Soirs de fête

Week-end chargé et heureux, placé sous le signe de la fête.

42nd Street

C’était le spectacle qui avait marqué la fin – triomphale – de l’ère Choplin en novembre 2016 au théâtre du Châtelet : la comédie musicale 42nd Street.

La même production est reprise pendant ces fêtes sur la même scène. Je l’ai revue jeudi dernier et j’en ai écrit tout le bien que j’en pense sur Forumopera : Plein la vue sur Broadway.

Un spectacle indispensable et irrésistible !

Sombre Starmania

On avait beaucoup parlé dans les médias de la reprise de Starmania, l »opéra-rock » de Michel Berger et Luc Plamondon, dans la nouvelle mise en scène de Thomas Jolly. On est donc retourné à la Seine Musicale là où, une semaine plus tôt, on avait assisté à un concert plutôt décevant (lire Du magique au banal), mais cette fois dans la « Grande Seine », voir ce Starmania 2022. En attendais-je trop ? Sans doute.

D’abord – signe que j’ai vieilli ! – je ne supporte plus l’outrance des décibels, comme si les publics modernes n’étaient. composés que de sourds, ensuite – et c’est ce qui m’a heurté, déçu, la violence, la noirceur extrêmes des premiers tableaux : dans la séquence « Quand on arrive en ville » on voit des hordes armées de Kalachnikov littéralement massacrer ceux qui se trouvent sur leur passage. Je me demande ce que les enfants présents dans la salle ont pu garder comme impression de ces images atroces. Et puis l’ordre des séquences a été chamboulé par rapport aux premières versions de Starmania, et à part le très émouvant Alex Montembault qui joue le rôle de Marie-Jeanne et chante « Ziggy » je n’ai pas vraiment accroché aux autres interprètes. Il ne faut jamais avoir trop de souvenirs (Fabienne Thibeault, Maurane…)

Encore jeunes à 40 ans

Dimanche c’était, dans la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris, le concert anniversaire des 40 ans de l’Orchestre français des jeunes. Je n’avais pas entendu cette formation, par définition changeante (puisque les membres en sont recrutés/renouvelés chaque année) depuis six ans et un concert mémorable (lire Les jeunes Français sont musiciens).

On était en terrain de connaissance question chef, puisque c’est le cher Michael Schønwandt qui a repris la direction musicale de l’OFJ l’an dernier. On s’attendait à entendre Adèle Charvet annoncée dans le Poème de l’amour et de la mer de Chausson, et ce fut finalement Marie-Laure Garnier qui la remplaça au pied levé… et avec panache !

Pour le reste, lire mon compte-rendu ici : Un fringant OFJ fête ses 40 ans à la Philharmonie de Paris (Bachtrack.com)

La relève

Quinzaine plombante, les disparitions de deux géants Bernard Haitink et Nelson Freire n’ont pas fini de nous remuer.

Pour en sortir, j’ai repéré dans ma DVD-thèque deux visions extrêmement réjouissantes de la relève des générations montantes de musiciens. Des DVD regardés distraitement naguère, qui sont le meilleur remède à la mélancolie ambiante.

Les jeunes Vénézuéliens à Salzbourg

D’abord ce concert de 2013 au festival de Salzbourg, avec l’orchestre et les choeurs des jeunes Vénézuéliens du Sistema.

Je veux d’abord penser à ce pays magnifique, le Vénézuéla, qui nous a donné tant de musiciens de premier plan, plongé depuis des années dans un chaos politique et économique effrayant (lire Le malheur du Venezuela).

Je n’ai pas pu décrocher une seconde de ce fabuleux moment. Toutes les références qu’on peut avoir par exemple de la Première symphonie de Mahler tombent devant l’extraordinaire engagement de ces fiers musiciens.

Evidemment on les attendait dans leurs tubes, comme cet irrésistible Mambo de West side story de Bernstein

Boulez et l’Académie de Lucerne

Autre document retrouvé dans un coffret d’hommage à Pierre Boulez :

A vrai dire, je n’avais pas repéré dans ce coffret mêlant concerts et documentaires, un film passionnant réalisé durant l’été 2008 à Lucerne Inheriting the future of music

Or j’avais assisté à une partie de cette formidable aventure qui avait rassemblé jeunes musiciens et jeunes compositeurs autour de la figure tutélaire et si bienveillante de Pierre Boulez :

« En septembre 2008 je me rendis à Lucerne, où il animait cette phénoménale Académie d’été autant pour les jeunes musiciens que pour les compositeurs. Je lui avais demandé de m’accorder quelques instants, il m’accueillit durant tout un après-midi dans la modeste chambre qu’il occupait dans un hôtel un peu old fashioned sur les bords du Lac des Quatre-Cantons, très exactement en face de la villa de Tribschen où Wagner avait coulé quelques mois heureux (et composé notamment sa Siegfried-Idyll). Aucune fatigue chez cet homme de 83 ans qui dirigeait le soir même un programme colossal » (6 janvier 2016)

On verra dans ce documentaire un jeune homme de 83 ans, qui ne paraît jamais gagné par la fatigue ou la lassitude. On y verra aussi les figures de chefs aujourd’hui établis – Pablo Heras Casado – de compositeurs admirés, le doyen Peter Eötvös et le fringant quadragénaire Ondrej Adamek.

Intéressant aussi de comprendre l’évolution de la musique contemporaine : ainsi on voit le travail des jeunes chefs et de leurs mentors autour d’une oeuvre emblématique de la musique du XXème siècle, Gruppen de Stockhausen, pour trois orchestres symphoniques, créée en 1958 à Cologne sous la triple direction du compositeur, de Bruno Maderna et de… Pierre Boulez.

Quelques semaines après ma rencontre à Lucerne avec Pierre Boulez, l’Orchestre philharmonique royal de Liège et son chef d’alors, Pascal Rophé, avaient ouvert le festival Musica de Strasbourg, avec Gruppen (les trois chefs requis étaient Pascal Rophé bien sûr, Jean Deroyer – qu’on aperçoit dans le documentaire ! – et Lukas Vis). Je comprends que l’oeuvre fascine les chefs qui la travaillent et qui ensuite la dirigent. L’extraordinaire complexité de l’oeuvre n’en débouche pas moins, pour moi, sur une caricature de ce que la « musique contemporaine » pouvait représenter de plus intimidant, repoussant même, pour le public. Tout ça pour ça, ai-je envie de dire !

De ce concert strasbourgeois, j’ai beaucoup plus retenu – et le public aussi ! – la création de Vertigo, une oeuvre concertante pour deux pianos et orchestre, de celui qui aurait eu 40 ans cette année, le surdoué Christophe Bertrand, qui s’est donné la mort à 29 ans le 10 septembre 2010…

L’humanité de Juan Diego

Que c’est bon de lire des propos aussi pertinents, aussi intelligents que ceux que l’illustre ténor péruvien Juan Diego Florez a livrés dans le long entretien que Vincent Agrech publie dans le numéro d’avril de Diapason !

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Toute la première partie de l’entretien est consacrée au fantastique travail que Florez fait dans son pays natal, où il a repris et développé le fameux Sistema, né au Venezuela en 1975 à l’initiative de José Antonio AbreuEt il faut lire tout cela.

Mais lorsque le chanteur répond au journaliste de Diapason sur sa carrière, l’opéra, la vie musicale, c’est tout sauf de la langue de bois !

Je suis plus inquiet du renouvellement du public. Voyez les difficultés qu’a le Met à remplir, et ces parterres de cheveux blancs dans les pays germaniques.

Dans toutes les villes, les jeunes devraient pouvoir aller à l’opéra pour 10 € !

Question : Outre les coûts fixes des théâtres… le cachet des stars de votre catégorie n’aide pas !

J.D.F. A votre avis, c’est vraiment ça, le problème économique de l’opéra ? Prenez le budget d’une production. Quelle part va aux chanteurs d’un côté, et de l’autre aux décors, costumes et droits de mise en scène, pour bien souvent… pondre une merde, pardon ! Des spectacles qu’on voit courir vers le précipice dès les premières répétitions, contre lesquels ni les solistes, ni l’équipe de la maison n’osent se révolter, et qu’on remisera en silence après quelques représentations.

Question : … Les directeurs de théâtre vous diront qu’ils renouvellent et rajeunissent grâce à eux le public.

J.DF. Mauvais calcul et je serais curieux de voir des chiffres à l’appui. Vous n’imaginez pas le nombre de gens qui me disent avoir ri ou pleuré après une version de concert, alors qu’ils venaient entendre un opéra pour la première fois. Le théâtre est dans la musique. On peut faire des spectacles extraordinairement vivants avec très peu de moyens, des décors et des costumes tout simples. Et du bon sens, le respect de l’oeuvre, une écoute de ce que le chef et les chanteurs, qui la connaissent, ont à en dire.

La déconnexion entre le tout petit monde de la musique entre professionnels et la vraie vie des gens finira par nous tuer, alors même que nous détenons les clés de ce qui peut transformer l’humanité. La diffusion et l’éducation ont beau avoir chacune leur logique, elles doivent se rencontrer, se régénérer mutuellement. Je me suis juré qu’un jour, les enfants des bidonvilles de Lima joueraient côte à côte avec les musiciens du Philharmonique de Vienne au Musikverein. Et je le ferai ! (Juan Diego Florez, in Diapason avril 2019)

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