un danseur étoile dont les plus jeunes générations ne peuvent imaginer la star qu’il fut sur les scènes du monde entier. Il faudra revoir ces ballets qu’il illumina de sa grâce et de sa virtuosité.